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13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 16:56
Les primaires étasuniennes touchent à leur fin. Le candidat républicain est connu depuis longtemps. Il devient maintenant de plus en plus probable que Barack Obama sera le candidat démocrate. Ces longues (et chères) primaires ne permettent pas de se faire une idée très précise du programme des candidats mais, suivant une phrase attribuée à Charles Pasqua, les promesses, les programmes n'engagent que ceux qui y croient...

Ces primaires n'en sont pas moins intéressantes. Les femmes ont le droit de vote depuis 1919. Ce n'est qu'en 1964 que la loi instaure le suffrage universel pour les Noirs. Jusque là, dans la plupart des Etats du Sud, les Noirs devaient prouver l'ancienneté de leur appartenance à la nation américaine et être capables de commenter la Constitution de 1787. Malgré ce retard pour le droit de vote, il est possible que le premier candidat noir à la présidence précède la première femme candidate.

Barack Obama est-il un Noir candidat ou un candidat noir (à la candidature) à la présidence ? En fait, Barak Obama n'est pas noir mais métis. Mais aux Etats-Unis, et pas seulement aux Etats-Unis, il suffit d'avoir une "goutte de sang noir" pour être considéré comme noir, aussi bien par les Noirs que par les Blancs. Mais les choses se compliquent parce que Barack Obama est né aux Etats-Unis (sinon il ne pourrait être candidat à la présidence) d'un père d'origine kenyane. Il appartient donc à la catégorie des descendants d'immigrants et rejoint ainsi le "mythe américain" : descendant d'immigré et melting pot. "Je suis le fils d'un noir du Kenya et d'une blanche du Kansas".  Il n'appartient donc pas aux Noirs américains descendants d'esclaves mais a "épousé une Noire américaine qui porte en elle le sang des esclaves et de leurs maîtres".

C'est sur le "mythe américain" que Barack Obama s'appuie dans sa campagne. Barak Obama ne s'est pas enfermé,  et  a su ne pas se laisser enfermer,  dans le "vote noir" qui ne pouvait que le marginaliser. Il est loin du "Balck power". De façon plus subtile, Barack Obama s'appuie sur les cotés consensuels de Martin Luther King (celui de "j'ai fait un rêve") et gomme les prises de positions antérieures du pasteur dénonçant les 3 tares fondamentales des Etats-Unis, le génocide, le racisme et le capitalisme dont il est nécessaire qu'ils se débarrassent.

Quand on veut lui faire endosser les propos de Jeremiah Wright, il prononce un mémorable discours à Philadelphie où a eu lieu la Grande Convention  qui a proclamé en 1787 la Constitution des Etats-Unis , toujours en vigueur. Et ce discours reprend les grands thèmes du "mythe américain". Les Etats-Unis ne sont pas parfaits mais beaucoup a été fait et beaucoup reste à faire, ensemble. Il faut comprendre la souffrance des Noirs mais aussi celle des Blanc. Poursuivant l'oeuvre des pères fondateurs, il se propose de "continuer la longue marche de ceux qui nous ont précédé, une marche pour une Amérique plus juste, plus égale, plus libre, plus généreuse, plus prospère".

Jusqu'aux années 70, le mythe américain reposait sur le melting pot qui s'est brisé sur la question noire, sur la révolte des Noirs et qui a débouché sur le multiculturalisme. Barack Obama ne reprend pas formellement le melting pot, il ne nie pas la diversité des histoires, il comprend la diversité des colères mais il reprend la colère des Blancs et la colère des Noirs, l'anxiété des Noirs et l'anxiété des Blancs, il veut les canaliser pour bâtir une Amérique plus forte, plus juste... "nous ne pourrons résoudre les problèmes de notre temps que si nous les résolvons ensemble... nous ne pourrons parfaire l'union que si nous comprenons que nous avons une histoire différente mais que nous partageons de mêmes espoirs, que nous ne sommes pas tous pareils  et que nous ne venons pas tous du même endroit mais que nous voulons  aller dans la même direction, vers un avenir meilleur, pour nos enfants et nos petits enfants".

La colère de Jeremiah Wright est juste mais mal orientée, comme est juste la colère des Blancs mais il ne fut pas monter les uns contre les autres :"ses propos sèment la discorde à un moment où nous devons trouver ensemble des solutions à nos problèmes : deux guerres, une menace terroriste, une économie défaillante, une crise chronique du système de santé, un changement climatique aux conséquences désastreuses. Ces problèmes ne sont ni noirs, ni blancs, ni hispaniques, ni asiatiques mais ce sont des problèmes qui nous concernent tous... La plupart des Américains de la classe ouvrière et de la classe moyenne  blanche... Leur expérience est l'expérience de l'immigrant - dans leur cas, ils n'ont hérité de personne, ils sont partis de rien. Ils ont travaillé dur toute leur vie, souvent pour voir leurs emplois délocalisés et leurs retraites partir en fumée.... Tout comme la colère noire s'est souvent avérée contre-productive, la rancoeur des Blancs nous a aveuglés sur les véritables responsables de l'étranglement de la classe moyenne - une culture d'entreprise où les délits d'initié, le pratiques comptables douteuses et la course aux gains rapides sont monnaie courante : une capitale sous l'emprise des lobbies et des groupes de pression, une politique économique au service d'une minorité de privilégiés...
Et pourtant, souhaiter la disparition de cette rancoeur des Blancs, la qualifier d'inappropriée, voire de raciste, sans reconnaître qu'elle peut avoir des causes légitimes - voila aussi qui contribue à élargir la fracture raciale et faire en sorte que l'on n'arrive pas à se comprendre.
Mais j'ai affirmé ma conviction profonde  - une conviction ancrée dans ma foi en Dieu et ma foi dans le peuple américain - qu'en travaillant ensemble  nous arriverons à panser nos vieilles blessures raciales et qu'en fait nous n'avons plus le choix si nous voulons continuer d'avancer dans la voie d'une union plus parfaite.
L'erreur profonde du Rev. Wright n'est pas d'avoir parlé du racisme  dans notre société. C'est d'en avoir parlé comme si rien n'avait changé, comme si nous n'avions pas accompli de progrès, comme si ce pays - un pays ou un Noir peut être candidat au poste suprême  et construire une coalition de Blancs et de Noirs, d'hispaniques et d''asiatiques, de riches et de pauvres, de jeunes et de vieux - était encore prisonnier de son passé tragique.
Mais ce que nous savons - ce que nous avons vu - c'est que l'Amérique peut changer. C'est là le vrai génie de cette nation. Ce que nous avons déjà accompli nous donne l'espoir - l'audace d'espérer - pour ce que nous pouvons et devons accomplir demain.
Cette fois, nous voulons parler des hommes et des femmes de toute couleur et de toute croyance qui versent ensemble  leur sang sous le même fier drapeau".

Tout ceci ne préjuge en rien des résultats des élections si Barack Obama est candidat des démocrates. Arrivera-t-il à dépasser le handicap que constitue le fond raciste du pays ? La même question se pose pour Hilary Clinton candidate : saura-t-elle dépasser  l'antiféminisme d'une partie de la société ? Se posera aussi le dépassement des rancoeurs accumulées entre les deux candidats durant les primaires.

Et in fine, l'élection de l'un ou de l'autre ne permet pas de savoir quelle politique conduira le nouvel élu une fois au pouvoir. Mais l'élection de l'un ou de l'autre montrera le chemin parcouru depuis l'élection de J.F.Kennedy, premier président catholique.


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