Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 octobre 2009 5 09 /10 /octobre /2009 15:34

ENFIN L'ALGERIE

Après l'émission de Claire Zalamansky ("Ma mère, pied-rouge en Algérie" dans le cadre de "Sur les docks" à France culture), après le livre de Catherine Simon "ALGERIE, LES ANNEES PIEDS-ROUGES DES REVES DE L'IDEPENDANCE AU DESENCHANTEMENT (1962-1969)" (LA DECOUVERTE), un colloque a eu lieu à l'Iremam à Aix en Provence sur "Le temps de la coopération au Maghreb" (1-2-3 octobre 2009), organisé par Jean-Robert HENRY  et Jean-Claude VATIN.
Avoir témoigné de ma petite expérience dans les 3
cas, (j'ai connu à Constantine la mère de Claire Zalamnsky qui était à Batna, J-R Henry et J-C Vatin à Alger) m'a amené à revoir les termes employés pour désigner ceux qui ont participé à ce moment, à leur rôle, à leurs motivations.

L'importance numérique, les motivations des personnes qui ont travaillé en Algérie pendant les années 60-70 ont beaucoup varié. C'est de façon un peu abusive que tous sont plus ou moins qualifiés de pieds-rouges. Les pieds-rouges étaient les plus engagés politiquement et les moins nombreux. Leur nombre varie beaucoup en fonction du degré d'engagement exigé pour entrer dans cette catégorie.

Voici une tentative de classification et de description forcément subjective.

- Dans la période qui précède l'indépendance, tout le monde n'a pas eu le même parcours. Certains militants se sont engagés dans l'aide au FLN ou ont déserté pour ne pas servir dans l'armée française pendant la guerre d'Algérie, d'autres étaient déjà en Algérie dans des organisations humanitaires comme la Cimade,
d'autres enfin ont seulement milité contre la guerre d'Algérie (ce qui a été mon cas).

- Immédiatement après le cessez le feu, en mars 1962, certains militants ont décidé, au moment où tous les cadres européens partaient, d'offrir leur compétence pour éviter l'effondrement technique et administratif de l'Algérie, le plus souvent pour de brèves périodes.

- D'autres, peut-être quelquefois les mêmes, ayant souvent apporté leur aide au FLN sont partis avec l'espoir de faire la révolution aux cotés des Algériens. Ce sont ces militants qu'il faut, à mes yeux, qualifier de pieds-rouges. C'est de cette histoire là que parle essentiellement le livre de Catherine Simon. Ils n'étaient pas, loin de là, les plus nombreux : quelques dizaines ? Quelques centaines ?
C'est en fonction de ce choix que Catherine Simon établit une cassure nette entre la période Ben Bella et la période Boumédiène. Mais la majorité des Français qui travaillaient alors en Algérie est restée à son poste et n'a pas été inquiétée. Et certains pouvaient avoir des postes relativement importants.

- La grande majorité de ceux qui sont allés en Algérie après son Indépendance y sont allés simplement pour travailler, pour participer à la construction de l'Algérie nouvelle. Soit avec un statut local, c'est à dire avec un traitement algérien, soit dans le cadre de la Coopération française avec un traitement plus avantageux (Je suis parti en Algérie dans le cadre de la Coopération). Combien utilisaient la Coopération pour venir en Algérie, combien étaient envoyés par la Coopération ? Je ne saurais le dire. Ceux que j'ai connus, quel que soit leur statut se sentaient au service du peuple algérien. Et je n'ai jamais entendu parler d'interférence des autorités françaises à leur endroit.
Pour eux, le 19 juin 1965 n'a pas été une cassure. Anne est venue me rejoindre en septembre 1965 à Constantine, après le coup d’État de Boumédiène. L'administration française lui a demandé si elle maintenait sa candidature. Une femme seule (nous n'étions pas mariés) partant en Algérie dans cette situation... Et je ne l'ai pas dissuadée de venir.

Pour moi, nous n'étions pas des pieds rouges mais des pieds verts. Même si cela ne nous empêchait pas d'être au service d'une Algérie que nous voulions socialistes. Et nous participions à la construction d'un pays au milieu de multiples ambiguïtés, avec les contradictions que décrit Catherine Simon.
Pour ma part, je pensais aider à la mise en place d'une politique de santé publique à travers l'animation de l'équipe départementale de lutte contre le paludisme et les maladies infectieuses. Après deux ans à Constantine, je pensais rentrer en France pour faire la spécialité de pneumologie, la tuberculose était importante en Algérie, quand un directeur du ministère de la santé (Dr Benghezal) m'a proposé de la faire à Alger. En faisant ma spécialité, j'ai participé sur le terrain (Dispensaire antituberculeux d'El Harrach) et à la faculté avec le Professeur Chaulet et son équipe à l'élaboration et à la mise en pratique d'une politique de lutte contre la tuberculose adaptée à l'Algérie.
En 1972, quand j'ai appris que, par suite d'une réorganisation administrative, j'allais être sous la tutelle d'un professeur qui avait un cabinet en ville, j'ai décidé de partir. Je ne pouvais servir d'alibi à un professeur qui disait une chose et en faisait une autre.
Le statut de la femme, mal ressenti par Anne, a aussi contribué à ce départ. Sans elle, j'aurais alors accepté le statut de médecin chargé de la tuberculose dans un département saharien.

- Ensuite au fur et à mesure que la Guerre d'Algérie s'éloignait dans l'Histoire, que la coopération s'institutionnalisait, que se développait la possibilité de travailler en Algérie à la place du service militaire (VSNA), la motivation politique s'est peu à peu atténuée. Certains ont pu partir de France pour de multiples raisons, y compris financières, touristiques...
Un participant au colloque de l'Iremam a déclaré être parti après l'échec de mai 68 sans trop d'illusions sur le régime algérien.

Il ne faut pas oublier cependant que l'Algérie n'était plus française et qu'il y avait alors des compétences venues d'un peu partout dans le monde. Certains attirés par la situation politique, d'autres par l'argent, certains indépendants, d'autres envoyés par leur gouvernement, souvent d'un pays de l'Est. Les coopérants des pays de l'Est pouvaient être regroupés. Dans le département de Constantine, l'hôpital d'Aïn Beida fonctionnait, bien je le pense, avec une équipe de Vietnamiens qui avait sa politique. Il y avait aussi un nombre important de médecins bulgares qui, eux, avaient été dispersés dans les campagnes, à la demande du gouvernement algérien. Ils ont fait une excellent réputation à la médecine française. En effet, très spécialisés, formés pour travailler en équipe, ils ont été mis dans des postes isolés et faisaient ce qu'ils pouvaient. Et n'étaient guère aimés par les Algériens.

Les étrangers en Algérie étaient de toutes origines, travaillaient dans tous les secteurs. Une véritable "légion étrangère" aux motivations multiples. Du pied-rouge au mercenaire civil.
Je crois me souvenir, travaillant à la Direction départementale de la santé à Constantine d'avoir compté dans le département des médecins de 60 nationalités différentes !!!
Certains Algériens parlaient du "péril jaune" car le voitures des coopérants avaient des plaques jaunes.
Mais les Français étaient perçus de façon très favorable.

ANECDOTES (à suivre)

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Paul ORIOL
  • : Réflexions sur l'actualité politique et souvenirs anecdotiques.
  • Contact

Texte Libre

Recherche