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12 octobre 2023 4 12 /10 /octobre /2023 13:52
Notre corps, utopie et réalité

Notre corps, de Claire Simon, est un remarquable documentaire sur la prise en charge des questions médicales spécifiques du corps (pas seulement) des femmes depuis la contraception jusqu’à la mort dans un milieu hospitalier parisien qui traite de tous les problèmes de gynécologie et d’obstétrique. Avec une bienveillance telle qu’elle donnerait presque à la spectatrice et au spectateur l’envie d’être ou patiente ou médecin.

Toute les questions sont abordées sans jugement dans le dialogue : avortement, transsexualité, fertilité, procréation médicalement assistée, mise au monde par voie naturelle ou par césarienne, cancer du sein, endométriose, approche de la mort…

Le film est intense par la gravité des situations, des informations transmises par les médecins aux patientes au cours de consultations filmées, sans fausse pudeur. Les images sont anonymes, mais à visage découvert, un seul couple est flouté, et le nom d'un médecin est même visible sur la blouse. Aucune patiente n’ayant accepté d’être filmée au moment où le diagnostic lui est annoncé, c’est la réalisatrice qui apprend devant la caméra qu’elle est atteinte d’un cancer du sein et de la suite que cela implique.

Le film est intense aussi par la force des images vivantes de dialogues ou de faits, vécus en direct, accouchement accompagné par voie naturelle ou naissance par césarienne. Des Images vivantes et quasiment abstraites d’une intervention-dissection instrumentale pour endométriose, pendant laquelle une voix conseille, aide l’opérateur. Ni la patiente, ni l’opérateur ne sont vus, seulement les instruments et l’acte libérateur… Encore plus fascinante la rencontre première et unique d’un ovule et d’un spermatozoïde bien guidé, sous le microscope, ébauche initiale d’un possible futur être humain… Fruit d’un choix très attentif et totalement aveugle de l’ovule et du spermatozoïde...

Notre corps, utopie et réalité

Dans ce film de haute intensité, seul moment qui donne un bref sourire, quand un médecin qui veut dialoguer avec une patiente hispanophone utilise un français enrichi de o et de a… Heureusement, le portable de la patiente va permettre la traduction du dialogue et la transmission de douloureuses informations…

La dureté de ces moments forts montre l’importance de l’accompagnement du personnel soignant. D’où un certain optimisme du film. Si la réalisatrice est ébranlée à l’annonce de son diagnostic, elle évoque la chute de ses cheveux que va entraîner le traitement, sans trop insister… Dans la dernière image, elle quitte l’hôpital à bicyclette avec une courte chevelure frisée.
La science, la technique peuvent ainsi être utilisées et mises au service de l’humain aux mains de personnes attentives. Tous les moments décisifs, graves, sont montrés..., non le long suivi quotidien qui viendra après.

Claire Simon reconnaît dans un entretien : Après, ma maladie a aussi changé mon regard. J’ai eu plus de déboires comme malade que dans ce que j’ai filmé. Maintenant, je suis contente, j’ai un oncologue très sympa. Mais avant d’arriver à lui, j’ai beaucoup dégusté (dans le même service ?). Avant, en filmant les autres patientes, j’étais plus optimiste… Faire ce film m’a réconciliée avec les médecins… Et puis ça donnait l’impression qu’il n’y avait pas de classes sociales. Tout le monde a droit aux mêmes soins. On a l’impression d’entrer dans une utopie, alors que dès qu’on ressort, ce n’est pas du tout la même chose… (1

Deux séquences, extérieures extra-médicales, évoquent cette réalité plus complexe et plus conflictuelle.

Notre corps, utopie et réalité

Une croix au clocher de l'église domine l’hôpital et semble signaler que, dans le documentaire, il n’est jamais question d’interdictions, ni de conflits religieux ou moraux. Les seules limites sont ce que permettent la science, la technique et la loi. Et aussi les limites personnelles, familiales. Sans aucun jugement.

Pendant le tournage du film, une manifestation devant le même hôpital à la suite de la mise en cause du comportement d’un chef de service gynécologique-obstétrique et médecine de la reproduction, spécialiste parisien de l'endométriose… (2) Ce n’est peut-être qu’un cas particulier...

Au moment de la sortie du film en salles, un texte est publié aux titre et sous-titre éloquents  : Nous n’avons pas choisi le métier de soignants pour vous faire subir cette violence et être maltraitants. Un collectif de 1 200 aides-soignants, infirmiers, sages-femmes ou médecins hospitaliers dénonce les « dilemmes éthiques intenables » auxquels ils sont confrontés, et appelle les députés à voter la proposition de loi garantissant un nombre maximum de patients par soignant. Ces soignants font différentes constatations : nécessité de trier les patients, pas assez de lits, intervention chirurgicale, éloignée puis reportée, parfois de plusieurs semaines, entraînant une perte de chance, service d’urgences fermé dans 163 villes de France, au moins ponctuellement, cet été, manque aux urgences de trente infirmières sur un effectif théorique de soixante-cinq dans un grand hôpital… (3)

Il n’en reste pas moins que les conditions décrites, par les images et les paroles, sont celles de cet hôpital, de ces services. Les compétences sont là. Elles permettent d’espérer… Un autre monde est possible.

Notre corps, utopie et réalité
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