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11 novembre 2008 2 11 /11 /novembre /2008 07:13
Le mot d'ordre de Sarkozy en faveur de l'immigration choisie indigne tout le monde. Comme si c'était une chose nouvelle. Parce qu'on ne tient pas compte du choix des personnes qui émigrent. Parce qu'on ne tient pas compte des pays d'émigration. Pourtant, il en a toujours été ainsi. Sarkozy n'innove pas. Il assume. Il proclame. Il veut aligner tous les pays de l'Union européenne sur son discours. En réalité, la tare fondamentale de l'immigration  "choisie " ? C'est son échec. C'est une déclaration purement idéologique qui ne marche pas. Mais c'est un facteur aggravant de la situation des "sans papiers" et de leur famille. Et de tous ceux qui leur ressemblent. Et rien ne ressemble plus à un "sans papiers" qu'un "avec papiers" et même pour être plus précis que quelqu'un qui a la nationalité française mais qui est "un peu trop coloré pour être honnête".

L"idée que l'arrivée d'immigrés devrait correspondre aux capacités d'accueil du pays n'est pas en soi scandaleuse. Malheureusement, elle est toujours utilisée dans le même sens : limiter le nombre d'arrivants sans jamais développer les qualités et les capacités de l'accueil. Dans sa complexité ; logement, égalité des droits... Et donc l'espace entre ces deux données, capacité d'accueil et nombre d'arrivants, ne peut que croître.

Il n'est pas scandaleux de penser que les immigrés doivent s'intégrer à la société française. Ce qui ne veut pas dire qu'ils doivent renoncer à ce qu'ils étaient avant d'arriver. De se mettre nu à la frontière et de revêtir le costume trois pièces et la cravate ou le béret et la baguette. Surtout qu'on le leur fournit pas.
Il n'est pas scansaleux de penser qu'il est nécessaire que les résidents étrangers doivent apprendre le français. Sans parler la langue française, ils ne pourront pas s'intégrer correctement à la société, ils n'auront pas les armes nécessaires pour se défendre... Ce qui est scandaleux et impossible à réaliser, c'est d'exiger que les immigrants connaissent  le français avant de venir. C'est à la société d'accueil de leur donner les moyens de l'apprendre et non à la société de départ.

A travers cette exigence, connaissance de la langue française, il y a la reconnaissance implicite que les immigrés ne sont pas de passage mais sont destinés à rester plus ou moins longtemps et peut-être définitivement. C'est un progrès. C'est bien différent de l'époque où le gouvernement confiait l'enseignement des "langues d'origine" à des enseignants venant des "pays d'origine" et payés par eux. L'idée sous-jacente était qu'ils devaient repartir avec leurs parents quand ceux-ci ne seraient plus utiles. C'était déjà de l'immigration choisie et même de l'émigration souhaitée.

Car le vieux rêve qui persiste encore était l'immigration de rotation. Vous venez, vous restez quelque temps, avant de repartir chez vous, sans vous incruster ici, muni du petit pécule que vous aurez constitué et qui vous permettra de vivre au pays. Il faut reconnaître que cela correspondait un peu à la vision qu'avaient les immigrés eux-mêmes. Passer quelques années, accumuler quelques économies et revenir au pays, monter un commerce, gérer un café, faire le taxi. Cela a l'avantage de mettre l'élevage, l'éducation à la charge des pays de départ, d'exploiter la personne pendant sa productivité maximale, de la renvoyer au pays sans avoir à assumer les charges du vieillissement, de la maladie... Ce n'est pas que l'immigration choisie. C'est aussi le choix de la partie la plus productive de la vie de l'immigré. Le reste est à la charge du pays d'origine.

Mais les choses ne tournent pas toujours comme les uns et les autres le souhaitaient. Comme l'a dit une jour un immigré espagnol : "J'étais venu pour un ou deux ans et j'ai rencontré une rouquine. Il y a dix-sept ans que je suis là". Par ailleurs, il est difficile de vivre longtemps loin des siens, de faire face aux dépenses et ici, et là-bas. De voir les amis vivre en famille... Et on fait venir la famille. Femme et enfants. C'est l'engrenage. Les enfants grandissent. Ils sont finalement d'ici. Font leur vie ici. Ne veulent pas partir ou repartir.

Si cet enchaînement est fréquent. S'il faut s'y préparer. S'il faut que la société s'y prépare, cela ne veut pas dire que tout doit reposer sur le candidat à l'immigration. Et exiger que lui, que sa famille parlent français avant de venir. C'est exiger que le travailleur, le gouvernement du pays de départ prennent en charge la formation du travailleur, de sa famille avant qu'il ne vienne ici. Exemple parfaitement concret de l'aide du Sud au Nord.

Ceci est en partie inclus dans le contrat d'accueil et d'intégration. Sauf que, là encore, les contrats sont asymétriques. Un contrat se passe entre parties qui ont des droits et des devoirs. Mais les termes du contrat sont établis par l'Etat qui est le seul garant et le seul juge. La personne est soumise à des exigences qui risquent d'entraîner le non renouvellement de ses titres de séjour. Il n'y a aucune exigence pour l'Etat qui ne risque rien à ne pas remplir ses devoirs. Le contrat devient un filtre pour trier les immigrants. Pour les choisir, les renvoyer éventuellement faute d'adaptation, de respect du contrat.

Dans un excellent article paru dans "Plein droit" de juillet 2007,  Alexis Spire montre à quel point cette politique n'est pas nouvelle : en 1932, Gérard Mauco opposait "immigration voulue" et "immigration imposée". Et Alexis Spire montre comment cette politique a été appliquée après-guerre. "De ce point de vue, la période immédiatement postérieure à 1945 est particulièrement riche d'enseignements car c'est à cette époque qu'a pu être mis en oeuvre le projet élaboré entre les deux guerres, d'une planification de l'immigration par nationalité et par secteur d'activité" . .

Pour que les choses soient bien claires, il suffit de rappeler le texte signé par le Général de Gaulle sur les naturalisations qui recommandait  de  "subordonner le choix des individus aux intérêts nationaux dans les domaines ethniques, démographique, professionnel et géographique.... Sur le plan ethnique, limiter l'afflux des méditerranéens et des Orientaux..." (Patrick Weil, "Qu'est-ce qu'un Français? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution" Grasset, 2002). De ce point de vue les choses n'ont pas beaucoup changé (Migrations-société, mai-juin 1998, n°57, Migrations-société, septembre-octobre 2001, n°77).

De toute façon, cette immigration "voulue" ou "choisie" a toujours été un échec. D'où l'idée de renforcer les moyens de coercition pour aboutir. Ce qui se fait toujours au dépens de la démocratie et de l'intégration.
De la démocratie parce que cela contribue à renforcer les mesures de répression et à criminaliser les comportements et les rapports humains.
De l'intégration car cela conduit au contrôle au faciès et à la stigmatisation d'une population "d'apparence étrangère" qui est française quelquefois depuis plusieurs générations et qui se sent exclue, complètement à part. Ce qui ne peut qu'éloigner de la société des gens, notamment les jeunes qui sont d'ici et se sentent rejetés.

Et qu'est-ce que l'immigration "subie" ? Les entrés de clandestins ? mais en quoi est-elle subie ? par qui est-elle subie ? La politique gouvernementale de l'immigration est une des rares politiques qui n'est pas approuvée par le patronat. L'immigration subie lui donne satisfaction. L'appel d'air vient du patronat. L'étranger, quel que soit le chemin qu'il a pris pour venir, sait qu'une fois arrivé ici, surtout sans papiers, il trouvera du travail. Le patronat est satisfait d'avoir une main d'oeuvre qu'il peut payer bien au dessous du smic. Dont les moyens de défense sont très affaiblis. Cette délocalisation sur place lui est parfaitement utile.

Il n'est pas de barrière qui empêchera l'arrivée de ceux qui veulent venir. Cela leur coûtera plus cher. sera plus dangereux, permettra le développement de filières d'immigrations soumises au banditisme. Ce n'est certainement pas un facteur d'intégration. Et à coup de 30 000 expulsions par an, il faudra 10 à 15 ans pour expulser  toutes les personnes en situation illégale suivant les chiffres du gouvernement. Entre temps, les entrées nouvelles....

L'immigration "subie" c'est aussi l'arrivée de familles non désirées. Mais pourquoi "subie". C'est la France qui a décidé de signer la Convention européenne qui protège le droit de vivre en famille. Si elle est opposée à ce droit, elle peut dénoncer la Convention. Elle ne le fait pas. Elle reconnaît le droit de vivre en famille. Qu'elle s'en donne les moyens. Ce sont les "mauvaises" familles qu'elle ne veut pas, celles qui s'installent sans autorisation. Mais comment peut-on attendre l'autorisation quand pour faire" venir la famille il faut avoir un logement et pour avoir un logement, il faut avoir de la famille.

Comme souvent, la grande victoire de Sarkozy n'est pas ce qu'il a fait mais ce qu'il a dit.  L'immigration "choisie"  n'est pas une invention de Sarkozy et elle a toujours été un échec. Elle sera encore un échec. Mais elle lui a servi à capter les voix de l'extrême droite et a arriver au pouvoir.

L'immigration prouve, une fois de plus, son utilité.
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