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19 janvier 2011 3 19 /01 /janvier /2011 08:02

 

Article publié, sans les commentaires, dans le bulletin de Comité citoyen pour une Europe solidaire

 

L'appétence des dirigeants politiques pour la consultation directe des peuples est bien connue. Les péripéties autour de l'adoption du projet de traité constitutionnel en ont fait la démonstration.

Curieusement, le traité de Lisbonne et la révision constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy institutionnalisent, simultanément, la possibilité de référendum au niveau européen et au niveau national.

FRANCE

EUROPE

Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23/07/08

22/12/10 : projet de loi organique présenté en Conseil des ministres.

 

"Initiative populaire" : Proposition de loi, présentée par au moins un cinquième des parlementaires soit 184 et soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales soit 4,5 millions.

 

Le Conseil constitutionnel (CC) valide la proposition :

Si elle s'inscrit dans le champ de l'article 11 de la Constitution :
- organisation des pouvoirs publics,
- réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale et aux services publics,
- autorisation de ratifier un traité.

Si elle
- n'a pas pour objet d'abroger une disposition législative promulguée depuis moins d'un an,
- ne reprend pas un sujet rejeté par référendum dans les 2 années précédentes.

Le CC a un mois pour statuer.

Le recueil des soutiens peut commencer dans un délai de 2 mois. Il ne peut avoir lieu dans les 6 mois qui précèdent l'élection présidentielle.

 

La collecte des signatures par voie électronique mise en place dans les communes ne doit pas durer plus de 3 mois,.

Le CC statue sur la recevabilité.


La proposition de loi est soumise au moins à une lecture dans chaque chambre dans un délai de 1 an.

Si cette obligation n'est pas respectée, le président soumet la proposition à référendum dans un délai de 4 mois.

 

Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 23/12/10 : http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/art11_Constitution_pl.asp

Traité de Lisbonne signé le 13/12/07.
15/12/10 : engagement de la Commission européenne (CE) sur le texte amendé et adopté par le Parlement européen (PE).

Initiative citoyenne : Comité d'initiative d'au moins 7 citoyens résidant dans au moins 7 États membres différents. Doit obtenir le soutien d'un million de citoyens répartis dans au moins un tiers des États membres (soit 9). Le nombre de signataires devra être « significatif » au sein de chaque pays. Soit pour la France un minimum de 55 500 signatures.

 

Sitôt 300 000 signatures recueillies à travers trois pays, la CE vérifie que l’objet de l’initiative est "recevable" et n'est pas "contraire aux valeurs de l’Europe".

L'initiative s'adresse directement à la CE, pour lui demander de soumettre une proposition d'acte juridique aux fins de l'application des traités.

 

Les signatures pourront être recueillies dans la rue, en ligne ou par courrier mais sécurisées. La collecte ne doit pas durer plus d’un an.
 

 

L’initiative enregistrée, déclarée recevable et les signatures vérifiées, la CE aura quatre mois pour se prononcer sur le fond, en motivant sa réponse :
- soit l’initiative sera rejetée ;
- soit elle commandera une étude pour « approfondir la question » ;
- soit elle acceptera de légiférer.

 

Résolution législative du Parlement européen du 15 décembre 2010 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'initiative citoyenne

(COM(2010)0119 – C7-0089/2010 – 2010/0074(COD))

 

 

NB : L'initiative qualifiée de populaire est, en fait, une initiative parlementaire bien bordée. Une simple lecture dans les deux assemblées suffit pour éviter le référendum malgré 4,5 millions de signatures.

La comparaison des deux initiatives permet de penser que la France n'a pas été un moteur au niveau européen.

 

COMMENTAIRES

 

Cette volonté d'instituer des possibilités de référendum est étonnante et bienvenue. Alors que le projet de traité constitutionnel de 2005 a été rejeté par référendum et que le traité de Lisbonne chargé de le remplacer a été adopté en écartant toute consultation populaire, voici deux propositions, ouvrant la possibilité de référendums, adoptées l'une par le traité de Lisbonne au niveau européen, l'autre dans le cadre des réformes constitutionnelles française de 2008.

 

Le référendum d'initiative "populaire" est le dernier point de la réforme constitutionnelle, voulue par Nicolas Sarkozy, à avoir été présenté en Conseil des ministres au mois de décembre. Il reste encore à faire adopter cette proposition de loi avant que la réforme puisse être applicable.

 

Tenant compte des différents délais prévus par la proposition de loi, environ 1 an, il est peu probable que la première application du référendum d'initiative "populaire" ait lieu avant 2013.


La rapidité de mise en place des dispositions nécessaires à son application et la comparaison des deux initiatives permet de penser que la France n'a pas été un moteur au niveau européen.

 

REMARQUES COMPARATIVES

  • Bien que toutes les dispositions ne soient pas encore prises, le délai entre la décision constitutionnelle et l'applicabilité de la teneur de la réforme ne semble pas extraordinairement différent dans les deux situations bien que l'initiative européenne intéresse 27 États.

  • - L'initiative européenne revient réellement aux citoyens : 7 citoyens de 7 États différents. L'innovation française est surtout sémantique.
    L'intitulé de la réforme française est prétentieux et totalement inexact. En fait "d'initiative populaire", il s'agit d'une initiative parlementaire, bien encadrée. Elle nécessite 184 parlementaires qui doivent rallier 4,5 millions de citoyens.
    Au delà de l'usage que pourra en faire dans certaines circonstances la majorité, elle peut servir à l'opposition (essentiellement au parti majoritaire de l'opposition) pour mobiliser sur une proposition qu'elle pense soutenue par une partie importante de la population.
    Son utilisation aurait probablement été impossible au moment de la réforme des retraites, une proposition de loi contradictoire était déposée par le gouvernement. La loi votée, elle ne peut plus être utilisée avant deux ans.

  • - L'objet de l'initiative est limité par le texte législatif dans les deux cas, sous le contrôle
    - du
    CC au niveau national avec référence à l'article 11 de la Constitution
    - de la
    CE "gardienne des traités" au niveau européen avec référence aux valeurs de l'Europe qui ne sont pas précisées.
    Le rôle de la CE est double, elle est chargée de dire si la question est
    "recevable" et si les conditions d'application sont réunies. Elle doit aussi répondre en tant que "pouvoir législatif" à la demande de législation du référendum.

  • - Le nombre de citoyens nécessaires pour que l'initiative soit recevable est bien moindre au niveau européen qu'au niveau national : 1 million pour l'ensemble de l'UE dans au moins 9 États avec un nombre significatif dans ces États soit 55 500 pour la France.
    Le référendum national est, réellement, populaire non au niveau de l'initiative qui est réservée aux parlementaires mais au niveau des exigences de recevabilité. C'est une initiative parlementaire qui doit prouver son soutien populaire. : 4,5 millions de personnes. En
    Italie, les lois en vigueur peuvent être abrogées par un référendum demandé par 500.000 électeurs.

  • - Les soutiens devront être réunis plus rapidement au niveau national (4,5 millions en 3 mois) qu'au niveau européen (1 million en 1 an).

  • - Même après le succès populaire nécessaire pour être recevable, le référendum n'est pas obligatoire. Des limites sont clairement affichées.

  •  
    • Dans le cas de l'initiative parlementaire, le président de la République devra soumettre la proposition à référendum, seulement si la proposition de loi n'est pas soumise à une lecture par les deux assemblées dans le délai d'un an.

    • Pour le référendum d'initiative citoyenne, c'est la CE qui décidera de la rejeter, de demander une étude ou de rédiger un texte législatif.
      Sa décision devra être motivée.

REMARQUES GENERALES

  • La possibilité d'une initiative législative, citoyenne ou parlementaire-populaire, est présentée comme une importante avancée démocratique. C'est, certes, une avancée mais bien limitée. Cela ne bouleversera pas la démocratie représentative réellement existante.

  • Il est inutile de rappeler combien la composition sociale des assemblées est éloignée de la composition de la population nationale, y compris dans le rapport femmes-hommes, malgré une loi sur la parité.

  • En France, le référendum, national ou européen, ne bouleverse pas l'organisation du pouvoir législatif. Il ouvre une nouvelle possibilité de référendum qui sera très probablement exceptionnelle.

  • Certains pensent que soumettre une question complexe à référendum est un non sens, tous les électeurs n'étant pas aptes à comprendre la subtilité des textes et de la question posée.
    C'est un vrai défi à la démocratie qui ne surgit pas seulement quand il s'agit de référendum. La consultation est alors limitée à une seule question qui peut être largement débattue pendant des mois. Précédée d'une large mobilisation pour le recueil des signatures.
    Lors d'une élection, c'est l'ensemble des questions politiques qu'il faut confier à une personne.

  • Le référendum peut être utilisé par un groupe de personnes pour des intérêts particuliers avec l'appui de moyens importants. Mais les questions sont publiquement débattues. Alors que les groupes de pression font le siège des parlementaires, des ministres, des comités d'experts (voir les récents conflits d'intérêt) dans l'opacité la plus complète.

  • Avec ou sans référendum, les médias sont aux mains du gouvernement et/ou de l'argent. Il va de soi que la démocratie suppose la pluralité des médias. Peut-être serait-il judicieux de susciter un référendum pour les arracher à ces puissances et en assurer l'indépendance et la diversité.

  • La multiplication des filtres mis en place assurent, au delà du nécessaire, que la procédure des référendums ne sera pas galvaudée : sujets constitutionnellement limités, difficulté à réunir le nombre de citoyens nécessaire...

  • A une époque où la participation des citoyens aux élections a tendance à diminuer, il faut noter que les deux référendums sur l'UE, traité de Maastricht et projet de traité constitutionnel, ont entraîné un forte mobilisation et participation des citoyens.

En démocratie, le souverain, c'est le peuple. Tout le monde est théoriquement d'accord. Mais tout le monde s'ingénie à ne lui accorder qu'un pouvoir limité. Les réformes proposées ne sont pas à la hauteur des théories : démocratie active, citoyenne, directe, participative... Dans la pratique, tout est fait pour que le pouvoir ne change pas de main.

 

Le référendum d'initiative citoyenne ou d'initiative parlementaire et populaire s'ajoute à la possibilité existante de référendum par utilisation de l'article 11 de la Constitution de la Vième République qui permet au président de la République, sur proposition du gouvernement ou du Parlement, de décider la tenue du référendum.

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