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27 octobre 2008 1 27 /10 /octobre /2008 16:47
DES CONSEILS CONSULTATIFS DES ETRANGERS A LA CITOYENNETE DE RESIDENCE.
Strasbourg, 25 octobre 2008

La réunion d'aujourd'hui est, à plusieurs titres, un pont face au mur que constitue la politique de l'immigration actuelle.
- Un pont entre tous les résidents de la commune quelle que soit leur nationalité.
- Un pont de 7 ans , entre deux commissions consultatives. Celle qui existait jusqu'en 2001 et qui a été brutalement dissoute par la majorité municipale de droite et la future commission que vous allez mettre en place. La Commission mise en place par Bernard Delemotte a subi le même sort à la même époque par suite de l'arrivée à la mairie d'Amiens de M. de Robien "partisan du droit de vote". Ce pont entre 2001 et 2008 n'est pas matérialisé mais humanisé par la présence parmi nous, des trois anciens présidents de cette commission.  Par la présence d'anciens acteurs de cette commission qui ont pu voter en 2001 et 2008 parce qu'ils étaient des citoyens de l'Union européenne, ou qui sont aujourd'hui élus parce qu'ils ont pris la nationalité française.
- un pont entre 1999 et 2008. En effet, avec Bernard Delemotte et quelques autres, nous étions là en 1999 pour participer à l'Appel de Strasbourg, lancé par le Conseil consultatif et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe. Nous étions là avec les résultats du premier sondage de la Lettre de la citoyenneté donnant une majorité de réponses favorables à l'extension du droit de vote aux ressortissants non communautaires pour les élections municipales et européennes.

Aujourd'hui, après de multiples réformes de la Constitution dont la dernière pour favoriser et moderniser la démocratie, les résidents étrangers non communautaires n'ont toujours pas le droit de vote aux élections municipales et européennes.

Le clivage, instauré par le traité de Maastricht entre les "bons" résidents étrangers et les autres, ce clivage qui date de 1992 est encore là. Certains espéraient qu'il serait de courte durée, comme cela a été le cas, certes seulement pour les élections municipales et sans éligibilité, dans deux pays voisins, Belgique et Luxembourg. La France a été le dernier pays à mettre en application le droit de vote des citoyens  européens pour les élections municipales, sera-t-elle le dernier pays de l'Union pour l'étendre aux ressortissants des Etats tiers ?

Les choses ont peu avancé sur le plan légal. Une loi votée en 2000 à l'Assemblée nationale n'est jamais arrivée au Sénat, probablement le pont manquant. Le Gouvernement vient de moderniser la Constitution, 41 articles ont été modifiés et le droit de vote a été "oublié". La loi n'a pas été modifiée mais l'opinion publique est toujours aussi favorable. Ce sont 63% et 65% des sondés qui se sont déclarés favorables au droit de vote pour les élections municipales lors des 2 derniers sondages sur la question. Ils sont 56% d'après le dernier sondage de la Lettre de la citoyenneté , favorables à la participation des résidents étrangers aux élections régionales. Et 50% de favorables parmi les personnes qui se disent proches de la droite contre 47% d'opposées.

En reprenant les sondages de  la Lettre de la citoyenneté de 1994 à 2008, il est possible de constater une évolution parallèle des personnes proches de la gauche et des personnes proches de la droite. Les deux secteurs de l'opinion publique sont de plus en plus favorables certes avec un certain retard d de la droite sur la gauche.
Il en est de même quand on compare les résultats en fonction de l'âge. Les jeunes sont toujours plus favorables que les plus âgés. Mais les jeunes d'aujourd'hui sont plus favorables que ceux d'hier, de même que les plus âgés sont aujourd'hui pus favorables qu'hier. Cela tend à prouver que c'est toute la population qui évolue favorablement à l'extension de ce droit.

Qu'est-il possible de faire ?
Etre citoyen, c'est participer à la vie de la cité. Et il y a de multiples façon. Notamment au niveau associatif. Le droit d'association, sans restriction, est reconnu depuis 19981, à toute personne résidant en France quelle que soit sa nationalité. C'est une avancée importante due à la gauche au pouvoir. Cette liberté d'association est confirmée par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui dit dans son article 12 : " Toute personne a droit ... à la liberté d'association, à tous les  niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique..." Alors chacun doit s'engager dans les associations de quelque nature qu'elles soient. Y compris syndicales et politiques.

La constitution d'un conseil consultatif des résidents étrangers est l'occasion d'un tel engagement citoyen. C'est l'occasion de prendre des responsabilités, de voir de près les rouages de l'administration locale... Ce n'est pas la citoyenneté pleine et entière ? Ce n'est qu'une citoyenneté consultative ? Qui n'a aucun pouvoir réel sauf celui qui lui est concédé ? Sauf celui qu'elle saura acquérir  par son travail. Par ses initiatives.

La durée est la grande difficulté des Commissions consultatives, faute d'assise juridique solide et de pouvoir réel. Il faut donc que les commissions consultatives soient déterminées, qu'elles se donnent des buts clairs, quelles interviennent sur tous les problèmes de la cité pour faire entendre la voix de ce qui n'ont pas droit au chapitre. Mais leur composition  les désignes pour deux tâches particulières : la lutte contre les discriminations  et le droit de vote. Avec persévérance. Car si l'opinion publique évolue; c'est aussi grâce au travail militant. La Commission consultative a là un rôle à jouer.

Il est facile d'oublier ce qui est déjà acquis. Bien des droits qui étaient réservés, hier, aux nationaux sont reconnus aujourd'hui à tous les résidents. Le droit d'association bien sûr. Et la citoyenneté sociale étendue aux résidents étrangers, c'est à dire le droit de bénéficier des lois sociales qui, autrefois, étaient réservées aux seuls nationaux, au nom de la solidarité nationale. Tout n'est pas parfait. Mais la citoyenneté de résidence est plus avancée au niveau social qu'au niveau politique.

Elle est aussi plus avancée en ce qui concerne les droits des travailleurs. Certes les étrangers continuent à être soumis à des discriminations importantes dans le domaine du travail, dans les faits et dans la loi : environ 30% des emplois sont soumis à condition de nationalité dont les emplois publics mais aussi des emplois privés fermés aux étrangers non communautaires.
Mais comme salariés, les étrangers ont obtenu peu à peu les mêmes droits que les nationaux, pour les rémunérations, les conditions de travail. La même protection juridique. Ils peuvent se syndiquer, être délégués du personnel, être élus au Comité d'entreprise, délégués syndicaux. Ils peuvent assister un autre salarié lors d'une procédure de licenciement ou devant le Conseil des Prud'hommes.
En décembre, vont avoir lieu les élections prud'homales : tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité peuvent y participer comme électeurs. Mais le droit d'être élu n'est pas encore ouvert aux travailleurs étrangers. C'est une revendication qu'il faut soutenir et porter y compris au niveau syndical.

La citoyenneté de résidence entre peu à peu dans les moeurs. La citoyenneté de résidence au niveau politique est la prochaine étape.


La mise en place de Commissions consultatives de résidents étrangers fait partie de la démarche même si elle dépend de la volonté du maire. Et ce qu'un maire fait, un autre maire peut le défaire et vous êtes bien placés pour le savoir.
Vient ensuite la question du rôle de cette commission, de la possibilité d'initiative, d'intervention dans la vie de la cité. Tout cela dépend des moyens politiques et matériels qu'elle aura ou qu'elle obtiendra. Il peut être frustrant de ne pas participer à la décision  proprement dite. Mais cette citoyenneté consultative est le premier pas  vers la citoyenneté délibérative, la participation aux décisions. En attendant ce qui viendra peut-être un jour  une véritable citoyenneté participative où tous les citoyens auront leur mot à dire à tous les niveaux : choix des projets, préparation, décision, contrôle de l'exécution.
Pour le moment, la citoyenneté politique, délibérative, reste attachée à la nationalité, y compris la citoyenneté de l'Union européenne rattachée à la nationalité d'un Etat membre. Et la citoyenneté participative n'est qu'un rêve.

Surtout, il ne faut pas désespérer. Quand le président de la République se prononce pour le droit de vote après 10 ans de présence et sous réserve de réciprocité, il n'avance là que des modalités d'application. Il a abandonné devant l'évolution de l'opinion publique, y compris de son électorat les principes invoqués il y a peu de temps. Notamment le lien nationalité citoyenneté.

Dans les faits, ce lien nationalité citoyenneté est loi d'être constant. Dans sa thèse Hervé Andrès a étudié la législation de 192 pays et a trouvé que dans 64 pays , soit un tiers de ces pays et la moitié des pays démocratiques, des étrangers ont le droit de vote sur tout ou partie du territoire à certaines élections. Dans 4 pays, les étrangers ont le droit de vote à toutes les élections (Chili, Nouvelle-Zélande, Uruguay, Venesuela).
Conséquence, les Français ont le droit de vote, hors Union européenne, sur tout ou partie du territoire de 23 pays dont 4 aux élections nationales. Le président de la République, favorable au droit de vote sous condition de réciprocité, n'a pas avancé de projet de loi, n'a pas suggéré lors de la récente réforme constitutionnelle de donner aux ressortissants de ces pays vivant en France, des droits équivalents. Ce qui montre bien qu'il s'agit là d'arguties, de manoeuvres de retardement, en attendant que ses troupes aient enfin compris qu'il fallait le faire.

La route est longue pour arriver à un suffrage réellement universel. Si la France a été le premier pays à instaurer le suffrage universel masculin à l'échelle nationale en 1848, il a fallu attendre 96 ans pour que le suffrage universel soit étendu aux femmes, en 1944, alors qu'il était en place en Nouvelle-Zélande depuis 1893... C'est en 1974 qu'il a été étendu aux 18-21 ans et 1992 aux citoyens de l'Union européenne qui ont pu voter aux seules élections européennes en 1994 et  municipales en 2001.

Avant de terminer, je voudrais rappeler l'importance de la citoyenneté de résidence, du droit de vote de tous les résidents.
- Reconnaître la citoyenneté politique aux résidents étrangers, c'est d'une certaine façon, légitimer leur présence, leur droit d'être ici, le droit d'avoir des droits, d'en revendiquer de nouveaux avec et comme tous les autres citoyens. C'est leur reconnaître leur égale dignité.
- C'est un pas de plus vers la reconnaissance de l'égalité. Ce n'est pas l'égalité, c'est un nouveau pas vers. Le droit n'est qu'une égalité formelle. Il faut ensuite qu'il soit effectif. Ce n'est pas toujours le cas. Les femmes ont le droit de  vote depuis 1944 et une loi sur la parité depuis 2000 : 18% des députés qui sont des femmes et  22% des sénateurs sont des sénatrices.
- L'accès des résidents étrangers à la citoyenneté  ne touche pas seulement les intéressés. Mais aussi leur famille et particulièrement leurs enfants dont beaucoup comprennent mal qu'ils aient le droit de vote, eux qui ne se sont "donnés que la peine de naître" alors que leurs parents ne l'ont pas, qui ont contribué  au même titre que les autres travailleurs à la construction du pays.
- La participation électorale des résidents étrangers augmentera le poids électoral de certains quartiers et
des couches populaires sans croire que le vote de ces personnes est acquis à tel ou tel.
- Enfin, ce serait un nouveau pas vers la démocratie. En France, d'après le recensement de 1999, sur 45 millions d'adultes, 1,2 million avaient la nationalité d'un Etat extra-européen. C'est donc environ 2,6% des électeurs potentiels qui sont exclus du droit de vote, simplement parce qu'ils n'ont pas la bonne nationalité !
Mais les résidents étrangers sont très inégalement répartis sur le territoire français et ce déni de démocratie devient criant dans certaines communes où l'exclusion peut toucher plus de 30% des adultes.
Ainsi dans une commune de l'île de France, un moment sous les projecteurs de l'actualité, 33% des adultes sont exclus de tout scrutin politique parce qu'ils n'ont pas la nationalité française ou celle d'un pays membre de l'Union européenne. Et le futur maire a recueilli, au premier tour des élections municipales, 16 des voix des adultes de la commune. Cela n'entame pas la légitimité de l'équipe élue. Mais pose le problème de la démocratie. Trop de personnes sont exclues, de droit ou de fait . Peut-on se satisfaire d'une démocratie à 16% ?

La question n'est plus de savoir si les résidents étrangers auront le droit de vote. Mais quand ? et à quelles élections ? Au sein de l'Union européenne, des pays ont donné le droit de vote  aux élections municipales ou locales avec éligibilité, d'autres le droit de vote sans éligibilité et d'autres sous condition de réciprocité aux élections municipale et quelquefois nationales. Au Royaume-Uni, tous les ressortissants du Commonwealth, 53 pays, ont le droit de vote et d'éligibilité à toutes les élections, y compris les élections européennes.
Et puis, il y a 10 pays dont la France qui assurent le service minimum : le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et européennes  pour les seuls citoyens de l'Union européenne.

A la fin de cette journée, j'espère que la Commission consultative que vous allez mettre en place fera progresser sur ce long chemin vers le suffrage universel et l'égalité pour tous les résidents quelle que soit leur nationalité. Je vous souhaite bon courage et je remercie la municipalité et particulièrement monsieur le maire pour cette initiative.


Bibliographie :
  • http://pagesperso-orange.fr/   Tous les articles publiés
    http://pagesperso-orange.fr/paul-oriol/livre050731.pdf   Plaidoyer pour une citoyenneté européenne de résidence

  • Diaporama : Les Français favorabls au droit de vote : http://www.dailymotion.com/video/x9pknh_acer-droit-de-vote-des-etrangers-en_news
  • Diaporama d'affiches en faveur du droit de vote des résidents étrangers : http://www.dailymotion.com/video/x9e42q_acer-droit-de-vote-des-etrangers-2_news

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