Une main encombrante est le douzième et dernier roman de la série consacrée par Henning Mankell aux enquêtes de l’inspecteur Kurt Wallander. Cet inspecteur qu’il a créé et auquel il dit avoir donné quelques ressemblances avec lui-même.
Dans le récit, Wallander est parlé par le narrateur ou parle à la première personne.
Mais au-delà de ce parti pris narratif, l'auteur prête à son héros des sentiments, des compoortements dont il n’est pas certain que ce soit seulement ceux de l’inspecteur : l’histoire se déroule en 2002, le livre est paru en 2013 et, en janvier 2014, l’auteur rend publique l’affection dont il souffre, un cancer avancé, qui l’emporte en octobre 2015.
Coïncidence ? Prémonition ? Fatigue annonciatrice ? Savait-il déjà ?
Quoi qu’il en soit, une bonne partie de ce bref roman porte autant sur la vie de l’inspecteur que sur l’intrigue proprement dite : sa lassitude de la vie, son âge avancé, les difficultés du métier, la politique du chiffre, la nouvelle délinquance, l’insuffisance des moyens, le bilan d’une vie honorable mais insatisfaite… L’incapacité de changer par une rupture trop tardive, même pour de simples vacances au soleil...
Dans sa note Wallander et moi, Mankell affirme deux choses qui paraissent discutables à la lecture du roman.
- Je crois pouvoir affirmer qu'il n'est jamais arrivé que Willander prenne une place plus importante que l'histoire... Il n'est pas sûr que ce soit le cas ici et peut être même la vie de Mankell plus que celle de Wallander...
- Le racisme est un crime contre lequel il se révolte. Cela donne une réflexion entre policiers sur le peu d’intérêt de la presse et de l’opinion publique lors de la disparition de deux personnes..., des tattares … Mais demande à être nuancé à la lecture du roman.
Dans ce récit, la place des femmes est politiquement correcte : l’une, sa supérieure hiérarchique, est une femme mais très compétente, précise Wallander l’autre est médecin légiste et très fiable et la propre fille de Wallander travaille dans la même unité de police que son père.
Mais dans l’intrigue, des clichés apparaissent : une bagarre entre ivrognes au cours de laquelle un Polonais tue un habitant, disparition du couple de tattares qui abandonnent une roulotte, après un vol dont ils craignent les conséquences, et qui reviennent sous un faux-nom, leur petite fille, petite prostituée est soupçonnée de braquage enfin l’enquête permet de découvrir que le drame d’il y a cinquante ans, s’est déroulé au sein d’une famille d’étrangers, des Estoniens...
On aura compris que Kurt Wallander n’est pas un policier à la James Bond. Ce n’est pas un homme d’action appelé à affronter des brigands de haute volée et des intrigues internationales. Dans un monde qui est le sien où les choses changent, les relations de voisinage…, il travaille en équipe : sous la direction de Lisa Holgersson, avec des collaborateurs suivant les besoins : Morrisson son collègue mais aussi Stina Hurlèn, médecin légiste, Stefan qui cherche dans les registres d’État civil, Nyberg qui fait les fouilles dans le jardin... Et même sa fille, Linda qui le suit quelquefois.
Il ne résout pas le problème par une sagacité à la Sherlock Homes. Plutôt par un patient travail d’équipe, police scientifique, recherche dans les archives et informations extérieures qui font progresser vers la découverte de la solution.
Les personnages dont on sait quelque chose sont seuls : Wallander, séparé, Linda à un amant intermittent, Ivar n’a jamais eu de femme, on ne sait pas grand-chose de Katja la jeune prostituée…
Finalement, l’histoire commence, un dimanche matin, avec l’espoir de trouver enfin la maison de ses rêves et se referme sur lui. Elle est la maison où a été commis un parricide et qui lui a fait connaître la plus grande peur de sa vie, où il s’est vu face à la mort.
Découvrant quelque chose qu’il n’avait jamais connu auparavant une bouffée de vie exaltante qui lui fait prendre conscience que, malgré tout, il est encore vivant.
Une main encombrante, Henning Mankell, 172 pages, Seuil, 2014, traduit du suédois.