VOIR NOTE 1a AJOUT DU 22/05/13.
Peut-on parler de races humaines ? (1) (1a)
D’abord, définir les mots : « Deux animaux appartiennent à la même espèce s’ils peuvent se croiser entre eux et qu’il en résulte une progéniture elle-même féconde ». On peut raisonnablement affirmer que l’humanité est donc constituée d’une seule espèce encore que tous les « croisements » n’ont pas dû être « expérimentés »… Dans le règne animal, dans le règne végétal, il existe des subdivisions qui sont admises par tous. Rien de tel pour l’espèce humaine. Se pose la question des races.
Les scientifiques reconnaissent une seule origine à l’homme, située dans l’Est africain et une seule espèce. Majoritairement, ils ne reconnaissent pas l’existence de races : « les différences entre individus sont telles qu’elles ne permettent absolument pas un classement par « race » (3). Ils utilisent le mot « population », les catégories « raciales » étant considérées comme une construction sociale sans base scientifique réelle. Aux États-Unis cependant, certains n’hésitent pas à employer le mot « race » (4).
Pour moi, les choses étaient simples, simplistes peut-être. L’homme est un animal. S’il y a des races chez les chiens, chez les animaux, il y a des races chez l’homme. Ou alors, l’homme a été fait à l’image de Dieu et il n’y a plus rien à dire. J’ai toujours pensé qu’il y avait des races et que l’existence de races n’entrainait pas obligatoirement une hiérarchie entre elles. C’est ce que semble dire Jean Pouillon (5) : « L’erreur est de croire que pour nier le privilège, il faut considérer comme négligeable la différence à laquelle on l’attache indument et affirmer une essence humaine toujours égale à elle-même ».
Cette discussion a déjà eu lieu concernant hommes-femmes. Pour combattre l’inégalité, certain(e)s ont nié la différence…
Bertrand Jordan pense que la race « évidente », en fonction de signes physiques, est une construction culturelle qui prétend avoir un fondement biologique et justifie la domination d’une partie de la population sur une autre. C’est inacceptable, surtout, semble-t-il, parce que cela a servi à justifier les pires atrocités. Ce n’est cependant pas un argument scientifique même si c’est sous tendu par une déterminante expérience historique : la Shoah.
Mais s’il n’y a pas de race « évidente », existe-t-il des races « non évidentes » ? En lisant Jordan, on retrouve, disons, des populations différentes qu’il refuse de qualifier de races.
Un peu d’histoire
D’après Jordan, le mot « race », à propos des humains, apparaît pour la première fois chez un médecin montpelliérain François Bernier (1620-1688). La publication d’un article paru sans nom d’auteur, dans le « Journal des sçavants » du 24 avril 1684, constitue la première tentative théorique de diviser l’humanité en « races », notamment en fonction de la couleur de peau que Buffon attribuait seulement aux conditions climatiques. Chaque race a ses qualités et, bien sûr, les Européens ont les meilleures (6).
Le pamphlétaire Gaston Mery (1866-1909), collaborateur de La Libre parole, le journal d’Édouard Drumont, est le premier à avoir utilisé le mot « racisme » dans un roman, Jean Revolte 1892 (7).
Carl Linnæus, Carl von Linné, (1707-1778) est le père de la classification scientifique moderne de tous les êtres vivants. Cette classification fut critiquée par les philosophes, notamment parce que Linné était fixiste. Pour lui, les espèces vivantes ont été créées par Dieu. Il applique le concept de "race" à l'homme et divise Homo sapiens en cinq catégories : Africanus, Americanus, Asiaticus, Europeanus et Monstrosus. Accroc au fixisme, les fils de Noé étaient donc différents ?
Ces catégories basées au départ sur des critères géographiques, le sont par la suite sur la couleur de peau. Chaque "race" possède certains caractères constants. En 1758, il introduit une hiérarchisation avec l’homme blanc en haut de l’échelle et l’homme noir en bas (8).
Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882) publie, un siècle plus tard, en 1853-1855, « Essai sur l’inégalité des races humaines » (9) où il étudie l’origine de l’humanité et des races puis démontre leur inégalité en force, en beauté et surtout en intelligence : « J'ai déjà constaté que, de tous les groupes humains, ceux qui appartiennent aux nations européennes et à leur descendance sont les plus beaux », les plus beaux parmi les plus beaux, les plus intelligents parmi les plus intelligents… étant les germaniques. Le développement moderne en est le témoignage.
Pour Gobineau, tous les hommes sont mortels et en ont conscience. Mais il note, 50 ans avant Paul Valéry, que toutes les civilisations le sont aussi : « C'est nous modernes, nous les premiers, qui savons que toute agglomération d'hommes et le mode de culture intellectuelle qui en résulte doivent périr. Les époques précédentes ne le croyaient pas ».
Se pose la question du pourquoi. Si les civilisations en ont pris conscience difficilement, elles en attribuent la cause à un accident, surtout à la condamnation par Dieu. Pour Gobineau, certes Dieu est à l’origine mais « La condition mortelle des civilisations et des sociétés résulte d'une cause générale et commune » : c’est la perte des vertus originelles de cette civilisation, de ce peuple, de cette race par le métissage.
L’homme dégénéré « mourra définitivement, et sa civilisation avec lui, le jour où l'élément ethnique primordial se trouvera tellement subdivisé et noyé dans des apports de races étrangères, que la virtualité de cet élément n'exercera plus désormais d'action suffisante ».
En 1874, dans sa classification, Ernst Haeckel (1834-1919) met le Noir au sein des anthropoïdes avec le chimpanzé, l’orang-outang et le gorille.
La publication de « L’origine des espèces », en 1859, par Charles Darwin, la théorie de la sélection naturelle inspirent le darwinisme social et une demande d'intervention de l'État pour améliorer l'espèce humaine. En 1869, Francis Galton (1822-1911), cousin de Darwin, dans une étude consacrée au génie des grands hommes britanniques, « Hereditary Genius », conclut à son caractère héréditaire (10).
Il en déduit la nécessité de l’eugénisme car la qualité génétique des sociétés occidentales est menacée par l’importante fécondité des classes inférieures, il faut donc améliorer le patrimoine héréditaire des nations, en décourageant la reproduction des pauvres. En 1883, il publie « Inquiries into human faculty and its development » et propose l’eugénisme qu’il considère comme la « science de l’amélioration des lignées » qu’il entend appliquer aux êtres humains. Des sociaux démocrates suédois reprendront ces idées et mettront en place en 1922 la stérilisation des handicapés et des marginaux. Ils ont été suivis par des pays, à forte réputation démocratique, Norvège, Danemark, Finlande et États-Unis qui ont eu recours à la stérilisation de personnes dont le patrimoine génétique était considéré comme inférieur. Et en 1933 par Hitler. C’est surtout ce nom que l’on a retenu (11).
La persécution des juifs n’est pas une histoire récente mais c’est en 1879, qu’apparaît le mot « antisémite » et que Wilhelm Marr (1819-1904) fonde la ligue antisémite (12).
L’idée de races humaines différentes et hiérarchisées n’a pas eu comme seule conséquence, la « solution finale » des nazis. Ailleurs, l’inégalité des races a servi à justifier l’esclavage et, même après son abolition, la colonisation et la mission civilisatrice des nations européennes….
Pour Jean-Luc Bonniol (13), l’histoire des États-Unis a conduit à la construction d’une société racialement structurée qui a transformé un fait historique (les esclaves étaient noirs) en une idéologie (les Noirs sont des esclaves). Ceci a joué pendant la période esclavagiste et après. En 1920, la « one drop rule » fait de toute personne ayant une goutte de « sang noir » une personne noire. Au-delà du clivage noir-blanc qui est enregistré dès les premiers recensements, apparaissent, en 1970, les catégories : Amérindien, Japonais, Chinois, Philippin, Hawaïen, Coréen ou autres.
En France, le Club de l’Horloge reprend la notion de race, réalité biologique avec inégalité et hiérarchie naturelles. La race est « une population naturelle dotée de caractères héréditaires, donc de gènes, communs » (1).
Claude Lévi-Strauss (1908-2009) conteste la hiérarchie et l’ethnocentrisme ; « La civilisation occidentale… s’est révélée comme le foyer d’une révolution industrielle dont, par son ampleur, son universalité et l’importance de ses conséquences, la révolution néolithique seule avait offert un tel équivalent.
La révolution néolithique doit inspirer quelque modestie quant à la prééminence d’une race, d’une région ou d’un pays. La révolution industrielle est née en Europe occidentale, puis États-Unis et Japon, demain sans doute elle surgira ailleurs ; d’un demi-siècle à l’autre, elle brille d’un feu plus ou moins vif dans tel ou tel de ses centres. Que deviennent à l’échelle des millénaires, les questions de priorité dont nous tirons tant vanité ?
A mille ou deux mille ans près, la révolution néolithique s’est déclenchée simultanément dans le bassin égéen, l’Égypte, le Proche-Orient, la vallée de l’Indus et la Chine. La simultanéité d’apparition des mêmes bouleversements technologiques, suivis de prés par des bouleversements sociaux, sur des territoires aussi vastes et dans des régions aussi écartées montre bien qu’elle n’a pas dépendu du génie d’une race ou d’une culture mais de conditions si générales qu’elles se situent en dehors de la conscience des hommes » (5).
La science contre les races
La tentative, quasi permanente, de construire et de hiérarchiser des races humaines, est combattue par la majorité des scientifiques au nom de la génétique moderne.
Au-delà de la notion de races, certains sont conduits à mettre en cause l’idée même de classification et de hiérarchie non seulement à l’intérieur de l’espèce humaine mais entre espèces vivantes. Les « antispécistes » contestent cette « essentialisation » des espèces.
« Nous sommes des humains ; les chimpanzés sont des chimpanzés. Nous ne sommes pas de la même espèce, nous ne nous reproduisons pas avec eux. Nos parents que nous respectons étaient eux aussi des humains, et les leurs de même. De proche en proche, nos ancêtres sont tous des humains, jusqu'à ce qu'on remonte, par exemple, quelque 300 000 générations en arrière, il y a environ six millions d'années. À ce moment, on trouve quelqu'un qui a la particularité d'être non seulement notre vénérabilissime ancêtre, mais aussi celui des chimpanzés. Les chimpanzés eux aussi peuvent le réclamer comme leur » (14).
Pour certains, fort optimistes ; la démonstration scientifique que les « races » n’existent pas devrait mettre un point final au racisme. Les « races » ne sont qu’une construction culturelle mais rien ne prouve que cette démonstration suffira à décourager les racistes dans leur besoin de construire un racisme, fut-il seulement culturel. La diversité des cultures humaines dont certains font l’éloge pour combattre le racisme, a été reprise par d’autres qui essentialisent et hiérarchisent ces différences culturelles.
La science apporte des arguments importants qui satisfont généralement les antiracistes. Ainsi, il y aurait une différence plus grande dans leur matériel génétique entre deux voisins de palier qu’entre un Blanc et un Noir pris au hasard. Et de toute façon, au point de vue de l’ADN : « nous sommes tous identiques à 99,9%, (aujourd’hui estimée à 99,5 ou 99,6%) donc les races n’existent pas, donc le racisme n’a pas lieu d’être » (1). Par ailleurs, Jordan fait remarquer que 0,1% de différence cela fait tout de même un écart de 3 millions de bases !
Partant de cette faible différence quantitative dans le matériel génétique, on peut affirmer aussi, comme le font certain(e)s, que les sexes n’existent pas !
La question est de savoir où se situe la barrière, à partir de quel seuil, la différence génétique devient significative ! Avec le même raisonnement, sachant que l’espèce humaine a, par exemple, 98% de gènes en commun avec le chimpanzé, peut-on dire que, vue cette faible différence, homme et chimpanzé ne sont pas essentiellement différents ? On retrouve là, d’une certaine façon, la logique des « antispécistes ». Et, de proche en proche, on arrivera à affirmer qu’il n’y a pas de différence spécifique entre l’homme et la jonquille qui ont 35% de leur ADN commun (15).
Sans aller jusque là, chimpanzé et bonobo sont si proches de l’homme que certains proposent de les rattacher au genre Homo et non au genre Pan (singes).
Ce qui permet d’affirmer l’existence d’espèces différentes, ce n’est pas le pourcentage de matériel génétique commun ou différent mais le choix de fonder la spécificité des espèces sur l’interfécondité.
Si le fondement de l’existence d’espèces différentes a des difficultés en s’appuyant sur la composition de l’héritage génétique, cette difficulté est encore plus grande pour affirmer ou nier l’existence de races humaines différentes.
Pour la majorité des biologistes, il n’y a pas de races humaines, car la diversité génétique au sein d’un groupe humain est généralement plus grande que la divergence moyenne entre populations différentes. Mais n’y a-t-il pas là un biais méthodologique à vouloir comparer la différence entre individus à la différence entre populations ?
Cette faible différence entre populations humaines est due, notamment, à l’apparition récente (200 000 ans) de l’espèce humaine. Alors que le dernier ancêtre commun aux hommes et aux singes date de 6 à 7 millions d’années.
Où je retrouve mes chiens. D’après Bertrand Jordan, il existe 350 races de chiens. Pourtant le chien n’a été domestiqué par l’homme que depuis 15 000 ans. Mais si les différences, à l’intérieur de l’espèce canine, sont du même ordre qu’à l’intérieur de l’espèce humaine (1 pour 1000), elles sont surtout, chez le chien, entre les races qui sont très homogènes. Deux ou 3 marqueurs suffisent pour déterminer l’appartenance raciale d’un chien avec une fiabilité de 99%.
Cela tient au fait que le chien devient adulte en 2 années, ce qui donne donc 50 générations en un siècle. Contre 3 ou 4 pour l’homme. Ceci tient aussi à la sélection menée par l’homme.
Pour Bertrand Jordan, chez l’homme, la diversité est plus importante au niveau de la « carrosserie » qu’au niveau du « moteur ». Il ne dit jamais que c’est la même chose chez l’animal, ni que le type de carrosserie semble liée au type de moteur. Il reconnaît cependant que rien n’autorise à dire que les gènes varient d’un groupe d’homme à un autre seulement pour des différences superficielles.
Pour lui, les processus de différenciation auraient pu faire apparaître des races humaines et, beaucoup plus tard, des espèces différentes. Mais le temps écoulé est trop court.
S’il nie l’existence de « races évidentes », Bertrand Jordan n’en reconnait pas moins l’existence de phénomènes troublants, notamment chez les sportifs où des facteurs génétiques pourraient expliquer la prédominance des athlètes originaires de l’Afrique de l’Est dans les courses d’endurance, du 1000 m au marathon, et des Africains de l’Ouest dans les distances de 100 à 400 mètres. Il pense qu’un jour ou l’autre des facteurs génétiques explicatifs de ces performances seront mis en évidence.
Et d’ajouter que le rôle de la culture, de l’éducation chez l’homme est très important ou prépondérant, sans qu’on puisse démêler le plus souvent ce qui revient à la culture et ce qui revient à l’ADN. D’autre part, les écarts entre la moyenne des populations sont environ dix fois plus faibles qu’entre les personnes à l’intérieur de chacune d’entre elles… Mais même si on arrive à trouver que quelques centaines de gènes prépondérants au sein d’une population la distinguent des autres, une telle différence s’appliquerait au groupe et non à chaque individu.
Pour simplifier, cela veut dire que les hommes sont, en moyenne, plus grands que les femmes mais que cette vérité statistique n’est pas valable pour chaque individu. Si on fait la répartition des hommes par taille (taille sur l’axe des abscisses, pourcentage des hommes ayant cette taille en ordonnées), on obtient une courbe « en cloche ». En faisant de même avec les femmes ont obtient aussi une courbe en cloche mais différente. Ces courbes sont dites unimodales (une seule bosse). Si on fait la même opération avec une population mixte, on n’obtiendra pas une courbe en cloche mais une courbe bimodale (avec deux bosses). Montrant que cette population n’est pas homogène du point de vue de la taille. Elle est composée en fait de deux populations différentes.
Mais, connaissant la taille d’une personne, on ne peut dire si c’est un homme ou une femme. Il n’empêche que les hommes sont, en moyenne, plus grands que les femmes.
Ce type de comparaisons est rarement présenté par les antiracistes qui comparent les différences génétiques entre un Blanc et un Noir à celles existant entre deux voisins de palier. Il ne s’agit pas de comparer deux individus mais deux groupes d’individus.
Actuellement, la génétique peut aller plus loin. Pour quelques dizaines de dollars, il est possible, essentiellement aux États-Unis mais aussi au Royaume-Uni, d’obtenir une étude individuelle qui précise l’origine et permet de savoir si on a des ancêtres principalement Européens, Africains, Asiatiques. Bertrand Jordan reconnaît qu’on peut ainsi répartir les personnes en 5 ou 6 grandes catégories bien que la diversité au sein de chacun de ces groupes soit nettement plus élevée que celle qui les sépare. Tout ceci, pour Bertrand Jordan, met en évidence que les ascendances sont mixtes et que « ces races » ne sont pas des entités étanches et séparées. Aux États-Unis, il n’y a pas de races évidentes, il n’y a pas de race pure. Nous sommes tous des « métis » (de quoi ?).
Ces études faites surtout aux États-Unis, population métissée par excellence, donneraient-elles des résultats identiques ailleurs ? Deux études ont été signalées par Courrier international : une sur les Basques (16), une autre sur les Lemba (17).
Dans le premier article, il apparaît que « Les Basques ne sont pas ce qu’ils croient être… le génome des Basques ne diffère pas de celui des autres populations espagnoles. Les recherches sur 144 marqueurs génétiques présents chez des Français, des Espagnols, des Nord-Africains, des Basques espagnols et des Basques français n’ont pas montré de différences notables. Les Basques espagnols ressemblent plus aux Espagnols des autres régions qu’aux Basques français ».
L’article sur les Lemba pose des questions plus complexes. Les lemba descendent, dans leur mythologie, d'une tribu juive réfugiée au Yémen vers 2500 avant J.-C., puis chassée vers l'Afrique il y a un millier d'années (18). Au nombre d'environ 70 000, on les trouve en Afrique du sud, au Zimbabwe, Malawi, Mozambique. Majoritairement chrétiens, parlant des dialectes bantous, ils ont des pratiques religieuses similaires à certaines pratiques du judaïsme. Les Lemba présentent une proportion importante d'hommes dont certaines caractéristiques génétiques suggèrent en effet une liaison avec les populations juives traditionnelles. Un sous-clan, le Clan Buba, est considéré par les Lemba comme leur caste de prêtres. Parmi les Buba, 52% des hommes possèdent des caractères génétiques dans les mêmes proportions trouvées chez les Juifs « Cohen » (prêtres). Les Lemba ont également un important pourcentage de gènes souvent trouvés chez les Sémites non-Arabes (19). Rien n’est dit dans l’article sur une comparaison éventuelle du génome des Lemba avec celui d’autres bantous.
Tout le monde semble d’accord pour dire qu’il n’y a pas de « race » juive, que le judaïsme est une religion, une culture, et voila qu’on rattache les Lemba au monde juif par des lambeaux de culture et par une parenté génétique qui viendrait authentifier la tradition orale ! Ici, le « groupe d’ascendance » rattacherait des Africains noirs aux populations du Proche-Orient !
Depuis 1992, de nombreuses « études génétiques sur les juifs » ont été publiées. Il suffit de taper « genetic studies on jews » dans Google pour trouver de multiples références en langue anglaise. De façon étonnante, Bertrand Jordan, dans son livre publié en 2008, n’en parle nullement. Et il est difficile pour un profane, ni angliciste, ni généticien, de trancher dans la discussion.
Pour conclure :
La discussion sur l’existence de races humaines est biaisée par l’usage qui en a été fait du mot « race »dans l’histoire et surtout dans l’histoire récente.
Alors disons que les races n’existent pas, il n’y a que des populations, « des groupes géographiques » (20)…, que nous sommes tous des métis (bien sûr pas de races mais de populations). Comme si de telles affirmations pouvaient régler la question du racisme si ce n’est chez les gens convaincus. Ce n’est pas en niant, l’évidence des « races non évidentes », qu’on fera disparaître le racisme et qu’on arrivera à convaincre les racistes. Et on renforce la méfiance de la masse des gens.
Tout d’abord, comme le dit Albert Jacquard (21) : « Classer signifie tenir compte des différences, et non hiérarchiser », « Or la hiérarchie, en toute logique, ne peut concerner qu’une caractéristique à la fois : elle nécessite l’unidimensionnalité ».
Par ailleurs, l’homme ne peut se réduire à ses gènes et c’est, peut-être ce qui fait la grande différence avec l’animal comme le dit Axel Kahn (21): « Autour du désir sexuel, alors que mon chien et mon étalon se contentent de ce simple désir et de ce à quoi il conduit, les hommes ont bâti 80% de l'art, de la poésie, de la peinture… Il s'agit d'une réappropriation, de l'humanisation d'un instinct hérité de nos lointains ancêtres animaux ».
L’homme est un animal social, culturel : « Le caractère unique de chaque personne se construit comme une synthèse singulière de son héritage génétique, des conditions de son développement et de son expérience personnelle dans l'environnement culturel et social qui lui est propre » (22).
Et Axel Kahn de préciser : « Si je n'étais pas doté de gènes humains, je n'aurais pas une cognition humaine. Mais si je n'avais pas été élevé dans une culture humaine, je n'aurais pas la capacité d'utiliser le cerveau qui pourtant eut été génétiquement le même » (21). Autrement dit le potentiel génétique de l’être humain est tel que c’est l’environnement dans lequel il naît, grandit qui lui permet de développer, de façon plus ou moins importantes, certaines de ses potentialités génétiques. Il n’y a pas d’être humain sans socialisation.
Ce n’est pas l’existence ou non de races qui fait problème. C’est l’énorme gâchis que constitue la non valorisation du potentiel génétique de chacun. C’est le « Mozart assassiné » dans chaque enfant qui ne peut s’épanouir.
Très sagement, Axel Kahn affirme : « Fonder l'antiracisme sur l'inexistence des races biologiquement distinctes revient à reconnaître que si jamais elles existaient, le racisme serait légitime.
La question du racisme n'est pas un problème scientifique. L'égale dignité de tous les êtres humains, quelle que soit leur diversité, leur ethnie, est une conviction profonde de nature philosophique…. Il n'existe pas de définition scientifique de la dignité » (AK 21)
Le racisme n’a pas besoin de races. A-t-il besoin de hiérarchie ? La discrimination par la couleur de la peau lui suffit, ou par la religion, ou par tout autre chose. N’est-il que la version « racisée » de l’exclusion de l’autre. L’esclavage des vaincus a longtemps existé en dehors de la notion de race. Être autre, quel que soit le critère choisi, être vaincu étaient des raisons suffisantes. La victoire témoigne de la supériorité. Permet de théoriser la supériorité. Et tant mieux si elle peut être rattachée à un caractère, de préférence évident, la religion, la couleur de la peau, des coutumes « bizarres »… Ce caractère sera dévalorisé même si c’est un signe de supériorité. Nos « corsaires » sont bons les vôtres sont des « pirates »…
La persécution des juifs est bien antérieure à la notion de race, la religion, le mythe religieux servant de justificatif. Les juifs dominent le monde ou sont des vermines. De toute façon, accusés de crimes. Ils sont autres. Ils justifient l’antisémitisme qu’ils soient considérés comme supérieurs ou inférieurs !
« L’égale dignité de tous les êtres humains… n’est pas de l’ordre de la biologie mais représente un choix politique fondamental indispensable à la survie de nos sociétés » (1). La meilleure façon de lutter contre le racisme, c’est de permettre à chacun de s’épanouir pleinement. Ce qui éviterait de chercher dans le mépris des autres une raison d’être.
Ce qui peut rendre optimiste, c’est justement que la science montre que rien n’est joué à la naissance du seul fait des caractéristiques génétiques car il n’y a pas d’être humain sans humanisation. Et cela est du ressort de la société. Du politique.
* * * * * *
1 – Pour cette note, le livre de Bertrand Jordan « L’HUMANITE AU PURIEL La génétique des races » Science ouverte Seuil Février 2008 que j’ai présenté au « Cercle des chamailleurs » (2) a été très largement utilisé.
1a - Ajout le 22/05/13.
La Déclaration de l'Unesco portait les marques de la toute récente théorie synthétique de l'évolution, dont les principes ramenaient la "race" à un résultat éphémère de la circulation des gènes entre les populations, seules entités réellement observables. La conjonction du contexte politique et d'un remaniement théorique de la biologie conduisit, à partir des années 1950, à l'abandon progressif de la notion de race, surtout en sciences sociales. Les humanités multiples des théories raciologiques se muèrent en l'Homme universel de l'Unesco.
Pourtant, la génétique n'a pas tenu les promesses dont on l'avait initialement investie, en espérant que la recherche allait sans tarder démontrer l'inexistence des races humaines, invalidant du même coup toute possibilité de rabattre les différences de culture sur les différences de nature, selon le subterfuge séculaire qui avait maintes fois servi à justifier inégalités, discriminations et oppressions. N'étaient pas moindres les attentes suscitées ensuite par l'exploration du génome humain: elle devait porter le coup de grâce au concept de race et aux préjugés que ce concept implique. En juin 2000, lors des célébrations qui marquèrent la publication de la première esquisse de la carte du génome humain, on répéta que "la notion de race n'a aucun fondement génétique ni scientifique" (Marantz Henig, 2004).
Aujourd'hui, les résultats de la recherche sur le génome humain semblent moins univoques. Il est certes réconfortant de savoir qu'aucun doute ne subsiste sur l'unité génétique de l'espèce humaine, dont la variété moyenne s'avère clairement moindre que dans la plupart des espèces animales. Pourtant, après une première période consacrée à la description des similitudes génétiques, les travaux actuels s'orientent de plus en plus vers l'exploration de la diversité de notre espèce.
Plusieurs études publiées ces dernières années tendent à démontrer que des données génétiques permettent bel et bien de faire la distinction entre les individus originaires d'Europe, d'Afrique et d'Extrême-Orient, c'est-à-dire entre les populations traditionnellement réparties par la pensée ordinaire entre les trois grandes "races": blanche, noire et jaune (par exemple: Bamshad et al., 2003 ; Rosenberg et al., 2002; Shriver et al., 2004 ; Watkins et al., 2003 ; voir un résumé de ces travaux dans Jordan, 2008). Qui plus est, la classification établie sur la base des seules données génétiques paraît correspondre relativement bien à la représentation que les personnes testées se font de leur origine géographique et de leur appartenance "ethno-raciale".
Il faut toutefois souligner que ces distinctions génétiques n'ont qu'une valeur statistique: ainsi, par exemple, il se peut que le génotype d'un individu "afro-américain" ne possède pas plus de 20% de gènes provenant d'Afrique: cela veut dire que les classifications "raciales", bien qu'elles reflètent une certaine réalité biologique, ne rendent pas convenablement compte de toute la diversité génétique de l'espèce humaine (Bamshad & Olson, 2003).
Ces travaux dérangent et inquiètent. Ils dérangent car on s'attendait à ce que la génétique rende définitivement illégitime toute classification biologique des humains. C'est le contraire qui semble advenir sous nos yeux. Au lieu de prouver que l'ordre sensible du phénotype, privilégié par la pensée ordinaire, s'écarte de l'ordre intelligible du génotype étudié par la science, les travaux récents suggèrent que certaines classifications "raciales" -pour autant qu'elles soient fondées non sur la seule morphologie, mais plutôt sur l'origine géographique- peuvent refléter approximativement une partie de la diversité humaine établie par la génétique moderne.
Ces travaux inquiètent aussi, car nul n'ignore que l'étude des différences entre les hommes peut fournir des arguments à ceux qui veulent diviser l'humanité, porter les distinctions à l'absolu, les juger scandaleuses et insupportables. Les généticiens ne manquent pas de souligner que les groupements formés à partir de leurs modèles diffèrent des anciennes catégories raciales, puisque les écarts entre les classes génétiques sont statistiques, relatifs, mouvants, soumis aux vicissitudes d'une histoire faite non seulement de séparations, mais aussi de migrations et de croisements. Il n'en demeure pas moins que le risque existe que les résultats de ces travaux nourrissent à nouveau le fantasme de divergences insurmontables inscrites dans le corps des humains.
L'homme de la rue persistait à s'étonner que les races, dont certains généticiens proclamaient qu'elles n'existent pas, soient si aisément reconnaissables dans la rue, à cause de leurs caractères visibles, phénotypiques, dont la couleur de la peau est la plus frappante. À présent, la pensée ordinaire peut se nourrir non seulement de ses superficielles observations empiriques, mais aussi des avancées récentes de la génétique. La situation varie d'un pays à l'autre, et c'est bien aux États-Unis que le processus est le plus engagé, dont on discerne cependant les prémices partout en Europe: après avoir été pendant longtemps subie comme un stigmate, l'appartenance "raciale" est aujourd'hui revendiquée comme principe d'identité individuelle et collective. Ceux que l'on classait auparavant dans la catégorie "minorités ethniques" sont désormais de plus en plus nombreux à s'affirmer fièrement comme Afro-Américains, Asio-Américains, Amérindiens, etc.
[...]
Après l'expérience du nazisme, dont l'intérêt exacerbé pour les différences biologiques déboucha sur l'abomination de la Shoah (Schaft, 2002), on était enclin à considérer que toute théorie de la différence biologique devait nécessairement conduire au racisme. On en est moins sûr de nos jours, en observant que les minorités auparavant opprimées cherchent à adosser leur combat contre les inégalités à une théorie de la différence biologique. Hier, désireux d'expier le péché de racisme, l'homme blanc fit appel à la science pour rendre insignifiantes les différences biologiques entre les humains ; aujourd'hui, réclamant le droit à l'égalité, l'homme de couleur emploie la science pour donner aux différences biologiques une signification nouvelle.
Cette résurgence de l'intérêt de la recherche pour la diversité de l'espèce humaine, en dépit du danger bien réel d'un détournement idéologique de ses résultats, encore très provisoires, peut devenir un antidote contre les spéculations naïves sur la race, qui ne manqueront pas de foisonner dans la culture populaire tant que les chercheurs seront incapables d'expliquer pourquoi les hommes, appartenant tous à la même espèce biologique, n'ont pas pour autant tous la même apparence.
2 - http://cercledeschamailleurs.over-blog.com/articles-blog.html
3 – « Tous pareils, tous différents » Albert Jacquard, Paris Nathan 1991
4 - http://en.wikipedia.org/wiki/Race_%28classification_of_human_beings%29
5 - « Race et histoire » de Lévi-Strauss suivi de « L’œuvre de Levy-Strauss » par Jean Pouillon Folioessais Denoël
6 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Bernier_%28philosophe%29
7 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_M%C3%A9ry
8 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_von_Linn%C3%A9
9 - http://classiques.uqac.ca/classiques/gobineau/essai_inegalite_races/essai_inegalite_races.html
10 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A9nisme#Les_origines_de_l.E2.80.99eug.C3.A9nisme_galtonien
12 - http://www.herodote.net/histoire/synthese.php?ID=24
13 - Le retour de la race Contre les « statistiques ethniques » Carsed Ed. de L’Aube 2009
14 - http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article81
15 - http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosbiodiv/index.php?pid=decouv_chapA&zoom_id=zoom_a1_5
16 - Courrier international 04-10/03/10
17 - Courrier international 11-17/03/10
18 - http://www.booksmag.fr/opinions/b/les-lembas-les-juifs-noirs-d-afrique-du-sud.html
19 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Lemba_%28ethnie%29
20 – http://fr.wikipedia.org/wiki/Race_humaine
21 – L’avenir n’est pas écrit. Albert jacquard et Axel Kahn Bayard Pocket 11719 -2001
22 - L'homme de vérité. Jean-Pierre Changeux Odile Jacob 2002