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2 septembre 2024 1 02 /09 /septembre /2024 20:35
Les J.O. sont-ils politiques ?

Malgré l’enthousiasme populaire et médiatique, anesthésiant, des Jeux et des manifestations qui les accompagnent, les J.O. sont très politiques de leur conception à leur déroulement périodique.
Malgré l’opportune trêve politique décrétée par le président de la République suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, surprise pour tout le monde et aux résultats, surprise pour l’arroseur arrosé !

Dés la campagne électorale qui dure une dizaine d’années avant la désignation de la ville où ils doivent se dérouler. Paris a accueilli les Jeux en 1900 et 1924 et depuis les années 1980, la France s’est très engagée pour leur organisation.
Avec
les échecs de 1992, face à Barcelone, 2008, face à Pékin, de 2012 face à Londres… La candidature Paris2024 est annoncée en juin 2015. Le Comité international olympique (CIO), après le retrait de Rome, Hambourg et Budapest, retient, en décembre 2016, Los Angeles et Paris. Los Angeles abandonne 2024 et le CIO désigne, en 2017, Paris pour les Jeux de 2024 et Los Angeles pour 2028.

Le choix d'utiliser principalement le slogan en anglais « Made for sharing » , traduit par « Venez partager », provoque une polémique. Le comité de candidature justifie son choix, « donner un caractère universel au projet » (Tony Estanguet).
Pour 3 associations de défense de la langue française, c’est une :
« insulte grave à la langue française ... violation de la Constitution ».
Pour l'Académie française, un slogan pour des pizzas, des bonbons, des biscuits qui a « déjà été utilisé lors de campagnes publicitaires ».
Pour Bernard Pivot : « une faute, une ânerie, une erreur ».

Le baron Charles Pierre Fredy de Coubertin est le père des J.O. modernes, même si l’idée en avait été lancée pendant la Révolution, olympiade de la République (1796, 1797, 1798), et leur rétablissement demandé sans succès à la municipalité de ParisD’autres olympiades ont eu lieu aussi en Angleterre en 1850 et à Athènes en 1859, 1870…

Pierre de Coubertin, après des études chez les jésuites, renonce à Saint-Cyr pour l'École libre des sciences politiques et l’Institut catholique de Paris. Lors de séjours outre-manche, il est frappé par les innovations britanniques en pédagogie.
En France, il milite pour le développement du sport et son introduction dans les milieux scolaires pour « régénérer la race française par la rééducation physique et morale des futures élites du pays qui a connu la défaite de 1870 ».
En 1894, Il fonde le CIO pour « cette œuvre grandiose et bienfaisante : le rétablissement des Jeux Olympiques » qu’il préside de 1896 à 1925.

Il est à l’origine du drapeau, du serment et de la devise olympiques. Devise soufflée par son ami et conseiller, le dominicain Henri Didon qui a célébré la première messe olympique à Athènes. Coubertin reprend ses mots « citius, fortius, altius », change leur ordre pour gommer leur sens spirituel, « citius, altius, fortius », (plus vite, plus haut, plus fort). Voulant atténuer la devise élitiste, il précise « l'essentiel n'est pas de gagner mais de participer », emprunté au sermon de l'évêque de Pennsylvanie, lors de la messe olympique à Londres (1908).
Jugée trop associée au culte de la performance et à la course au dopage, le CIO, en 2021 à Tokyo, modifie la devise qui devient :
« Citius, Altius, Fortius – Communiter ».
Soit dans les deux langues officielles du CIO :
« 
Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble », « Faster, Higher, Stronger – Together ».

Le Belge Henri Charles Joseph Ghislain, comte de Baillet, successeur au CIO de Coubertin, ouvre, en 1925, les épreuves d’athlétisme aux femmes pour les Jeux de 1928. Et, en 1936, contre Hitler, il impose la participation des athlètes juifs ou de couleur aux Jeux d’hiver à Garmisch-Partenkirchen et d’été à Berlin dans l'Allemagne nazie. Il en est récompensé par les 4 médailles d’or remportées par le Noir américain, Jesse Owens.
Même si, à ces jeux, l’allemand Konrad Frey (6 médailles dont 3 d’or) est l’athlète le plus médaillé et l’Allemagne remporte 89 médailles (33 d'or) devant les États-Unis, 56 médailles (24 d'or).

Des événements politiques empêchent la tenue des Jeux

1916 : les Jeux sont supprimés à cause de la Première guerre mondiale. Ils reprennent en 1920, à Anvers. Allemagne, Autriche, Bulgarie, Empire ottoman et Hongrie n’y sont pas invités.
L
es Jeux de 1940 (Tokyo puis Helsinki) et 1944 (Londres) sont annulés du fait des guerres. Ils reprennent en 1948 à Londres et en 1952, à Helsinki, avec l'Allemagne et le Japon et, pour la première fois, l'URSS, la Russie était absente depuis 1917.

Des nations ne participent pas aux Jeux pour des raisons politiques.
En 1956, à Melbourne, les événements de Hongrie entraînent le boycott par l’Espagne, les Pays-Bas, la Suisse. La République populaire de Chine se retire par opposition à la présence de la République de Chine (Taïwan).
À Tokyo, 1964, le CIO n’invite pas l'Afrique du Sud. Le gouvernement refusait que son équipe composée, pour la première fois, de Blancs et de Noirs, partage le même avion et le même village olympique. La Chine, absente depuis 1956, renonce à participer aux côtés de Taïwan.
Montréal, 1976 : 22 pays africains boycottent les Jeux contre la présence de la Nouvelle-Zélande qui a envoyé son équipe de rugby en Afrique du Sud, pays de l'apartheid.
À Moscou, en 1980, plus de 50 États boycottent les Jeux, suite à l’intervention de l’URSS en Afghanistan.
Ceux de Séoul en 1988 sont boycottés par la Corée du nord.
P
our les jeux de Pékin de 2008, de nombreux appels sont lancés pour le boycott des Jeux ou de la séance inaugurale des Jeux à cause de l’atteinte aux droits de l’homme en Chine et de la situation au Tibet.
Finalement, ce sont 90 chefs d’État ou de gouvernement qui sont présents, quatre fois plus que lors des Jeux précédents à Athènes.

À Paris2024, malgré l’absence de la Russie et de la Biélorussie, 206 délégations sont présentes. L’ONU compte ou reconnaît 197 États !
De réfugiés de 12 pays concourent, sur un pied d’égalité, avec les sportifs présentés officiellement par le pays d’origine qu’ils ont fui.

Des pays portant atteinte aux droits de l’homme ou intervenant militairement à l’extérieur, sans mandat international, n’ont pas été interdits de Jeux.

Le nombre de pays aux statuts divers ou aux politiques discutables traduit la volonté du CIO d’inclure le maximum d’entités territoriales.

La sérénité des Jeux a été troublée par des événements politiques.

- 1904, Saint-Louis : scandale des journées anthropologiques, réservées aux représentants des tribus sauvages et non civilisées.
- 1908 :
Londres veut imposer des jurys composés exclusivement d'Anglais.
-
1968, les Jeux sont précédés du massacre sur la place des Trois Cultures à Mexico.
Des athlètes des États-Unis, lors de la remise des médailles, lèvent leur poing ganté de noir pour protester contre la situation des Noirs aux États-Unis et dans le monde. D’autres, lors de la même cérémonie, arborent le béret noir des black-panthers.
-
Événement le plus grave en 1972, à Munich : prise en otages de 11 athlètes israéliens par des palestiniens de Septembre noir.
Bilan : mort de 17 personnes.
Les Jeux ne sont pas annulés. Le président du CIO, Avery Brundage, déclare : « The Games must go on » (les Jeux doivent continuer).
- Attentat au parc du Centenaire, Atlanta, 1996 : 2 morts et 111 blessés.
- Août 2023.
Séminaire, à Paris, des chefs de mission des Comités nationaux paralympiques. Polémique sur la venue de Ghafoor Kargari, président du comité iranien, accusé de tortures et soupçonné de crimes contre l'humanité — plainte déposée le 28 août — et d’Omar al-Aroub, président du comité syrien, accusé de crimes de guerre.

Le dopage était pratiqué aux Jeux olympiques antiques (préparation de viande de lézard). L'alcool était prohibé, un juge reniflait l'haleine des compétiteurs à l'entrée des stades.
Les produits et les contrôles ont beaucoup changé. Non la motivation.

Au dopage, on peut ajouter le soupçon de tricherie sur le sexe réel de certaines athlètes avec des polémiques qui dureront aussi longtemps que des critères scientifiques clairs ne seront pas publiés.

La présentation des résultats, distribution de médailles, starification des athlètes, classement par nationalité, concours de beauté dans l’inauguration et la clôture des Jeux sont autant de moments politiques ouvrant la dérive de la fierté nationale vers le nationalisme.
Avec l’aide
des médias et des gouvernements.

Ambitions françaises : obtenir plus de médailles que lors des dernières olympiades et voir la France dans les 5 premières nations au classement international.
De ce point de vue, les
résultats ne sont que très modérément conformes aux espérances officieuses tablant sur des Jeux à domicile, des investissement importants... Avec, de plus, l’exclusion de la Russie qui se classait toujours devant la France…
Le désenchantement sur le nombre de médailles a été rapide par rapport aux prévisions un peu trop optimistes de certains… Alors que le nombre de disciplines et donc de médailles distribuées augmente à chaque olympiade.

Pour les Jeux de 2028, sont ajoutés cricket, crosse (sport collectif nord-américain), softball, squash et flag football. Les Jeux de 2028 sont bien dessinés pour accentuer la supériorité étasunienne.

De nombreuses craintes précédaient les Jeux : sur l’organisation, les gréves, la sécurité, les transports… Les Jeux se sont déroulés de façon satisfaisante. Les moyens nécessaires ont été mobilisés, y compris…. la vidéo-surveillance qui risque de se pérenniser. Une pensée pour les responsables qui auraient été déclarés incapables et coupables si...
Il reste possible de pester contre le mauvais temps lors de l’inauguration...

Tout le monde a souligné l’adhésion, le soutien des Français qui se sont libérés momentanément du quotidien, et ont vibré, avec leurs champions dans les stades ou devant leur télévision.
Cet enthousiasme, des jeunes en particulier, se traduira-t-il par une augmentation significative des engagements sportifs y compris dans de disciplines découvertes à cette occasion ?
Au-delà des propos plus ou moins adaptés, répétitifs, emphatiques des journalistes sur les médailles gagnées par les héros en situation de handicap (ou non), ces Jeux, enthousiastes, incluants, seront-il suivis d’une amélioration du regard y compris des commentateurs et surtout des structures (habitations, transports, école, santé etc…).
Il est connu que, même si des progrès ont été faits, la France n’est pas exemplaire pour les personnes en situation de handicap. Serait-elle classée dans les cinq premières nations ? Le sera-t-elle un jour ?
Heureusement, il n’y a pas de classement officiel. Pour cela. Les paroles ne suffisent pas. Un financement fort est nécessaire et continu...

Au moment du bilan, des réponses viendront sur les questions sociales, écologiques, économiques, financières...

Trêve olympique
Le CIO a repris la notion de trêve olympique pour « préserver, dans la mesure du possible, les intérêts des athlètes et du sport en général ainsi que d’utiliser le rôle du sport pour promouvoir la paix, le dialogue et la réconciliation ».

Cette antique tradition a été reprise en 1993 par le CIO. En novembre 2023, l’Assemblée générale des Nations unies a voté sont instauration du 19 juillet au 15 septembre 2024.
Le principe a été adopté, 118 voix pour et deux abstentions (Russie et Syrie). Avec les mêmes effets que bien des résolutions de l’ONU.

Le 19 juillet, une messe à la Madeleine a marqué le lancement de la trêve olympique pour un cessez-le-feu pendant la durée des Jeux.
En présence de représentants diplomatiques, de comités olympiques nationaux, de sportifs, de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, de la ministre de la Culture, Rachida Dati, de la maire de Paris, Anne Hidalgo et du président du CIO, Thomas Bach.

Le dimanche 4 août, sur le parvis de Notre-Dame de Paris, a eu lieu un événement œcuménique souhaité par le président du CIO, Thomas Bach,  « en écho à la cérémonie interreligieuse des Jeux de 1924 en la cathédrale de Notre-Dame de Paris » par Pierre de Coubertin. En présence de Thomas Bach, de Tony Estanguet, président de Paris202, et du représentant des 5 grandes religions, Haïm Korsia, Grand Rabbin de France, Najat Benali, Présidente des associations-mosquées de Paris, Christian Krieger, Président de la Fédération Protestante de France, Anton Gelyasov, aumônier national Orthodoxe des Hôpitaux, Lama Jigmé Thrinlé Gyatso, co-président de l’Union Bouddhiste, Shailesh Bhavsar, représentant du culte hindou, et Mgr Philippe Marsset, évêque auxiliaire de Paris.
L'événement intervient à la suite de vives réactions de chefs religieux à travers le monde à l'égard de certains tableaux présentés lors de la cérémonie d'ouverture de JO de Paris 2024.

Sport ou éducation physique.

Toutes les questions envisagées, jusqu’ici, montrent que les jeux sont étroitement intriqués à la politique suivant les circonstances et le rapport de forces internationales du moment.

Les Jeux, depuis le début, fonctionnent sur la base de la concurrence, du conflit, du combat, certes pacifiques mais excluant au fur et à mesure de la compétition. Cette exclusion a été ressentie par Coubertin lui-même qui a voulu l’atténuer en avançant la possibilité de participation de tous à toutes des activités sportives.
Elle émanait d’une aristocratie de naissance, britannique, et contribuait par la compétition à créer, renforcer une nouvelle aristocratie.

Après la Première Guerre mondiale, Coubertin, oubliant son opposition à la participation des femmes, écrit :
« 
Tous les sports sont pour tous ; voilà sans doute une formule qu'on va taxer de follement utopique. Je n'en ai cure. Je l'ai longuement pesée et scrutée ; je la sais exacte et possible. Les années et les forces qui me restent seront employées à la faire triompher ».

Cette exclusion est même dans l’origine du mot et la pratique du sport destiné pour le baron de Coubertin à « forger une noblesse moderne sur l’énergie, le courage, le fair-play ».
La sélection olympique par la compétition, la concurrence est en parfait accord avec la société contemporaine libérale. Elle a remplacé l’amateurisme aristocratique. Et s’est étendue avec la puissance de l’Europe occidentale sur le monde entier.
Elle est éloignée de l’utopie d’une éducation physique issue des Lumières visant la promotion collective et non la lutte de tous contre tous.
Malgré les généreuses déclarations sur l’inclusion.

Inclusion

En dehors des épreuves sportives des J.O. qui sont les mêmes, à quelques ajouts ou suppressions prés, le cadre et les manifestations qui les ont accompagnées lors de Paris2024 sont remarquables et répondent au cahier des charges : inclusion.
Même si c’est au prix, quelquefois de grincements de dents.

Les athlètes, spectateurs et téléspectateurs sortent du confinement.
Par le choix des organisateurs.
La ville s’est offerte aux Jeux ! Les Jeux se sont emparés de la ville ! Joie de tous et, encore plus, des téléspectateurs, fussent-ils parisiens, qui ont pu voir, tous les athlètes, tous les terrains enchâssés dans leur environnement monumental. Jamais vus ainsi auparavant. Grâce aux nouvelles techniques de prises de vue qui permettent de les filmer désormais sous tous les angles. Paris, ses monuments et son histoire.
Inclusion totale, réciproque.

Marathon pour tous !
Inclusion par le spectacle, par la participation aussi.
Avec le marathon pour tous à Paris : sans classement (de l’Hôtel de ville aux invalides) sur 10km ou sur le circuit complet des Jeux (9 communes traversées : Paris – Boulogne-Billancourt, Sèvres, Ville d’Avray, Versailles, Viroflay, Chaville, Meudon, Issy-les-Moulineaux).
Plus de 20 000 participants.
Le marathon pour tous, connecté : 473 156 inscrits du monde entier ! Les coureurs devaient courir au moins 30 minutes sur la route, en salle de sport, en appartement.… pour que leur participation soit prise en compte. Une application permettait de voir le parcours officiel !

Avec les manifestations, inauguration et clôture.
Inclusion aussi pour les manifestations de l’inauguration et de la clôture des Jeux olympiques et paralympiques.

La Seine comme colonne vertébrale et ses rives couvertes de dizaines de milliers de spectateurs. Un spectacle incluant des moments de l’histoire d’hier et d’aujourd’hui, d’images, de musique. Chacun gardera ses Jeux. Seine, scènes, Cène… Chacun aura trouvé, retrouvé, aimé ou détesté. Inclusion !

Le cheval mécanique Zeus galopant sur la Seine, Louise Michel et Olympe de Gouges surgissant des fonds de l’histoire et des eaux, Mon truc à plumes, Ça ira, et le French Cancan sur les berges, le défilé de mode publicitaire pour Louis Vuiton, Philippe Catherine en Dionysos, Aya Nakamura et la Garde républicaine devant l’Académie française, L’hymne à l’amour de Céline Dion… L’adepte de parkour sur les toits de Paris… La Vasque olympique

Et la Mission impossible de Tom Cruise sautant du toit du stade de France au milieu des athlètes devenus spectateurs, enfourchant sa moto pour s’engouffrer dans un avion gros porteur et atterrir en quelques secondes à Hollywood-Los Angeles transmettant le drapeau olympique pour les Jeux de 2028 !

L’ouverture des Jeux paralympiques.
Les athlètes descendent les Champs-Élysées et les scènes s’enchaînent sur la grande place blanche, des projections montrent le parcours en difficultés de personnes, non des héros, en situation de handicap, les ballets mêlent personnes en situation de handicap ou non, la flamme paralympique arrive d’Angleterre et 5 athlètes paralympiques allument la Vasque, les drapeaux et la musique, Born to alive, le rouge coucher de soleil, les discours et les mots qui, ici, aujourd’hui, prennent encore plus de force, Liberté, Égalité, Fraternité, sur la place de la Révolution-de la Concorde–de l’Inclusion tandis que scintillent les Lumières de la ville contemplées du haut de l’Obélisque venue d’Égypte.

Demain sera un autre jour...


 

Les J.O. sont-ils politiques ?
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12 octobre 2023 4 12 /10 /octobre /2023 13:52
Notre corps, utopie et réalité

Notre corps, de Claire Simon, est un remarquable documentaire sur la prise en charge des questions médicales spécifiques du corps (pas seulement) des femmes depuis la contraception jusqu’à la mort dans un milieu hospitalier parisien qui traite de tous les problèmes de gynécologie et d’obstétrique. Avec une bienveillance telle qu’elle donnerait presque à la spectatrice et au spectateur l’envie d’être ou patiente ou médecin.

Toute les questions sont abordées sans jugement dans le dialogue : avortement, transsexualité, fertilité, procréation médicalement assistée, mise au monde par voie naturelle ou par césarienne, cancer du sein, endométriose, approche de la mort…

Le film est intense par la gravité des situations, des informations transmises par les médecins aux patientes au cours de consultations filmées, sans fausse pudeur. Les images sont anonymes, mais à visage découvert, un seul couple est flouté, et le nom d'un médecin est même visible sur la blouse. Aucune patiente n’ayant accepté d’être filmée au moment où le diagnostic lui est annoncé, c’est la réalisatrice qui apprend devant la caméra qu’elle est atteinte d’un cancer du sein et de la suite que cela implique.

Le film est intense aussi par la force des images vivantes de dialogues ou de faits, vécus en direct, accouchement accompagné par voie naturelle ou naissance par césarienne. Des Images vivantes et quasiment abstraites d’une intervention-dissection instrumentale pour endométriose, pendant laquelle une voix conseille, aide l’opérateur. Ni la patiente, ni l’opérateur ne sont vus, seulement les instruments et l’acte libérateur… Encore plus fascinante la rencontre première et unique d’un ovule et d’un spermatozoïde bien guidé, sous le microscope, ébauche initiale d’un possible futur être humain… Fruit d’un choix très attentif et totalement aveugle de l’ovule et du spermatozoïde...

Notre corps, utopie et réalité

Dans ce film de haute intensité, seul moment qui donne un bref sourire, quand un médecin qui veut dialoguer avec une patiente hispanophone utilise un français enrichi de o et de a… Heureusement, le portable de la patiente va permettre la traduction du dialogue et la transmission de douloureuses informations…

La dureté de ces moments forts montre l’importance de l’accompagnement du personnel soignant. D’où un certain optimisme du film. Si la réalisatrice est ébranlée à l’annonce de son diagnostic, elle évoque la chute de ses cheveux que va entraîner le traitement, sans trop insister… Dans la dernière image, elle quitte l’hôpital à bicyclette avec une courte chevelure frisée.
La science, la technique peuvent ainsi être utilisées et mises au service de l’humain aux mains de personnes attentives. Tous les moments décisifs, graves, sont montrés..., non le long suivi quotidien qui viendra après.

Claire Simon reconnaît dans un entretien : Après, ma maladie a aussi changé mon regard. J’ai eu plus de déboires comme malade que dans ce que j’ai filmé. Maintenant, je suis contente, j’ai un oncologue très sympa. Mais avant d’arriver à lui, j’ai beaucoup dégusté (dans le même service ?). Avant, en filmant les autres patientes, j’étais plus optimiste… Faire ce film m’a réconciliée avec les médecins… Et puis ça donnait l’impression qu’il n’y avait pas de classes sociales. Tout le monde a droit aux mêmes soins. On a l’impression d’entrer dans une utopie, alors que dès qu’on ressort, ce n’est pas du tout la même chose… (1

Deux séquences, extérieures extra-médicales, évoquent cette réalité plus complexe et plus conflictuelle.

Notre corps, utopie et réalité

Une croix au clocher de l'église domine l’hôpital et semble signaler que, dans le documentaire, il n’est jamais question d’interdictions, ni de conflits religieux ou moraux. Les seules limites sont ce que permettent la science, la technique et la loi. Et aussi les limites personnelles, familiales. Sans aucun jugement.

Pendant le tournage du film, une manifestation devant le même hôpital à la suite de la mise en cause du comportement d’un chef de service gynécologique-obstétrique et médecine de la reproduction, spécialiste parisien de l'endométriose… (2) Ce n’est peut-être qu’un cas particulier...

Au moment de la sortie du film en salles, un texte est publié aux titre et sous-titre éloquents  : Nous n’avons pas choisi le métier de soignants pour vous faire subir cette violence et être maltraitants. Un collectif de 1 200 aides-soignants, infirmiers, sages-femmes ou médecins hospitaliers dénonce les « dilemmes éthiques intenables » auxquels ils sont confrontés, et appelle les députés à voter la proposition de loi garantissant un nombre maximum de patients par soignant. Ces soignants font différentes constatations : nécessité de trier les patients, pas assez de lits, intervention chirurgicale, éloignée puis reportée, parfois de plusieurs semaines, entraînant une perte de chance, service d’urgences fermé dans 163 villes de France, au moins ponctuellement, cet été, manque aux urgences de trente infirmières sur un effectif théorique de soixante-cinq dans un grand hôpital… (3)

Il n’en reste pas moins que les conditions décrites, par les images et les paroles, sont celles de cet hôpital, de ces services. Les compétences sont là. Elles permettent d’espérer… Un autre monde est possible.

Notre corps, utopie et réalité
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