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1 novembre 2016 2 01 /11 /novembre /2016 17:19
Pour la gauche, est-ce enfin le bon moment ?

Face aux gros partis de gauche en très mauvais état, quel que soit le jugement qu’on porte sur leur ligne politique, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Les Verts, le Front de gauche (FdG) ont pensé, chacun à son tour, que le moment était venu de prendre une initiative pour se développer. Avec le même insuccès. C’est, aujourd’hui, le cas de la France insoumise et de Jean-Luc Mélenchon.

Les résultats électoraux du Parti communiste (PC) se détériorent depuis 1978. Cette baisse continue s’est accentuée avec la victoire de François Mitterrand et la disparition de l’Union soviétique. Le PC n’incarne plus l’espoir de classes populaires.
Quant au Parti socialiste (PS), en cette fin du quinquennat de François Hollande, il est dans un désarroi pire que celui qui a suivi le passage au pouvoir de Guy Mollet : sans ligne politique, sans candidat naturel, ni légitime qui fasse une relative unité dans ses rangs et avance des propositions pour l’avenir du pays.
De ce relatif vide politique est née l’idée qu’il existe un espace à coté ou à la place des partis traditionnels.

Le moment LCR
La décadence électorale du PC peut se lire aussi bien au niveau du résultat des présidentielles que des législatives. La baisse du nombre de députés et de mairies est moins importante que celle du nombre de voix par suite de la persistance de quelques isolats, plus forts, et d’accords électoraux.

Tableau 1 : Pourcentage des suffrages exprimés obtenus par le PC aux élections présidentielles

1981

1988

1995

2002

2007

15,35

6,76

8,64

3,37

1,93

Tableau 2 : Pourcentage des suffrages exprimés et nombre de députés obtenus par le PC aux élections législatives

 

1978

1981

1986

1988

1993

1997

2002

2007

2012

Voix en %

20,61

16,17

9,78

11,32

9,30

9,92

4,82

4,29

6,91

Nb députés

86

44

35

27

24

35

21

15

7

Le relatif succès du candidat de la LCR, Olivier Besancenot, à deux présidentielles successives 1 210 562 voix soit 4,25 % des suffrages exprimés en 2002 et 1 498 541 voix soit 4,08 % en 2007, a fait du parti trotskyste le deuxième parti de gauche quand le PC, avec Marie-George Buffet, s’effondrait à 1,93 % ainsi que Lutte ouvrière (LO), l’autre parti trotskyste, avec Arlette Laguiller à 1,33% en 2007 contre 5,72 % en 2002.
La LCR décide alors de se dissoudre, de s’ouvrir en créant le Nouveau parti anticapitaliste  (NPA). Lors de sa création en février 2009, il compte 9 123 cartes, soit près de 3 fois les effectifs de la LCR.

Si les résultats des élections européennes de 2009, 840 713 voix, soit 4,88 %, malgré l’absence d’élu, sont dans le prolongement de ceux des présidentielles de 2002 et de 2007, ils ne constituent pas la percée espérée. Les élections suivantes vont signer l’échec de l’ouverture : 3,4 % lors des régionales de 2010 et 1,15 % à la présidentielle de 2012 (Philippe Poutou remplaçant Olivier Besancenot). Et lors des élections européennes de 2014, le NPA ne dépasse pas 1 %.
Échec confirmé, au niveau de l’organisation, le nombre d’adhérents du NPA, lors du congrès de 2013, 4 ans après sa création, tombe à 2 500.

Pour la gauche, est-ce enfin le bon moment ?

La poussée électorale de la LCR, avec la candidature d’Olivier Besancenot a précédé la tentative de mutation mais n’a pas eu de suite. LO a connu une poussée identique lors des élections présidentielles de 1995, 5,30 % et 5,72 % en 2002 avec Arlette Laguiller et le même retour à la normale en 2007 avec 1,33 %.
Ces bons résultats de LO d’abord, de la LCR ensuite tiennent probablement plus à la personnalité d’Arlette Laguiller et d’Olivier Besancenot qu’à leur programme bien que, en 2002, leurs résultats associés atteignent presque 10 %.

La tentative de mutation du NPA, nature et pratique, élargissement et transformation, verdissement de la ligne rouge révolutionnaire/anticapitaliste, n’a porté ses fruits ni au niveau électoral, ni au niveau militant. Il n’a pas réussi sa percée comme meilleur et nouveau parti révolutionnaire d’opposition.

Le Moment Les Verts

Presque en même temps, une autre partie est en cours chez Les Verts, après les élections municipales de 2008, pour élargir leur audience. Daniel Cohn-Bendit propose de constituer des listes ouvertes Europe-Écologie pour rassembler largement les écologistes aux élections européennes de 2009. Elles obtiennent des résultats remarquables, 2 803 759 voix soit 16,3 %, arrivant en troisième position, juste derrière le PS (2 838 160 voix et 16,48 %). Et devant dans l’Île de France. Avec 13 députés européens pour Europe-Écologie, 14 pour le PS, 3 pour le PC et 1 pour le Parti de gauche (PG).
Aux régionales de 2010, Europe Écologie récolte, au 1er tour, 2 372 379 voix soit 12,2 % des suffrages exprimés.

En novembre 2010, Les Verts disparaissent pour donner naissance à Europe-Écologie-Les-Verts (EELV) qui regroupe les Verts et tout ceux qui veulent participer à l’aventure sans adhérer aux Verts. Mais dés le départ des tensions, entre les anciens Verts et la « coopérative », regroupant les nouveaux adhérents, montrent que la fusion n’a pas eu véritablement lieu entre les anciens et les nouveaux.

Aux élections européennes de 2014, EELV n’obtient que 8,95 % des voix, au lieu de 16,28 en 2009 et seulement 6 députés. Mais, il est vrai, Daniel Cohn-Bendit qui portait Europe Écologie en 2009, s’est déjà éloigné.

Comme pour le NPA, le plus grand succès de EELV, élections européennes de 2009, précède sa création, officialisée en 2010. Lors de l’élection présidentielle de 2012, après une primaire qui l’a élue comme candidate, Eva Joly n’obtient que 2,31 % (828 345) des voix au premier tour, supérieur au score de Dominique Voynet en 2007 (576 666 voix soit 1,57%) mais nettement inférieur aux espérances et au projet d’EELV.

Cependant, grâce au PS, EELV fait élire 10 sénateurs en 2011 et 17 députés avec le soutien du PS dans une soixantaine de circonscriptions aux législatives de 2012. EELV obtient ainsi un groupe parlementaire au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Victoire à la Pyrrhus ? Car, désormais, EELV est engagé dans un partenariat conflictuel avec le gouvernement qui va entraîner des remous et l’affaiblir : participation au gouvernement dans un premier temps (2012-2014), refus de participation dans un second (avril 2014, gouvernement Valls), dissidence de parlementaires et de la secrétaire nationale qui entrent au gouvernement…

Proportionnellement au nombre d’adhérents, EELV est, probablement, le parti qui a fourni le plus de ministres durant le quinquennat. Pour un parti qui voulait faire de la politique autrement... Ces variations serpentines ne donnent satisfaction ni aux partisans d’une totale autonomie vis à vis du du PS, ni à ceux qui veulent un alignement sur celui-ci et participer au gouvernement. D’où fuite des adhérents, démission de parlementaires et de certaines personnalités...

Si les effectifs de EELV varient suivant les interlocuteurs de 3 000 adhérents d’après Emmanuelle Cosse, ancienne secrétaire nationale, à 8 000 selon Sandrine Rousseau, porte-parole, contre 16 000 en 2010... la comparaison du nombre de participants au premier tour des primaires en 2011 et en 2016, ouverte aux sympathisants, permet de se faire une idée du rayonnement de l’organisation.

Pour la gauche, est-ce enfin le bon moment ?

Sur le tableau 3, on peut de voir que le nombre d’inscrits et de participants a diminué de moitié entre ces deux dates. Certes, le duel Eva Joly-Nicolas Hulot constituait une affiche incitant plus à la participation que la compétition entre Cécile Duflot, seule candidate de la primaire à être connue nationalement du fait de ses anciennes fonctions à EELV et au gouvernement et 3 concurrents aussi peu connus, en dehors des militants, que les députés européens en France, quelles que soient leurs qualités. Ce que confirme le pourcentage des suffrages favorables aux 2 candidats arrivés en tête : 90 % en 2011, 66 % en 2016.

Tableau 3 : Résultats de la primaire organisée par les Verts en vue de la présidentielle en 2011 et 2016.

2011

2016

Candidats

Voix

%

Candidats

Voix

%

Eva Joly

12 571

49,74

Yannick Jadot

4 395

35,61

Nicolas Hulot

10 163

40,22

Michèle Rivasi

3 723

30,16

Henri Stoll

1 269

5,02

Cécile Duflot

3 013

24,41

Stèp. Lhomme

1 172

4,64

Karima Dellii

1 212

9,82

Inscrits

32 896

100

Inscrits

17 146

100,00

Participation

25 437

77,33

Participation

12 582

73,38

Exprimés

25 274

99,36

Exprimés

12 343

98,10

Les résultats de cette primaire permettent de dire que la candidate considérée par beaucoup comme la plus légitime, certains pensaient qu’elle serait élue au premier tour, a été rejetée par plus de 75 % des suffrages exprimés. Qu’il faudra beaucoup de talents au candidat ou à la candidate de EELV pour se faire entendre lors de l’élection présidentielle. Que le rêve d’un élargissement a échoué au moment où l’écologie est, plus que jamais après les accords de Paris, sur la place publique et dans l’esprit de tout un chacun.

Le Moment FdG

Le NPA voulait devenir un parti révolutionnaire qui compte, comme le PCF à une certaine époque. EELV voulait entrer dans la cour des partis à vocation gouvernementale dépassant le stade du strapontin. Le FdG avait une autre ambition devenir la première force à gauche.
La méthode est aussi différente. La LCR voulait une croissance sous contrôle, pour se dépasser : la LCR en plus grand. EELV a été impulsé par une forte personnalité qui était plus à l’extérieur que dans le parti des Verts et qui voulait modifier à la fois sa ligne et son fonctionnement. Qui était plus imaginatif que structurant.

Le FdG était un cartel électoral pour les élections européennes de 2009, au départ… Il regroupe plusieurs organisations dont la principale est le PC et son réseau national de militants et d’élus, le Parti de gauche (PG) et la Gauche unitaire (GU). Puis la Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE), République et socialisme, Parti communiste des ouvriers de France, Gauche anticapitaliste et Convergence et Alternative, venues du NPA, et Alternatifs.

Le FdG obtient des résultats variables suivant les élections mais loin de son ambition : 6,47 % et 5 élus aux européennes de 2009 (3 PC dont 2 sortants, 1 PG, Jean-Luc Mélenchon, 1 élue de la société civile) ; 5,84 % aux régionales de 2010 ; 10,38 % aux cantonales de 2011 : 6,91 % et 10 élus (7 PC, 2 FASE, 1 PG) aux législatives de 2012.

Ce qui fait date, c’est le résultat de l’élection présidentielle de 2012 où le candidat du FdG, Jean-Luc Mélenchon, obtient 11,11 % des suffrages soit 3 985 298 voix, et se classe en quatrième position. Pour la première fois, depuis l'élection présidentielle de 1981 et les 15,35 % de Georges Marchais (PC), un candidat à la gauche du PS franchit la barre des 10 %. Ce succès n’a pas de suite lors des élections suivantes : 6,61 % et 4 élus aux européennes de 2014 et aucune liste n’obtient 3 % lors des régionales de 2015.

Ces résultats exacerbent les désaccords entre le PC qui cherche des alliances larges, surtout en direction du PS pour s’assurer l’élection ou la réélection d’élus locaux, et une ligne autonome en opposition avec le PS. C’était déjà visible aux régionales, cela devient évident pour les municipales de 2014 où les alliances sont différentes suivant les villes, en fonction des intérêts locaux, enlevant toute cohérence à une ligne FdG.

Pour la gauche, est-ce enfin le bon moment ?

Le Moment La France Insoumise

La présidentielle approche. Les primaires de la droite et du centre, de EELV, du PS occupent l’espace médiatique. Le PS est un champ de ruines en plein désarroi. A bout de souffle. Va-t-il continuer, faisant les fonds de tiroir à chercher un candidat ou une candidate expiatoire ayant le courage d’assumer toute la misère du PS. Et son enterrement pour un bout de temps. Ou l’urne magique de la primaire livrera-t-elle un candidat ou une candidate capable de tracer un nouveau projet et faisant l’unité de toutes les écuries du PS ? Le PC est-il prêt à une alliance avec le PS, quelle que soit son orientation, pour assurer la survie difficile de quelques mairies et sièges parlementaires ?

Constatant la mort de fait du FdG, Jean-Luc Mélenchon quitte la direction du PG, confirme, en février 2016, sa candidature à la présidentielle en dehors de tout parti et lance le mouvement citoyen la France insoumise.

Le but de la France insoumise et de Jean-Luc Mélenchon, à l’évidence, n’est pas de renforcer un parti. Puisque c’est une initiative individuelle, sans base partidaire même si le PG et quelques petits partis de gauche apportent immédiatement leur soutien. Jean-Luc Mélenchon place la barre très haut. Il veut, par cette candidature gaullienne, au delà des partis, être qualifié au premier tour et ensuite élu à la présidence.

La France insoumise réunit toutes les personnes qui soutiennent la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Elles doivent, à partir de L’Humain d’abord, programme électoral du FdG de 2012, élaborer le programme de 2017, L’Avenir en commun : partage des richesses, planification écologique, sortie des traités européens et... du nucléairePlus de 3000 amendements ont été proposés par internet...
Une nouvelle étape a été franchie avec la réunion de la Convention, à Lille, avec un millier de participants dont 650 ont été désignés par tirage au sort, à parité, à partir de volontaires, parmi les 130.000 soutiens à la candidature. Les autres sont des syndicalistes, militants écologistes et sociaux et des membres de mouvements politiques.

La démarche de Jean-Luc Mélenchon est par certains cotés paradoxale : utiliser la monarchie constitutionnelle de la V° République pour passer à la Constitution de la 6°, s’engager dans une campagne hors des partis quand on a été militant pendant des décennies dans un parti…

Mais le moment France insoumise est bien différent des moments précédents. Quant aux méthodes, avec la participation des soutiens à la candidature, tirés au sort pour participer directement à la Convention, quant au programme qui a progressé en faisant de l’écologie une question centrale, quant à l’utilisation des moyens informatiques pour suivre la Conventions en direct... .

Reste à savoir si la France insoumise arrivera à déclencher une véritable révolution citoyenne, permettra à Jean-Luc Mélenchon de collecter les 500 signatures nécessaires pour se présenter à la présidentielle, les conflits avec le PC ne faciliteront pas les choses. Il a été dit récemment qu’il en avait 270. Il doit tripler le nombre de voix du premier tour de 2012 pour participer au second tour et bien plus pour être élu...
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que si, la présidentielle est la mère de toutes les élections, les législatives auront lieu peu après. La France insoumise doit se préparer, dès aujourd’hui, à présenter des candidats (choisis par tirage au sort ?) dans toutes les circonscriptions pour organiser le soutien au nouvel élu en cas de victoire ou la résistance en cas de défaite.

Le moment La France insoumise est en cours, pour aboutir, il lui faut susciter une véritable révolution citoyenne !

Pour la gauche, est-ce enfin le bon moment ?
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