Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 23:13

 

 

 

 

Les parlementaires européens ont approuvé à une très forte majorité (506 voix contre 161 et 23 abstentions), une résolution présentée par le PPE, le PSE, les Libéraux, les Verts et la GUE qui rejette le budget européen adopté, après de longues négociations, par le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement.

 

Les chefs d'Etat et de gouvernement affirment que la réponse à la crise doit être un renforcement de l'Union et proposent un budget d'affaiblissement de cette Union ! Même si le montant de ce budget reste, dans toutes les propositions, à la limite du ridicule : 0,9%, 1%, 1,1% ou 1,2% du PIB européen, 67 centimes par Européen et par jour (Libération 23/11/12.). Mais les variations gardent leur importance au niveau symbolique.

 

Ce coup d'éclat du PE n'est pas anecdotique. Il a été rendu possible par le traité de Lisbonne qui donne au PE un pouvoir de codécision sur le budget européen. Malgré toutes les pressions, officielles ou discrètes, à un an des prochaines élections, les parlementaires ont désavoué leurs chefs de gouvernement.

 

Le contrôle du budget est la « mère » des batailles politiques et démocratiques. Les Parlements ont souvent été institués pour consentir à l'impôt au nom des peuples qu'ils représentent et la discussion du budget est l'instrument essentiel d'élaboration des politiques et de contrôle de l'exécutif. La PE est-il sur cette voie ?

Au delà du rejet du budget qui a fait événement, en parcourant la résolution, il apparaît que le PE soulève des questions essentielles :

  • Et tout d'abord le rôle du Parlement lui-même qui refuse de n'être qu'une chambre d'enregistrement : « les négociations sur des éléments soumis à la procédure législative ordinaire ne sauraient être préemptées par les conclusions du Conseil européen ».
    Il affirme sa détermination « d'exercer pleinement ses prérogatives législatives, telles qu'elles sont fixées par le traité de Lisbonne » et vouloir « de véritables négociations avec le Conseil », le vote ne venant « qu'après la conclusion heureuse de négociations substantielles avec le Conseil ».
     

  • Le deuxième point porte sur la nature même du budget et on s'éloigne quelque peu de la bataille de boutiquiers qu'a donné à voir le Conseil.
    Le budget doit être « 
    un budget moderne, prévoyant, souple et transparent, qui puisse produire de la croissance et des emplois et combler le fossé entre les engagements politiques de l'UE et ses moyens budgétaires », en augmentant « substantiellement ses investissements dans l'innovation, la recherche et le développement, les infrastructures et la jeunesse... le changement climatique et l'énergie... l'inclusion sociale... »

  • Un troisième point porte sur la nécessité d'un « accord sur une réforme en profondeur du système de ressources propres »; qui « réduise la part dans le budget de l'Union des contributions fondées sur le revenu national brut (RNB) à un maximum de 40 % et mette fin à tous les actuels rabais et autres mécanismes de correction » notamment avec « la taxe sur les transactions financières devraient être affectées, du moins en partie, au budget de l'Union, en formant de véritables ressources propres ».

Avec ces prises de position, le PE joue pleinement son rôle en faveur d'un budget européen contrairement à celui présenté par le Conseil et il n'est guère étonnant que celui-ci ait reçu le soutien essentiellement des eurosceptiques et autres conservateurs....

 

Ce n'est pas un coup d'Etat démocratique. Il n'y a pas eu de déclaration fracassante, type « serment du jeu de paume » et le PE se place dans le cadre des institutions, c'est à dire d'une nouvelle négociation entre le Conseil et le Parlement pour aboutir à un compromis. Le Parlement avance des conditions qui n'ont rien de révolutionnaire mais qui promettent, si le Parlement maintient ses positions, un véritable bras de fer.

 

Le moment est favorable au Parlement. En l'absence de compromis, le budget de 2012 serait reconduit pour 2013 et serait dans le débat des prochaines élections européennes avec les questions politiques importantes que pose la résolution : rôle du PE, ressources propres pour le budget, mise en cohérence du budget avec les propos sur l'avenir de l'Union...

 

Le moment est, peut-être, moins favorable pour les parlementaires qui, bien qu'appartenant au même parti, votent contre la politique de leur gouvernement ce qui risque de peser lourdement sur leur désignation comme candidats aux prochaines élections avec un scrutin de liste...

Si un compromis n'est pas trouvé, cette opposition du PE et du Conseil pourrait être mis sur sur la place publique et faire entrer en jeu les peuples de l'UE qui sont les grands absents du débat.

On peut tenir pour négligeable la lutte de la Confédération européenne des syndicats aussi discrète qu'un lobby et beaucoup moins efficace, qui « réussit » à rassembler quelques milliers de personnes à Bruxelles contre l'austérité quand de vraies manifestations de masse se déroulent dans de multiples pays de l'UE.



Le Parlement européen est la seul instance européenne élue au suffrage universel direct avec une participation populaire qui diminue à chaque nouvelle consultation. Probablement sensible à cette progressive désaffection, le Parlement pense améliorer sa « légitimité démocratique »en demandant qu'après la consultation de 2014, le PE et la CE puissent « reconfirmer les priorités budgétaires de l'Union » et même envisager une « révision complète et obligatoire ».

Le projet de budget du Conseil, compromis entre chefs d'Etat et de gouvernement, a été présenté comme LE budget qu'allait adopter le Parlement alors que celui-ci avait annoncé son opposition « en l'état ». Le passage en force a échoué.
Dans la résolution du PE, l'accent a été mis sur le REJET. Mais le ton, le contenu de la résolution sont au moins aussi importants que le rejet et, au moins, donnent un sens à ce rejet.
Quelle peut être la ligne du compromis entre ce budget et cette résolution ? Si le PE veut persister non seulement dans le paraître mais dans sa recherche d'une voie démocratique pour l'UE, il faut espérer qu'il refusera un compromis - une des 50 nuances du gris – incompréhensible.

A défaut sa relative légitimité comme celle du Conseil continuera à faiblir. Et les peuples à se détacher de l'Union européenne. Jusqu'à l'explosion ?

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Paul ORIOL
  • : Réflexions sur l'actualité politique et souvenirs anecdotiques.
  • Contact

Texte Libre

Recherche