12 septembre 2009
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2 - Paulette C., Charles C. et André R..
Charles C.
J'ai fait ma spécialité de pneumologie à Alger avec Charles qui faisait partie des "jeunes", puisqu'il était de la promotion suivante.
En réalité, quand je l'ai connu, Charles avait déjà une longue carrière, mouvementée derrière lui. Déjà médecin en1940, nationaliste, il n'accepte pas la défaite et décide de passer en Espagne. Entré nationaliste dans les geôles espagnoles de Figueras, il en ressort communiste et après avoir rejoint Londres, se retrouve médecin dans les sous marins, je crois !
A la libération, il sera médecin des houillères du Nord. Suite à un accident vasculaire cérébral qui ne lui laisse aucune séquelle, il lui est conseillé de ralentir un peu ses activités, ce qui le conduit à prendre un poste en Algérie, à Médéa, en coopération.
André R.
Dans le cadre de ses fonctions, il rencontre André R. Encore une figure ! André R. était alors médecin expert de l'OMS. Il a lancé en Algérie la Superamine à base, essentiellement, de produits locaux (farine de lentilles et de pois chiches décortiqués notamment) qui était un aliment dit "de sevrage" que l'on donne pour remplacer ou compléter l'allaitement maternel. Aliment complet, réalisé à partir de la production locale, la Superamine était destiné à se substituer aux produits importés, chers, mal adaptés à la situation des familles algériennes. Malgré ses qualités, la Superamine a rencontré quelques difficultés à s'imposer à cause d'une présentation qui n'était pas suffisamment attractive par rapport aux produits importés, à cause de son image de produit local, ersatz des produits occidentaux.
André avait fait Santé navale et avait été le médecin de Malraux pendant la guerre, brigade Alsace-Lorraine, sur lequel il racontait quelques histoires pittoresques.
Après avoir été médecin en Afrique, création/fondation de l'ORANA à Dakar (Office régional pour l'alimentation et la nutrition africaine). médecin général, il était devenu expert en nutrition pour l'OMS. C'est dans ce cade qu'il voyageait en Algérie et que nous l'avons connu à Constantine et Charles à Médéa.
André était donc de passage à Médéa et Charles l'invite chez lui. Surprise dés que André voit Paulette, l'épouse de Charles : "Mais je te connais !"
Paulette C.
Effectivement, André et Paulette s'étaient connus à Marseille pendant la guerre. A cette époque, Paulette était assistante sociale et dans le cadre de ses activités, professionnelles et militantes, rendait visite aux détenus, notamment aux résistants.
Lors d'un de ces contacts avec un officier allemand, dans le cadre de ses activités, celui-ci l'interpelle :
- Je sais ce que vous faites. Je voudrais vous voir après le service à tel endroit.
Après concertation avec les camarades de la Résistance, elle décide de se rendre au rendez-vous. L'officier allemand lui propose un marché. L'exfiltrer en échange du plan de répartition des mines de la ville de Marseille. Et le marché a été conclu.
C'est l'histoire qui m'a le plus frappé parmi celles que nous a racontées Paulette qui était aussi agent de transmission de la résistance. Jeune femme à cette époque, cela lui a permis, avec un sourire comme ausweis, de passer sans difficultés des barrages.
Mais tout n'a pas été toujours drôle et elle souffrait d'insomnies et de claustrophobie depuis qu'elle avait été prise sous un bombardement où elle avait failli rester.
Je ne sais comment elle avait rencontré Charles. Toujours est-il qu'après avoir été mariée avec un officier, je crois apparenté à la famille de de Gaulle, elle s'en était séparée et était mariée avec Charles.
Tous deux militaient au PC. Elle racontait le nombre de fois où elle avait été convoquée par la police et inquiétée pour des articles qui étaient publiés sous son nom mais rédigés par des camarades du PC. Elle découvrait ces articles au Commissariat !
Tous deux, fidèle au PC, avaient une grande nostalgie de Paul Vaillant-Couturier qui aurait, pensaient-ils, empêché les errements du PC...
Bien entendu, c'est en Algérie que nous l'avons rencontrée où elle avait réussi à se faire de nombreux amis malgré un franc parler qui a du traumatiser plus d'une oreille algérienne notamment sur la condition de la femme.
Charles et Paulette sont rentrés en France au moment de la retraite de Charles.
Un jour, Paulette présente des symptômes qui font penser à Charles qu'elle avait un cancer. Il l'a fait examiner par une autorité médicale. A la fin du bilan, Paulette se trouve face au professeur :
- Alors, c'en est un ?
- Euh, je crois que...
-C'en est un ou non ?
- C'en est un.
- Opérable ou non opérable ?
- Opérable.
- Vous l'opérez quand ?
Ce fut l'histoire de son premier cancer qui s'est relativement bien terminée.
Relativement car, quelques années plus tard de nouveaux symptômes font penser à une métastase.
Même scénario. Même comportement. Même conclusion.
Paulette passera même à la télévision lors d'une émission pour dire qu'on pouvait survivre même à deux cancers.
Elle succombera au troisième.
En écrivant ces quelques mots. Je me rends compte de leur sécheresse. De la bêtise de ne pas avoir posé de questions, de ne pas avoir relevé au jour le jour les anecdotes racontées par les uns ou les autres. Qui aujourd'hui sont cachées dans une mémoire défaillante.
Charles C.
J'ai fait ma spécialité de pneumologie à Alger avec Charles qui faisait partie des "jeunes", puisqu'il était de la promotion suivante.
En réalité, quand je l'ai connu, Charles avait déjà une longue carrière, mouvementée derrière lui. Déjà médecin en1940, nationaliste, il n'accepte pas la défaite et décide de passer en Espagne. Entré nationaliste dans les geôles espagnoles de Figueras, il en ressort communiste et après avoir rejoint Londres, se retrouve médecin dans les sous marins, je crois !
A la libération, il sera médecin des houillères du Nord. Suite à un accident vasculaire cérébral qui ne lui laisse aucune séquelle, il lui est conseillé de ralentir un peu ses activités, ce qui le conduit à prendre un poste en Algérie, à Médéa, en coopération.
André R.
Dans le cadre de ses fonctions, il rencontre André R. Encore une figure ! André R. était alors médecin expert de l'OMS. Il a lancé en Algérie la Superamine à base, essentiellement, de produits locaux (farine de lentilles et de pois chiches décortiqués notamment) qui était un aliment dit "de sevrage" que l'on donne pour remplacer ou compléter l'allaitement maternel. Aliment complet, réalisé à partir de la production locale, la Superamine était destiné à se substituer aux produits importés, chers, mal adaptés à la situation des familles algériennes. Malgré ses qualités, la Superamine a rencontré quelques difficultés à s'imposer à cause d'une présentation qui n'était pas suffisamment attractive par rapport aux produits importés, à cause de son image de produit local, ersatz des produits occidentaux.
André avait fait Santé navale et avait été le médecin de Malraux pendant la guerre, brigade Alsace-Lorraine, sur lequel il racontait quelques histoires pittoresques.
Après avoir été médecin en Afrique, création/fondation de l'ORANA à Dakar (Office régional pour l'alimentation et la nutrition africaine). médecin général, il était devenu expert en nutrition pour l'OMS. C'est dans ce cade qu'il voyageait en Algérie et que nous l'avons connu à Constantine et Charles à Médéa.
André était donc de passage à Médéa et Charles l'invite chez lui. Surprise dés que André voit Paulette, l'épouse de Charles : "Mais je te connais !"
Paulette C.
Effectivement, André et Paulette s'étaient connus à Marseille pendant la guerre. A cette époque, Paulette était assistante sociale et dans le cadre de ses activités, professionnelles et militantes, rendait visite aux détenus, notamment aux résistants.
Lors d'un de ces contacts avec un officier allemand, dans le cadre de ses activités, celui-ci l'interpelle :
- Je sais ce que vous faites. Je voudrais vous voir après le service à tel endroit.
Après concertation avec les camarades de la Résistance, elle décide de se rendre au rendez-vous. L'officier allemand lui propose un marché. L'exfiltrer en échange du plan de répartition des mines de la ville de Marseille. Et le marché a été conclu.
C'est l'histoire qui m'a le plus frappé parmi celles que nous a racontées Paulette qui était aussi agent de transmission de la résistance. Jeune femme à cette époque, cela lui a permis, avec un sourire comme ausweis, de passer sans difficultés des barrages.
Mais tout n'a pas été toujours drôle et elle souffrait d'insomnies et de claustrophobie depuis qu'elle avait été prise sous un bombardement où elle avait failli rester.
Je ne sais comment elle avait rencontré Charles. Toujours est-il qu'après avoir été mariée avec un officier, je crois apparenté à la famille de de Gaulle, elle s'en était séparée et était mariée avec Charles.
Tous deux militaient au PC. Elle racontait le nombre de fois où elle avait été convoquée par la police et inquiétée pour des articles qui étaient publiés sous son nom mais rédigés par des camarades du PC. Elle découvrait ces articles au Commissariat !
Tous deux, fidèle au PC, avaient une grande nostalgie de Paul Vaillant-Couturier qui aurait, pensaient-ils, empêché les errements du PC...
Bien entendu, c'est en Algérie que nous l'avons rencontrée où elle avait réussi à se faire de nombreux amis malgré un franc parler qui a du traumatiser plus d'une oreille algérienne notamment sur la condition de la femme.
Charles et Paulette sont rentrés en France au moment de la retraite de Charles.
Un jour, Paulette présente des symptômes qui font penser à Charles qu'elle avait un cancer. Il l'a fait examiner par une autorité médicale. A la fin du bilan, Paulette se trouve face au professeur :
- Alors, c'en est un ?
- Euh, je crois que...
-C'en est un ou non ?
- C'en est un.
- Opérable ou non opérable ?
- Opérable.
- Vous l'opérez quand ?
Ce fut l'histoire de son premier cancer qui s'est relativement bien terminée.
Relativement car, quelques années plus tard de nouveaux symptômes font penser à une métastase.
Même scénario. Même comportement. Même conclusion.
Paulette passera même à la télévision lors d'une émission pour dire qu'on pouvait survivre même à deux cancers.
Elle succombera au troisième.
En écrivant ces quelques mots. Je me rends compte de leur sécheresse. De la bêtise de ne pas avoir posé de questions, de ne pas avoir relevé au jour le jour les anecdotes racontées par les uns ou les autres. Qui aujourd'hui sont cachées dans une mémoire défaillante.