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29 septembre 2012 6 29 /09 /septembre /2012 09:09

  "L'innocence des musulmans" est un film, vu par personne et commenté par tous ! Seule une bande annonce de 14 minutes, généralement qualifiée de mauvaise qualité, a été diffusée seulement en version anglaise et arabe semble-t-il. Elle a déclenché des manifestations, avec mort d'hommes dans les pays à population musulmane, et des controverses sur la liberté d'expression et le droit au blasphème, essentiellement eu Europe et aux États-Unis. Avec, en plus, au moins en France, des caricatures discutées quant au fond et à l'opportunité de leur publication.


La controverse est née, essentiellement, des manifestations qui ont eu lieu dans certains pays musulmans à l'appel de groupes qui ont utilisé à leur fins propres la piété de musulmans qui se sentaient agressés. En contre partie, ce sont ces manifestations de foules violentes qui ont été diffusées et commentées en Occident plus que le film lui-même. Beaucoup, dans les deux camps "supposés", montant aux extrêmes et masquant, peut-être, des choses essentielles.

Cette affaire vient après le "printemps arabe", encore des foules agressives, manifestant efficacement et renversant des régimes dictatoriaux défendus par l'Occident. Ces "révolutions arabes" ont été perçues, un moment, comme positives puisque à orientation démocratique. Elles ont le tort de ne pas déboucher immédiatement sur des régimes tranquilles qui nous permettraient d'y revenir en vacances à des prix raisonnables en cette période de crise.

Il est possible de percevoir les choses un peu différemment. Tout d'abord, les foules mises en mouvement, par le film et les groupes activistes, sont bien moins importantes que lors du printemps arabe. Elles sont retenues par les principales autorités religieuses et contenues par des forces gouvernementales qui se recommandent d'un "islamisme modéré".

 

 

Le rôle des médias est discutable notamment ce que Christian Ayad appelle le "journalisme préventif". En Egypte, la télévision "diffuse en boucle la vidéo concoctée par une poignée de coptes extrémistes aidés par des fondamentalistes chrétiens en Californie alors que personne n'en avait entendu parler sur les bords du Nil"... pour "aboutir finalement à une manifestation peu suivie... mais violente..." Avec pour pendant, ici, le "journalisme pyromane" qui annonce, "à grand renforts de titres racoleurs... les troubles à venir provoqués par les caricatures d'un journal satirique pas encore sorti dans les kiosques" (http://www.lemonde.fr/international/article/2012/09/21/les-ravages-du-journalisme-preventif_1763825_3210.html).

 

 

Le nombre de manifestants "décevant" n'est pas souligné par ceux qui annonçaient la foule et la violence. La liberté d'expression est peu invoquée face à la répression d'une manifestation non déclarée, qui a conduit à l'arrestation de 151 personnes sur 200 à 250 manifestants ou l'arrestation d'une seule personne pour "manifestation en bande organisée" (où était la "bande organisée" ?) ou le contrôle de passants, faute de manifestants...

Bien entendu, les multiples appels des autorités religieuses musulmanes de France, à ne pas manifester, à ne pas répondre à la provocation, ne provoquent pas le même intérêt...

 

 

Pourtant, ils valaient d'être largement reproduits et commentés comme le communiqué du 16 septembre du CFCM, "qui réaffirme sa profonde indignation face à la diffusion de ce film odieux, note avec satisfaction que grâce à l’attitude digne et responsable des musulmans de France, notamment à l’occasion de la grande prière de vendredi marquée par l’absence de toute manifestation publique ou appel à manifester, aucune atteinte significative à l’ordre public n’est à déplorer sur le territoire national".
 

 

"Le CFCM, respectueux des libertés individuelles et collectives dont le droit de manifester dans le respect de l’ordre public établi par la Loi, considère que dans le contexte actuel toute manifestation dans l’espace public peut faire l’objet de manipulations ou d’une expression préjudiciables à l’image de l’islam et des musulmans, comme en témoignent les derniers événements internationaux ayant causé de nombreuses victimes innocentes.
Le CFCM réitère sa condamnation ferme et totale de toute action commise ou propos proféré par des personnes se réclamant de l’islam tout en bafouant délibérément ses valeurs et ses principes"
(http://www.lecfcm.fr/?p=3012)

 

 

Ou les déclarations de Tariq Ramadan : "On a envie de dire aux gens de 'Charlie Hebdo': certes, votre liberté d'expression, mais dans le contexte actuel, après ce qui vient de se passer, la mort d'un ambassadeur en Libye, des tensions partout dans le monde, majoritairement musulman (...) Ce n'était vraiment pas le moment d'en rajouter".."Attaquer 'Charlie Hebdo' en justice, manifester dans les rues de France, c'est totalement contre-productif... La seule attitude noble (...) c'est ignorer ces attaques, regarder au-dessus en disant, nous sommes Français (...) Il faut dire aux populations qu'elles ont tort de réagir émotionnellement " (http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20120920.FAP8652/tariq-ramadan-defend-la-liberte-d-expression-de-charlie-hebdo-et-appelle-les-musulmans-francais-a-ne-pas-manifester.html).

 

 

Ne pourrait-on saluer cette volonté d'apaisement dans la dignité ? Certes les medias sont surtout intéressés par les trains qui déraillent. Cette fois, le déraillement annoncé n'a pas eu lieu. C'est quand même un événement !
Bien entendu, il est possible de douter de la sincérité des uns, du silence des autres. Toujours est-il qu'il n'y a eu ni appel, ni déclaration propres à envenimer les choses. Qu'il n'y ait eu ni débordements, ni même manifestation... Cela mériterait une analyse politique. N'est-ce pas un témoignage de l'intégration de l'islam en France ? De sa normalisation ? De son acceptation, peut-être par nécessité, mais de son acceptation de choses à priori inacceptables ?

 

Ce n'est pas, cependant, propre à la France. Il y a eu peu de manifestations de musulmans ulcérés dans les pays occidentaux, qui ne semblent pas avoir eu, non plus, de Charlie Hebdo.

Certaines prises de positions ou événements auraient pu rencontrer plus d'écho. Peu relayés, ils n'en sont pas moins importants et témoignent que des choses bougent..

Par exemple, dans Al Hayat (Londres) : "Donner à ce film une quelconque importance est une insulte à l'esprit. Le traiter comme s'il était aussi grave que la violence est une insulte à la morale. Ce film n'est rien du tout.Tant qu'il nous occupe et mobilise davantage que tous les drames véritables qui existent dans la région, il n'y a ni démocratie, ni dignité, ni révolutions arabes. Des révolutionnaires syriens ne se sont-ils pas étonnés de ces protestations contre une vidéo alors qu'il n'y en a pas contre les tueries quotidiennes qui se passent en Syrie ? Cela relève de la déchéance morale et intellectuelle.
Avec l'avènement de l'âge de raison politique, à la suite des révolutions arabes, il n'est plus possible de traiter ces questions à l'ancienne, càd en considérant que l'Occident est le seul acteur qui compte et que c'est donc lui qu'il faut blâmer comme si le phénomène salafiste ne nous concernait pas.
Le danger des salafistes ne réside pas dans le fait qu'ils puissent remporter des élections et contrôler des régimes politiques mais dans leur capacité à accaparer le débat politique."
  Cité par Courrier international 27/09-03/10/12. Cette dernière réflexion pourrait s'appliquer, ici et maintenant ? Et pas seulement aux salafistes bleu marine ?

 

 

Déclarations à Paris, à Londres, mais c'est aussi à Alger qu'il est possible d'entendre des paroles fortes. Votairiennes : "Eh bien non, "mes seigneurs" les conservateurs c’est par ses "excès" (et ces "excès") que la liberté d’expression tient. Tout républicain conséquent se doit de défendre la liberté d’expression dans son intégralité, même s’il n’en partage pas tout ce qu’elle permet de dire.
 

 

A mettre dans la balance les violences manipulées par les tenants de la théocratie, et des expressions d’un art aussi débile ou dégénéré soit-il, il est affligeant de constater l’errance hypocrite des "bonnes" consciences" (http://www.lematindz.net/news/9613-blaspheme-quand-le-principe-cede-a-la-manipulation.html).

 


C'est encore à Alger : "Les deux dernières semaines, entre faux film, manifs, meurtres et manips, ont résumé presque les six siècles qui ont suivi la chute de Grenade. Rien depuis l’astrolabe. Des « Arabes » travaillent à la Nasa ? Oui mais il leur faut l’Amérique et la Nasa comme arrière-scène pour pouvoir briller. Tous les arabes ne sont pas des musulmans et tous les musulmans ne sont pas terroristes et salafistes ? Oui, mais les uns naissent du silence des autres, des compromis, des peurs ou, au moins, des mauvaises réponses au monde présent. Il faut repenser l’Islam dans ta totalité et ses fondements très vite et savoir très vite si l’on veut rejoindre l’humanité ou l’au-delà. Tout le reste est blabla et jeu de rétrospectives sur les splendeurs d’autrefois" (http://www.algerie-focus.com/blog/2012/09/23/en-quoi-les-musulmans-sont-ils-utiles-a-lhumanite/)

 


Il n'y a pas que des déclarations ou des articles, il faut rappeler aussi ce qui s'est passé à Benghazi après l'assassinat de l'ambassadeur des États-Unis. Notamment lors de la marche du 21 septembre : "Les manifestants dont certains étaient armés ont réussi à déloger les miliciens de quelques bâtiments de la ville. Ils ont notamment attaqué la caserne de la milice salafiste Ansar Al-Charia [les défenseurs de la charia], désignée comme responsable de l'attentat du 11 septembre. Ces confrontations armées ont fait au moins 11 morts et plus de 70 blessés" (CI 27/09-03/10/12). Il y avait la foule et les morts et l'inattendu... Et même la révolte du peuple.

 


Les révolutions arabes n'ont pas eu lieu, elles sont en cours, les choses sont complexes. Les révolutions ne déboucheront pas du jour au lendemain sur la démocratie idéale (où existe-t-elle ?). Il n'empêche qu'il faut attirer l'attention sur ces déclarations, ces faits, pas seulement sur les incendiaires verbaux ou physiques. En analyser l'importance.

 

 

Soutenir ceux qui se battent pour que les choses changent et qui, quelquefois, risquent gros. Et sortir du piège d'avoir à choisir entre islamistes et dictateurs.



 

 

 

BENGHAZI

septembre 2012

 


 








Mise à jour le 04/10/12 : Entretien du père Christian Delorme avec Respect Magazine


Beaucoup de médias – surtout les grands médias internationaux – servent des intérêts idéologiques et financiers. Il convient de garder une vraie distance critique à leur égard. Ainsi, la politique des médias occidentaux est de « barbariser » les musulmans en permanence, au lieu de mettre en valeur ce que ceux-ci ont de commun avec l'humanité des non-musulmans. Il est frappant de constater que la plupart des grands médias occidentaux ont dénoncé « la rage des musulmans » en face du film anti-islam et, accessoirement, en face des caricatures publiées par « Charlie-Hebdo ». Or si l'on compare le nombre de personnes qui sont descendues dans les rues et le nombre total de musulmans dans le monde, le chiffre de ceux qui ont manifesté est ridicule. Surtout, on a largement montré des images des manifestants les plus radicaux et les plus violents.

En revanche, on a peu relevé que, au même moment, le pape Benoît XVI était en visite au Liban, où il était accueilli par toutes les communautés religieuses, chefs musulmans en tête. Lors de tout son séjour, le Hezbollah s'est refusé à toute manifestation de protestation contre le film américain, par respect pour le geste pacifique du pape! Cela aurait mérité une meilleure couverture médiatique. Mais la construction de la paix n'intéresse pas les extrémistes de tous bords. http://www.respectmag.com/2012/09/26/film-anti-islam-caricatures-entretien-avec-le-pere-delorme-6682

 

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