FRANCE ET UNION EUROPÉENNE
Connaissant le prix des affrontements entre l'Allemagne et la France en 1870, 1914-18 et 1939-45, des États européens ont conclu des traités dont le premier est celui de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) avec l'intention d'aller vers une union européenne pacifique construite autour du couple Allemagne-France. Ce fut d'abord avec la Belgique, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, l'Europe des six.
Cette construction reposait sur l'illusion d'une France « victorieuse », à la « tête d'un empire », disposant de la « force nucléaire » et d'un « siège » au Conseil de sécurité et qui croyait en intégrant l'Allemagne, vaincue et frappée d'indignité, avec le Benelux et l'Italie, construire une Europe correspondant à sa vision.
Mais « la victoire » et « l'empire » s'effacent dans le passé comme « défaite » et « l'indignité ». « L'arme nucléaire » est une bombinette chère mais sans utilité militaire ou diplomatique aujourd'hui et le « siège » au Conseil de sécurité le reflet de circonstances historiques. Et l'Europe des 6 est devenue l'Union européenne à 28.
La France à la remorque
Il a souvent été question du bimoteur européen, Allemagne-France, pour faire avancer l'unité de l'Europe. Depuis quelque temps, la puissance économique de l'un et l'affaiblissement politique de l'autre font que désormais, le rapport de force au sein d'une Union européenne à dimension variable, tourne, de plus en plus, à l'avantage de l'Allemagne. L'Europe rêvée, à la française, s'estompe derrière l'Europe réelle, à l'allemande.
La domination allemande dans la politique européenne actuelle est visible dans le traitement des différentes questions européennes : politique(s) monétaire, économique, sociale, gestion de la question grecque, de l'immigration, de la négociation avec la Turquie… Toutes questions où ce n'est pas la Commission européenne et son président, Jean-Claude Juncker, qui négocient mais Angela Merkel ou Wolfgang Schäuble.
Cette domination, particulièrement nette, ne pourrait exister sans le consentement de la France. Il suffit de voir comment, certes exemples discutables, le Royaume-Uni depuis toujours et avec David Cameron encore récemment ou Viktor Orbán et le groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), refusent d'obtempérer et posent leurs conditions sur telle ou telle question.
On a vu comment Aléxis Tsípras a affronté Wolfgang Schäuble et la troïka, seul, dans une situation particulièrement difficile : crise économique et financière, faible poids économique et politique au sein de l'UE et sans aucun allié réel face au ministre des finances allemand.
François Hollande était déjà passé par là avec, théoriquement, plus de poids... Candidat à la présidentielle, il avait annoncé que, s'il était élu, il renégocierait le projet de « pacte budgétaire européen ou traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » à travers un nouveau « pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance » (1). Dans son allocution de victoire, le 6 mai, il avait rappelé que « l'austérité pouvait ne plus être une fatalité » et sa volonté de « donner à la construction européenne une dimension de croissance, d'emploi, de prospérité, d'avenir » (2). Le lendemain, 7 mai, l'Allemagne répondait en excluant toute renégociation du pacte budgétaire européen. La chancelière, prête à l'accueillir « les bras ouverts », affirmait qu'elle ne voulait pas « d'une croissance par des déficits, mais d'une croissance par des réformes structurelles ». Il n'était pas question d'encourager des politiques de relance, mais de promouvoir la voie choisie par l'Allemagne et les réformes du marché du travail mises en place par l'ancien chancelier Gerhard Schröder.
« Il n'est pas possible de renégocier le pacte budgétaire », qui a déjà été « signé par vingt-cinq des vingt-sept États membres de l'Union européenne » [dont la France] et qui a pour but de renforcer la discipline dans la gestion des finances publiques, a dit le porte-parole de la chancelière (3).
On a vu comment Aléxis Tsípras a affronté Wolfgang Schäuble et la troïka, seul, dans une situation particulièrement difficile : crise économique et financière, faible poids économique et politique au sein de l'UE et sans aucun allié réel face au ministre des finances allemand.
François Hollande était déjà passé par là avec, théoriquement, plus de poids... Candidat à la présidentielle, il avait annoncé que, s'il était élu, il renégocierait le projet de « pacte budgétaire européen ou traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » à travers un nouveau « pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance » (1). Dans son allocution de victoire, le 6 mai, il avait rappelé que « l'austérité pouvait ne plus être une fatalité » et sa volonté de « donner à la construction européenne une dimension de croissance, d'emploi, de prospérité, d'avenir » (2). Le lendemain, 7 mai, l'Allemagne répondait en excluant toute renégociation du pacte budgétaire européen. La chancelière, prête à l'accueillir « les bras ouverts », affirmait qu'elle ne voulait pas « d'une croissance par des déficits, mais d'une croissance par des réformes structurelles ». Il n'était pas question d'encourager des politiques de relance, mais de promouvoir la voie choisie par l'Allemagne et les réformes du marché du travail mises en place par l'ancien chancelier Gerhard Schröder.
« Il n'est pas possible de renégocier le pacte budgétaire », qui a déjà été « signé par vingt-cinq des vingt-sept États membres de l'Union européenne » [dont la France] et qui a pour but de renforcer la discipline dans la gestion des finances publiques, a dit le porte-parole de la chancelière (3).
Le texte du traité a été signé, le 2 mars 2012 par les chefs d'État et de gouvernement. Il a été approuvé à l'Assemblée nationale le 9 octobre 2012, au Sénat le 11 et ratifié le 22. Le président de la République l'avait accepté en juin. « Dans la campagne présidentielle, j'avais annoncé que je voulais renégocier ce qui avait été décidé... Ce sommet [de Bruxelles] a permis d'aboutir à cette renégociation » (4). Ce que lors de l'émission Des Paroles et des Actes, Jean-Marc Ayrault infirmait : « D'un point de vue juridique, si vous prenez la ligne exacte de la phrase qui sera soumise à la ratification, le traité n'a pas été renégocié ». Mais ce qui compte, « c'est tout ce qui va avec : le paquet croissance, le paquet perspective pour enfin faire que l'Europe ne soit pas seulement une zone de libre-échange, mais qu'elle porte aussi un projet, qu'elle redonne de l'espoir » (5). L'important n'est pas ce qu'on signe, l'important est ce qu'on ne signe pas !
La résistance de François Hollande, un mois, a été bien inférieure à celle d'Aléxis Tsípras devant le froncement de sourcil d'Angela Merkel ! Cet effacement du président français n'est pas le premier, ni le dernier. Il s'accompagne toujours d'une promesse : demain ce sera mieux…
Par exemple, le traité de Maastricht devait être suivi de l'Europe sociale… Il suffit de se souvenir des discours de l'époque. Comme cette déclaration de Martine Aubry : « C’est principalement peut-être sur l’Europe sociale qu’on entend un certain nombre de contrevérités. Et ceux qui ont le plus à gagner de l’Europe sociale, notamment les ouvriers et les employés, sont peut-être les plus inquiets sur ces contrevérités. Comment peut-on dire que l’Europe sera moins sociale demain qu’aujourd’hui ? Alors que ce sera plus d’emplois, plus de protection sociale et moins d’exclusion » (6).
Lors de la dernière consultation des Français sur l'Union européenne par référendum, la question était : « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe ? » La réponse a été claire. Cette proposition de constitution européenne qui constitutionnalisait une politique économique, sociale, étrangère, a été rejetée… Cette proposition et cette politique que Sarkozy, méprisant le résultat du référendum, a fait adopter par voie parlementaire avec l'appui... des parlementaires socialistes. C’est aussi cette politique que les Français ont cru rejeter en votant contre Sarkozy lors de l'élection présidentielle de 2012.
Le renoncement de François Hollande a trois facettes : l’Allemagne de Merkel et Schäuble impose sa politique à l'Union européenne et à la France de Hollande ; cette politique est exactement opposée à celle qu’annonçait le candidat Hollande ; le vote des Français n'a été pris en compte que pour changer de président et non de politique. Peut-être, est-ce que voulaient dire les chroniqueurs quand ils affirmaient que l'élection s'était faite plus contre Nicolas Sarkozy que pour François Hollande !
Il y a eu changement de président. Continuité politique.
L'Europe n’intéresse pas les politiques français
Concernant l'Union européenne, la plupart des politiques peuvent être mis dans le même sac. Ils disent, fréquemment, que telle ou telle mesure a été imposée par « l'Europe ». Mais ils cachent que, le plus souvent, cette mesure a été approuvée au niveau européen, quelques mois ou quelques années auparavant, par les représentants de la France.
Lors des campagnes pour les élections européennes, il est rarement question de l'Europe. L'élection est toujours le premier, le deuxième ou le troisième tour d'une élection nationale qui va suivre ou qui a précédé. Les arguments portent plus sur les questions nationales que sur les questions européennes.
Les candidats sont rarement des personnalités politiques de premier plan et encore plus rarement des personnalités qui ont vocation à une carrière européenne. Tellement l'Union européenne et le Parlement européen sont considérés comme sans intérêt dans le cadre d'une carrière politique. Faire élire un « ami »au Parlement européen, c' est une façon de le recaser ou de l'éloigner dans l'attente de jours meilleurs. Ce peu d'intérêt pour l'Union européenne explique qu'au cours de de la mandature 2009-2014, les élus français se sont distingués par un taux de démissions parmi les plus importants : 18 % ont abandonné leur siège pour une autre fonction probablement plus « intéressante » contre 4 % chez les Allemands. En conséquence, les eurodéputés français effectuent en moyenne 1,76 mandat tandis que les Allemands affichent une moyenne de 2,48 et les Britanniques 2,23 (7).
Avec 74 députés, la France pèse moins que l'Allemagne qui en a 96. De plus, la Fondation Robert Schuman constate « une perte d’influence significative » des Français au sein du Parlement, notamment avec l’arrivée de 23 députés eurodéputés du FN lors des dernières élections contre 3 précédemment. Deuxièmes par le nombre d’eurodéputés (76/750), les Français sont en troisième position au groupe PPE (Parti populaire européen) et en sixième dans le groupe S&D (Socialistes & Démocrates), groupes les plus importants au Parlement européen (8).
L’obtention de postes par des Français est limitée. Les députés allemands, outre la présidence du Parlement européen, ont obtenu 2 vice-présidences (une pour les Français) et 5 présidences de commission (2 pour les Français). Au total, 26 députés français sur 74 exercent des responsabilités importantes, moins que l’Italie 29 postes pour 73 députés, le Royaume-Uni 28 pour 73 députés et l’Allemagne qui en détient 56 pour 96 députés.
La règle du non-cumul des mandats sera interdite à partir de 2019 à Bruxelles pour les mandats exécutifs locaux, comme maire, maire-adjoint, président ou vice-président de conseil départemental ou régional. Pour le moment, sur 74 élus, ils sont presque la moitié à cumuler un mandat d’élu local.
Cette prééminence se retrouve au niveau des hauts fonctionnaires de la Commission européenne. Ce n’est pas un hasard si les commissaires du collège présidé par Jean-Claude Juncker choisissent massivement du personnel allemand : ils veulent avoir «une ligne ouverte avec Berlin» (9).
Il serait exagéré de dire que la politique de la France est toujours alignée sur celle de l'Allemagne. Certains le regrettent peut-être quand Manuel Valls va à Munich pour faire des déclarations contre la politique d'Angela Merkel et de Jean-Claude Juncker sur l'immigration. Et affirme que la France n'augmentera pas son effort sur l'accueil des réfugiés syriens.
Plus discrètement, la France et le Royaume-Uni, « fiers » des résultats de leur précédente intervention en Libye poussent à de nouvelles frappes dans ce pays. Cette fois-ci, le gouvernement français a-t-il prévu l'arrivée en conséquence de nouveaux réfugiés en Italie et est-il prêt à l'aider comme cela n'a pas été fait précédemment. Sur cette question, l'Italie de Matteo Renzi « maintient sa ligne de prudence sur l’intervention en Libye, à la différence de la France et de l’Angleterre... Le danger que divisions ou accords fragiles ouvrent la voie à des initiatives isolées, comme il y a 5 ans, et à des remèdes qui sont pires que les maux » (10).
Mais le nœud central de la politique de l'Union européenne qui a touché de façon particulièrement aiguë la Grèce mais intéresse la France, l'Italie et bien d'autres pays de l'Union européenne est la politique d'austérité.
Sur cette question, il semble que c'est surtout l'Italie de Renzi qui pousse à la roue . Pour Renzi : « La politique d’Obama a créé de l’emploi, l’austérité en Europe a fait perdre des postes de travail » (11). Il semble vouloir devenir « le leader de ‘’l’autre Europe’’, celle qui se bat contre la rigueur teutonique et nordique » (12). Sera-t-il soutenu par François Hollande ? « François Hollande, occupé par l’urgence terrorisme et les comptes publics en difficulté, est le pion décisif dans l’échiquier communautaire… d’une politique économique centrée sur la croissance et la création d’emplois » (13).
Il ne semble pas que François Hollande soit prêt à s'engager franchement pour un changement de politique économique au niveau européen. Auquel le peuple allemand a aussi intérêt et qui est possible alors que l'Allemagne se retrouve avec une balance des paiements excédentaire de huit pour cent (14).
Mais la vrai question qui se pose, en cette fin de quinquennat, est de savoir si François Hollande, faible comme il est décrit, a cédé à la pression d'Angela Merkel ou s'il a, comme certains de ses prédécesseurs à la SFIO (Guy Mollet) ou au Parti socialiste (François Mitterrand), pris le pouvoir en annonçant une politique de gauche pour faire une politique de droite. Les provocations « réformistes » et les déclarations de Manuel Valls et d'Emmanuel Macron ne feraient alors que répondre à la volonté de François Hollande d'être le Gerhard Schröder français.
Avec le même résultat électoral pour lui, ce qui n'est pas grave, plus catastrophique pour son parti… Et surtout pour le peuple français.
1 - Discours de François Hollande au meeting du Bourget, 22/01/12
2 - La Croix 06/05/12
3 - Le Monde 07/05/16
4 - Le Monde 29/06/12
5 - JDD 28/09/12
6 - Martine Aubry, 12/09/92, discours à Béthune http://yetiblog.org/index.php?post/1486
7 - Euractiv 03/07/14
8 - Euractiv 03/07/14
9 - Libération Jean Quatremer 20/10/14
10 - La Stampa 23/03/16
11 - La Repubblica 11/01/16
12 - La Stampa 14/01/16
13 - La Repubblica 09/02/16
14 - Financial Times 17/01/16