Des photos d'affiches ont été ajoutées le 28/12/10 en fin d'article
Le foyer culturel le plus important et le plus animé, pendant mon séjour à Alger (1966-1972), était la cinémathèque algérienne de la rue Larbi Ben M'Hidi, créée en 1964 par Ahmed Houcine et Jean Michel Arnold, secrétaire général de la cinémathèque française. Le programme était très éclectique et permettait de voir des films qui ne passaient ni dans les salles, ni à la télévision. La cinémathèque n'était pas fréquentée seulement par des intellectuels, algériens ou étrangers, mais attirait aussi des personnes de milieux plus populaires, probablement du quartier. Les débats étaient fréquents avec des invités, réalisateurs, acteurs, critiques (Claude Chabrol, Joris Yvens, Melvin Van Peebles, Jean-Luc Godard, Alain Robe-Grillet, Jean-Louis Bory...) qui venaient présenter un film. Ces discussions étaient souvent très animées. Elles l'étaient aussi dans les "chaines" d'attente avant le film.
Bien sûr, c'est à la Cinémathèque d'Alger que j'ai pu voir tous les très intéressants films algériens de l'époque. En 1969, pour les faire connaître, nous avons organisé à Carcassonne un "festival du cinéma algérien", terme un peu prétentieux pour l'importance de la manifestation.
C'est aussi à la cinémathèque que j'ai découvert le cinéma de différents pays d'Afrique noire et aussi certains films militants comme ceux du Mouvement pour la libération de l'Angola... Parmi les films d'Afrique noire, ceux de Sembène Ousmane méritent une mentions spéciale.
Anecdotes :
Ce doit être au moment du festival panafricain, je ne sais pour lequel des films de Sembène Ousmane que nous avons fait la "chaîne" sans succès. La salle était pleine et de nombreux spectateurs attendaient au guichet mécontents.
Nous étions désespérés quand Sèmbène Ousmane est arrivé et voyant une telle foule refusée et déçue, s'est assis sur les marches en exigeant une séance supplémentaire qui eut lieu après minuit !!!
Parmi les discussions un peu vives, certaines me sont restées en mémoire. La première a du avoir lieu lors du Festival panafricain. Où ldes spectateurs ont reproché aux cinéastes d'Afrique noire d'utiliser encore la langue du colonisateur alors que les Algériens avaient retrouvé leur langue, la langue arabe.
Une autre avait porté sur la religion. Lors de la prière à la grande mosquée de Dakar (?), on voyait un adulte pousser un gamin à faire comme les adultes alors qu'il gardait la tête en l'air. Cette obligation lui avait été reprochée. Mais pour le cinéaste, la seule religion non importée en Afrique noire était l'animisme.
Cet animisme qu'on pouvait voir pratiqué par une militante maoïste dans un autre film et qui avait étonné, pour ne pas dire plus, certains amis français. Maoïste et animiste !!
Une séance mémorable fut celle où le malheureux Yves Montand était venu présenter un film quelque temps après avoir signé un "manifeste d'intellectuels" dont je ne me souviens pas l'objet exact mais qui devait être peu favorable aux Palestiniens. Il a été sommé de s'expliquer et s'en est tiré par des pirouettes peu élégantes. Du genre : "on est sollicité presque chaque jour et on signe un peu rapidement", "ce n'est pas moi, c'est Simone qui donne notre signature"...
Ce qui caractérisait la cinémathèque, c'était le nombre de spectateurs avides de voir des films, de tout genre, et d'écouter, de discuter, et surtout la liberté de ton des intervenants, le plus souvent de gauche.
On ne peut parler de la cinémathèque et du cinéma à Alger pendant cette période sans signaler l'important travail du critique cinématographique de l'époque, au Moudjahid, Halim Chergui (Guy Hennebelle). De retour en France, Guy, avec son épouse Monique Martineau, a continué son travail de critique en créant la revue CinémAction en 1978 (et plus tard Panoramiques) par laquelle il a contribué à faire connaître le cinéma algérien, le cinéma "djedid", le cinéma de l'immigration et au delà le cinéma militant ou du Tiers-Monde.
Pas loin de la cinémathèque, il y avait le "petit théâtre", derrière les Galeries algériennes (transformées, depuis, en musée). Une troupe de jeunes, parmi lesquels Slimane Benaïssa, y montait des pièces qui étaient de véritables manifestes et, quelquefois, l'objet de manifestations contradictoires, notamment, à l'occasion d'une magnifique spectacle sur la situation de la femme.
Grâce à la Cinémathèque d'Alger, nous avons organisé (au nom d'une association que nous avions appelé "Action et nouvelle culture") en septembre 1969 une semaine algérienne avec conférences et films algérien, la salle étant décorée d'affiches de a Cinémathèque algérienne, retrouvées et photographiées par Jean Clauson.
L'année suivante (je crois), nous avons organisé une manifestation du même type sur le cinéma cubain que nous avions découvert à la Cinémathèque d'Alger.
Voir les affichettes annonçant ces deux programmes.
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