Cannes, pendant le Festival, même pour le citoyen de base sans aucune accréditation, est un spectacle intéressant qui mériterait une étude ethnologique ou un film documentaire. Peut-être a-t-il été tourné...
Mais, aller à Cannes au moment du festival, c'est d'abord voir des films. C'est possible pour tout un chacun. Il faut s'armer de patience. Être prêt à faire la queue de 15 à 90 minutes sans avoir la certitude de pouvoir entrer. Par deux fois, nous avons échoué après plus d'une heure d'attente.
La queue est un lieu où s'échangent, pour les non-initiés, des informations sur les films à voir, les salles où on peut les voir... Des salles ouvertes au public, il y en a une dizaine : Palais Stéphanie-Théâtre de la Croisette (Quinzaine des réalisateurs), espace Miramar (Semaine de la Critique), Studio 13 et Arcades (Quinzaine des réalisateurs, Acid – Programmation des cinéastes), Raimu, La Licorne...
Pour pouvoir entrer, il faut aussi se procurer une invitation (Bureau Pantiero, Bureau-Acid à la Malmaison, Espace Miramar-Semaine de la critique, acheter un billet à la Malmaison-Quinzaine des réalisateurs)... Pour entrer au Palais du festival proprement dit, il faut avoir une accréditation ou une invitation qu'on peut obtenir, avec un peu de chance, en faisant la manche avec un feuille : "cherche invitation pour tel film".
Il y a aussi, au sein du Palais, de multiples salles de tailles diverses, réservées aux professionnels.
En short ou en smoking, ils ne sont pas à la recherche d'un inconnu ou d'une personnalité mais voudraient bien obtenir une invitation...
Les films vus
Cannes, une image de la mondialisation, au niveau de la compétition officielle comme le remarque le Monde : "Pour ne s'en tenir qu'à la seule compétition, 11 des 19 films sont des coopérations internationales. Un maître iranien tourne en Italie avec des fonds français (Copie conforme de Abbas Kiarostami), un réalisateur palestinien cofinancé par l'actrice française Julie Gayet (Fix me de Raed Andoni), un maître de l'horreur nippon s'installe en Angleterre (Chatroom d'Hideo Nakata), un réalisateur australien toune au Mexique (Ano bisesto de Michael Rowe), une cinéaste française pose sa caméra en Australie (L'Arbre de Julie Bertucelli)" (Le Monde 26/05/10). Sans invitation, sans accréditation, nous n'avons vu aucun de ces films,
Nombreux sont les films que peut voir le festivalier de base et tout aussi variés dans leur origine nationale : ainsi en 10 jours, nous avons pu voir 23 longs métrages (10 " Quinzaine des réalisateurs", 8 "Semaine de la critique" et 5 "Acid" ou Association du cinéma indépendant pour sa diffusion). Ces films étaient présentés au nom de 16 pays différents avec cependant une dominante française (10). Sans compter, les 4 films "sur la plage" (États-Unis, Italie, France, Brésil). Et pendant cette même période, 20 courts métrages de 10 nationalités différentes avec, là-aussi, une majorité de films français (10).
Des films que nous avons vu, près de la moitié ont été réalisés par des femmes, on peut dégager quelques thèmes sans savoir si cela correspond à une volonté des organisateurs ou même si cela est réellement représentatif de l'ensemble des films présentés dans le cadre du festival.
- adolescents (Belle épine, The myth of american sleepover, All good children, Pieds nus sur les limaces, Alegria) ;
- femmes (Poursuite, Eine flexible Frau, Bedevilled, Shit Year) ;
- immigration (Illégal, The tiger factory).
L'immigration était aussi le sujet d'un moyen métrages de 45 mn, "ZedCrew" sur 3 rappeurs zambiens qui veulent émigrer aux États-Unis et "On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici !".
Films à voir (Pour ne parler que des longs métrages)
Vus à la "semaine de la critique"
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" Le nom des gens", film français de Michel Leclerc avec Jacques Gamblin, Sara Forestier et... Lionel Jospin.
Inutile de s'étendre longuement sur ce film qui est, de tous ceux que nous avons vu, celui qui a le plus de chance de sortir en salle.
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"Sound of noise", film suédois de Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson. Film reparquable où des musiciens déjantés s'attaquent à toutes les institutions, hôpital, banque, opéra, éclairage de la ville et utilisent des instruments inattendus.
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"Armadillo", film danois de Janus Metz sur la participation du contingent danois à la guerre en Afghanistan. A voir absolument. Mais sortira-t-il en salle en France ?
Vus à la Quinzaine des réalisateurs
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"Cleveland contre Wall street" , film franco-suisse de Jean-Stéphane Bron sur la lutte menée par les victimes des "subprimes" de Cleveland contre 21 banques qu'ils jugent responsables des saisies immobilières qui ont dévasté la ville... avec la participation (involontaire) de Obama.
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"Pieds nus sur les limaces" , film français de Fabienne Berthaud sur une adolescente qui perd les pédales à la mort de sa mère pour, peut-être, trouver le sens de la vie.
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"Illegal" , film belge de Olivier Masset-Depasse qui montre que les étrangers en situation irrégulière en Belgique n'ont rien à envier à leurs camarades de France et réciproquement.
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Mais aussi "Le quatro volte" , film italien de Michelagelo Frammartino, "All good children", film irlando-belgo-français de Alicia Duffy...
Acid
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"Entre nos mains", film français de Mariana Otero sur la tentative de mise en autogestion d'une entreprise qui va fermer où, malgré l'échec, tout se termine par des chansons.
Cannes, c'est aussi des affaires
C'est le marché du cinéma. Tout le monde le sait. C'est évident pour les films qui ont été sélectionnés pour lesquels, c'est la possibilité d'être vus par un premier public, par d'éventuels distributeurs, par des producteurs de futures oeuvres. C'est explicite pour les films présentés par Acid, c'est implicite ailleurs. C'est visible dans la presse distribuée, ça et là gratuitement, qui parle cinéma, producteurs, distributeurs, en donnant les "territoires" où tel film a été vendu, en mettant en avant les dollars encaissés autant que les entrées pour le film antérieur d'un réalisateur...
Plusieurs dizaines de "tentes" auxquelles ne peuvent accéder que les "accrédités" permettent à de nombreux pays d'établir des contacts. Car Cannes est avant tout l'occasion pour chaque pays de faire connaître les réalisations, les possibilités...
Le Festival est l'occasion de présenter les films à des niveaux très différents, dans le cadre de la Sélection officielle, Un certain regard, Ciné classics, la Quinzaine des réalisateurs, Semaine de la critique, d'Acid... Mais cela n'est que la partie plus ou moins visible. Restent les multiples rencontres organisées ou fortuites entre producteurs, réalisateurs, distributeurs, acteurs... ou qui veulent l'être.
Bien entendu pour pénétrer ces milieux, il faut être "accrédité". Nous ne l'étions pas. Nous n'avons même pas compris les multiples accréditations. Nombre de personnes se promènent avec leur badge en collier, de nature différe nte, n'ouvrant pas les mêmes portes... sans compter les "intouchables" qui n'ont pas besoin de badge.
Le badge de base est celui de "cinéphile" : pour l'obtenir, il faut envoyer une lettre motivée en fonction desquelles 4 000 badges sont distribués. Nous avons rencontré des "badgés cinéphiles" dans les mêmes files d'attente qui nous permettaient d'entrer avec une simple invitation !
Car il est possible de voir de nombreux films grâce à une invitation gratuite qu'il suffit de retirer au Bureau Pantiero, à la Semaine de la critique ou au bureau d'Acid. Il est aussi possible de voir les films de la Quinzaine des réalisateurs en achetant un billet (7 euros, 5 euros les 6 et même 4 euros les 6 avec la carte de la FNAC).
Les films sont souvent présentés en 2 minutes en présence du réalisateur ("je remercie ceux qui m'ont invité, mon producteur, mon distributeur - quand il y en a un - mes acteurs et toute mon équipe et vous qui êtes ici..."). La discussion qui suit le film, est quelquefois intéressante mais guère plus que celle d'un ciné-club. Elle se déroule en français-anglais avec le plus souvent traductrice.
Les films présentés par Acid n'ont généralement pas de distributeur et sont là, justement, avec l'espoir d'en trouver un. C'est la spécificité d'Acid mais tous les films présentés par ailleurs n'ont pas toujours un distributeur.
Cannes, c'est aussi du cinéma
En plus de la "montée des marches" (un stand vend les photos), le spectacle est aussi dans la rue avec une grande variété de langues parlées (français, anglais mais aussi italien, allemand et bien d'autres ...) et une forte proportion de jolies femmes. On peut, bien sûr, tout voir, belles et moins belles, bien ou mal habillées, chaussures à talons aiguilles quelquefois à la main....
Chaises et excabeaux faces aux "marches"
Photographier le Palais ou la petite amie ou la famille devant le palais
Repos confortable en attendant la ruée
Quelaus manifestants contre '"les Hors la loi" sont venus jusque devant le Palais
Et la ruée des photographes. Ceux que vous pouvez voir à la télé et ceux qui, face au Palais, sur chaises ou escabeaux, ceux qui se postent sur le parcours, ceux qui essayent de percer les vitres teintées des voitures, ou qui font le siège des sorties d'hôtel... Et ceux qui photographient les photographes...
Mais le plus souvent dans la rue, ce ne sont pas des personnalités qui circulent mais, peut-être, des qui-voudraient-être-connues ou des qui vous-voyez-j'y-étais, comme celles qui se font photographier devant le Palais.
Les "filmeurs" donnent leur carte avec l'espoir de vendre la photo à la beauté, au couple... Là encore, il faudrait pouvoir saisir le différents comportements de ceux qui souffrent d'être harcelés, de ceux qui sont malheureux de ne pas l'être et qui cherchent du regard le photographe qui leur donnera leurs quelques secondes de notoriété, des jeunes qui posent....
Et ensuite, comme dans toutes les fêtes de la rue, il y a les rappeurs, les automates, les musiciens, le manège... et même un sculpteur sur sable qui chaque jour fait une oeuvre différente sur la plage, visible de la promenade et recueille ainsi quelques pièces. Le festival ce n'est pas que le cinéma.
Le soir, le cinéma sur la plage...
peu respecté par le feu d'artifice...
Annexe : les films vus durant ces 10 jours
Quinzaine des réalisateurs = 10
Lions love... and lies de Agnès Varda, 110 mn, France
Shit year de Cam Archer, 95 mn, États-Unis
Le quatro volte de Michelagelo Frammartino, 88 mn, Italie
Cleveland contre Wall street de Jean-Stéphane Bron, 98 mn, Suisse France
Illegal de Olivier Masset-Depasse, 95 mn, Belgique
All good children de Alicia Duffy, 80 mn, Irlande Belgique France
Pieds nus sur les limaces de Fabienne Berthaud, 108 mn, France
The tiger factory de Woo Ming Jin 84 mn, Malaisie Japon
Alegria de Felipe Brgança et Marina Meliande, 108 mn, Brésil
Ha 'Meshotet de Avishai Sivan, 86 mn, Israël
Semaine de la critique = 8
Le nom des gens de Michel Leclerc, 100 mn, France
Sound of noise de Ola Simonsson et Jahannes Stjärne Nilsson, 98 mn, Suède
Armadillo de Janus Metz, 90 mn, Danemark
Bedevilled de Cheol-soo Jang, 115 mn ,Corée du sud
Belle épine de Rebecca Zlotowski, 80 mn, France
Bi, dung so de Phan Dang Di, 90 mn, Vietnam France
The myth of american sleepover de David Robert Mitchell, 97 mn, Etats-Unis
Sandcastle de BOO Junfeng, 90 mn, Singapour
Acid = 5
Cuchillo de palo de Renate Costa, 90 mn, Espagne
Entre nos mains de Mariana Otero, 87 mn, France
Fix me de Raed Andoni, 96 mn, Palestine France Suisse
Poursuite de Marina Deak, 90 mn, France
Eine Flexible Frau de Tatjana Turanskyj, 97 mn, Allemagne
Plage
La nuit de Varenne de Ettore Scola, Italie
Le baiser de la femme araignée Hector Babenco, Brésil
Le Monde du silence Louis Malle et Jacques-Yves Cousteau, France
Tant qu'il y aura des hommes Fred Zimmerman États-Unis
Courts métrages
On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici ! Collectif, 2mn 30, France
La dame au chien de Damien Manivel, 13 mn, France
Pompe funèbre de Louis Chedid, 7 mn, France
N'oubliez pas Roger de Etienne Labroue, 7 mn, France
La planète des femmes de Alice Mitterrand, 7 mn, France
Bang Bang de de Fred Scotlane, 7 mn, France
Deeper than yesterday de Ariel Kleiman, 20 mn, Australie
Native son de Scott Graham, 19 mn, RU
Love patate de Gilles Cuvelier, 13 mn, France
A distracao de Ivan de Cavi Borges et Gustavo Melo, 17 mn, Brésil
The boy who wanted to be a lion de Alois Di Leo, 7 mn 25, RU
Vasco de Sébastien Laudenbach, 10 mn, France
Licht de André Schreuders, 15 mn, Pays-Bas
Petit tailleur de Louis Garrel, 44 mn, France
Tre ore de Annarita Zambrano, 12 mn, Italie
French roast de Fabrice O. Joubert, 8 mn 15, France
Shikasha de Isamu Hirabayashi, 11 mn, Japon
Berick de Daniel Joseph Borgman, 15 mn, Danemark
ZedCrew de Noah Pink, 45 mn, Zambie Canada
Ett tyst barn (A silent child) de Jesper Klevenas, 13 mn, Suède