La période est chaude qui va du Grand mensonge de Cahuzac au déballage « offshore leaks » en passant par Chypre du Paradis (fiscal) à l'enfer (social). Mais, tout en pensant à ceux qui paient ou vont payer les pots cassés, la période a quelque chose de réjouissant dans l'étalage de turpitudes, soupçonnées mais inconnues du citoyen de base, qui s'étalent aujourd'hui sur la place publique.
I
Ainsi publier le patrimoine des élus en début et en fin de mandat et, pourquoi pas en cours de mandat, transformerait le citoyen en voyeur et jetterait la suspicion sur tous les élus. Pour éviter suspicion et voyeurisme, les parlementaires sont prêts à se convertir au voile pudique pour tous.
Ne dévoilant rien, les élus étaient-ils au dessus de tout soupçon ? On aurait pu espérer que les Parlementaires démocrates, profitant de l'occasion, étendent l'obligation de transparence bien au delà des seuls parlementaires ou même des seuls élus.
Ainsi, de façon tout aussi inattendue, de nombreux parlementaires sont devenus de fermes adeptes de la doctrine sarkozienne, « travailler plus pour gagner plus » et défendent le cumul des mandats. Mais ils reçoivent un salaire plein pour leur mandat parlementaire auquel ils ne se consacrent pas à plein temps. Ils devraient déposer une proposition de loi pour que tous les travailleurs à temps partiel reçoivent aussi un salaire de temps plein.
Certains pensent « travailler plus pour travailler mieux » et affirment que cumuler les mandats ou pratiquer une autre profession permet d'être plus efficace dans le travail législatif. Façon peu élégante de suggérer que ceux qui se consacrent à plein temps à leur rôle de député ou de sénateur ne peuvent le faire correctement.
De plus, interdire certaine ou tout autre activité professionnelle diminuerait la représentativité socioprofessionnelle des parlementaires... certainement pas des catégories déjà absentes à l'Assemblée nationale : pas d'ouvrier, 1 employé, 1artisan.
Championne du cumul des mandats et du taux de parlementaires exerçant simultanément une autre profession, la France doit avoir le meilleur Parlement du monde. Oublions les suspicions de conflit d'intérêt.
Le travail de représentant du peuple, de législateur, est assez important pour que les parlementaires s'y consacrent à plein temps, ce qui diminuerait, peut-être, l'absentéisme parlementaire et leur permettrait, dans le temps éventuellement libre, de faire acte pédagogique et démocratique en se consacrant davantage aux électeurs en dehors des périodes électorales.
Si l'affaire Cahuzac aboutissait à limiter le cumul des mandats, leur renouvellement perpétuel dans le temps et l'exercice d'une autre profession en cours de mandat, peut-être faudrait-il dire, « Merci M. Cahuzac ».
Dans le cas contraire, les minauderies effarouchées des décideurs qui renâclent devant l'obstacle, auront démontré que le corporatisme, ici parlementaire, est un grand obstacle aux réformes en France.
II
La crise chypriote aura des répercussions sur la population de l'île, au niveau de l'emploi, des revenus... ce qui est souvent mis en avant actuellement pour critiquer les solutions choisies. Quelles qu'elles soient, la population en sera la victime collatérale. Certains s'en aperçoivent aujourd'hui. Mais les critères du traité de Maastricht, des agences de notation, de la troïka... ne concernent jamais le taux de chômage, le niveau de vie, le nombre de pauvres ou les inégalités dans un pays. La souffrance des peuples qui peut être la conséquence de la souffrance des banques ou de leur prospérité ou des politiques gouvernementales, n'entre pas en ligne de compte.
Plusieurs mesures, inattendues, préconisées par la troïka, ont particulièrement retenu l'attention, même si des doutes subsistent quant au redressement de la situation de Chypre.
Que letaux d'imposition des sociétés passe de 10% à 12,5%, ne fait qu'aligner la fiscalité de Chypre sur le moins disant fiscal, l'Irlande, et n'égratigne même pas le dumping fiscal au sein de la zone euro.
Que quelques milliards d'euros soient prélevés sur les comptes supérieurs à 100 000 euros ne fera pas pleurer dans les chaumières même si cela n'a été possible que parce que ces comptes appartiennent essentiellement à des exilés fiscaux russes. Il reste à espérer que ce bon exemple sera suivi quand les oligarques n'auront pas comme marqueur d'être russes. Et que la prochaine fois, les actionnaires seront aussi sollicités, plutôt que les contribuables.
La troïka exige aussi une réduction de moitié de la taille du secteur bancaire, hypertrophié, par rapport au PIB mais n'en fait pas une norme européenne qui pourrait gêner d'autres États de la zone.
La société de Nikos Anastasiadis, le président chypriote, juriste de métier, s'occuperait des intérêts du monde russe des affaires. Cela expliquerait sa volonté de voir tous les dépôts bancaires imposés de façon à limiter les prélèvements à 9% pour ceux supérieurs à 100 000 euros. Du danger pour les politiques d'exercer une autre profession qui risque de faire oublier et l'intérêt général et l'intérêt des électeurs...
III
Parallèlement à ces « incidents locaux », les documents publiés par le Consortium international de journalistes d'investigation et ses 2,5 millions de fichiers montrent que paradis fiscaux et optimisation fiscale sont des sports internationaux.
Favorisée par la mondialisation financière et économique, cette fuite fiscale ferait échapper entre un tiers et un cinquième de l'argent mondial à l'impôt (Libération 15/04/13), au moment où les besoins des États deviennent de plus en plus importants dans cette période de crise.
Les États-Unis ont commencé à réagir avec a loi Facta qui impose aux banques des pays étrangers de dévoiler les comptes non déclarés de leurs clients sous peine de perdre l’accès au marché des États-Unis. Cette loi inspire les gouvernements de l'UE qui se proposent, à l’initiative de l'Allemagne, la France, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Espagne, « d'échanger entre eux, puis avec les autres pays européens y compris le Luxembourg, les mêmes informations fiscales que celles exigées par les États-Unis au titre de la loi Facta ».
A Washington, les 20 plus importantes économies de la planète , en présence exceptionnelle de la Suisse, ont décidé à l'unanimité d'organiser «l'échange automatique d'information» (Le Figaro 20/04/13).
Bien sûr, il ne faut pas se faire trop d'illusions mais le moment est favorable pour une avancée. En sachant que dans le jeu du gendarme et du voleur, le voleur a toujours un temps d'avance.