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25 février 2020 2 25 /02 /février /2020 23:27
La maison où je suis mort autrefois (1)

La maison où je suis mort autrefois

 

Une jeune femme demande à son ancien petit ami de l’aider à dénouer son passé et à retrouver sa mémoire. Cette quête aurait pu tourner au réchauffement d’une relation qui n’est pas complètement oubliée. Elle va les conduire à mettre au jour un passé douloureux et une affaire criminelle vieille de plus de vingt ans. Affaire exceptionnelle dans des circonstances qui ne sont pas propres au Japon.

L’originalité de l’histoire tient, d’abord, au point de départ de ce policier qui n’est pas un meurtre dont il faut retrouver le coupable. Mais à la volonté d’une femme qui n’a aucune trace, ni souvenir, ni photographie, de ses premières années, avant l’entrée à l’école primaire. Avec le sentiment d’être différente. Ce qui l’avait rapprochée de l’auteur. Et qui veut en retrouver la cause dans l’espoir de se libérer.
Les deux enquêteurs ne sont pas l’équipe habituelle constituée d’un inspecteur ou un détective privé en duo avec un assistant, confident ou faire valoir. Ici le classique travail d’enquête policière associe la recherche d’indices matériels et la perspicacité d’un jeune homme aidé par une jeune femme, objet et sujet participant à l’enquête. Demandeuse, victime, témoin indispensable, qui doit extraire péniblement de son cerveau des lambeaux de souvenirs. Qui orientent les recherches. Qui éveillent de nouveaux souvenirs parcellaires.

Ils sont, tous deux, amenés à fouiller pendant une longue journée une maison poussiéreuse, abandonnée mais qui leur donne l’illusion de la vie alors qu’elle n’est riche que des traces d’un passé reconstruit qui n’est pas le sien. Qui leur permet de retrouver une histoire qui s’est déroulée ailleurs !

Cette double fouille dans une maison et une mémoire mortes conduit à redonner vie au traumatisme vécu dans une situation familiale criminelle. Où elle n’a pas été simplement victime. Cette enquête est, à la fois, policière et psychanalytique . Et rend à la conscience un conflit enfoui et bloquant.

Cette maison, plus fabriquée que réelle, permet une seconde naissance, douloureuse de la jeune femme. Douloureuse parce qu’elle est l’écrin, fictif, de la vie et de la mort d’une famille dans lesquelles elle est impliquée. Une seconde naissance qui lui permettra, peut-être, de repartir dans la vie avec son passé retrouvé, une identité modifiée, nouvelle, assumée… Loin de son enfance, loin de la maison du souvenir de son enfance.

 

Loin d’une maison où elle est morte autrefois. Une maison que l’auteur a connu. Peut-être aussi le lecteur. Car chacun a laissé, dans une maison, son enfance pour la vie d’adulte. Qu’il faut, finalement affronter. Seul, inexorablement seul.

 

Cette enquête, à la fois policière et psychologique, vise à trouver la cause d’un trouble psychique qui révèle un acte criminel ignoré, plus ou moins volontairement, vingt-trois ans auparavant. Dans un contexte social et national complexe : rigidité de l’éducation, pédophilie, mythologie chrétienne.

La maison où je suis mort autrefois (1)

Pour les personnes qui n’ont pas l’intention de lire le livre.


 

Derrière la complexité policière de l’intrigue propre au genre, l’enquêteuse participante, à la recherche des faits, des signes physiques objectifs doit retrouver, dans sa mémoire effacée la partie cachée, inconsciente mais conservée. Comme la police peut retrouver, sur un disque dur, images ou écrits que l’utilisateur a cru faire disparaître définitivement.
Ce sont les indices objectifs et ses souvenirs furtifs qui se nourrissent les uns les autres pour faire progresser vers la découverte d’un passé, peut-être, libérateur.

Comme dans tout bon roman policier, le coupable ou la coupable n’est pas obligatoirement la personne soupçonnée ou finalement désignée. Ici, il y a même plusieurs coupables dans l’enchaînement des faits : celui qui met le feu, celle qui dit tue-le, celui qui a détruit sa fille par ses attouchements et le grand-père qui a méprisé, rejeté son fils et s’est substitué à lui dans l’éducation de son petit-fils.
Maltraitance, pédophilie,
problèmes de société qui ne sont pas spécifiquement japonais.

L’enquête se déroule dans une maison qui n’est qu’une reconstitution, morte, imparfaite, peuplée de faux objets souvenirs, lieu d’une retrouvaille qui ne peut qu’être incomplète du fait de son imperfection. Mais qui permet finalement la renaissance après une si longue absence.

Le lecteur ignorant est intrigué par la présence de croix dans un pays où le catholicisme ne concerne qu’une infime minorité. Alors que cette présence n’apparaît pas évidente ni lors des événements, ni au cours de la vie des jeunes enquêteurs.
P
résence diffuse des mythes chrétiens. Contestation ?

L’enquête n’existe que par la curiosité (le péché originel ?) de la jeune femme voulant retrouver son enfance disparue. Cette enquête débouche, de façon inattendue, sur la mort provoquée de trois personnes : le père haï, l’autre, le mauvais larron seul visé par l’incendie, son fils, le criminel, le bon larron et l’innocente, la fille des domestiques de la maison.
Pour sauver la fille, réellement responsable,
tue-le, de ce malheur, la grand-mère, qui n’a pas probablement connu cette responsabilité, décide de la faire adopter par le couple de serviteurs. Mais cela ne la sauvera pas. On ne peut bâtir sur la mort d’un innocent (le christianisme).

Ce n’est pas l’adoption, semble-t-il fréquente au Japon, surtout l’adoption d’adultes, qui est condamnée. L’adoption cachée ? Les deux enquêteurs sont des enfants adoptés, ce qui peut expliquer les affinités d’adolescents qui se sentent différents. Mais le jeune homme sait, tandis que la jeune femme ignore. Et si le premier a mal supporté cette adoption, la seconde a réagi au drame, à l’adoption et au silence de ses parents adoptifs par l’amnésie.
Cette révélation ne l
a libère que partiellement. Ils restent tous deux dans cette maison de leur enfance qui les enferme dans la solitude. Ils ne bâtiront pas une maison commune.

1 - La maison où je suis mort autrefois de Keigo Higashimo. Traduit du japonais. Babel noir, Actes sud 2010

 

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