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2 septembre 2024 1 02 /09 /septembre /2024 20:35
Les J.O. sont-ils politiques ?

Malgré l’enthousiasme populaire et médiatique, anesthésiant, des Jeux et des manifestations qui les accompagnent, les J.O. sont très politiques de leur conception à leur déroulement périodique.
Malgré l’opportune trêve politique décrétée par le président de la République suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, surprise pour tout le monde et aux résultats, surprise pour l’arroseur arrosé !

Dés la campagne électorale qui dure une dizaine d’années avant la désignation de la ville où ils doivent se dérouler. Paris a accueilli les Jeux en 1900 et 1924 et depuis les années 1980, la France s’est très engagée pour leur organisation.
Avec
les échecs de 1992, face à Barcelone, 2008, face à Pékin, de 2012 face à Londres… La candidature Paris2024 est annoncée en juin 2015. Le Comité international olympique (CIO), après le retrait de Rome, Hambourg et Budapest, retient, en décembre 2016, Los Angeles et Paris. Los Angeles abandonne 2024 et le CIO désigne, en 2017, Paris pour les Jeux de 2024 et Los Angeles pour 2028.

Le choix d'utiliser principalement le slogan en anglais « Made for sharing » , traduit par « Venez partager », provoque une polémique. Le comité de candidature justifie son choix, « donner un caractère universel au projet » (Tony Estanguet).
Pour 3 associations de défense de la langue française, c’est une :
« insulte grave à la langue française ... violation de la Constitution ».
Pour l'Académie française, un slogan pour des pizzas, des bonbons, des biscuits qui a « déjà été utilisé lors de campagnes publicitaires ».
Pour Bernard Pivot : « une faute, une ânerie, une erreur ».

Le baron Charles Pierre Fredy de Coubertin est le père des J.O. modernes, même si l’idée en avait été lancée pendant la Révolution, olympiade de la République (1796, 1797, 1798), et leur rétablissement demandé sans succès à la municipalité de ParisD’autres olympiades ont eu lieu aussi en Angleterre en 1850 et à Athènes en 1859, 1870…

Pierre de Coubertin, après des études chez les jésuites, renonce à Saint-Cyr pour l'École libre des sciences politiques et l’Institut catholique de Paris. Lors de séjours outre-manche, il est frappé par les innovations britanniques en pédagogie.
En France, il milite pour le développement du sport et son introduction dans les milieux scolaires pour « régénérer la race française par la rééducation physique et morale des futures élites du pays qui a connu la défaite de 1870 ».
En 1894, Il fonde le CIO pour « cette œuvre grandiose et bienfaisante : le rétablissement des Jeux Olympiques » qu’il préside de 1896 à 1925.

Il est à l’origine du drapeau, du serment et de la devise olympiques. Devise soufflée par son ami et conseiller, le dominicain Henri Didon qui a célébré la première messe olympique à Athènes. Coubertin reprend ses mots « citius, fortius, altius », change leur ordre pour gommer leur sens spirituel, « citius, altius, fortius », (plus vite, plus haut, plus fort). Voulant atténuer la devise élitiste, il précise « l'essentiel n'est pas de gagner mais de participer », emprunté au sermon de l'évêque de Pennsylvanie, lors de la messe olympique à Londres (1908).
Jugée trop associée au culte de la performance et à la course au dopage, le CIO, en 2021 à Tokyo, modifie la devise qui devient :
« Citius, Altius, Fortius – Communiter ».
Soit dans les deux langues officielles du CIO :
« 
Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble », « Faster, Higher, Stronger – Together ».

Le Belge Henri Charles Joseph Ghislain, comte de Baillet, successeur au CIO de Coubertin, ouvre, en 1925, les épreuves d’athlétisme aux femmes pour les Jeux de 1928. Et, en 1936, contre Hitler, il impose la participation des athlètes juifs ou de couleur aux Jeux d’hiver à Garmisch-Partenkirchen et d’été à Berlin dans l'Allemagne nazie. Il en est récompensé par les 4 médailles d’or remportées par le Noir américain, Jesse Owens.
Même si, à ces jeux, l’allemand Konrad Frey (6 médailles dont 3 d’or) est l’athlète le plus médaillé et l’Allemagne remporte 89 médailles (33 d'or) devant les États-Unis, 56 médailles (24 d'or).

Des événements politiques empêchent la tenue des Jeux

1916 : les Jeux sont supprimés à cause de la Première guerre mondiale. Ils reprennent en 1920, à Anvers. Allemagne, Autriche, Bulgarie, Empire ottoman et Hongrie n’y sont pas invités.
L
es Jeux de 1940 (Tokyo puis Helsinki) et 1944 (Londres) sont annulés du fait des guerres. Ils reprennent en 1948 à Londres et en 1952, à Helsinki, avec l'Allemagne et le Japon et, pour la première fois, l'URSS, la Russie était absente depuis 1917.

Des nations ne participent pas aux Jeux pour des raisons politiques.
En 1956, à Melbourne, les événements de Hongrie entraînent le boycott par l’Espagne, les Pays-Bas, la Suisse. La République populaire de Chine se retire par opposition à la présence de la République de Chine (Taïwan).
À Tokyo, 1964, le CIO n’invite pas l'Afrique du Sud. Le gouvernement refusait que son équipe composée, pour la première fois, de Blancs et de Noirs, partage le même avion et le même village olympique. La Chine, absente depuis 1956, renonce à participer aux côtés de Taïwan.
Montréal, 1976 : 22 pays africains boycottent les Jeux contre la présence de la Nouvelle-Zélande qui a envoyé son équipe de rugby en Afrique du Sud, pays de l'apartheid.
À Moscou, en 1980, plus de 50 États boycottent les Jeux, suite à l’intervention de l’URSS en Afghanistan.
Ceux de Séoul en 1988 sont boycottés par la Corée du nord.
P
our les jeux de Pékin de 2008, de nombreux appels sont lancés pour le boycott des Jeux ou de la séance inaugurale des Jeux à cause de l’atteinte aux droits de l’homme en Chine et de la situation au Tibet.
Finalement, ce sont 90 chefs d’État ou de gouvernement qui sont présents, quatre fois plus que lors des Jeux précédents à Athènes.

À Paris2024, malgré l’absence de la Russie et de la Biélorussie, 206 délégations sont présentes. L’ONU compte ou reconnaît 197 États !
De réfugiés de 12 pays concourent, sur un pied d’égalité, avec les sportifs présentés officiellement par le pays d’origine qu’ils ont fui.

Des pays portant atteinte aux droits de l’homme ou intervenant militairement à l’extérieur, sans mandat international, n’ont pas été interdits de Jeux.

Le nombre de pays aux statuts divers ou aux politiques discutables traduit la volonté du CIO d’inclure le maximum d’entités territoriales.

La sérénité des Jeux a été troublée par des événements politiques.

- 1904, Saint-Louis : scandale des journées anthropologiques, réservées aux représentants des tribus sauvages et non civilisées.
- 1908 :
Londres veut imposer des jurys composés exclusivement d'Anglais.
-
1968, les Jeux sont précédés du massacre sur la place des Trois Cultures à Mexico.
Des athlètes des États-Unis, lors de la remise des médailles, lèvent leur poing ganté de noir pour protester contre la situation des Noirs aux États-Unis et dans le monde. D’autres, lors de la même cérémonie, arborent le béret noir des black-panthers.
-
Événement le plus grave en 1972, à Munich : prise en otages de 11 athlètes israéliens par des palestiniens de Septembre noir.
Bilan : mort de 17 personnes.
Les Jeux ne sont pas annulés. Le président du CIO, Avery Brundage, déclare : « The Games must go on » (les Jeux doivent continuer).
- Attentat au parc du Centenaire, Atlanta, 1996 : 2 morts et 111 blessés.
- Août 2023.
Séminaire, à Paris, des chefs de mission des Comités nationaux paralympiques. Polémique sur la venue de Ghafoor Kargari, président du comité iranien, accusé de tortures et soupçonné de crimes contre l'humanité — plainte déposée le 28 août — et d’Omar al-Aroub, président du comité syrien, accusé de crimes de guerre.

Le dopage était pratiqué aux Jeux olympiques antiques (préparation de viande de lézard). L'alcool était prohibé, un juge reniflait l'haleine des compétiteurs à l'entrée des stades.
Les produits et les contrôles ont beaucoup changé. Non la motivation.

Au dopage, on peut ajouter le soupçon de tricherie sur le sexe réel de certaines athlètes avec des polémiques qui dureront aussi longtemps que des critères scientifiques clairs ne seront pas publiés.

La présentation des résultats, distribution de médailles, starification des athlètes, classement par nationalité, concours de beauté dans l’inauguration et la clôture des Jeux sont autant de moments politiques ouvrant la dérive de la fierté nationale vers le nationalisme.
Avec l’aide
des médias et des gouvernements.

Ambitions françaises : obtenir plus de médailles que lors des dernières olympiades et voir la France dans les 5 premières nations au classement international.
De ce point de vue, les
résultats ne sont que très modérément conformes aux espérances officieuses tablant sur des Jeux à domicile, des investissement importants... Avec, de plus, l’exclusion de la Russie qui se classait toujours devant la France…
Le désenchantement sur le nombre de médailles a été rapide par rapport aux prévisions un peu trop optimistes de certains… Alors que le nombre de disciplines et donc de médailles distribuées augmente à chaque olympiade.

Pour les Jeux de 2028, sont ajoutés cricket, crosse (sport collectif nord-américain), softball, squash et flag football. Les Jeux de 2028 sont bien dessinés pour accentuer la supériorité étasunienne.

De nombreuses craintes précédaient les Jeux : sur l’organisation, les gréves, la sécurité, les transports… Les Jeux se sont déroulés de façon satisfaisante. Les moyens nécessaires ont été mobilisés, y compris…. la vidéo-surveillance qui risque de se pérenniser. Une pensée pour les responsables qui auraient été déclarés incapables et coupables si...
Il reste possible de pester contre le mauvais temps lors de l’inauguration...

Tout le monde a souligné l’adhésion, le soutien des Français qui se sont libérés momentanément du quotidien, et ont vibré, avec leurs champions dans les stades ou devant leur télévision.
Cet enthousiasme, des jeunes en particulier, se traduira-t-il par une augmentation significative des engagements sportifs y compris dans de disciplines découvertes à cette occasion ?
Au-delà des propos plus ou moins adaptés, répétitifs, emphatiques des journalistes sur les médailles gagnées par les héros en situation de handicap (ou non), ces Jeux, enthousiastes, incluants, seront-il suivis d’une amélioration du regard y compris des commentateurs et surtout des structures (habitations, transports, école, santé etc…).
Il est connu que, même si des progrès ont été faits, la France n’est pas exemplaire pour les personnes en situation de handicap. Serait-elle classée dans les cinq premières nations ? Le sera-t-elle un jour ?
Heureusement, il n’y a pas de classement officiel. Pour cela. Les paroles ne suffisent pas. Un financement fort est nécessaire et continu...

Au moment du bilan, des réponses viendront sur les questions sociales, écologiques, économiques, financières...

Trêve olympique
Le CIO a repris la notion de trêve olympique pour « préserver, dans la mesure du possible, les intérêts des athlètes et du sport en général ainsi que d’utiliser le rôle du sport pour promouvoir la paix, le dialogue et la réconciliation ».

Cette antique tradition a été reprise en 1993 par le CIO. En novembre 2023, l’Assemblée générale des Nations unies a voté sont instauration du 19 juillet au 15 septembre 2024.
Le principe a été adopté, 118 voix pour et deux abstentions (Russie et Syrie). Avec les mêmes effets que bien des résolutions de l’ONU.

Le 19 juillet, une messe à la Madeleine a marqué le lancement de la trêve olympique pour un cessez-le-feu pendant la durée des Jeux.
En présence de représentants diplomatiques, de comités olympiques nationaux, de sportifs, de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, de la ministre de la Culture, Rachida Dati, de la maire de Paris, Anne Hidalgo et du président du CIO, Thomas Bach.

Le dimanche 4 août, sur le parvis de Notre-Dame de Paris, a eu lieu un événement œcuménique souhaité par le président du CIO, Thomas Bach,  « en écho à la cérémonie interreligieuse des Jeux de 1924 en la cathédrale de Notre-Dame de Paris » par Pierre de Coubertin. En présence de Thomas Bach, de Tony Estanguet, président de Paris202, et du représentant des 5 grandes religions, Haïm Korsia, Grand Rabbin de France, Najat Benali, Présidente des associations-mosquées de Paris, Christian Krieger, Président de la Fédération Protestante de France, Anton Gelyasov, aumônier national Orthodoxe des Hôpitaux, Lama Jigmé Thrinlé Gyatso, co-président de l’Union Bouddhiste, Shailesh Bhavsar, représentant du culte hindou, et Mgr Philippe Marsset, évêque auxiliaire de Paris.
L'événement intervient à la suite de vives réactions de chefs religieux à travers le monde à l'égard de certains tableaux présentés lors de la cérémonie d'ouverture de JO de Paris 2024.

Sport ou éducation physique.

Toutes les questions envisagées, jusqu’ici, montrent que les jeux sont étroitement intriqués à la politique suivant les circonstances et le rapport de forces internationales du moment.

Les Jeux, depuis le début, fonctionnent sur la base de la concurrence, du conflit, du combat, certes pacifiques mais excluant au fur et à mesure de la compétition. Cette exclusion a été ressentie par Coubertin lui-même qui a voulu l’atténuer en avançant la possibilité de participation de tous à toutes des activités sportives.
Elle émanait d’une aristocratie de naissance, britannique, et contribuait par la compétition à créer, renforcer une nouvelle aristocratie.

Après la Première Guerre mondiale, Coubertin, oubliant son opposition à la participation des femmes, écrit :
« 
Tous les sports sont pour tous ; voilà sans doute une formule qu'on va taxer de follement utopique. Je n'en ai cure. Je l'ai longuement pesée et scrutée ; je la sais exacte et possible. Les années et les forces qui me restent seront employées à la faire triompher ».

Cette exclusion est même dans l’origine du mot et la pratique du sport destiné pour le baron de Coubertin à « forger une noblesse moderne sur l’énergie, le courage, le fair-play ».
La sélection olympique par la compétition, la concurrence est en parfait accord avec la société contemporaine libérale. Elle a remplacé l’amateurisme aristocratique. Et s’est étendue avec la puissance de l’Europe occidentale sur le monde entier.
Elle est éloignée de l’utopie d’une éducation physique issue des Lumières visant la promotion collective et non la lutte de tous contre tous.
Malgré les généreuses déclarations sur l’inclusion.

Inclusion

En dehors des épreuves sportives des J.O. qui sont les mêmes, à quelques ajouts ou suppressions prés, le cadre et les manifestations qui les ont accompagnées lors de Paris2024 sont remarquables et répondent au cahier des charges : inclusion.
Même si c’est au prix, quelquefois de grincements de dents.

Les athlètes, spectateurs et téléspectateurs sortent du confinement.
Par le choix des organisateurs.
La ville s’est offerte aux Jeux ! Les Jeux se sont emparés de la ville ! Joie de tous et, encore plus, des téléspectateurs, fussent-ils parisiens, qui ont pu voir, tous les athlètes, tous les terrains enchâssés dans leur environnement monumental. Jamais vus ainsi auparavant. Grâce aux nouvelles techniques de prises de vue qui permettent de les filmer désormais sous tous les angles. Paris, ses monuments et son histoire.
Inclusion totale, réciproque.

Marathon pour tous !
Inclusion par le spectacle, par la participation aussi.
Avec le marathon pour tous à Paris : sans classement (de l’Hôtel de ville aux invalides) sur 10km ou sur le circuit complet des Jeux (9 communes traversées : Paris – Boulogne-Billancourt, Sèvres, Ville d’Avray, Versailles, Viroflay, Chaville, Meudon, Issy-les-Moulineaux).
Plus de 20 000 participants.
Le marathon pour tous, connecté : 473 156 inscrits du monde entier ! Les coureurs devaient courir au moins 30 minutes sur la route, en salle de sport, en appartement.… pour que leur participation soit prise en compte. Une application permettait de voir le parcours officiel !

Avec les manifestations, inauguration et clôture.
Inclusion aussi pour les manifestations de l’inauguration et de la clôture des Jeux olympiques et paralympiques.

La Seine comme colonne vertébrale et ses rives couvertes de dizaines de milliers de spectateurs. Un spectacle incluant des moments de l’histoire d’hier et d’aujourd’hui, d’images, de musique. Chacun gardera ses Jeux. Seine, scènes, Cène… Chacun aura trouvé, retrouvé, aimé ou détesté. Inclusion !

Le cheval mécanique Zeus galopant sur la Seine, Louise Michel et Olympe de Gouges surgissant des fonds de l’histoire et des eaux, Mon truc à plumes, Ça ira, et le French Cancan sur les berges, le défilé de mode publicitaire pour Louis Vuiton, Philippe Catherine en Dionysos, Aya Nakamura et la Garde républicaine devant l’Académie française, L’hymne à l’amour de Céline Dion… L’adepte de parkour sur les toits de Paris… La Vasque olympique

Et la Mission impossible de Tom Cruise sautant du toit du stade de France au milieu des athlètes devenus spectateurs, enfourchant sa moto pour s’engouffrer dans un avion gros porteur et atterrir en quelques secondes à Hollywood-Los Angeles transmettant le drapeau olympique pour les Jeux de 2028 !

L’ouverture des Jeux paralympiques.
Les athlètes descendent les Champs-Élysées et les scènes s’enchaînent sur la grande place blanche, des projections montrent le parcours en difficultés de personnes, non des héros, en situation de handicap, les ballets mêlent personnes en situation de handicap ou non, la flamme paralympique arrive d’Angleterre et 5 athlètes paralympiques allument la Vasque, les drapeaux et la musique, Born to alive, le rouge coucher de soleil, les discours et les mots qui, ici, aujourd’hui, prennent encore plus de force, Liberté, Égalité, Fraternité, sur la place de la Révolution-de la Concorde–de l’Inclusion tandis que scintillent les Lumières de la ville contemplées du haut de l’Obélisque venue d’Égypte.

Demain sera un autre jour...


 

Les J.O. sont-ils politiques ?
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30 décembre 2023 6 30 /12 /décembre /2023 21:51
Missak et Mélinée, de l'Affiche rouge au Panthéon

Entrés en France par la petite porte, dérobée, Missak et Mélinée Manouchian, immigrés, arméniens survivants du génocide turc, communistes, résistants contre le nazisme, étrangers, français de préférence, entreront au panthéon au mois de février.
Par le bon-vouloir d’un président de la République qui vient de commettre la 30ème loi depuis 1980, sur l’immigration, inspirée, soufflée, votée par toute la droite et l’extrême droite !

Étranges parcours ! D’un homme, d’une femme et de l’hommage qui leur est rendu.

Avec eux, seront aussi honorés  22 camarades du groupe résistant des FTP-MOI parisiens (Franc-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée) dont a fait partie en février 1943, Missiak Manouchian, nommé commissaire technique en juillet et commissaire militaire le mois suivant.

Ce groupe était constitué de résistants au nazisme de 7 nationalités différentes : 8 Polonais, 5 Italiens, 3 Français, 3 Hongrois, 2 Arménien, 1 Espagnol et une femme, roumaine, transférée à Stuttgart et décapitée le 10 mai 1944.

L’émouvante lettre de Missak Manouchian à Mélinée, son épouse, est connue du grand public depuis 1961, grâce à la chanson L’Affiche rouge de Léo Ferré, franco-monégasque, né à Monaco, français de naissance (1926), monégasque de choix (1953), mort en Italie (1993). Léo Ferré, anarchiste, a mis en musique et chanté le poème (texte et analyse littéraire) paru d’abord dans l’Humanité, Strophes pour se souvenir (1955) de Louis Aragon, communiste.

Chanson qui a été interdite sur les ondes nationales françaises jusqu’en 1982 !

Un communiste, un anarchiste, rendant hommage à vingt-et-trois étrangers, nos frères pourtant, luttant contre le nazisme, pour la liberté et criant la France, en s’abattant ! Chanter la France et la Liberté, dans le même camp ! Rendre hommage à des personnes aux noms imprononçables. En pleine Guerre froide et, surtout, en pleine Guerre d’Algérie !

Louis Aragon, dans Strophes pour se souvenir, mettait en poème les mots de Missak Manouchian dans sa lettre, sans haine mais non sans amour, à Mélinée écrite quelques heures avant d’être fusillé. Et rendait hommage, au groupe de Missak Manouchian, sans le nommer et, ainsi, à tous ceux qui, quelle que soit leur nationalité, avaient le même engagement.

Pour se souvenir.

Se souvenir de Mélinée, de sa dernière lettre à Missak, moins connue, tout aussi émouvante.

Se souvenir de leur vie.
De leur combat.

De leur destin.

Unis et séparés.
Et à nouveau unis.


 

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7 mars 2022 1 07 /03 /mars /2022 10:52
Ceci n'est pas un meurtre...

 

Mais c’est un Maigret adapté au cinéma par Patrice Leconte.

Un roman, un film policier est le plus souvent une histoire qui débute par la découverte d’un meurtre suivi d’une enquête policière cherchant à découvrir les coupables de cet acte criminel. Encore faut-il d’abord établir les faits avant d’engager lecteur ou spectateur dans de multiples impasses plus ou moins angoissantes.

Dans le prologue de Maigret, c’est le Commissaire qui est inquiet de son état de santé, marqué par une fatigue excessive, un manque d’appétit… heureusement sans cause ni conséquence si ce n’est une inutile interdiction médicale de fumer par son médecin. Et le Commissaire est appelé à une nouvelle enquête à propos de la découverte du corps d’une jeune femme lardé de coups de couteau signalé à la police par une alerte téléphonique anonyme.

Le film de lumière et d’ombre. La lumière de Paris ou plutôt le mirage de Paris qui attire les jeunes femmes de province, prêtes à beaucoup, pour se faire une place dans le cinéma ou le beau monde. Mais Paris n’est qu’un aquarium illuminé dans un bureau obscur, un endroit où le nouveau poisson exotique aura une place s’il n’est pas mangé par les premiers occupants.
Le Paris du Commissaire est tout autre :
un Paris fait de maisons sombres, de bureaux occupés par des hommes vêtus de noir, de rues tout aussi banales et grisâtres, de longs couloirs sans lumière, même le bord de Seine n’est qu’un couloir pavé : le Commissaire évoque pour une jeune femme qui va l’aider dans sa recherche, une de ses premières enquêtes commencée par la découverte d’un corps en très mauvais état retrouvé au pilier du pont…

Le contraste est fort entre la clarté des images fugitives des jeunes et joyeuses candidates figurantes, des riches fiançailles ou du mariage bourgeois, de l’aquarium et le monde du Commissaire triste et sombre, de son domicile, de son bureau… et des nombreux couloirs qu’il arpente. Contraste encore entre la jeune femme luxueusement vêtue, pour un jeu de rôle, cornaquée par le Commissaire qui lui donne des conseils pour marcher dans le couloir sombre de sa chambre, tous deux aperçus par une logeuse, elle aussi habillée de noir au regard soupçonneux pour ce couple équivoque.
De tous, le personnages dominant est bien sûr le Commissaire, par son rôle, par sa forte corpulence, par l’énormité de Gérard Depardieu encore accentuée par l’importance de ses épais vêtements, de son manteau. Il écrase tout et tout le monde, surtout de dos, dans la rue.

Dans l’épilogue, le film policier est terminé. Deux séquences hors enquête : dans la première, un bal, une jeune femme qui ressemble étrangement à la victime, seule, triste perdue ; dans la seconde, le Commissaire remonte difficilement une rue pentue, déserte et grise, croise une belle jeune femme, souriante, conquérante qui, probablement, débarque de sa province, avec sa valise... la nouvelle vient tenter sa chance dans l’aquarium parisien.
Le monde continue. Le commissaire se retourne, la regarde, reprend lourdement son chemin et son énormité disparaît, s’évanouit, laissant la rue pavée, grise et vide.

Ceci n'est pas un meurtre...
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25 octobre 2021 1 25 /10 /octobre /2021 14:41
Le voyage à Nantes (2021)

Le Voyage à Nantes est depuis 2012, un musée urbain, en intérieur et en extérieur, avec expositions permanentes et temporaires. Il suffit de suivre la « ligne verte », tracée sur le sol, et d’avoir de bonnes jambes, pour en parcourant Nantes (et les environs) découvrir, gratuitement, une cinquantaine d’œuvres temporaires ou pérennes dispersées dans la ville. En plus des expositions temporaires organisées dans certains musées.

Dans ce parcours, on retrouvait bien sûr, les lieux emblématiques que sont le Château des ducs de Bretagne, cette année avec une remarquable exposition du Béninois Romuald Hazoumé, le Mémorial de l’Abolition de l’Esclavage, les Machines de l’Île et son fameux éléphant qui arrose les curieux ravis…, le Jardin des Plantes qui propose ses taupières et autres fantaisies,  le Passage Pommeraie… Des installations des années précédentes qui font désormais partie du décor urbain. Qui sera enrichi par certaines des nouvelles œuvres mises en place cette année

Les quelques images ci-après donnent une petite idée de la richesse du parcours avec une mention particulière pour l’œuvre, réaliste et poétique, du Yoruba universel, le Béninois Romuald Hazoumé.

En parcourant la ville, on peut revoir des sites anciens, en découvrir quelques uns ignorés lors des années précédentes , en plus de la nouvelle cuvée...

 

Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)

 

Le Jardin des plantes continue à s’offrir et à se renouveler…

Le voyage à Nantes (2021)Le voyage à Nantes (2021)Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)Le voyage à Nantes (2021)Le voyage à Nantes (2021)

De nombreux commerçants participent au Voyage à Nantes avec  de belles et otiginales enseignes...

 

Le voyage à Nantes (2021)
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Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)

Des expositions temporaires participent au Voyage à Nantes, certaines dans les musées...

Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)

Le clou, à nos yeux, est l’exposition de l’artiste béninois Romuald Hazoumé dans le Château des Ducs de Bretagne, quelques unes visibles, gratuitement, dans la cour du château, d’autres disposées dans le musée. Qui fait le lien entre un certain passé de Nantes et des événements actuels...

 

Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
Le voyage à Nantes (2021)
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1 avril 2021 4 01 /04 /avril /2021 16:07

En ces temps de con-décon-recon-finement, le Chat de Gelück est en permanence, en 20 modèles, physiquement distanciés conformément aux conseils du grand épidémiologiste, (bientôt le Grand Timonier ?) sur les Champs-Élysées. Il n’est pas sûr que les privés (de tout) qui viennent le caresser du regard sous un soleil printanier soient aussi politiquement et épidémiologiquement corrects…

 

Pour les amoureux du Chat qui ne peuvent pas, éloignés de plus de 10km ou qui ne veulent pas courir de risques voici quelques images, qui permettront de voir le Chat, sans risque de Coronavirus. A moins que d'ici juin....

Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux Champs
Le Chat aux ChampsLe Chat aux Champs
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13 mars 2020 5 13 /03 /mars /2020 22:17
A propos de Mort sur le Nil

L'ambiguïté du titre français, Mort sur le Nil, est la première question que pose ce célèbre roman policier d'Agatha Christie, dénouée par le titre anglais, Death on the Nile (1) : il s’agit de la mort et non d’un mort sur le Nil. Car il y a plusieurs morts dans ce roman qui aurait pu être intitulé Deux mariages et cinq enterrements.

Le roman ne commence pas par un crime ou  par un cadavre dont il va falloir dénouer l'histoire et trouver le responsable. Le crime ne survient qu'après le premier tiers du roman et constitue la première énigme que pour le lecteur : qui va mourir dans cet échantillon de la bonne société, essentiellement, britannique, où tout le monde se connaît ou presque, en croisière touristique sur le Nil ?

Question peut-être inopportune car Agatha Christie s’étend largement sur la description d’une personne, la seule personnalité exceptionnelle qui attire tous les regards, admiration, jalousie, rancune qui la désignent au lecteur comme la probable victime.
E
lle est la première dans l’ordre d’apparition des dix-huit personnages présentés dont cinq ne seront pas de la croisière et ne peuvent être ni la victime, ni le coupable et Hercule Poirot, le célèbre détective. Cela réduit, pour le lecteur, le nombre de suspects à douze. Il est difficile de penser que les rôles principaux, victime ou coupable, puissent ne pas apparaître dans cette première liste et se trouver parmi les six croisiéristes découverts par la suite. Le lecteur est en droit de penser qu’ils ne sont que des personnages secondaires par leur rang ou leur nationalité dont un policier, confident et auxiliaire d’Hercule Poirot, une victime collatérale comme on dit aujourd’hui, un archéologue italien, un aristocrate original et incognitocomparses éventuels ? Leurres pour le lecteur ? En oubliant, bien sûr, le personnel qui se résume à quelques stewards anonymes et un Nubien...

Cette personne est exceptionnelle par sa beauté, son élégance, sa richesse, son intelligence mais aussi par son inconsciente suffisance pleine de bonne volonté. En un mot, la perfection d'une jeune femme de son rang en fait la victime annoncée. D’autant que de nombreux compagnons de croisière souffrent de cette altière supériorité et ont quelques motifs plus ou moins légitimes de lui en vouloir, possibles mobiles d’un passage à l’acte.

Le crime commis, la victime connue, reste à trouver parmi les mobiles suggérés par l’auteur lequel a poussé à commettre l’acte meurtrier.
La seule présentation des personnages, dans leur milieu au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis ou en croisière, fournit à Hercule Poirot et au lecteur, de nombreux indices qui orientent vers la victime d’abord, les coupables ensuite. Indices dont la collecte commence donc avant le crime, avant l’enquête.

Au total, une dizaine de britanniques semblent être les seuls passagers de la croisière, pouvant prétendre à la culpabilité. Quelques autres personnes participent à la croisière mais sont indignes de tout soupçon, par leur condition ou leur nationalité : une infirmière française, un archéologue italien, un lord original incognito et tout le personnel qui se résume à quelques stewards anonymes et un Nubien..

C’est seulement parmi les personnes de cette haute société impériale, dignes d’attention, que se trouve le ou les coupables. Car chacun, au dessus de tout soupçon, est dans une situation, plus ou moins douteuse, susceptible de l’entraîner à des actes gravissimes : un prétendant délaissé, un noble ami humilié, ils ne font pas partie de la croisière. Restent une amie dont le fiancé a été détourné, un membre d’une vieille famille ruinée par des manœuvres financières du père de la victime, des gestionnaires douteux de sa fortune, un voleur de bijoux surpris dans son activité, un amoureux indélicat contrarié par une intervention intempestive, une kleptomane ou une alcoolique, malencontreusement démasquées... Ces différentes raisons d’importance inégale touchent des personne plus ou moins aptes à commettre un acte d’une telle gravité

Le premier mobile, de toute évidence, dans le classique trio amoureux, est la fiancée délaissée qui en fait la première suspecte. Elle n’hésite d’ailleurs pas à provoquer, à montrer son revolver, à crier son amour-haine...
Mais cette évidence est trop simple

Heureusement, Hercule Poirot est à bord. Grâce au hasard, à sa mémoire exceptionnelle, un repas à Londres quelques mois auparavant, à un excellent don d’observation, à une grande finesse psychologique, à sa perspicacité, à ses intuitions, à sa réputation qui en fait le confident des uns et des autres, le célèbre détective va dénouer le problème. Avec cependant deux meurtres supplémentaires qui font progresser l’action. Et deux autres morts violentes à l’arrivée de la croisière qui la concluent. Le titre du roman aurait pu être Deux mariages et cinq enterrements. Car il n’y a pas lors de cette croisière que des meurtres.

Hercule Poirot est assisté du colonel Race qui recherche mollement et trouve fortuitement, un tueur à la solde de rebelles d’Afrique du Sud. Il joue aussi un rôle de confident, de faire-valoir…

Deux policiers du même monde, hommes justes et généreux, qui se plaisent à faire œuvre de justice en respectant sinon la loi du moins l’ordre : ici, tous les délits sont tenus secrets, sauf les assassinats. Ils sauvent ainsi les apparences d’une société qui ne doit pas faillir, qui doit paraître. Et la croisière finit heureusement par deux unions. Quand Race reconnaît logiquement : De fait, ce mariage a été réglé par le Ciel et Hercule Poirot. Celui-ci réplique avec son humour et sa vanité légendaires : Non, cette histoire a été tout entière imaginée par moi. C'est à dire, plus justement, imaginée par Agatha Christie.
Quant aux morts collatérales en cours d’enquête, Dieu ou Diable n'ont pas eu besoin d'aide.

 

Le nœud, le leurre du drame est dans le classique trio passionnel. Et Agatha Christie s’ingénie à faire progresser l’enquête en éliminant les différentes hypothèses qu’elle a suggérées au lecteur, notamment à travers les confidences d’Hercule Poirot à Race.
Dans un rapport d’étape approuvé par Hercule Poirot, Race dresse la liste de ce
ux qui ont des mobiles plausibles contre lesquels nous possédons des témoignages certains (six personnes), et ceux qui, à notre connaissance, sont libres de tout soupçon (huit personnes). Curieusement, il ne cite ni dans un groupe, ni dans l’autre, ni dans un troisième, deux membres du classique trio. Façon de les faire oublier du lecteur...

Les unes sont soupçonnées à cause de motivations qui paraissent un peu légères, découvertes de l’alcoolisme caché d’une vieille femme, kleptomanie d’une autre que son infirmière personnelle surveille... Dautres sont plus ou moins suspects à la suite de déclarations mensongères en contradiction avec d’autres témoignages, visant à cacher des choses plus graves… D’autres enfin paraissent difficilement coupables car n’ayant jamais échappé au regard des uns ou des autres surtout après un tir apparemment passionnel de la fiancée délaissée sur celui qui l’a abandonnée pour son ancienne meilleure amie. Ou une suspecte elle-même assassinée !
Il ne reste plus à Hercule Poirot qu’à faire étalage de son don d’observation
des faits comme des sentiments et de relier des indices qui conduisent à confondre les coupables.
Ce qui paraît alors évident au lecteur.

A propos de Mort sur le Nil

1 - Mort sur le Nil (Death on the Nile) de Agatha Christie, Librairie des Champs-Élysées, 1948, 254 p.

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25 février 2020 2 25 /02 /février /2020 23:27
La maison où je suis mort autrefois (1)

La maison où je suis mort autrefois

 

Une jeune femme demande à son ancien petit ami de l’aider à dénouer son passé et à retrouver sa mémoire. Cette quête aurait pu tourner au réchauffement d’une relation qui n’est pas complètement oubliée. Elle va les conduire à mettre au jour un passé douloureux et une affaire criminelle vieille de plus de vingt ans. Affaire exceptionnelle dans des circonstances qui ne sont pas propres au Japon.

L’originalité de l’histoire tient, d’abord, au point de départ de ce policier qui n’est pas un meurtre dont il faut retrouver le coupable. Mais à la volonté d’une femme qui n’a aucune trace, ni souvenir, ni photographie, de ses premières années, avant l’entrée à l’école primaire. Avec le sentiment d’être différente. Ce qui l’avait rapprochée de l’auteur. Et qui veut en retrouver la cause dans l’espoir de se libérer.
Les deux enquêteurs ne sont pas l’équipe habituelle constituée d’un inspecteur ou un détective privé en duo avec un assistant, confident ou faire valoir. Ici le classique travail d’enquête policière associe la recherche d’indices matériels et la perspicacité d’un jeune homme aidé par une jeune femme, objet et sujet participant à l’enquête. Demandeuse, victime, témoin indispensable, qui doit extraire péniblement de son cerveau des lambeaux de souvenirs. Qui orientent les recherches. Qui éveillent de nouveaux souvenirs parcellaires.

Ils sont, tous deux, amenés à fouiller pendant une longue journée une maison poussiéreuse, abandonnée mais qui leur donne l’illusion de la vie alors qu’elle n’est riche que des traces d’un passé reconstruit qui n’est pas le sien. Qui leur permet de retrouver une histoire qui s’est déroulée ailleurs !

Cette double fouille dans une maison et une mémoire mortes conduit à redonner vie au traumatisme vécu dans une situation familiale criminelle. Où elle n’a pas été simplement victime. Cette enquête est, à la fois, policière et psychanalytique . Et rend à la conscience un conflit enfoui et bloquant.

Cette maison, plus fabriquée que réelle, permet une seconde naissance, douloureuse de la jeune femme. Douloureuse parce qu’elle est l’écrin, fictif, de la vie et de la mort d’une famille dans lesquelles elle est impliquée. Une seconde naissance qui lui permettra, peut-être, de repartir dans la vie avec son passé retrouvé, une identité modifiée, nouvelle, assumée… Loin de son enfance, loin de la maison du souvenir de son enfance.

 

Loin d’une maison où elle est morte autrefois. Une maison que l’auteur a connu. Peut-être aussi le lecteur. Car chacun a laissé, dans une maison, son enfance pour la vie d’adulte. Qu’il faut, finalement affronter. Seul, inexorablement seul.

 

Cette enquête, à la fois policière et psychologique, vise à trouver la cause d’un trouble psychique qui révèle un acte criminel ignoré, plus ou moins volontairement, vingt-trois ans auparavant. Dans un contexte social et national complexe : rigidité de l’éducation, pédophilie, mythologie chrétienne.

La maison où je suis mort autrefois (1)

Pour les personnes qui n’ont pas l’intention de lire le livre.


 

Derrière la complexité policière de l’intrigue propre au genre, l’enquêteuse participante, à la recherche des faits, des signes physiques objectifs doit retrouver, dans sa mémoire effacée la partie cachée, inconsciente mais conservée. Comme la police peut retrouver, sur un disque dur, images ou écrits que l’utilisateur a cru faire disparaître définitivement.
Ce sont les indices objectifs et ses souvenirs furtifs qui se nourrissent les uns les autres pour faire progresser vers la découverte d’un passé, peut-être, libérateur.

Comme dans tout bon roman policier, le coupable ou la coupable n’est pas obligatoirement la personne soupçonnée ou finalement désignée. Ici, il y a même plusieurs coupables dans l’enchaînement des faits : celui qui met le feu, celle qui dit tue-le, celui qui a détruit sa fille par ses attouchements et le grand-père qui a méprisé, rejeté son fils et s’est substitué à lui dans l’éducation de son petit-fils.
Maltraitance, pédophilie,
problèmes de société qui ne sont pas spécifiquement japonais.

L’enquête se déroule dans une maison qui n’est qu’une reconstitution, morte, imparfaite, peuplée de faux objets souvenirs, lieu d’une retrouvaille qui ne peut qu’être incomplète du fait de son imperfection. Mais qui permet finalement la renaissance après une si longue absence.

Le lecteur ignorant est intrigué par la présence de croix dans un pays où le catholicisme ne concerne qu’une infime minorité. Alors que cette présence n’apparaît pas évidente ni lors des événements, ni au cours de la vie des jeunes enquêteurs.
P
résence diffuse des mythes chrétiens. Contestation ?

L’enquête n’existe que par la curiosité (le péché originel ?) de la jeune femme voulant retrouver son enfance disparue. Cette enquête débouche, de façon inattendue, sur la mort provoquée de trois personnes : le père haï, l’autre, le mauvais larron seul visé par l’incendie, son fils, le criminel, le bon larron et l’innocente, la fille des domestiques de la maison.
Pour sauver la fille, réellement responsable,
tue-le, de ce malheur, la grand-mère, qui n’a pas probablement connu cette responsabilité, décide de la faire adopter par le couple de serviteurs. Mais cela ne la sauvera pas. On ne peut bâtir sur la mort d’un innocent (le christianisme).

Ce n’est pas l’adoption, semble-t-il fréquente au Japon, surtout l’adoption d’adultes, qui est condamnée. L’adoption cachée ? Les deux enquêteurs sont des enfants adoptés, ce qui peut expliquer les affinités d’adolescents qui se sentent différents. Mais le jeune homme sait, tandis que la jeune femme ignore. Et si le premier a mal supporté cette adoption, la seconde a réagi au drame, à l’adoption et au silence de ses parents adoptifs par l’amnésie.
Cette révélation ne l
a libère que partiellement. Ils restent tous deux dans cette maison de leur enfance qui les enferme dans la solitude. Ils ne bâtiront pas une maison commune.

1 - La maison où je suis mort autrefois de Keigo Higashimo. Traduit du japonais. Babel noir, Actes sud 2010

 

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28 janvier 2020 2 28 /01 /janvier /2020 20:52
Une main encombrante de Henning Mankell

Une main encombrante est le douzième et dernier roman de la série consacrée par Henning Mankell aux enquêtes de l’inspecteur Kurt Wallander. Cet inspecteur qu’il a créé et auquel il dit avoir donné quelques ressemblances avec lui-même.


Dans le récit, Wallander est parlé par le narrateur ou parle à la première personne.
Mais au-delà de
ce parti pris narratif, l'auteur prête à son héros des sentiments, des compoortements dont il n’est pas certain que ce soit seulement ceux de l’inspecteur : l’histoire se déroule en 2002, le livre est paru en 2013 et, en janvier 2014, l’auteur rend publique l’affection dont il souffre, un cancer avancé, qui l’emporte en octobre 2015.
Coïncidence ? Prémonition ? Fatigue annonciatrice ? Savait-il déjà ?

Quoi qu’il en soit, une bonne partie de ce bref roman porte autant sur la vie de l’inspecteur que sur l’intrigue proprement dite : sa lassitude de la vie, son âge avancé, les difficultés du métier, la politique du chiffre, la nouvelle délinquance, l’insuffisance des moyens, le bilan d’une vie honorable mais insatisfaite… L’incapacité de changer par une rupture trop tardive, même pour de simples vacances au soleil...

Dans sa note Wallander et moi, Mankell affirme deux choses qui paraissent discutables à la lecture du roman.

- Je crois pouvoir affirmer qu'il n'est jamais arrivé que Willander prenne une place plus importante que l'histoire... Il n'est pas sûr que ce soit le cas ici et peut être même la vie de Mankell plus que celle de Wallander...

- Le racisme est un crime contre lequel il se révolte. Cela donne une réflexion entre policiers sur le peu d’intérêt de la presse et de l’opinion publique lors de la disparition de deux personnes..., des tattares … Mais demande à être nuancé à la lecture du roman.

Dans ce récit, la place des femmes est politiquement correcte : l’une, sa supérieure hiérarchique, est une femme mais très compétente, précise Wallander l’autre est médecin légiste et très fiable et la propre fille de Wallander travaille dans la même unité de police que son père.

Mais dans l’intrigue, des clichés apparaissent : une bagarre entre ivrognes au cours de laquelle un Polonais tue un habitant, disparition du couple de tattares qui abandonnent une roulotte, après un vol dont ils craignent les conséquences, et qui reviennent sous un faux-nom, leur petite fille, petite prostituée est soupçonnée de braquage enfin l’enquête permet de découvrir que le drame d’il y a cinquante ans, s’est déroulé au sein d’une famille d’étrangers, des Estoniens...

On aura compris que Kurt Wallander n’est pas un policier à la James Bond. Ce n’est pas un homme d’action appelé à affronter des brigands de haute volée et des intrigues internationales. Dans un monde qui est le sien où les choses changent, les relations de voisinage…, il travaille en équipe : sous la direction de Lisa Holgersson, avec des collaborateurs suivant les besoins : Morrisson son collègue mais aussi Stina Hurlèn, médecin légiste, Stefan qui cherche dans les registres d’État civil, Nyberg qui fait les fouilles dans le jardin... Et même sa fille, Linda qui le suit quelquefois.

Il ne résout pas le problème par une sagacité à la Sherlock Homes. Plutôt par un patient travail d’équipe, police scientifique, recherche dans les archives et informations extérieures qui font progresser vers la découverte de la solution.

Les personnages dont on sait quelque chose sont seuls : Wallander, séparé, Linda à un amant intermittent, Ivar n’a jamais eu de femme, on ne sait pas grand-chose de Katja la jeune prostituée…

Finalement, l’histoire commence, un dimanche matin, avec l’espoir de trouver enfin la maison de ses rêves et se referme sur lui. Elle est la maison où a été commis un parricide et qui lui a fait connaître la plus grande peur de sa vie, où il s’est vu face à la mort.
Découvrant quelque chose qu’il n’avait jamais connu
auparavant une bouffée de vie exaltante qui lui fait prendre conscience que, malgré tout, il est encore vivant.

Une main encombrante, Henning Mankell, 172 pages, Seuil, 2014, traduit du suédois.

Une main encombrante de Henning Mankell
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