Delphine Batho a été licenciée pour avoir contesté publiquement le budget 2014 du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie 12 mois après sa nomination. Cette conseillère de Ségolène Royal lors de sa candidature à la présidence de la République en 2007 et porte parole du candidat François Hollande en 2012, succédait à Nicole Bricq, conseillère de Ségolène Royal au ministère de l’Écologie en 1992-93 qui n'avait tenu qu'un mois au même ministère.
Cette agitation gouvernementale pourrait faire penser que François Hollande connaît quelques difficultés avec les femmes ministres.
A moins, comme le dit EELV, que ce ne soit avec l'écologie, ou comme l'a précisé Delphine Batho avec les groupes de pression. Nicole Bricq avait changé d’attribution ministérielle quelques jours après sa décision de suspendre tous les permis de forages exploratoires d'hydrocarbures au large de la Guyanne.
Le Monde avait attribué cette mutation aux pressions de l'Union française des industries pétrolières, de Shell, de Total et de Laurence Parisot, alors présidente du Medef, qui avaient appelé directement Premier ministre et président de la République.
Le départ de Nicole Bricq avait été relativement discret, il n'en est pas de même de celui de Delphine Batho. Elle a d'abord qualifié de « mauvais » le budget 2014 de son ministère, ce qui lui a valu d'être « démissionnee ». Elle a ensuite parlé de sa « déception à l'égard du gouvernement » et du « tournant de la rigueur qui ne dit pas son nom et qui prépare la marche au pouvoir de l’extrême droite ».
Sur les questions écologiques, elle a mis en doute la volonté du gouvernement « de mener à bien la transition énergétique » et affirmé : "Certaines puissances économiques n'acceptaient pas le niveau d'ambition que je fixais pour la transition énergétique", notamment sur la question du gaz de schiste et la réduction de la part du nucléaire en France. "Ces forces ne se sont pas cachées de vouloir ma tête, mais si le gouvernement avait été solidaire, elles n'y seraient pas parvenues". "C'est sur l'écologie que se concentre l'affrontement avec le monde de la finance et la politique d'austérité".
Delphine Batho est plus qu une lanceuse d'alerte, c'est une lanceuse de torpilles !
Qui plus est, elle met directement en cause le PDG de Vallourec et son épouse directrice de cabinet de François Hollande. Personne, dans la majorité ou dans l'opposition ou dans les médias, n'avait soulevé ce possible conflit d'intérêt !
Le changement d'attribution de Nicole Bricq et le limogeage de Delphine Batho traduisent un malaise qui dépasse largement la déception populaire, les imprécations de la Gauche de gauche ou la valse hésitation de EELV et même les différentes fractions de la gauche du PS pour atteindre les membres du gouvernement sur les questions écologiques et au delà. L'alerte ne vient pas de EELV, « retiens moi ou je vais faire un malheur »... Mais de 2 ministres de l'écologie socialistes qui mettent en évidence la sensibilité de François Hollande aux « pressions amicales » des groupes de pression industriels.
La nomination d'un troisième ministre de l'écologie en 13 mois, homme cette fois, va-t-elle changer les choses ? Il est impensable que le nouveau ministre, réputé écologiste sincère, se soit embarqué, dans cette aventure sans l'assurance, au plus haut niveau, que des décisions spectaculaires vont être prises à la rentrée : « un été de la Saint Martin » écologique ?
De cette histoire, encore une fois mal gérée par François Hollande, EELV pourrait tirer bénéfice d'une ou plusieurs décisions devenues indispensables à la suite des démissions en série de ministres socialistes.
Il ne fait pas de doute qu'EELV est en situation favorable pour faire pression. Les ministres EELV, n'ont obtenu, à ce jour, aucun arbitrage décisif sur les points importants qui justifieraient leur présence au gouvernement. Ils agitent en permanence une menace de démission, arme à un seul coup, toujours ajournée par la volonté de rester au gouvernement jusqu'à l’adoption d'une loi « Duflot » sur le logement.
Avec ou sans démissions, EELV pourra se flatter d'un succès qui ne serait pas le sien et démissionner pour protester contre l'insuffisance de ces premières mesures écologiques. La patience est enfin récompensée. Car une démission, aujourd'hui, serait catastrophique pour l'image du gouvernement.
Pour le gouvernement, l'urgence n'est pas le changement climatique mais le bouleversement électoral annoncé : municipales, sénatoriales, européennes de 2014. Dans cette optique, il est possible d'espérer quelques avantages collatéraux au point de vue écologique.
Seront-ils suffisants aux yeux des électeurs pour limiter la catastrophe électorale annoncée des uns et des autres ?