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27 septembre 2014 6 27 /09 /septembre /2014 08:43

 

Le FN, thermomètre politique de la gauche ?

 

Il y a une « explosion du vote FN parmi les fonctionnaires de catégorie C ». Cela inquiète Maryse Lebranchu, militante politique depuis 1972, successivement maire, députée, ministre… Elle ne serait pas la seule : « Les syndicats eux-mêmes en parlent et sont inquiets », a-t-elle confié à Libération.

Cette découverte, cette inquiétude l'amène, justement, à se poser des questions. Et pour cela, chose étrange, malgré l'expérience de plus de 40 années de vie politique, elle doit faire appel à des chercheurs, en l’occurrence à des sociologues, pour comprendre le comment et le pourquoi ! Cette demande, aussi légitime qu'elle puisse paraître, est un aveu grave. Me la Ministre, comme de nombreux politiques, comme les syndicalistes qui partagent son inquiétude, semble si loin de la population dont elle a la charge (elle est, depuis mai 2012, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique) qu'elle doit faire appel à des spécialistes pour essayer de les comprendre.

 

En démocratie, on pourrait croire, naïvement, que les corps intermédiaires, syndicaux, politiques, représentant la population, étaient représentatifs. Il ne le semble pas. Évidemment, il ne leur viendra pas à l'esprit de se remettre en question, de remettre en question le système qui les a produits, en instaurant un non cumul des mandats rigoureux, une limitation stricte du renouvellement des mandats…

Il n'était pas besoin de la montée du FN pour avancer de telles propositions : il suffit de dire que la moitié du corps électoral potentiel est exclu ou s'exclut de lui même des consultations. Que la composition sociologique des élus est assez proche de la pyramide sociologique de la population à condition de la mettre sur sa pointe…


Les choses sont plus graves qu'on ne le pensait. Le PS a perdu depuis longtemps une bonne partie de son électorat populaire, notamment ouvrier. Certains ont même théorisé, dès 2011, la nécessité d'accompagner cette mutation, d'abandonner les classes populaires et de chercher l'appui de «la France de demain», faite des diplômés, des jeunes, de la «France de la diversité» et des femmes. La logique de classe caractérisait le monde ouvrier et on sait que la lutte des classes n'existe plus*, il est logique de ne plus s'intéresser à une « classe » qui n'existe plus. Mais pourquoi donc s'inquiéter de ce qui apparaît comme un succès rapide, sinon dans la conquête de la « France de demain », du moins dans l'abandon des (ou par les) classes populaires !.

 

Aujourd'hui, en attendant la « France de demain », le PS est encore, pour l'essentiel, un parti de fonctionnaires. Il est difficile de savoir si ce sont les adhérents de ce parti qui ont perdu tout contact avec la masse des électeurs fonctionnaires ou les élus et ministres qui ont perdu le contact avec les adhérents de leur parti.

 

A défaut d'avoir des antennes, d'être en contact direct avec la population, le scrutin à la proportionnelle pour l'élection des assemblées, au niveau local et national, aurait permis aux politiques de prendre conscience de la montée du mécontentement, du désenchantement, de la déception des électeurs.

 

Certes l’adoption de quelques mesures ne suffirait pas à résoudre tous les problèmes. Il ne peut pas y avoir de vrai démocratie politique sans démocratie économique. On en est loin quand les grands groupes d'information appartiennent aux industriels du bâtiment ou de l'armement et que toutes les équipes ont la même origine sociale et sont formées par le même moule. Il suffit de voir avec quel mépris, toutes les « élites » politiques, journalistiques.... ont traité les résultats du dernier référendum et comment elles se sont bien entendues pour en effacer les résultats.
De plus, reprenant une phrase célèbre, il est possible de dire que la démocratie dans un seul pays est tout aussi impossible que le socialisme dans un seul pays, surtout dans un monde interconnecté et financiarisé comme celui d'aujourd'hui.

 

Quant au thermomètre « FN », il indique des poussées de fièvre. Depuis les élections européennes de 1984, le FN a enregistré, au premier tour des élections nationales (européennes, présidentielles ou législatives) un résultat supérieur à 10 % dans 13 scrutins sur 19, dont 5 à 15 % ou plus. Ces résultats ne semblaient pas « inquiétants », ce qui est inquiétant c'est que les fonctionnaires des catégories C votent de moins en moins pour le parti des fonctionnaires.

Alors on va demander aux sondages, aux sociologues, ce que la sensibilité des élus, des militants du parti, ne peut saisir. Et tout à coup, on découvre qu'il est loin le temps où le FN attaquait les fonctionnaires« Le FN est un parti qui a un langage de défense absolue des fonctionnaires, y compris des enseignants »... qu'il y a un malaise « derrière les guichets des caisses de la Sécurité sociale, à l'hôpital ou dans les services sociaux ». Les grèves et manifestations n'ont alarmé personne.

C'est, bien sûr, au guichet que la situation est la plus difficile. Entre ceux qui, d'un coté du guichet, sont victimes de cette politique et viennent solliciter le secours de l’État, de l'administration et de l'autre coté du guichet ceux qui sont chargés d’exécuter une politique dont ils sont à la fois les agents et les victimes et quelquefois tenus pour responsables !
Ni le gouvernement, ni le PS ne peuvent incarner l'espoir au guichet. Ni d'un coté, ni de l'autre.

 

Cette rupture du lien entre les fonctionnaires et la gauche daterait de 2012 mais comme chacun sait, il ne s'est rien passé en 2012, ni depuis, qui puisse expliquer ce basculement… Sauf peut-être une certaine continuité. Bien entendu, la politique gouvernementale n'y est pour rien : coupes budgétaires, mal-être et absence de mobilité au travail, suppression de postes de fonctionnaires, baisse du pouvoir d'achat, chômage, recrutement et renouvellement de CDD.

Ceux qui l'avaient cru, ont été déçus par Sarkozy, certains ont encore voté pour Hollande en 2012 et on leur dit, aujourd'hui comme hier, qu'une seule politique est possible. Qu'il faut continuer, accentuer, avec les résultats connus et dont même Madame la Ministre semble douter qu'ils puissent être différents à l'avenir : «Et si [et non quand] nos politiques produisent des résultats, est-ce qu’on réussira à le [FN] faire refluer ?»

 

Il ne reste plus qu'à aller chercher un bon conseiller en communication pour trouver « des mots pour s’adresser à ces fonctionnaires qui basculent de plus en plus... ». Des mots, non des mesures. Pour faire avaler la politique actuelle, non pour la changer.

 

 

 

* Tout le monde n'est pas d'accord avec cette affirmation, notamment Warren Buffet qui affirme : « la lutte des classes existe, nous l'avons gagnée » (Warren Buffett, 4ième fortune mondiale en 2013)

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