L’indépendantisme catalan pose problème : aux Catalans et autres habitants de la Catalogne, à l'Espagne, aux autres États européens et finalement à l'Union européenne (UE). Il ne fait aucun doute que la Catalogne existe : le prouvent son histoire, sa culture, l’attachement des Catalans à leur langue, la revendication ancienne d’une autonomie plus ou moins importante au sein de l’État espagnol, aujourd’hui de son indépendance. Un accord avait été conclu entre Madrid et Barcelone en 2006, malheureusement invalidé par le tribunal constitutionnel de Madrid en 2010, sur un recours du Partido Popular (PP). En 2012, la Catalogne a proposé un nouveau contrat fiscal, refusé par Mariano Rajoy. Lors des élections de 2015, les partis indépendantistes, Convergència Democràtica de Catalunya (centre-droit) et Esquerra Republicana (gauche) unis dans la liste Junts pel Sí obtiennent 62 sièges sur 135. Et n’arrivent à la majorité absolue au Parlement de Catalogne qu’avec l’apport des 10 élus de la CUP (Candidature d’unité populaire, indépendantistes de la gauche radicale). Reste que tous les habitants de la Catalogne ne sont pas catalans et que tous les Catalans ne sont pas indépendantistes. Mais l’habilité de Mariano Rajoy, empêchant, brutalement, la tenue du référendum qui aurait permis de connaître l’importance de la revendication indépendantiste dans la population de la Catalogne, risque d’augmenter le capital de sympathie des indépendantistes. Maintenant, deux nationalismes, deux nationalistes Mariano Rajoy et Carles Puigdemont s’affrontent, incapables jusqu’ici de faire les concessions qui auraient pu et pourraient, peut-être, conduire à un compromis. Pour le moment la sagesse de la population de Barcelone, indépendantiste ou non, a été supérieure à celle des deux responsables et a évité le pire. Il n’est pas dit que cela dure éternellement si une solution n’est pas rapidement trouvée. Et les clivages qui sont apparus ou se sont accentués dans la population, ne disparaîtront pas, dès qu’une solution politique sera trouvée. Quelle qu’elle soit. Pour Madrid, la question n’est pas seulement la Catalogne et seulement politique. L’indépendance acceptée de la Catalogne ne pourrait que relancer la revendication indépendantiste du Pays basque. Une étape nouvelle dans le démantèlement de l’Espagne. Sans oublier les conséquences financières pour Madrid qui perdrait la contribution de la région la plus riche d’Espagne, à un moment où sa santé économique et financière n’est pas florissante. Avec l’indépendance, tout ne serait pas réglé pour la Catalogne. La négociation du Brexit montre bien les difficultés qui attendent les négociateurs espagnols et catalans. Difficulté double : séparation d’avec l’Espagne, adhésion à l’Union européenne. L’indépendantisme catalan annonce ou rappelle de possibles problèmes pour d’autres pays européens : revendication de l’Écosse au Royaume-Uni, de la Flandre en Belgique, de la Padanie en Italie. Le 22 octobre, un référendum consultatif, pour une plus grande autonomie, prévu par la Constitution, est organisé dans deux régions riches du nord de l’Italie, la Lombarde (25 % du PIB de l’Italie) et la Vénétie. Bien sûr, la France est loin d’être à l‘abri car les pays basques et catalans s’étendent au sud et au nord des Pyrénées… Sans oublier la Corse. Ce rappel d’autres revendications régionalistes ne veut pas dire que les situations politiques sont les mêmes. La revendication indépendantiste catalane est, essentiellement démocratique, soutenue par l’extrême gauche, les indépendantistes écossais sont plutôt travailliste, les indépendantistes flamands sont de droite et les partisans de la Padanie sont plus de droite qu’indépendantistes…
En face, l’État espagnol, sans être franquiste, n’en est pas moins un avatar, une droite dure qui assume sa filiation et un certain autoritarisme bien différent des autres États, notamment du Royaume-Uni où un référendum sur l’indépendance de l’Écosse a déjà eu lieu…
Naguère, pour les pays européens, les revendications d’indépendance étaient le fait de pays, non européens, moins développés qui étaient exploités, colonisés par des métropoles plus riches.
Il y a eu ensuite, l’éclatement de l’Union soviétique et de la Yougoslavie qui ont donné (re)naissance à des États européens, quelquefois, dans la douleur.
Aujourd’hui, en Europe, ce sont les régions les plus riches qui revendiquent une séparation, fortes de leur dynamisme économique et qui refusent de contribuer au financement d’autres régions de l’État auquel elles appartiennent. Suivant la revendication de Margaret Thatcher : I want my money back (1979).
Cette absence de solidarité, subie par les colonisés, voulue chez les indépendantistes, débouche dans les deux cas sur un nationalisme qui fait oublier une exploitation de classe qui existe dans les États et dans les régions et persistera quelle que soit la solution trouvée.
De façon paradoxale, en Europe, ces entités nationales ou régionales, étatiques ou à prétention étatiques, se veulent toutes pro-européennes, dans l’Union européenne ou candidates à l’UE.
Au moment où l’attachement des peuples à l’UE faiblit, accusée de ne pas être démocratique et d’être le fer de lance d’une mondialisation qui étouffe et les identités et les économies.
La politique antisociale de l’UE est voulue et organisée par les chefs d’État et de gouvernement de l’UE, soumis à la mondialisation financière qu’ils favorisent. Elle ne donne pas naissance à une revendication sociale et politique européenne mais à des revendications nationalistes : derniers résultats des législatives en Allemagne avec la percée de l’AfD, en Autriche avec la victoire de la droite extrême et de l’extrême droite, après les résultats du FN en France, en attendant l’Italie (1)...
Quand une révolte sociale se profile, elle reste cantonnée au cadre national. Syriza, Podemos n’ont pas donné lieu à la naissance de mouvements de révolte européen, le mouvement des places est resté limité et s’est rapidement épuisé
Les questions sont de plus en plus au dessus, au-delà des limites nationales : la mondialisation financière, le poids des multinationales s’imposent aux États avec la complicité des gouvernements nationaux qui signent des traités (Ceta, Tafta), peu compatibles avec d’autres traités, comme le traité de Paris sur le climat, signés antérieurement par la quasi totalité des gouvernements de la planète…
Pendant ce temps, les inégalités augmentent entre les États, à l’intérieur des États et la solidarité se fait rare.