Tout le monde pleure sur Haïti. Notamment en France. L'histoire de Haïti et de la France se sont croisées, ce qui en fait un pays "francophone"... Mais, cette histoire nous a été peu enseignée à l'école ou, alors, je l'ai bien oubliée. Nous avons vaguement entendu parler de la lutte de Toussaint Louverture pour l'indépendance de son pays. "Haïti fait partie de notre histoire, mais non de notre mémoire. Le faible connaît le fort, qui le méconnaît". C'est dit par un rapport officiel (1). Je ne dois pas être le seul dans cette ignorance.
Au siècles des Lumières, Saint Domingue était la "perle française" des Antilles dont la prospérité reposait sur l'esclavage. Elle contribuait à une part importante du commerce extérieur de la France. Le rapport reconnaît que c'est à la suite de la révolte des esclaves de Saint Domingue en 1791 que la Convention a été amenée à supprimer l'esclavage dans toutes les colonies françaises en 1794. La France était le premier pays à le faire.
Malheureusement, cela n'a pas duré et Napoléon Bonaparte voulut rétablir l'ordre ancien pour les avantages économiques, pour la dignité nationale (?) et pour les beaux yeux de Joséphine (?). D'où une guerre que perdit Toussaint Louverture en 1802. Mais la révolte reprendra et, après la première défaite des armées napoléoniennes, les Français seront obligés de quitter l'île. La première république noire du monde sera proclamée le 1er janvier 1804 sous son ancien nom Haïti. Entre temps, Toussaint Louverture était mort le 7 avril 1803 au Fort de Joux dans le Doubs.
Les Haïtiens avaient osé lever la tête, ils le paieront cher. Il n'est pas question de mettre tout cela sur le dos seulement de Napoléon ou de Joséphine de Beauharnais... Une période de grande instabilité va suivre avec d'après luttes pour le pouvoir, division de l'ile... Mais que fait la France pendant ce temps là. Le 11 juillet 1825, un traité est signé entre la France de Charles X et Haïti qui reconnaît l'indépendance du pays contre une indemnité de 150 millions de francs-or (la somme sera ramenée par la suite à 90 millions) soit 5 fois le produit de ses exportations annuelles. Qu'Haïti a fini de payer en 1883, au lieu de 1867, comme prévu par le traité (1). D'après le Times, dans un article sans tendresse pour la France, cette dette a continué à courir jusqu'en 1947 (2) !
Quoi qu'il en soit Haïti n'a pas fait preuve de rancune. C'est la délégation haïtienne à la conférence de San Francisco en 1945 qui a entraîné les pays latino-américains pour faire du français la seconde langue des Nations-Unies (1), lui valant la "reconnaissance éternelle" de Georges Bidault alors président de la délégation française. Cela n'a jamais amené la France à faire une place à ce pays dans ses livres d'histoire, aucun chef de gouvernement ou président de la République française n'est jamais allé à Haïti (2 présidents des Etats-Unis l'ont fait). Fort heureusement, notre président a annoncé sa prochaine visite en avril 2010. Espérons qu' il aura les mots qu'il faut pour dire que Haïti est entré dans l'Histoire, il y a 200 ans au moins ! En attedant, 2 Haïtiens viennent d'être expulsés de France.
Mais il n'y a pas que l'argent : il serait temps que la France se mette à relire honnêtement son histoire en reconnaissant aussi les graves erreurs qu'elle a commises. Pour le deuxième centenaire de l'indépendance de Haïti, le gouvernement français a... fait faire un rapport sur Haïti... Lors de la grande exposition du Musée de la Marine à Paris, de mars à Août 2004, Napoléon et la mer, il n'y avait rien sur Saint-Domingue et la naissance d’Haïti (3).
Cette histoire dramatique et sanglante rappelle une autre indépendance, pacifique celle-ci, le "non" de la Guinée de Sékou Touré en 1958 qui a entraîné une rupture des relations politiques et économiques de la France et le retrait de son armée, de ses fonctionnaire, de ses crédits. Probablement un "non" qui était encore une atteinte à la "dignité nationale" !!
Enseigne-t-on dans les "perles françaises" des Caraïbes le "loup et le chien" de La Fontaine ? Ce n'est pas nécessaire, la fable est inscrite dans l'histoire des Antilles.
1) Rapport au Ministre des affaires étrangères M. Dominique de Villepin du Comité indépendant de réflexion et de propositions sur les relations Franco-Haïtiennes, Régis Debray
Janvier 2004. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/044000056/index.shtml
2) http://www.presseurop.eu/fr/content/article/174431-cest-la-faute-paris
3 ) http://www.bakchich.info/Haiti-l-amnesie-d-une-colonie,09837.html