Réflexions sur l'actualité politique et souvenirs anecdotiques.
L’histoire a repris son cours après l’échec des grandes Révolutions. Son cours normal de lutte entre puissances pour une domination aussi étendue que possible sur le monde avec pour seule limite, l’opposition d’une autre puissance ou l’épuisement.
Cette lutte perpétuelle a été perturbée par la Révolution française et la Révolution soviétique. Toutes deux à visée universelle et donc dangereuses pour tous les puissants et toutes les puissances.
La première prônait l’émancipation politique des citoyens et des peuples. Elle a été entraînée dans un affrontement généralisé en Europe qui, de Valmy à Waterloo, a conduit de la libération à l’échec d’une domination impériale sur l’Europe.
Et à la poursuite des affrontement entre puissances européennes.
La seconde incarnait la volonté d’émancipation sociale.
Elle a établi une dangereuse patrie du socialisme, maintenue par la coercition à l’intérieur, soutenue par un espoir illusoire à l’extérieur.
Insuffisante pour vaincre directement les autres puissances, insuffisante pour les renverser par une insurrection généralisée.
Et cet échec a ouvert à l’affrontement des puissances mondiales.
Les inégalités sociales perdurent, s’accentuent dans tous les camps. La température monte sur toute la planète sans forte opposition.
Elles n’inquiètent guère les rivalités plus ou moins belliqueuses qui continuent. Entre trois puissances prétendant à l’hégémonie mondiale et des candidats de moindre importance : graine d’un nouvel impérialisme, comme l’Inde ou sous impérialisme comme l’Europe.
Le pole occidental, relativement démocratique à l’intérieur, beaucoup moins dans les territoires qu’il domine, se croit l’avenir du monde par sa supériorité culturelle, scientifique, artistique…, le marché, son modèle économique, la démocratie, son modèle politique.
Plus ou moins adoptés ou imités.
Les démocraties sont pourtant très minoritaires à l’échelle du monde. Elle ne couvrent que 7,8% de la population mondiale.
Leur pratique politique est loin de leurs principes, de leurs discours.
La liberté et l’égalité dont jouissent leurs citoyens deviennent plus relatives et limitées : par le pouvoir de l’argent, démocraties libérales ; par des gouvernements plus autoritaires, démocraties illibérales ;
par des démocraties populaires, unanimistes, où les citoyens sont tellement satisfaits qu’ils votent tous pour le gouvernement en place ; par de multiples dictatures technocratiques, théocratiques…
L’alliance occidentale des États-Unis et de l’Europe masquait mal la domination de la première, généralement acceptée par la seconde sous la forme militaire, avec l’Otan qui semblait justifiée par la menace soviétique. Mais aussi économique, financière, politique, culturelle... Continuée face à la menace russe.
Trump montre les États-Unis sous leur vrai jour. Un État impérial.
L’affrontement mondial n’a plus de prétexte idéologique existentiel. D’une certaine façon le modèle occidental inspiré (1) a gagné.
Le monde vit un affrontement de variantes d’empires capitalistes.
Les États-Unis continuent de penser qu’ils doivent dominer le monde par leur force, par leur démocratie qu’ils veulent imposer, avec leurs multiples interventions militaires en Asie, de la Corée à l’Afghanistan en passant par le Vietnam, au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique latine… avec des succès très relatifs…
Trump se flattait de n’avoir engagé les États-Unis dans aucun conflit armé, lors de son premier mandat. Logique, il persévère habilement en déclarant qu’Israël remettrait Gaza aux États-Unis, lui laissant le soin d’achever la tâche. Avec son efficacité connue. La guerre finie et la population réinstallée, suivant ses vœux, en Jordanie et en Égypte.
Comment outrepasser la volonté de la Jordanie, de l’Égypte et…
des Palestiniens ?
L’autre conflit en cours, le conflit russo-ukrainien, est pour Trump secondaire. Il veut l’arrêter avec ou sans l’Ukraine, avec ou sans l’Europe. Par un accord russo-étasunien.
La Russie, affaiblie, ayant perdu son potentiel révolutionnaire, n’est plus qu’une menace secondaire, très secondaire pour les États-Unis.
Elle essaie, à défaut de séduction, de reconquérir par la force ses marches perdues au moment de l’effondrement du monde soviétique : continuité avec l’empire tsariste et l’empire soviétique masqué…
Pour le moment, le seul obstacle à l’hégémonie présente et future des États-Unis est la Chine. Qui confirme sa volonté de refaire son unité par la reconquête de Taïwan, inquiète les États voisins par ses revendications maritimes et montre l’étendue de ses ambitions par les Routes de la soie…
Trump s’arroge, ouvertement, le droit pour les États-Unis d’organiser le monde par la menace de sa force militaire et financière en fonction de ses intérêts. Les premiers décrets signés montrent ce que signifie Make America Great Again.
Donald Trump le dit à tout le monde et, en priorité, à ses alliés.
Après la menace de reprendre le Panama… les déclarations ont été contradictoires sur les droits de péage pour les navires des État-Unis mais le président panaméen a rompu l’accord signé avec la Chine dans le cadre des Nouvelles routes de la soie.
La Colombie, après un premier refus, a rapidement accepté de recevoir les immigrés que les États-Unis lui ont envoyés.
Sous menace de coupure de crédits.
Trump ne ménage guère ses alliés les plus proches, membres de l’ACEUM, traité signé sous son précédent mandat.
Après la menace de faire du Canada le 51ème État des États-Unis et d’augmenter, dès le 4 février, les droits de douane avec ce pays et le Mexique, il a obtenu un renforcement de la lutte contre le trafic de drogue et l’immigration clandestine… et repoussée la mesure d’un mois.
Au delà de l’achat, de l’annexion du Groenland, une hausse des taxes douanières est aussi annoncée pour les pays européens.
Il ne faut cependant pas oublier que le président Joe Biden, europhile courtois, avait déjà pris des mesures défavorables à l’Europe et particulièrement à la France :
- Traité de défense Aukus, avec l’Australie et le Royaume-Uni qui conduit l'Australie à annuler un contrat avec la France pour l’achat de sous-marins.
- Inflation Reduction Act, subventions aux produits fabriqués aux États-Unis poussant des entreprises européennes à y délocaliser leur production.
Longtemps considérée, seulement, comme l’atelier du monde, la Chine s’est réveillée.
Trump montre les États-Unis sous leur vrai jour. Un État impérial.
DeepSeek, l’effet spoutnik ? Lors du lancement par l’URSS du premier satellite, les États-Unis avaient été surpris et choqués d’être précédés et, peut-être, en danger. L’événement avait poussé à créer la NASA, à augmenter le budget de la recherche scientifique…
Cette fois, les États-Unis n’ont pas attendu DeepSeek. Depuis 2 présidences, ils orientent leur politique face à la Chine. Même si DeepSeek aide Donald Trump et les Gafam à populariser, fortifier leur politique aussi bien à l’intérieur qu‘à l’extérieur.
La situation est connu. Sur bien des points la Chine est la première ou la deuxième puissance mondiale et ne manque pas d’ambition.
Sa croissance économique rapide, ses investissements dans les infrastructures, l'industrie, les sciences la formation la préparent à devenir la première puissance économique mondiale.
- Premier exportateur mondial, avec 15,2 % des exportations mondiales, 8,4 % pour les États-Unis et deuxième importateur…
- Premier déposant mondial de brevets en 2022, 1,58 million devant les États-Unis 505 539.
- Elle forme plus d’ingénieurs que tout autre pays.
- Selon la Banque mondiale, son PIB est estimé à 15 000 milliards de dollars, celui des États-Unis à 21 000 milliards.
L’élection de Donald Trump et son honnête discours éclairent les choses. Il ne fait pas dans la discrétion. Il affiche. L’intérêt national MAGA (Make America Great Again).
Il ne pourra pas faire tout ce qu’il annonce. Il obtiendra chaque fois des concessions. Ces annonces ont un impact non négligeable, elles renforcent le discours de tous les dirigeants dans le monde qui partagent ses convictions peu démocratiques. Précisées par Musk et son soutien à l’extrême droite en Allemagne, au Royaume-Uni, en Hongrie. Il suffit de voir qui était invité à son intronisation…
Il n’est plus question de multilatéralisme. Seulement de l’intérêt (bien compris ?) des États-Unis et de rien d’autre. Trump veut réviser les subventions des États-Unis aux instances internationales, s’en retirer quand elles ne servent pas les intérêts nationaux des États-Unis, ou les critiquer quand ils n’en sont pas membres… Se venger au niveau international comme il se venge au niveau national.
Donald Trump a signé un décret visant la Cour pénale internationale (CPI), l’accusant d’“actions illégitimes et sans fondement visant l’Amérique et notre proche allié Israël”. Ce décret impose des sanctions financières et en matière de visas aux “individus et aux membres de leur famille qui aident aux enquêtes de la CPI sur les citoyens américains ou nos alliés”... “un effort visant à punir l’organisation..., pour avoir émis des mandats d’arrêt l’année dernière contre de hauts responsables israéliens, dont le Premier ministre Benyamin Nétanyahou et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant” (2).
Donald Trump a décidé le retrait des États-Unis des Accords de Paris sur le climat et a signé des décrets qui visent à éliminer tout obstacle à l’industrie gazière et pétrolière et à interdire la construction de nouvelles éoliennes offshore.
L’Europe est mal partie ! Union européenne, quel numéro ? demandait Kissinger. Aujourd’hui comme hier, quelle ligne politique ?
Un numéro de comédie dramatique avec des États affaiblis par la montée de l’extrême droite dans de nombreux pays et/ou des gouvernements à la ligne incertaine en Allemagne, Autriche, Belgique, France, Italie, Pays-Bas… sans parer de la Hongrie, de la Slovaquie…
Si l’Union européenne progresse lors des crises, il faut s’attendre à un grand bond en avant. Pour faire quelle politique ? Une politique bien différente ? Ou un nouveau concurrent sur un même parcours ?
Cette concurrence des grandes puissances expose la planète à trois grands risques :
- un affrontement aigu, nucléaire, que tout le monde redoute mais considère comme une menace diplomatique qui existe depuis 70 ans qui ne s’est pas concrétisée et qui donc ne se produira pas… grâce à la sagesse du compromis...
- un affrontement chronique, avec des épisodes aigus, locaux, qui perdurent ici ou là depuis la fin de la seconde guerre mondiale, entraînant des souffrances et des morts, dont la seule conséquence vraiment gênante est l’arrivée trop importante de réfugiés…
Mais que personne ne cherche à réduire en freinant les oppositions, en favorisant le développement….
- un affrontement permanent, concurrentiel, industriel qui entraîne une augmentation de la production des gaz à effet de serre dont tout le monde a connaissance et voit les conséquences.
Mais chacun pense que c’est à l’autre d’en diminuer la production…
Malgré les prédictions répétées du Giec qui annoncent la montée des eaux, l’importance des catastrophes naturelles, en nombre, en force... Les catastrophes ne touchent et ne toucherons pas seulement les petites îles comme Tuvalu…
Les incendies à répétition posent problème un peu partout… la montée des eaux menace, d’ici 2050, en premier la Chine (4) et la région de Shanghai et le golfe du Mexique, la Louisiane a déjà été frappée…
Les pays les plus pollueurs, touchés seront-ils capables de s’entendre pour prendre la tête de la lutte contre le réchauffement climatique ? Pour le moment...
1 - Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. Genèse 1:28
2 – Courrier international 07/02/25
3 - Libération 07/02/25
4 – Le dessous des cartes : Quand la mer monte