La situation politique était difficile.
Mauvais résultats aux législatives sans majorité même relative, premier ministre désigné sous influence.
La dissolution par le président n’a rien amélioré.
Sa politique de droite attire une partie de la droite de gouvernement, pousse l’autre, dépitée, à se droitiser ou à s’allier avec l’extrême droite.
Lors de la présidentielle, en 2017 comme en 2022, Emmanuel Macron n’obtient, au 1er tour, que des majorités très relatives.
En 2017, 24,1 % des suffrages exprimés, suivi de près par Marine Le Pen (21,3), François Fillon (20,01), Jean-Luc Mélenchon (19,58).
En 2022, 27,85 % des voix, seulement 3,75 points de plus qu’en 2017, malgré le remplacement de François Fillon par Valérie Pécresse, une candidate de faible poids (4,78 %).
Le Pen, 2ème (23,15 + 1,85), Mélenchon 3ème (21,95 + 2,37).
Malgré cette faible majorité au 1er tour, il est élu président les 2 fois au 2nd, en même temps par les citoyens de droite, de gauche et tous ceux qui ne veulent pas voir Marine Le Pen à la présidence de la République.
L’élection d’Emmanuel Macron en 2017 est due beaucoup plus à la qualité de repoussoir de la candidate d’extrême droite qu’à son programme, à sa personnalité et, en 2022, à ses réformes.
Il y voit un exploit personnel, un soutien à sa personne, à sa politique.
Les 2 fois, Emmanuel Macron est élu par des citoyens de gauche.
La réticence croissante à sa réélection, à ses réformes apparaît au 2nd tour.
2017, Marine Le Pen est battue (66,1 % contre 33,9), un écart de 32,2 points fortement réduit en 2022 à 17,1 points ( 58,55 contre 41,45).
D’une élection à l’autre, au 2nd tour, Emmanuel Macron perd 2 millions de voix, Marine Le Pen en gagne 2,5.
La politique de Macron renforce l’extrême droite.
Les urnes confirment le mécontentement populaire exprimé dans la rue par la longue crise, violente des gilets jaunes et la plus forte répression depuis la guerre d’Algérie. Par les manifestations syndicales, pacifiques, fermes, continues.
Et vaines.
Malgré le large soutien, constant de l’opinion publique dans les 2 cas.
Les législatives qui suivent une élection présidentielle, favorisent le parti présidentiel par un effet d’entraînement.
En 2002, l’accès très confortable de Jacques Chirac à la présidence est suivi de l’élection de 359 députés, majorité largement supérieure à la majorité absolue (288).
Effet plus modeste avec Nicolas Sarkozy (320 élus en 2007), François Hollande (297 en 2012), Emmanuel Macron (314 en 2017).
Après sa réélection en 2022, la majorité présidentielle n’est plus que de 245 (- 69) députés.
Le Rassemblement national (RN), bondit de 8 à 89 députés !
Résultats des élections européennes du 9 juin 2024, scrutin proportionnel, à un tour, avec circonscription unique nationale.
Pour les 7 listes sur 38 ayant obtenue plus de 5 % des voix.
Liste |
Tête de Liste |
NB de voix |
% |
NB de sièges |
La France revient |
Jordan Bardella |
7765936 |
31,37 |
30 |
Besoin d’Europe |
Valérie Hayer |
3 614646 |
14,6 |
13 |
Réveiller l'Europe |
Raphaël Glucksmann |
3424216 |
13,83 % |
13 |
France insoumise |
Manon Aubry |
2448703 |
9,89 |
9 |
La droite pour faire entendre la voix de la France en Europe |
François-Xavier Bellamy |
2448703 |
7,25 |
6 |
Europe-Écologie |
Marie Toussaint |
1361883 |
5,5 |
5 |
La France Fière |
Marion Maréchal |
1353127 |
5,47 |
5 |
Besoin d’Europe (Valérie Hayer, liste présidentielle) largement battu par La France revient (Jordan Bardella, RN) avec 2 fois plus de voix (31,37 % contre 14,5) et de sièges (30 contre 13) !
Le jour même, le président dissout l’Assemblée nationale !!
Quel sentiment, quelle idée ont pu pousser Emmanuel Macron à prendre cette décision malgré le risque d’un échec électoral annoncé ?
Déprime après les échecs successifs, dépit devant des citoyens qui ne reconnaissent pas ses mérites, fascination par l’extrême droite qu’il dit combattre et renforce sans cesse, machiavélisme et sentiment qu’il peut tout faire ?
Le résultat des législatives confirme toutes les craintes.
Au premier tour, le RN arrive en tête, 29,26 % des voix, suivi du Nouveau Front Populaire (NFP, 28,06) et, en troisième position (20,06), la majorité présidentielle.
Ces résultats font craindre un 2nd tour dévastateur, par suite des nombreuses triangulaires, et la possibilité d’une majorité importante, voire absolue, du RN à l’Assemblée. Pour l'éviter, les candidats se désistent en faveur du concurrent le mieux placé pour vaincre le candidat RN.
Les électeurs appliquent la discipline républicaine et le Front républicain, le RN ne triomphe pas.
Par nécessité, en 2017 et 2022, les citoyens de gauche ont élu Emmanuel Macron. En 2024, ils protègent le parti présidentiel d’un effondrement électoral et votent pour LR, par discipline républicaine.
Les citoyens de gauche ont voté pour les 2 partis du gouvernement qui vient !!
Pour le président il n’y a pas de vainqueur à cette élection.
Bien que le NFP soit le groupe le plus important de l’Assemblée, avec 193 sièges, majorité très relative.
Bien que le RN soit le parti le plus important avec 126 députés.
Grande vaincue : La Coalition présidentielle avec 166 élus contre 245 (- 79) députés sortants.
Le parti présidentiel ne peut prétendre, au poste de premier ministre, ni numériquement, ni moralement.
Les résultats connus, Jean-Luc Mélenchon demande la nomination, d’un représentant du groupe le plus important, le NFP. comme premier ministre.
Beau coup politique. Si un nom avait été proposé immédiatement.
Au lieu de quoi, de longues disputes publiques pour proposer, un peu tard, le 23 juillet, le nom de Lucie Castets, engagée dans la société civile, strictement inconnue du public et du monde politique. Tout en martelant le programme, tout le programme, rien que le programme . Comme un mantra ou un slogan dans une manifestation.
Difficile à réaliser avec une majorité relative de 193 élus !
Malgré la défaite de La Coalition Présidentielle, l’opposition n’a pas un groupe assez fort pour dominer l’Assemblée et gouverner.
Plus jeune président, Emmanuel Macron a choisi 4 premiers ministres successifs en 7 ans, à la durée de fonction de plus en plus courte. Il a terminé avec le plus jeune premier ministre, le plus jeune et le plus rapide ancien premier ministre. Le 5ème premier ministre, le plus âgé, est là pour combien de temps ?
Au décours des législatives, le président a refusé de nommer Lucie Castets, proposée par le NFP, groupe le plus important de l’Assemblée.
Invoquant la trêve olympique, ayant des difficultés à trouver un premier ministre acceptable, il a beaucoup joué avec le microcosme politico-médiatique. Au bout de huit semaines, après des consultations dans toutes les directions, le président nomme Michel Barnier.
Les choses n’étaient pas ncore réglées. Il a fallu deux semaines de plus au premier ministre, pour former son gouvernement. Avec l'aidé du président et de multiples candidats aux postes ministériels.
À l’ombre du président ? Aux mains de la majorité précédente ?
Pied de nez à la démocratie, à l’Assemblée, le promu, minoritaire au LR (troisième lors de la primaire, 2021, en vue de l’élection présidentielle), hier le parti le plus faible de l’opposition (?) , aujourd’hui le plus faible de la majorité relative.
Les 2 partis qui soutiennent le nouveau gouvernement sont riches de personnalités qui pensent avoir été dépouillées indûment d’un poste ministériel, qui préparent les échéances prochaines avec ambition.
Avec de tels soutiens, est-il nécessaire d’avoir une opposition ?
Ni le NFP, ni le RN ne peuvent, seuls, censurer le gouvernement. Le NFP et ses électeurs ont participé au Front républicain contre le RN. Peut-il voter une motion de censure présentée par celui-ci ? Posera-t-il une motion de censure susceptible d’être votée par le RN ?
Le vote d'une motion de censure, avant septembre 2025, entraînerait une crise gouvernementale et la formation d’un nouveau gouvernement. Après cette date, une nouvelle dissolution de l’Assemblée serait possible. Et, à tout moment, une démission du président de la République.
Le danger principal pour Michel Barnier est probablement dans son camp. Le charivari autour du mot, justice fiscale, en témoigne alors que l’état des finances semble intenable. Il devra utiliser toutes les possibilités réglementaires pour faire passer des mesures homéopathiques sans vote...
Le choix de Michel Barnier peut être heureux pour Emmanuel Macron si ses talents proclamés d’excellent négociateur, d’équilibriste, s’avèrent efficaces pour faire vivre le gouvernement, proposer des mesures avec humilité, c’est son mot, sans le mépris affiché par Emmanuel Macron.
Finalement, ses adversaires principaux ne sont pas les opposants vainqueurs aux législatives, NFP et RN. Mais la Coalition, les barons et Emmanuel Macron lui-même, s’il n’est pas capable de prendre du recul, de laisser le premier ministre déterminer et conduire la politique de la Nation, atténuer la rugosité de certaines de ses réformes.
La réforme électorale pourrait trouver une majorité. Avec l’introduction de la proportionnelle qui semble en cour dans toutes les formations mais a-t-elle les qualités qu’on lui prête ?
Elle ne résoudra pas les problèmes politiques …
Les politiques ont beaucoup joué aux petits chevaux. La récréation est terminée. Depuis dix semaines, les Français attendent calmement.
Dissolution, gouvernement, la politique reprend...
Le moment du concret est venu. Le budget et tout ce qu’il conditionne dont il a peu été question ces jours-ci entre postulants aux responsabilités au moins publiquement : transition écologique, inflation, inégalités, immigration, enseignement, système de santé, la montée de l’extrême droite en France et ailleurs, les guerres, l’Europe, sans oublier l’Outre-Mer, Nouvelle Calédonie, Martinique…