La couleur des Parisiens
Dans le train qui nous amène au Festival de cinéma de Venise, nous partageons le compartiment avec un couple argentin, d'origine italienne. Nous échangeons quelques mots dans un sabir quadrilingue... Ils font le tour des grandes villes d'Europe. Ils vont à Venise puis iront à Rome, Florence... Ils viennent de Londres une belle ville, bien propre et de Paris, ville sale, ce que je concède, où il y a beaucoup d'étrangers...
Naïvement, je leur dis que Paris est une des villes les plus visitées du monde et que, bien sûr, il y a toujours beaucoup d'étrangers... mais, dans leur esprit, il ne s'agit pas des touristes mais des « «étrangers de France »... Plus précisément des étranges étrangers de France... Noirs, Maghrébins et autres Orientaux, identifiés à l’œil.
Je me contente de leur signaler que la moitié de ces « étrangers » sont français mais cela ne semble ni les convaincre, ni les intéresser. Faut dire que notre expertise linguistique, aux uns et aux autres, ne nous permet guère d'avancer dans la subtilité...
Rentrés dans leur foyer, nos amis argentins ont peut-être vu à la télévision la manifestation « Paris marche pour le climat ».
Une manifestation avec beaucoup de jeunes, de femmes, aux vêtements, aux cheveux, aux banderoles colorés. Ils n'ont pas pu voir les deux femmes, peut-être y en avait-il d'autres, munies d'un sac poubelle, qui ramassaient les papiers, négligemment abandonnés sur la chaussée par les « marcheurs pour le climat ».
Surtout, ils n'ont pas dû reconnaître les Parisiens vus lors de leur court séjour à Paris. Si la manifestation était colorée, elle était très homogène au point de vue ethnique, probablement la population parisienne de leur rêve. Pas du nôtre.
Quand les manifestations portent sur l'immigration, sur le Proche-Orient, sur le Maghreb, sur la Palestine, la dominante est « colorée ». Quand il s'agit de questions économiques, sociales, sociétales, on peut noter une certaine mixité, à travers syndicats, associations ou partis. Avec souvent la présence de sans papiers.
Ce n'était pas le cas dans la « Marche sur le climat ». On peut le comprendre. A première vue, leurs problèmes sont bien différents et plus urgents. Encore que le nombre de réfugiés climatiques est en augmentation constante*.
Mais nos amis argentins n'auront probablement pas remarqué que la diversité politique était tout aussi limitée, à trois formations arborant leurs couleurs respectives : Europe-Écologie la plus importante en nombre, c'est bien le moins, le Parti de gauche et Nouvelle donne. Les autres brillaient par leur absence, les organisations de droite bien sûr mais aussi de gauche, du PS (Ségolène Royal et Laurent Fabius défilaient à New York) aux Anarchistes en passant par LO, le NPA ou le PC. Tous probablement noyés, de façon anonyme dans la masse des marcheurs, peut-être, étaient-il à Gonesse-Alternatiba... ou ailleurs
En tout cas, ils n'étaient pas à la « Marche pour le climat ». Les choses avancent très lentement. Trop lentement. Le « penser global » n'entraîne pas obligatoirement le « agir local ».
Mais la « Marche » n'était qu'un premier pas. La France accueillera et présidera la Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques qui aura lieu au Bourget du 30 novembre au 11 décembre 2015 (COP21). D'autres marches, d'autres manifestations sont prévisibles d'ici là. Pour rappeler à tous les gouvernements et particulièrement au gouvernement français que le dérèglement climatique concerne toutes les classes sociales et tous les pays...
Il est fort probable que, lors des prochaines manifestations, la participation sera beaucoup plus importante, plus diversifiée et ne se limitera pas aux seuls Parisiens.
*Selon un rapport de l'organisation humanitaire britannique Christian Aid, il y aurait déjà 163 millions de personnes ayant dû quitter leur foyer suite aux conflits, catastrophes naturelles et grands projets de développement : mines, barrages, périurbanisation, cultures d'agrocarburants... (Wikipedia).