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16 juillet 2023 7 16 /07 /juillet /2023 13:11
JUSTICE POUR NAHEL

Justice pour Nahel

Nahel M., 17 ans, est mort, tué par le tir à bout portant du policier Florian M., à Nanterre, le 27 juin 2023, pour refus d’obtempérer lors d’un contrôle. Dernière victime, pour le moment, d’une longue série.

Pour Nahel M., pas de présomption d’innocence ! Il conduisait une voiture de forte puissance, sans permis. Aussitôt, sont détaillés, dans la presse, les multiples délits qui l’ont mis en contact avec la police. Comme pour justifier la peine de mort qui lui a été infligée. Son casier judiciaire est vide. Contrairement à ce qu’a pu affirmer Éric Zemour, un de ses détracteurs, fin connaisseur, encore poursuivi par la justice, déjà condamné à plusieurs reprises, notamment pour racisme : le sien n‘est pas vierge. Cela ne l’empêche pas de juger....
Si les antécédents de la victime sont largement commentés, ceux des responsables de sa mort sont plus rarement publiés. Présomption d’innocence.

Nahel M., 17 ans, n’aurait pas dû mourir (1)

Des émeutes ont éclaté dans toute la France : incendies, attaques, pillages. Six nuits d’émeutes urbaines.
Suivant le ministère de l’Intérieur :
la mobilisation de 45 000 membres des forces de l’ordre a conduit à 3 243 interpellations, 60 % des interpellés n’ont aucun antécédent judiciaire, ne sont pas connus des services de police, n’ont jamais fait l’objet d’un contrôle. 5 000 véhicules incendiés, 10 000 poubelles, 1 000 bâtiments brûlés ou dégradés, 205 attaques de commissariats ou gendarmeries. C’est dire l’importance de ce mouvement, sans chef d’orchestre, facilité par la manipulation experte des réseaux sociaux.

Toute la presse dresse un bilan comparatif avec le précédent de 2005 après la mort de Zyed (17 ans) et Bouna (15 ans). Les émeutes avaient duré 3 semaines.

Pour prendre une meilleure conscience de la situation, il faut se revenir à Toumi Djaïdja, 19 ans en 1983, connu pour son engagement contre le harcèlement policier qu’il subissait, déjà, avec les autres jeunes du quartier. Blessé au ventre par un tir policier, aux Minguettes, il avait lancé avec le père Christian Delorme et le pasteur Jean Costil, la Marche contre le racisme et pour l’égalité, renommée par la presse Marche des beurs, gommant la revendication contre le racisme, pour l’égalité. Un des mots d’ordre était rengainez, nous arrivons ! Partis à quelques uns de Marseille, ils étaient, nous étions, 100 000 à Paris. Jeunes ou non, marcheurs ou non, d’origine immigrée ou non…
Le président de la République, François Mitterrand, les avait reçus et avait répondu à leur demande en créant la carte de séjour, unique, de 10 ans, renouvelable automatiquement. Prélude à un droit au séjour permanent…
Motivée par le même harcèlement, la même violence policière, hier, marche pacifique de l’espoir, avec un mot d’ordre général, une revendication précise et une réponse positive… Aujourd’hui émeutes diffuses, inorganisées, destructrices, s’attaquant à des objets ou des bâtiments sans aucune revendication : réaction viscérale collective au énième contrôle mortel...

Nahel M. , 17 ans, est mort, tué par le tir à bout portant du policier Florian M.

La Marche : revendication clairement énoncée contre les contrôles au faciès et la demande d’égalité, détournée, ethnicisée dans son appellation est rapidement oubliée… Comment la même revendication sera-t-elle perçue, comprise, derrière les émeutes 2023 ? Quarante ans plus tard. Quarante ans trop tard ?

La listes des victimes au cours des années et les émeute témoignent d’un grave fracture entre une partie de la jeunesse et la police. La mort de Zyed (17 ans) et Bouna (15 ans) en 2005 n’est pas due à l’action directe de policiers. Mais au sentiment de culpabilité de ces jeunes face à la police. Ils ont fui non pour ce qu’ils avaient fait mais pour ce qu’ils étaient !
Zyed, Bouna n’auraient pas dû mourir.

JUSTICE POUR NAHEL

Nahel M., 17 ans, n’aurait pas dû mourir

Emmanuel Macron a beau jeu de dire qu’il n’est pas responsable de la situation qu’il a trouvée en arrivant au pouvoir. Comme ses prédécesseurs, comme tous les politiques aujourd’hui, il connaît la fracture sociale qui s’accentue. Elle a été un thème de la campagne électorale présidentielle de Jacques Chirac en 1995. Oubliée après son élection, par le nouvel élu et ses successeurs malgré études et rapports.
Emmanuel Macron est, cependant, responsable de tout ce qui n’a pas été fait depuis 2017. De la non prise en considération du programme Borloo, réalisé avec la participation de maires, qui lui a été remis en juin 2018. Demandé et enterré par lui.
Les protestations les contrôles au faciès, bavures comprises, continuent, 1983, 2005, 2023, et les rapports tendus entre police et jeunes des quartiers. Les fameux quartiers, les banlieues autrefois rouges où la population ouvrière, française, était reléguée et votait communiste, aujourd’hui immigrées, basanées, noires, façon de les désigner par leur population principale. Qu’ils aient le droit de vote ou non, ils votent peu. Ils intéressent moins. Mais sont à l’écoute, ils entendent. Lors de l’élection présidentielle, une partie significative de cette jeunesse a voté pour le candidat le plus vieux : Jean-Luc Mélenchon.

L’affaiblissement de structures sociales peut expliquer le repli de la population : moindre influence du Parti communiste, mode de socialisation, de l’Église, la nouvelle main d’œuvre ne vient plus de pays catholiques, Italie, Espagne, Portugal. Mais aussi, destruction par la politique néo-libérale des structures administratives, étatiques qui encadraient la population, de la poste aux hôpitaux, de l’école à l’emploi, économies sur l’aide aux associations... ne laissant que la police, structure de contrôle plus que d’accompagnement, au contact d’une population particulièrement défavorisée sans grande perspective de promotion sociale. Déstructurée encore plus par le chômage de la première, deuxième génération… ?

Nahel M. , 17 ans, est mort, tué par le tir à bout portant du policier Florian M.

Les contrôles policiers répétés, vigoureux, humiliants, discriminatoires, mal vécues par tous, seul ou principal contact quelquefois malheureux avec l’autorité. Ce ne sont pas les seules discriminations mais ce sont les plus fréquentes : les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes ont une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d'être contrôlés et vivent des relations plus dégradées avec les forces de l'ordre que l'ensemble de la population, révèle une enquête du Défenseur des droits.

Ces jeunes, Français de la deuxième, troisième génération… sont enfermés dans une extranéité, algériens, musulmans ou présumés tels, dans une histoire vieille de plus de soixante ans qu’ils n’ont pas vécue. Que leurs parents n’ont pas vécue. Que leurs grands parents n’ont souvent pas vécue ! La guerre d’Algérie et les indépendances africaines...

Nahel M. , 17 ans, n’aurait pas dû mourir

Sachant le rôle inutile et vexatoire de ces contrôles, une utilisation différente des policiers a été mise en place, une police de proximité, par Jean-Pierre Chevènement (2), ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin, en 1998. Ce n’est pas LA solution. Seulement un premier pas vers une connaissance, une reconnaissance réciproque. Une façon de faire revenir la République dans les banlieues. Les contrôles, moins fréquents, se passeraient différemment. Avec des agents de proximité, Nahel M. serait peut-être en vie.
Cet effort d’intégration de la police aux quartiers a été ridiculisé et détruit à partir de 2003 par Nicolas Sarkozy (3), alors ministre de l‘Intérieur du gouvernement Jean-Pierre Raffarin pour revenir à des méthodes plus viriles, kärcher contre la racaille. Propos proches de ceux entendus, ces jours-ci, de la part de certaines organisations syndicales de policiers.
Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur d’Emmanuel Macron, a repris un moment l’idée sous le nom de police de sécurité au quotidien. À nouveau aujourd’hui, après les émeutes, y compris par un syndicat de la police (4).

Jusqu’ici, Emmanuel Macron n’a entrepris aucune réforme sur la question.Devant la force des images, sa réaction a été claire et rapide. Il a fallu ces images. Un acte inexplicable et inexcusable... Rien ne justifie la mort d'un jeune. Il faut de l’affection et du respect pour le jeune Nahel et ses proches. Paroles qui n’ont échappé à personne et n’ont pas plu à tout le monde. Notamment à des syndicats des policiers
Le président a-t-il trop parlé ou trop vite ? Après une seconde nuit d'émeutes bien plus violentes et destructrices que la première, un soutien a été apporté, plus net, aux forces de l'ordre.

Nous sommes en guerre Face à ces hordes sauvages, demander le calme ne suffit plus, il faut l'imposer... Pour les syndicats de police Alliance et Unsa police. Réaction modérée comparée à France Police : Bravo aux collègues qui ont ouvert le feu sur un jeune criminel de 17 ans, quelques heures après la diffusion de la vidéo des derniers instnts de Nahel M. Depuis, l’organisation a supprimé son message. Et le ministère de l’Intérieur a décrit ce syndicat un groupuscule... en aucun cas... représentatif de la police nationale, auteur d’un tweet inacceptable et abjectIl est question de sa dissolution.

Nahel M. , 17 ans, est mort tué par le tir à bout portant du policier Florian M.

La police de proximité ne réglera pas tout. D’autres mesures sont, heureusement, annoncées pour septembre par la première ministre. Faudra-t-il attendre 30 ans, 40 ans pour voir leur éventuelle mise en application ?
Emmanuel Macron pourrait réformer l'inspection générale de la Police nationale (IGPN) police des polices. En 2019, ce service enregistre plus de 200 signalements, dont une trentaine relatifs au racisme qui n'ont pas donné lieu à des poursuites. La LDH constate que l’IGPN est saisie de centaines de plaintes depuis de nombreux mois sans qu’il y ait de suite, ce qui démontre que cette institution rattachée au ministère de l’Intérieur n’est plus crédible. Médiapart intitule une enquête IGPN : plongée dans la fabrique de l'impunité. Depuis l’élection d'Emmanuel Macron, le nombre de policiers sanctionnés a atteint un niveau historiquement bas en 2019 et 2020, en plein mouvement des Gilets jaunes.

La violence est condamnable. D’où quelle vienne. Bien sûr, il n’existe pas de violences policières. Nahel n’est pas seulement mort. Il a été tué. Il n’est pas le seul. Il n’est pas le premier. Il faut qu’il soit le dernier. Les images sont là. Le comportement de certains policiers, les déclarations de certains syndicats de policiers sont établis. Que va dire l’IGN cette fois ? Ce qu’elle a dit dans les enquêtes antérieures pour des morts non filmées.

Emmanuel Macron a déjà parlé d’une éventuelle réforme, d’un contrôle indépendant de la police. Contrôle externe, plus transparent….

Raymond Marcellin, ancien ministre de l’Intérieur, a dit, il y a longtemps : quand la police doit intervenir, c’est qu’un ministre, quelque part n’a pas fait son travail. Mais le ministre de l’Intérieur et le président de la République, dans sa pratique jupitérienne du pouvoir, sont responsables de l’action de la police : de son recrutement, de sa formation, de son mode d’intervention… et aussi des bavures.

C’est ce que déclare Manuel Valls (5), ancien ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault : il faut faire passer des messages fermes sur la déontologie. La police doit se tenir, donc elle doit être tenue, ce n’est pas à elle de dicter les règles. Il faut peut-être le dire plus clairement... » Le Monde 09 juillet 2023

La question est bien posée. La réponse et beaucoup plus difficile. A chaud. Sous le contrôle des syndicats policiers qui ne cachent plus leur orientation. Avec un gouvernement qui ne peut légiférer à l’Assemblée nationale qu’avec l’appui de l’extrême droite ou de la droite extrême ou du 49.3 et encore de façon incertaine ! Et une loi sur l’immigration introuvable… Ni de droite, ni de gauche, de droite extrême ?

Nahel M. , 17 ans, est mort tué par le tir à bout portant du policier Florian M.

Pour le gouvernement, première tâche, rétablir l’ordre. Il est relativement facile pour le gouvernement de gagner cette bataille. Comme lors des crises précédentes. Gagner la paix est plus difficile. Entre un parlement paralysant et aucune colère apaisée, gilets jaunes, retraites, banlieues auxquelles on peut ajouter écologistes… Le président vient de connaître sa quatrième crise. Il en est ébranlé.

Y aura-t-il une nouvelle crise ? De quelle origine ? Quelles en seront les modalités, les conséquences ?

Les gilets jaunes se sont soulevés partout en France, avec le soutien de la majorité de la population, ont centralisé leurs actions, se sont adressés durement au pouvoir, à Paris, avec la répression la plus violente depuis la guerre d’Algérie.
Les opposants à la réforme des retraite
s ont manifesté massivement, dans les régions, dans la capitale, dans une exceptionnelle unité syndicale, pacifique, avec le soutien très majoritaire et prolongé de la population.
Les j
eunes se sont soulevés spontanément, une fois de plus, l’irréparable avait té commis. Sans revendication que la colère. Sans organisation que les réseaux sociaux. Privilégiant les cibles matérielles de proximité, incarnant l’État. Sans recherche systématique d’affrontement. Quelquefois contre l’autorité des parents, malgré l’opposition de certains adultes.

Pas les écoles, disent des adultes ! Qui veulent sauver l’école de leurs enfants, à laquelle ils croient encore ! Des jeunes s’attaquent aux écoles, maternelles, primaires. Celles qu’ils connaissent, celles du quartier, qu’ils ont peut-être fréquentées. Celles qui n’ont pas réussi à les mettre sur la voie. Pas les écoles qu’ils ne connaissent pas. À partir de leur expérience. Leur orientation mal vécue. Les inégalités (6). Même s’ils ne connaissent pas les études publiées ici ou là. Même s’ils ne savent pas que l’école républicaine n’atteint pas le but fixé, diminuer les inégalités.
L'inégalité face à l'éducation est la première des injustices contre lesquelles il faut lutter. Or elle s'est accrue ces dernières années. Ils n’ont que la colère. Et l’école détruite n’améliorera la situation de personne.

Nahel M. , 17 ans, est mort tué. Nahel M. n’aurait pas dû mourir. Nahel M. doit être le dernier.

Il est de l’essence de l’émeute révolutionnaire… d’avoir presque toujours tort dans la forme et raison dans le fond (Victor Hugo, Choses vues, 1831)

JUSTICE POUR NAHEL

1 – Selon un habitant du quartier qui, devant sa voiture brûlée, allait à la marche blanche pour Nahel M.

2 – Soutien d’Emmanuel Macron en avril 2022

3 - Aujourd’hui, visiteur du soir de l’Élysée

4 - Dans certains quartiers, la seule représentation du service public de la police, ce sont des collègues qui interviennent et repartent comme ils sont ­venus, sans aucun lien local ou presque avec la population. Il faut revenir à une occupation du terrain apaisée, ne plus être équipés comme des porte-avions… Quand on arrivera à reprendre le terrain de cette manière-là, on aura déjà franchi un grand pas. Gregory Joron, Secrétaire national du syndicat Unité SGP Police-FSMI-FO. Le Monde 06 juillet 2023)

5 – Soutien d’Emmanuel Macron dès le premier tour de la présidentielle en 2017 et en 2022

6 - Courrier Internatioal du16 juillet 2023 signale un article paru dans le Financial Times sur les inégalités comparées entre les États-Unis, le Royaume-Uni et la France

 

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