L’épidémie due au coronavirus est l’occasion de vérifier que la communication et la prévision sont des arts difficiles qui ont peu à voir avec l’information et les faits. Quand la communication domine l’information, il n’est pas étonnant que celle-ci soit déformée jusqu’à l’incohérence peu favorable pour obtenir le comportement espéré de la population. Les politiques, fuyant leur responsabilité, mettent alors en cause l’indiscipline des Français.
Mais la politique est aussi un art difficile.
La décision concernant les élections municipales l’a bien montré. Emmanuel Macron savait qu’il serait critiqué, sévèrement, par l’opposition. Il ne lui restait qu’à prendre la décision qui lui paraissait la plus juste et en cohérence avec l’ensemble des décisions prises dans la gestion de la crise due au coronavirus.
S’il avait ajourné les élections municipales, l’opposition aurait crié à la peur de la débâcle électorale du parti présidentiel, à l’atteinte à la démocratie, à la dictature. Il a consulté, notamment, Gérard Larcher, président du Sénat, deuxième personnage de l’État, François Baroin, président de l’Association des maires de France (AMF) qui se sont opposés au report. La décision prise, tout le monde lui tombe dessus et notamment les petits camarades de Larcher et Baroin…
Cette position pouvait paraître discutable. D’autant qu’elle ne concernait pas le second tour et rendait donc tous les résultats difficiles à proclamer. Elle devenait totalement incompréhensible, le samedi, après les annonces d’Édouard Philippe de tout arrêter sauf les élections ! A se demander qui gouverne du président de la République ou du chef de gouvernement.
Bien entendu, le président et le premier ministre se cachent derrière l’avis du Conseil scientifique. D’après Checknews, le président de ce conseil, Jean-François Delfraissy a déclaré : Une des décisions prises par le président de la République est de conseiller […] une réduction très forte de la vie sociale des personnes au-dessus de 70 ans. Ces personnes néanmoins auront accès aux courses tous les jours. La question posée était : est-ce que finalement aller voter est comparable avec aller faire ses courses dans un supermarché. Le conseil scientifique a considéré qu’il n’y avait pas d’élément pour penser qu’il y aurait un surrisque pour ces personnes à condition que les élections soient organisées de façon pratique […]. Le risque n’était pas plus grand que la possibilité qu’on leur laisse de continuer de faire leurs courses» (Libération 15/03/20).
Il existe, cependant, une petite différence : les personnes de plus de 70 ans, encore moins que les autres, ne peuvent reculer leurs courses de plusieurs mois. C’était possible pour les élections municipales sans mettre en danger la République. Le Conseil aurait pu donner le même avis pour le deuxième, le troisième, le énième tour : quelles que soient les circonstances. Le bureau de vote a peu de probabilités d’être plus dangereux que le marché !
Ce n’est qu’un avis, la décision appartient au président de la République.
Pour juger de l’évolution future de l’épidémie, tout le monde s’appuie sur les chiffres publiés dans les différents pays qui ont été les premiers pays touchés par le coronavirus. Pour ce faire, il faut avoir confiance dans les chiffres, toujours fournis par les États, et, pour les comparer, il faudrait qu’ils soient recueillis suivant les mêmes méthodes.
Concernant, les sujets contaminés, c’est strictement impossible : chaque pays ayant sa politique sa politique de dénombrement et sa pratique des tests. Qui peut, en plus, varier dans le temps.
Cela n’empêche pas la publication des données quotidienne et leur comparaison.
Le nombre de morts est certainement plus fiable s’il n’est pas manipulé par les gouvernements. D’après les renseignements fourmis par la Chine, touchée bien avant la France, il y aurait plus de 3000 décès depuis le début de l’épidémie pour 1,5 milliard d’habitants. Il y en a moins de 400 en France pour 67 millions d’habitants. Et certains nous en annoncent, si rien n’est fait, entre 300 000 et 500 000 ! Qui devrait être atteint dans un mois environ au rythme actuel de croissance, doublement tous les 3 ou 4 jours !!!
Incohérence des chiffes ?
Bien entendu, un tsunami n’est pas nécessaire pour épuiser les possibilités humaines et matérielles des services hospitaliers. Depuis 11 mois, des chefs de service hospitalier sont en gréve administrative, non pour demander une augmentation de salaire, cela tout le monde sait faire, mais pour demander un surcroît de moyens en matériel et en personnel pour faire face aux difficultés quotidiennes. Même si le coronavirus n’est pas plus qu’une grippe saisonnière, dont on n’entend pas parler, c’est une grippe supplémentaire, elle augmente fortement le nombre de cas auxquels les services hospitaliers doivent faire face. Avec un matériel et un personnel, insuffisants en temps ordinaire, le personnel étant plus touché que la population par le virus.
Tout le monde est d’accord, les moyens sont insuffisants. Quant aux responsabilités, c’est la faute des autres : Conseil scientifique, politiques, population qui ne suit pas les consignes…
Faut-il rappeler les déclarations des uns et des autres pour en sentir leur coté... dérisoire ? Christophe Castaner, prévenant avait fait ses calculs, faux d'ailleurs : Il y a en moyenne 1 000 électeurs par bureau de vote. Avec une participation de 60%, soit 600 personnes à venir voter en l'espace de 10 à 12 heures, cela revient à 30 à 40 personnes par heure dans un même bureau. Ce qui permet d'éviter les contacts physiques.
Différences dans les déclarations d’Agnès Buzyn en quelques semaines. Il est regrettable, pour elle surtout, qu’elle n’ait pas parlé plus tôt si ce qu’elle dit, maintenant, est vrai. Si elle pensait qu’un tsunami arrivait…
La santé publique souffre de l’accumulation de pénuries organisées depuis des années. Aujourd’hui, le président Macron découvre les bienfaits de ce que, depuis son arrivée à la présidence, il s’efforce de réduire encore. Le service public, la notion de service public. Il rend hommage aux professionnels à ceux qu‘il a refusé d’entendre depuis des mois, pas seulement aux hospitaliers… Un hommage, c’est bien et cela ne coûte pas cher. Nous avons en France les meilleurs virologues, les meilleurs épidémiologistes, des spécialistes de grand renom, des cliniciens aussi, des gens qui sont sur le terrain et que nous avons écouté, comme nous le faisons depuis le premier jour. Tous nous ont dit que malgré nos efforts pour le freiner, le virus continue de se propager et est en train de s'accélérer. Nous le savions, nous le redoutions.
Il savait tout ! Comme le dit Agnès Buzyn. Avant cette guerre comme avant une autre, il ne manquait pas un bouton de guêtre. Il ne manque que les masques qui sont inefficaces aujourd’hui mais qui risquent d’être fortement conseillés demain quand ils seront disponibles (Pour les masques FFP2, 70 à 80% des masques achetés en Europe viennent d’Asie). Il manque du gel hydroalcoolique dont l’usage est recommandé. Beaucoup plus grave, il manque des lits d’hôpitaux, des respirateurs qui, d’ailleurs, ne sont pas fabriqués en France…
Lors d’une enquête menée en juin-juillet 2009, le nombre de lits de réanimation recensés était de 4769 contre 5707 places en 2006, le nombre de respirateurs en réanimation 7007 en 2009 et de 9236 en 2006.
Selon l'OCDE, en 2018, sur 35 pays, la France se classe au 19e rang pour le nombre de lits en soins intensifs : Japon (7,8 lits pour 1.000 habitants), Corée du Sud (7,1), Allemagne (6), Lituanie (5,5), République slovaque (4,9), Pologne (4,8), Hongrie (4,3), Slovénie (4,2), République tchèque (4,1), Estonie (3,5) et Lettonie (3,3), France (3,1), Italie (2,6), États-Unis (2,4), Espagne (2,4), Royaume-Uni (2,1).
Pour en voir les conséquences, il suffit de comparer le nombre de morts en Allemagne, en France, en Italie… en tenant compte du décalage dans l’apparition de l’épidémie.
Maintenant, le président de la République est prêt à tirer la leçon : ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe... qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie... Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai.
Tout était prévu ! Pourquoi ce retard à l'action ? Pourquoi ce revirement politique ?T
Mais comme les promesses n’engagent que ceux qui y croient, peut-être serait-il bon de mettre Emmanuel Macron à la retraite pour services non rendus à la population. Au minimum.