Notre Festival de cinéma de Pesaro 2012
48ème MOSTRA INTERNAZIONALE DEL NUOVO CINEMA
PESARO 25/06/12-02/07/12
Le programme s'articulait autour de 4 types de films :
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Concorso Pesaro Nuovo Cinema (Nouveau cinéma mondial)
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Il cinema documentario oggi : l'Italia allo specchio (L'Italie au miroir de son cinéma documentaire)
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50 anni del Manifesto di Oberhausen
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26° evento speciale : Nanni Moretti (Rétrospective de l'œuvre de Nanni Moretti en présence de l'auteur).
Programme complet sur le site de la « MOSTRA ».
On trouvera ci-après, la liste des films que nous avons pu voir pendant ce séjour, quelques réflexions sur certains d'entre eux et sur le cinéma de Nanni Moretti.
1 - Nuovo Cinema :
- « Un consiglio a Dio » de Sandro Dionisio, (2012, 72 mn).
Vinicio Marchioni (acteur principal), Giovanni Spagnoletti (directeur artistique de la Mostra), Sandro Dionisio.(réalisateur).
Long monologue d'un homme qui gagne sa vie en collectant les corps d'immigrants, échoués sur une plage. Il parle au cadavre qu'il a récupéré et baptisé Napoléon... Monologue entrecoupé d’entretiens avec le gardien du cimetière qui consent à enterrer ces corps et met une croix sur leur tombe pour leur donner une dignité (ce qui lui est reproché, ils sont musulmans), avec d'autres immigrants, d'origines diverses, qui ont « réussi » le passage : un Tunisien, un Marocain, un Ethiopien, un Burkinabé, un(e) Albanais(e)...
Notre collecteur va mourir avant l'aube et être ramassé comme cadavre de clandestin par des concurrents amateurs.
Absolument remarquable, à la fois documentaire et film, « analyse lyrique et féroce de la réalité »....
- « TOKYO PLAY BOY CLUB » de Yosuke Okuda, Japon, ( 2011, 97 mn).
Un jeune, « énergique », venant de province, arrive à Tokyo et se rend chez un ami à qui il a rendu service, autrefois. Celui-ci, directeur d'un night-club, intégré et soumis à une chaîne « mafieuse », l'accueille amicalement. Les complications surviennent du fait de son énergie et de son manque de « souplesse ». Violent, il refuse de se soumettre à l'ordre violent établi.
- IN APRIL THE FOLLOWING YEAR, THERE WAS A FIRE : Wicchanon Somunjarn, Thaïlande (2012, 76 mn).
Un jeune quitte la capitale pour revenir dans sa ville natale à l'occasion du mariage d'un ami... Mélange de la réalité, chômage, des loisirs des jeunes, et de ses souvenirs...
Parmi les autre films présentés, nous avions déjà vu Barbarade Christian Petzold, Allemagne, 2012, 105 mn et SharqiyadeAmi Livne, Israël-France-Allemagne, 2012, 82 mn.
2 – Documentaires italiens
- MUSI NERI : Filippo Biagianti, (2012, 47 mn)
Musi neri, « gueules noires », Italiens émigrés en Belgique pour travailler dans les mines. Lors de la catastrophe de Marcinelle, 9 victimes venaient de la commune de Pesaro. Témoignages d'anciens mineurs et images d'époque.
- QUINTOSOLE : Marcellino De Baggis (2004, 51 mn)
Dans une prison des environs de Milan, les détenus constituent une équipe de football qui joue contre les gardiens puis dans le championnat régional. Entretiens avec les joueurs, le personnel, le directeur et des intervenants de l'extérieur dont l’entraîneur, professionnel. Même si la cellule est plus petite que les « bois », la prison est en nous ; se concentrer sur le match est une évasion, le défi est la sortie.
- ARMANDO E LA POLITICA : Chiara Malta (2008, 73 mn)
La cinéaste, entre Paris et Rome, essaie de comprendre l'évolution politique de son père à travers photos, discours du père, entretiens avec ses (anciens) amis ou collègues... Les tribulations incertaines d'un politicien de « centre gauche »...
- GRANDI SPERANZE : Massimo d'Anolfi, Martina Parenti (2009, 77 mn)
La formation de « jeunes cades dynamiques » de la nouvelle société italienne... L'un d'eux va essayer d'implanter une usine d'eaux minérales en Chine. Dure tâche...
- PALAZZO DELLE AQUILE : Stefano Savona, Alessia Porto, Ester Sparatore (2011, 128 mn)
Des sans-logis occupent pacifiquement la mairie de Palerme pour obtenir satisfaction. Reportage au jour le jour, avec les difficultés pour définir les règles démocratiques, les bénéficiaires éventuels de l'occupation... A cette occasion, description de la vie des occupants..
- SCUOLAMEDIA : Marco Santarelli (1971, 77 mn)
La vie dans un collège de la périphérie de Tarente, coincée entre un complexe industriel, des HLM et un couvent de Carmélites. Reportage suit la vie quotidienne de l'école avec des enseignants très préoccupés de l'avenir de leurs élèves dans un milieu défavorable où ils essaient de leur apprendre la liberté et la responsabilité en abordant les questions de la vie quotidienne : avenir professionnel, absentéisme, sexualité...
- COME UN UOMO SULLA TERRA : Andrea SEGRE, Dagmawi YMER , Riccardo BIADENE (2008, 60 mn)
Un étudiant d'Addis Abéba décide d'émigrer suite à la forte répression politique. Il raconte la traversée du désert et interroge d'autres Éthiopiens qui ont subi les violences des passeurs et surtout les persécutions des policiers libyens.
- GIALLO A MILANO : Sergio BASSO (2009, 75 mn)
« Giallo » signifie jaune et roman policier. Film sur la communauté chinoise à Milan avec une structure de roman policier et l'utilisation de dessins animés dans la première partie. Le réalisateur interroge un vieux calligraphe, une gymnaste, une interprète dans un hôpital gynécologique, des étudiants chinois, un couple...
L'immigration chinoise est ancienne en Italie et les choses ont beaucoup évolué. Certains spéculent sur les chances d'un retour, discussions sur la culture, les cultures, les langues (les jeunes ne connaissent que le dialecte parlé à la maison et l'Italien)....
CIAO SILVANO ! : Tekia Taidelli (2011, 30 mn) Hommage à Silvano Cavatorta
IL PRANZO DI NATALE : Coordonné par Antonietta de Lillo (2011, 50 mn)
A travers le fil conducteur de la fête de Noël, enquête sur les changements économiques, sociaux et culturels de l'Italie.
3 – 50 ans du Manifeste d'Oberhausen
Mosckau Ruft : Petrer Schamoni, 1957, 12 mn
Menschen in espresso : Herbert Vesely, 1958, 18 mn
Massnahmen Gegen Fanatiker : Werner Herzog, 1969, 12 mn
Max Ernst, Maximiliana (Die Wiederrechtliche Ausübung der Astronomie) Peter Schamoni, 1966, 12 mn
Machorka-Nuff : Jean-Marie Straub, 1963, 18 mn
Es musst ein Stück von Hitler sein : Walter Krittnor, 1963, 12 mn
Arme Leute : Vlado Kristi, 1963, 9 mn
Marionetten : Boris von Borreshelm,1964, 11 mn
Porträt einer Bewährung : Alexander Kluge, 1964, 13 mn
4 – Nanni Moretti
IO SONO UN AUTARCHICO : 1976, 95 mn
Michele, abandonné par Silviza, est seul avec un fils, il participe à une groupe de jeunes qui veulent faire du théâtre expérimental. Échec et du projet théâtral et de leur vie.
ECCE BOMBO : 1978, 103 mn
Ecce Bombo, comme dans les Vitelloni 25 ans plus tôt, avec des thèmes proches, des jeunes désœuvrés vivent aux crochets de leurs parents, dans une société qui a beaucoup évolué. Problèmes familiaux de Michele avec cependant des parents relativement ouverts, une sœur qui occupe son établissement scolaire... Michele sort avec Silvia qui travaille dans le cinéma, ce qui donne lieu à de longues conversations passionnées sur le cinéma italien.
Le reste du temps, Michele traîne avec son groupe d'amis. Ensemble, ils écoutent les premières radios libres et se laissent surtout aller à leur désœuvrement. Les 5 essaient de traiter leur mal-vivre en se racontant. Vision critique de la jeunesse d'après 68 et de leur art de vivre sans rien faire...
SOGNI D'ORO : 1981, 105 mn
Michele, jeune metteur en scène, effectue une tournée de débats dans les universités, les écoles, les instituts religieux ayant pour thème son dernier film sur les jeunes. A chaque réunion, il rencontre un personnage qui accuse le film d'intellectualisme et lui demande s'il peut intéresser un ouvrier agricole de Lucanie, un berger des Abruzzes ou une femme au foyer de Trévise.
Mais Michele fait école et méprise ses épigones. Quand il découvre que son producteur s'apprête à produire, en même temps que « La Mama di Freud, » son prochain film, une comédie musicale réalisé par un de ses admirateurs, le mépris se transforme en affrontements. Un combat entre les deux réalisateurs est orchestré par la télévision italienne...
BIANCA : 1984, 95 mn
Michele, nouveau professeur de math dans uns école branchée « Mailyn Monroë », tombe amoureux d'une très belle collègue... qui se trompe profondément sur ses qualités.
De sa fenêtre, il espionne les voisins, assiste à leurs disputes conjugales et ne supporte pas les problèmes des amis idéalisés... cela l'amène à faire disparaître tous ces imparfaits. Il devient un assassin et un fou.
LA MESSA E FINITA : 1985, 94 mn
Julio, curé sur une île, est nommé à la périphérie de Rome où vivent sa famille et ses anciens amis dans une cure désertée. Julio a de multiples difficultés avec sa famille, ses amis et souffre d'une profonde solitude devant une société qui évolue vers la déchristianisation : l'ancien curé s'est marié et a un enfant, son père part avec une amie de sa sœur, sa sœur enceinte veut avorter, un de ses anciens amis est inculpé de terrorisme, un autre suit le catéchisme pour devenir prêtre mais finit par se marier, un autre refuse tout contact avec son passé.
PALOMBELLA ROSSA : 1989, 89 mn
Palombella signifie « lob ». Michelle, député communiste ; joueur de water-polo, a perdu la mémoire à la suite d'un accident... Lors d'une partie de water-polo, harcelé par une journaliste politique et des supporteurs enthousiasmés par sa nouvelle ligne politique, ses souvenirs affleurent. Sur sa ligne politique, sur son désamour du water-polo et son attachement maladif à la mère.
Le film qui a commencé par un accident de voiture qui lui a fait perdre la mémoire, se termine par un accident de voiture dont il réchappe avec sa fille et se retrouve en train de monter une colline entouré de ceux qui venaient à son secours et de son passé (sa mère et lui enfant) au sommet de la colline s'élève un faux soleil rouge.
LA COSA : 1990, 59 mn
La cosa = la chose, le Parti. Suite à l'initiative du secrétaire du PCI, Achille Occhetto, de débaptiser le parti en supprimant le mot « communiste », un grand débat parcourt le PCI qui est très perturbé à la suite de ce qui s'est passé dans les pays de l'est et de l'échec des PC. Faut-il conserver le mot communiste et ainsi devoir expliquer en permanence que communiste ne veut pas dire la même chose en Italie et en Russie, Pologne... ou abandonner le mot communiste et avec lui tous ceux qui sont morts contre le fascisme en Italie...
Nanni Moretti veut saisir ce moment d'espoir de renouveau d'une gauche qui le tourmente. Armé d'une caméra de 16 mm, il sillonne le pays de bout en bout et enregistre les paroles de militants de tous ages, de toutes les couches de la société italienne. «Il me paraissait intéressant de suivre cet instant unique de conscience collective: des centaines de milliers de personnes discutaient simultanément des mêmes choses avec euphorie, égarement ou rage, en repensant à leur propre passé politique, et donc à leur propre vie, à leur propre vision du monde».
CARO DIARIO : 1993, 100 mn
Film en 3 épisodes :
1 – Nanni Moretti fait une balade en vespa à travers Rome déserte au mois d’août, dans différents quartiers et interroge quelques personnes pour parler de la beauté de Rome, des anciens et de nouveaux quartiers, de son inaptitude à la danse, de la nullité des films qui passent à Rome en été et de la nullité des critiques cinématographiques, de la « pauvreté » des habitants des beaux quartiers : dvd, télévision, pizza à domicile
2 – Les îles Lipari où il veut se retirer pour travailler et où il ne rencontre que gêneurs. Chez un ami à Lipari, il ne supporte pas le bruit ; la circulation... A Salina, les enfants ont pris le pouvoir sur leurs parents … A Stromboli, le maire veut les accueillir princièrement mais tout le monde lui ferme la porte au nez, car il veut faire de l'île, une île lumière... A Panarea, le débarcadère est transformé en terrasse de café à la mode et une gentille organisatrice les arrête et leur propose fête, activité mondaine... Alicudi, l'île refuge par excellence sans voiture, ni électricité, ni télévision... qui met en déroute l'ami accompagnateur, en « manque » de télévision qu'il prétendait ne jamais avoir revu depuis plus de 30 ans.
3 – I medici
Nanni Moretti souffre d'un intense prurit qui l'amène à consulter d'éminents spécialistes, dermatologues (le prince des dermatologues), allergologues, médecins chinois... et finalement une radio demandée par le médecin chinois parce qu'il tousse permet le diagnostic de maladie de Hodgkin....
Ce voyage chez les médecins lui permet de faire une critique acerbe de leur suffisance, de l'abus de médicaments...
L'UNICO PAESE AL MONDO : 1994, 18 mn
Participation à un film collectif. Sur sa légendaire Vespa, Nanni Moretti parcourt le quartier parisien de la Défense et dénonce le retard de la bourgeoisie italienne qui permet la candidature à la présidence du Conseil d'un magnat de la presse, propriétaire de journaux et de télévisions.
APRILE ; 1998, 78 mn
Perturbé par la victoire de la droite et de l'absence de projet de la gauche, NM est hanté par l'idée qu'il « doit faire un documentaire sur l'Italie » et finalement décide de filmer ce qui lui plaît... le résultat des élections, Bossi et ses partisans de la Padanie, cela se termine sur une idée que lui proposait un candidat réalisateur dans un autre film, un musical avec un chef pâtissier trotskiste.
Pendant ce temps, sa femme conduit une grossesse qui le transforme en père bêtifiant, parlant à son fils dans le ventre de sa mère, lui demandant d'attendre la fin du film, participant à la préparation du trousseau avec une dizaine de paires de souliers, blanc, bleu... y compris des chaussures de sport...
Journal filmé qui commence le 28 mars 1994, le jour du résultat des élections où la droite a gagné, pour se terminer en août 1997, le jour du quarante-quatrième anniversaire de l'auteur. Pendant ce temps, le gouvernement a changé, un bébé est né, une comédie musicale est en gestation et un documentaire sur l'Italie est réalisé.
LA STANZA DEL FIGLIO : 2001, 99 mn
Giovanni, psychanalyste a une belle famille, femme éditrice, fils et fille au collège. Vie sans grande histoire jusqu'à la mort accidentelle du fils. Giovanni doit affronter désormais ses propres problèmes de deuil.
Dans ce film de fiction, Nanni Moretti, semble exorciser une peur commune à tous les parents : la perte de leur enfant.
IL CAIMANO : 2006, 112 mn
Un producteur de films de série Z (Les Mocassins assassins, Maciste contre Freud), en pleine déroute sentimentale et professionnelle, accepte de produire un film plus ambitieux, « Il Caimano », une biographie de Berlusconi, porté par une jeune réalisatrice. Cette réalisation rencontre de multiples difficultés tandis qu'il essaie de recoller les morceaux de son couple... Dans le film de Nanni Moretti, Berlusconi est incarné par 3 acteurs successifs, le 3ème étant... Nanni Moretti. Lui-même.
HABEMUS PAPAM : 2011, 104 mn
Après la mort du Pape, le Conclave se réunit afin d’élire un successeur. Un cardinal est élu ! Mais les fidèles massés sur la place Saint-Pierre attendent en vain l’apparition au balcon du nouveau souverain pontife. Il ne veut pas, il ne peut pas assumer la fonction, le rôle pour lequel il a été choisi. Le monde attend à la fenêtre de Sait Pierre.
Pendant ce temps, on fait appel à un psychanalyste (Nanni Moretti) pour résoudre en urgence le problème... à condition de ne poser aucune question « dérangeante ».
On décide ensuite d'aller consulter, clandestinement, en ville. Et le le pape élu s'échappe. Pendant qu'il erre dans Rome, rencontre des comédiens, sa première vocation... Le psychanalyste enfermé dans le Vatican occupe les cardinaux...
5 Quelques réflexions sur le cinéma de Nanni Moretti
Voir le plupart des films d'un auteur en une semaine entraîne la tentation d'écrire quelques réflexions sur cet auteur et son œuvre. Particulièrement difficile quand il s'agit de Nanni Moretti.
Une évidence, Nanni Moretti est un auteur : réalisateur, il est aussi presque toujours acteur dans ses films (il n'est pas acteur dans La Cosa), il en est quelquefois, le producteur, le scénariste et très souvent le sujet. Ce n'est pas le cas dans L'unico paese al mondo, Il caimano, Habemus papam.
Au point que si on peut dire que Woody Allen fait des films pour payer son psychanalyste, Nanni Moretti fait des films pour faire sa propre analyse. Ce qui veut dire que le cinéma de Nanni Moretti est un cinéma très personnel, autobiographique.
Certes « Madame de Bovary, c'est moi » et la plupart des œuvres sont partiellement autobiographiques. Pour Moretti, cette partie est importante même s'il n'est pas toujours facile de séparer ce qui appartient à sa vie réelle, la part d'imagination, de fantasme, d'emprunts.... On ne sait pas toujours s'il fait une critique de Nanno Moretti ou du personnage qu'il incarne ou de tout le monde sauf justement de lui même...
Les thèmes, le personnage, les acteurs, les images qu'il choisit se retrouvent dans de nombreux films.
Dans ses premiers films, le personnage central se nomme Michele Apicella, Apicella est le nom de sa mère. C'est dire qu'il assume ces films comme fortement autobiographiques. Il décrit un groupe de jeunes, leurs difficiles relations familiales, l'échec dans la tentative de monter une pièce...
On retrouvera Michele Apicella sous ce même nom dans plusieurs films jusqu'au moment où il sera Giulio (La messa e finita) et finalement Giovanni (La stanza del figlio) qui est son vrai prénom signifiant par là que sa psychanalyse cinématographique (Nanni Moretti n'a jamais suivi de psychanalyse) est terminée, qu'il estime être devenu adulte.
Parallèlement, il change de point de vue et devient professeur, prêtre, psychanalyste, s'adjoint des co-scénaristes, même si nombre de ses obsessions ne l'ont pas encore totalement abandonné. Il ne manque pas de se mettre en scène, y compris en étant un des 3 acteurs qui incarnent Berlusconi dans « Il caimano ». Il est encore le psychanalyste dans le film de fiction et de costumes « Habemus papam ».
En même temps, Nanni Moretti parle beaucoup de l'Italie, de la politique italienne. Au sens large, des institutions incertaines : de la famille, d'abord à travers les conflits avec son père, sa mère, sa sœur (La messa é finita), mais aussi par l'observation des couples d'amis ou de voisins, du couple qu'il craint d'assumer (Bianca), de ses amis parents menés par le bout du nez par leur enfant unique (Caro diario), de ses difficultés devant l'accouchement, de ses angoisses de futur père (Aprile) ou de père (La stanza del figlio).
S'affirmant de gauche, il traite aussi de ses relations avec la gauche italienne dont il attend toujours beaucoup et dont ils condamne les errances extrêmes (La messa é finita), les insuffisances (Aprile), l'incapacité à s'adapter à la nouvelle situation italienne (La Cosa, La palombella rossa).
Nanni Moretti met en évidence l'échec des différentes structures porteuses d'une certaine autorité :
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la famille : toute la famille (La messa e finita, Io sono un autarchico), qu'il conteste en tant que jeune et quelquefois énergiquement (Sogni d'oro), en tant qu'ami (Caro diario)... Mais qu'il semble bien utiliser jusqu'à un âge assez avancé...
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la médecine : après avoir consulté toutes les sommités italiennes, c'est un médecin chinois qui fait le diagnostic de sa maladie de Hodgkin (Caro diario),
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la psychanalyse : le psychanalyste démuni devant la perte d'un fils (La Stanza del figlio) ou, enfermé dans le Vatican, réduit a organiser un tournoi de volley-ball (Habemus papam), Freud, lui-même ridiculisé (Sogni d'oro),
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l’Église : le prêtre qui va choisir la Terre de feu pour fuir son échec dans la paroisse de la banlieue de Rome (La messa é finita) ou le pape élu qui recule devant les responsabilités pontificales (Habemus papam),
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le parti communiste : la ligne du compromis historique qui entraîne une partie de la jeunesse dans la lutte armée (La messa é finita), le député qui voulait changer mais qui a perdu la mémoire(Palombella rossa), les militants désorientés entre le communisme « réellement existant » et la proposition de Ochetto d'abandonner le nom « communiste » (La cosa), le parti, silencieux face à Berlusconi (Aprile)...
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l'école occupée par les élèves (Ecce bombo) ou véritable barnum ( Bianca).
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le cinéma : critiques et réalisateurs débiles sauf Nanni Moretti qui doit inventer un nouveau langage cinématographique car qui « parle mal » « pense mal » et « agit mal »... Et même le public, intellectuel qui lui demande de faire des films compréhensibles par le paysan de Lucanie, le berger des Abruzzes ou la ménagère de Trévise, ou de la télévision « publico di merda » qui lui préfèrent les films de gens qu'il méprise.
Nanni Moretti se présente comme critique surtout de la gauche (qui aime bien, châtie bien) qui le déçoit.. il se revendique comme minoritaire : « Moi, je crois en l’homme, mais pas à la majorité. Je serai toujours bien avec une minorité. ». Tellement bien qu'il ne s'entend ni avec la famille, ni avec les amis, ni avec les cinéastes ou les équipes de cinéma ou de sport... Car eux s'engagent et donc se trompent alors que lui : « moi, je criais des choses justes, et je suis un splendide quadragénaire ! ». Et ne répond pas à la question de son ex-ami qui s'est engagé dans le terrorisme : Que fallait-il faire ? Pas plus qu'il n'avance de proposition pour le PCI.
Il fait des films, de bons films. Ce n'est déjà pas si mal.
Les projections ont lieu dans une ou deux salles, les entrées sont gratuites.
Tous les soirs, une projection sur la Piazza del Popolo
Mais ce soir.... d'abord match de football... quand il fera nuit... le public est frustré car le match a déjà commencé...