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25 avril 2014 5 25 /04 /avril /2014 22:55

J'AI BEAU CHERCHER, OÙ DIABLE EST MA PESC ?

 

Comme le prince de Soubise*, la lanterne à la main, la baronne Ashton est à la recherche de la politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) de l'Union européenne (UE). Catherine Ashton, Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ne la trouvera pas car elle n'existe pas. Sauf, peut-être, cachée dans un tiroir de l'Otan. Et ce n'est pas, totalement, de sa faute malgré les sarcasmes dont elle est quelquefois victime.

 

Instituée par le traité de Maastricht, la Pesc peine à exister à cause des points de vue quelquefois très différents des États de l'UE en fonction de leur situation, de leur histoire, de leurs intérêts. La question ukrainienne en est une nouvelle illustration.

 

Du temps de la guerre froide, de l'affrontement est-ouest, l'Otan est devenue le bras armé des États-Unis d'Amérique (ÉUA) en Europe face à la menace soviétique. Et les pays européens - incapables de faire face à l'Union soviétique, ensemble ou séparément - ont trouvé commode de s'abriter sous le parapluie, notamment nucléaire, de l'Otan même si de Gaulle se targuait d'une ombrelle pour la France et son indépendance.

 

Aujourd'hui, l'UE sous-traite toujours sa politique extérieure et sa défense à l'Otan dont le secrétaire général est un Danois, l'honneur est sauf ! Mais la négociation, à Genève ou ailleurs, est menée par les ÉUA, le secrétaire d’État, actuellement John Kerry ou même le vice-président des États-Unis, Joe Biden.

C'est évident au Proche-Orient pour le conflit israélo-palestinien, la Syrie ou l'Iran... L’UE peut causer et même payer mais ce sont les ÉUA qui mènent la danse.

Il en est de même en Europe, comme à propos du Kosovo hier, de la question ukrainienne aujourd'hui.

 

Pour la présidence de Barak Obama, l'Europe n'est plus la préoccupation fondamentales des ÉUA, l'Atlantique est remplacé par le Pacifique. L'URSS, plus ou moins démantelée en Russie, n'est plus, avec la « fin de l’Histoire » et surtout du monde communiste, l'ennemie n°1. Remplacée par la Chine « émergente ». D'autant que les anciens membres du Pacte de Varsovie se sont émancipés et se sont tournés vers l'UE et surtout l'Alliance atlantique, à défaut de pouvoir adhérer directement aux États-Unis. Bien conscients que seuls les puissants États-Unis, bien Que lointains, sont plus dignes de confiance que les nains désunis de l'UE.

Désormais, ce sont l'Otan, les ÉUA, qui campent aux frontières de la Russie.

 

Bien entendu, les ÉUA et l'UE n'hésitent pas à pousser leur avantage et aident, de multiples façons, tous ceux qui, dans les marches de la Russie, essaient de se débarrasser des régimes autoritaires pour se rapprocher des normes démocratiques occidentales et, par la même occasion, les détache de l'influence amicale russe. Tout en faisant les yeux doux à Vladimir Poutine qu'ils pensaient incapable de réagir, affaibli par la situation économique de la Russie.

L'accord conclu lors de l’unification allemande est rompu par l'adhésion à l'Otan de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque, dès 1999, puis des autres...
La Russie est encore bernée lors de l'intervention aérienne en Libye ce qui lui donne une bonne raison de s'opposer au bombardement de la Syrie.


Tout le monde convoite l’Ukraine. Les États-membres de l'Otan discutent déjà pour savoir si l'Ukraine peut/doit intégrer l'Otan... La Russie fait valoir ses intérêts sur un pays à ses frontières, peuplé de nombreux Russes ou russophones. Reprenant son rôle de puissance impériale héritée du tsarisme et de l'URSS, elle a facilement récupéré la Crimée, même si Biden affirme que les États-Unis ne le reconnaîtront jamais. Poutine est décidé à pousser son avantage militaire sur le terrain, pour obtenir la mise en place à Kiev d'un gouvernement plus favorable ou une partition fédérale de l'Ukraine ou même une scission.

 

Poutine sait très bien qu'en Occident, personne n'est prêt à « mourir pour Dantzig » même si les États-Unis ont dépêché quelques militaires en Pologne... Et la visite de Biden à Kiev n'est qu'une pâle gesticulation à côté de la visite de Kennedy à Berlin.

 

Devant ce face à face des impérialismes, faute de vision commune, d'unité diplomatique, de moyens militaires, l'UE qui est en première ligne en cas d'affrontement même localisé (rupture d'alimentation en gaz, éventuels réfugiés...) et dont les intérêts ne sont ni ceux des États-Unis, ni ceux de la Russie, n'existe pas si ce n'est comme force d'appoint. Aucun des États membres de l'UE ne s'écarte réellement des États-Unis. Chacun proteste de sa volonté démocratique mais avec une énergie qui dépend notamment de sa dépendance du gaz russe.

L'Allemagne a de fortes positions dans les pays de l'ancienne « Europe de l'est » mais a aussi besoin d'acheter le gaz que la Russie a besoin de vendre. Plus de 40 % du gaz consommé en Allemagne vient de Russie. De plus, l'Allemagne, avec l'arrêt des centrales nucléaires, a quelques problèmes au niveau énergétique.
Les bonnes relations gazières ne datent cependant pas d’aujourd’hui. Gerhard Schröder, quand il était chancelier, a soutenu le projet de gazoduc par la Baltique pour approvisionner l'Allemagne sans passer par l'Ukraine. Il a signé le projet de construction avant les élections de 2005 qui l'ont mis au chômage politique, rapidement reconverti à la tête du consortium chargé de la construction du gazoduc avec Gazprom. Le premier tronçon du gazoduc a été inauguré en 2011, en compagnie d'Angela Merkel, de Dmitri Mervedev (et même de François Fillon). C'est le changement dans la continuité.

 

La dépendance du gaz russe est encore plus forte pour les pays baltes dont la Russie est l'unique fournisseur (l'Ukraine dépend à 60 % du gaz russe). Leur situation se complique avec la présence d'une forte minorité russe sur leur territoire : 350 000 sur une population de 1 350 000 personnes en Estonie, 556 422 sur 2 067 887 habitants en Lettonie.
De quoi faire réfléchir  quand Poutine se pose en protecteur des Russes de l'extérieur au nom d'une unité nationale qu'il place au dessus des conventions internationales, des traités et des frontières étatiques. Et encore plus quand le représentant russe au Conseil de sécurité de l'ONU a exprimé son inquiétude concernant le sort des Russes d'Estonie. Estonie et Lettonie sont membres de l'Otan...

 

Pour Poutine, la « victoire de Crimée », la question ukrainienne flattent le nationalisme russe et lui assurent une popularité certaine même si les événements peuvent compliquer la vie des Russes de l'extérieur.

Les États-Unis étaient en train de se retirer de l'Europe. Vont-ils revenir sur cette option ou demander aux Européens de prendre en charge leur propre défense et ne se considérer, eux-mêmes, que comme une force d'appoint ?
L'existence de l'UE a joué probablement un rôle pour éviter que l'Allemagne et la France ne cèdent trop à leur tropisme respectif pour la Croatie et la Serbie lors de la dislocation de la Yougoslavie. Ici, elle semble de peu d'utilité. Et l’ombrelle française n'augmente pas le rôle de la France.

Reste à savoir si l'UE tirera une leçon de cette histoire pour en discuter les éléments, définir une ligne commune et se donner les moyens de la faire vivre.

 

Il ne fait guère de doute que les candidats aux élections européennes oublieront d'en parler dans ce mois qui précède les élections européennes. Il s'agit pourtant de la paix en Europe.

 

 

* Poème brocardant le prince de Soubise qui courut les rues de Paris après la défaite de la bataille de Rossbach (5 novepmbre 1757).

 

Soubise dit, la lanterne à la main :
J'ai beau chercher, où diable est mon armée ?
Elle était là pourtant hier matin.
Me l'a t’on prise ou l'aurais-je égarée ?
Prodige heureux ! La voilà, la voilà !
Ô ciel ! Que mon âme est ravie !
Mais non, qu'est-ce donc que cela ?
Ma foi, c'est l'armée ennemie.

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