Timbuktu
Timbuktu, salué, comme Palme d'or possible, au début du Festival de Cannes de 2014, n'a finalement recueilli que le Prix du jury œcuménique, jury composé de chrétiens engagés dans le monde du cinéma (journalistes, réalisateurs, enseignants). Mais le film a, rapidement, trouvé son public lors de sa sortie dans les salles par son thème, la tension dramatique de certaines séquences, la beauté de ses images et l'humour d'Abderrahmane Sissako.
Ayant vu 3 fois le film avec plaisir, l'ayant fortement recommandé à tous mes amis, qui l'ont généralement très apprécié, l'un d'eux, GC, s'est étonné que les critiques n'aient été que moyennement enthousiastes. D'où ce bref billet.
Le Prix du jury œcuménique est un prix "idéologique" même s'il ne néglige pas les qualités cinématographiques. Et"Timbuktu" ne peut que plaire aux occidentaux et aux chrétiens qui, les uns et les autres,se trouvent du bon côté face à ces horribles islamistes
"Timbuktu" est un film avec de magnifiques photos, parfois trop "Connaissance du monde", avec clair de lune, belles dunes, beaux nomades, beaux enfants, dromadaires... Mais aussi des images terribles, lapidation, flagellation, assassinats ou porteuses d'un espoir improbable, la survie, la fuite dans le désert des deux jeunes d'une douzaine d'années.
C'est d'abord un documentaire engagé sur une ville du nord du Mali occupée par des étrangers, djihadistes, soit cruels, soit ridicules,qui imposent une pratique intégriste de l'islam : destruction des "idoles", interdiction de la musique, des jeux de ballon, tenue vestimentaire... A l'aide de dures sanctions. Tout en ménageant l'imam traditionnel, bien inséré dans la population et accompagnant sa résistance.
Mais on ignore le pourquoi de l'engagement, de l'égarement de ces djihadistes.
Aux abords de cette ville, éclate une mauvaise rixe pour une histoire de vache et de filets. La rixe, le jugement, la sentence, son exécution, l'ensemble de l'histoire se déroule dans un milieu traditionnel aux cultures et langues entremêlées, tamachek et bambara, arabe, français et anglais, à l'équilibre précaire mis en danger par cette meurtrière altercation. Cette rixe est-elle un incident sans signification ? Ou traduit-elle un antagonisme discret mais historique qui perdure ? Ou qu'il faut oublier dans la situation nouvelle qui frappe également tout le monde ? Elle aurait pu donner à voir l'évolution éventuelle des rapports, oppositions, conflits entre le pasteur et le pêcheur, le (semi) nomade et le sédentaire, le blanc et le noir, descendants des seigneurs et des esclaves...
Finalement, "Timbuktu" est plus un beau documentaire à thèse, à voir, qu'un film d'auteur même s'il faut tenir compte de l'humour de Abderrahmane Sissako, avec GPS, la vache préférée, l'ancien rappeur mauvais acteur du djihad, l'opposition de deux djihadistes sur les qualités respectives de Zidane et de Messi, les normes imposées, robes longues et pantalons courts... et le match de foot sans ballon qui devrait rester dans l'histoire du cinéma.
Timbuktu de Abderrahmane Sissako, 1h42, Mauritanie,
France