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14 décembre 2009 1 14 /12 /décembre /2009 15:16

Enquête par sondage sur le droit de vote des étrangers et son rôle dans l'intégration en Île de France.
Pour l'attribution de la citoyenneté de l'Union Européenne à tous les résidents quelque soit leur nationalité.

 

 

Le  30 septembre 2009, cette question a été débattue, à la demande de l’Acer (Association pour une citoyenneté européenne de résidence), par quelques militants favorables au droit de vote pour essayer de faire progresser la réflexion. Les lignes qui suivent  reprennent et discutent certains points avancés à cette occasion.

 

L'extension du droit de vote aux résidents étrangers, quelle que soit leur nationalité, est pour beaucoup une nécessité évidente. Au moins aux élections locales. Des campagnes ont été organisées sur ce thème depuis des lustres.

 

Les faits

 

D'après les sondages de la Lettre de la citoyenneté, la proportion de personnes favorables au droit de vote des résidents étrangers varie en fonction du type d’élection : plus de 50% pour les élections municipales et européennes depuis 1999. Ces pourcentages sont plus faibles quand il s’agit des élections législatives ou présidentielles. D'autres sondages donnent une proportion plus forte (60 et 65%) pour les seules élections municipales ou locales. (Tableau 1).

 

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Tous les partis politiques de gauche sont favorables au droit de vote et d’éligibilité pour les élections municipales, pour les élections locales, quelquefois pour toutes les élections. Progressivement, la droite évolue. Des personnalités se sont prononcées favorablement. De telle sorte qu'actuellement seule la droite extrême et l'extrême droite sont clairement contre : ni l'une, ni l’autre ne remettent en question la participation des citoyens européens qui n'ont pas la nationalité française mais qui résident en France aux élections municipales et européennes.

 

De plus, la bataille idéologique est gagnée : quand Nicolas Sarkozy se dit favorable au droit de vote aux élections municipales, après 10 ans de présence et sous condition de réciprocité, cela veut dire qu'il a renoncé aux arguments de principe et n’avance que des modalités d’application pour retarder l'échéance et satisfaire les intransigeants de son camp, seule justification de son inertie.

 

Alors pourquoi cette revendication n'aboutit-elle pas ?

 

Au delà des déclarations de principe, la France est un pays peu démocratique : il a fallu les Révolutions de 1789 et 1848 pour que soit instauré le suffrage universel masculin. C'est le programme du CNR qui, à la Libération, a permis son extension aux femmes. Le traité de Maastricht, approuvé par le peuple français par référendum, a institué la citoyenneté de l’Union européenne, proposition de Felipe Gonzalez acceptée par François Mitterrand. Les parlementaires français ont donc été obligés de reconnaître aux citoyens de l'Union européenne le droit de vote pour les élections municipales et européennes. Les débats parlementaires ont permis de voir les réticences de certains face à une telle obligation.

 

Devant cette mauvaise volonté démocratique, à défaut de circonstances exceptionnelles (1848, 1944), il faudrait une importante pression pour amener les parlementaires à avancer. A l'évidence, la mobilisation des associations est loin d'être suffisante.

 

Tout le monde est pour mais le monde politique est sous influence : l'extrême droite a réussi, au delà de ses forces réelles, à peser pour mettre son rejet de l'immigration au centre du débat. La dernière élection présidentielle a montré comment Sarkozy avait réussi à capter l'électorat de l'extrême droite en lui empruntant son langage. Il tente une réédition de cette opération avec l’identité nationale. Et la gauche s'est trop souvent montrée timide ou s'est alignée. Elle a été incapable de répondre coup pour coup sur la défense de la démocratie et de promouvoir l'égalité.

 

Tout le monde est pour mais aucun parti politique, aucune personnalité nationale, comme Robert Badinter pour la peine de mort ou Simone Weil pour la libéralisation de l’avortement, aucun candidat de poids à la présidence n’en a fait un thème important. Le droit de vote des résidents étrangers a plutôt été utilisé, à droite ou à gauche, comme chiffon rouge.

 

A l'heure où la mondialisation lisse les identités nationales, où l'Europe accentue cette uniformisation jusque dans les détails, où il est question de diminuer le nombre de communes, de départements, de reconstituer des régions à l'échelle européenne (régions artificielles qui n'ont pas d'histoire commune, d'unité géographique...), où se situe l'identité collective ?

 

D'autant que la mondialisation, l'Europe ne sont présentées que de façon et négative et obligatoire. Ce qui va mal ne dépend ni de nous, ni de notre gouvernement. C'est la faute de la mondialisation. De l'Europe. Nous n'y pouvons rien. Il faut se soumettre. Il n'y a pas de projet politique qui mobilise la majorité de la population, les démocrates.

Que reste-t-il comme projet politique ? Si ce n'est le repliement, le rejet de l'autre comme seule possibilité d'affirmation de soi. Pour le moment, la population dans son ensemble n'est pas totalement réceptive. Cependant, des pays européens qui passaient pour des champions de la démocratie, de l'ouverture évoluent. Leur politique touchant l'immigration se durcit. Ils ne sont pas revenus sur le droit de vote des étrangers. Mais, ils ne progressent plus. En un sens, le rejet de l’autre est un des rares sentiments commun à une partie importante de  l’opinion publique européenne.

 

Quelques questions

 

Pour certains, le fond de la question est la « nation » avec une double difficulté :

La nation, ceux qui sont « de souche », est la seule composante légitime de la collectivité. L’immigration est un risque « d’envahissement ». Mais la situation n’est pas nouvelle. Les immigrations précédentes ont été intégrées ou assimilées mais la question du droit de vote des étrangers n’était pas posée alors.

Difficulté supplémentaire aujourd’hui est, faire entrer les ressortissants des anciennes colonies dans cette nation. Avec, en plus, une visibilité physique et religieuse.

 

Tous les pays de l’Union européenne sont construits plus ou moins sur le modèle de l’Etat-nation. Ils ont cependant ouvert de façon très variable, le droit de vote aux étrangers résidant sur leur territoire (Tableau 2).


Tableau 2 : Le droit de vote des résidents étrangers non communautaires dans les différents pays de l’Union européenne.

7 pays ont donne le droit de vote ET d'éligibilité aux élections locales

Danemark 1981, Finlande 1991, Irlande 1963, Lituanie 2002, Pays-Bas 1985, Slovénie 2002, Suède 1975

 

5 pays ont donne le droit de vote SANS éligibilité aux élections locales

Belgique 2004, Estonie 1993, Hongrie 1994, Luxembourg 2003, Slovaquie 2001

3 pays ont donne le droit de vote aux élections locales, sous réserve de réciprocité

Espagne 1985, Portugal 1971, République tchèque 2001

 

1 cas particulier

Royaum-Uni 1948

11 pays n'ont pas donné le droit de vote

Allemagne, Autriche, Bulgarie, Chypre, France, Grèce, Italie, Lettonie, Malte, Pologne, Roumanie

 

Cinq de ces pays ont un passé colonial récent : ils ont tous une législation différente. Bien entendu, en comparant les deux tableaux, on peut voir que la diversité de situations est la même dans les pays qui n’ont pas de passé colonial.

 

Tableau 3 : le droit de vote des étrangers dans les pays de l’UE ayant un passé colonial récent

Pays-Bas : droit de vote ET d'éligibilité aux élections locales en 1985

Belgique : droit de vote SANS éligibilité aux élections locales en 2004

Portugal : droit de vote aux élections locales, sous réserve de réciprocité, essentiellement à ses anciennes colonies en 1971

Royaum-Uni : droit de vote et d’éligibilité à TOUTES les élections aux ressortissants du Commonwealth en 1948

France : droit de vote à aucun étranger non membre de l’Union européenne.

 

Pour avancer, il faut mettre en avant les notions de « société », de « vivre ensemble » et de « démocratie ».

 

Si le droit de vote est une vieille revendication, elle n’a jamais été réellement portée par les résidents étrangers eux-mêmes. Mais, c’est aussi le cas dans les pays de l’UE qui ont donné le droit de vote. Cet élargissement du suffrage universel s’est fait dans des pays à fort sentiment démocratique, souvent dans une démarche bipartisane, associant droite et gauche.

 

Longtemps convaincus du prochain retour, de la nécessité de lutter au pays,  les résidents étrangers n’ont pas fait de cette revendication leur priorité quand ils n’y étaient pas opposés. Actuellement, la « vieille immigration » y est devenue favorable mais ne se mobilise pas énormément. Une bonne partie de cette immigration est devenue française et la revendication de la « diversité » dans la représentation politique est plus portée que le droit de vote. Par ailleurs, la situation des « jeunes des quartiers populaires » est très préoccupante et mérite une mobilisation. Et des mesures.

 

Il n’en demeure pas moins que l’immigration continue, que de nouveaux résidents n’ont pas la nationalité française et sont donc exclus du jeu démocratique. Le droit de vote n’est pas seulement le droit de vote pour les résidents étrangers qui sont là mais aussi pour ceux qui arriveront demain et dont tout le monde sait maintenant qu’ils seront nombreux et destinés à rester.

 

Quant à la nouvelle immigration elle-même, elle a d’autres questions plus urgentes, les « papiers » qui mobilisent et les immigrés et leurs soutiens. Submergées par les injustices, les associations de solidarité, sur la défensive, ne se sont pas emparées du droit de vote, rare revendication « positive ».

 

Cette notion de revendications plus urgentes a toujours été avancée par les militants des droits des résidents étrangers. Qui, inconsciemment, considéraient le droit de vote comme « l’aboutissement d’une intégration réussie » plutôt que comme une nécessité et un levier vers l’égalité.

 

La revendication du droit de vote pour les seules élections locales ou municipales  peut aussi être considérée comme un aveu de faiblesse. Politique certainement. Avec quelle efficacité réelle ? Au point de vue idéologique, comment justifier cette citoyenneté partielle ? Limiter le droit de vote aux seules élections municipales, locales, est certainement insuffisant au point de vue démocratique et timoré au point de vue politique. La revendication du droit de vote et d’éligibilité à toutes les élections serait peut-être plus efficace. Elle aurait le mérite de redonner son sens au mot « égalité ». A défaut, l’alignement des droits de tous les résidents sur ceux des citoyens de l’Union européenne supprimerait la différence de droits entre les « bons » étrangers et els autres !

 

Le « retard français » est-il spécifique ? Une dizaine d’Etats de l’Union européenne sont dans la même situation. Mais il est d’autant plus choquant que la France parle souvent des droits de l’homme. Il serait cependant intéressant d’étudier les cheminements dans les pays étrangers. Et en France, voir ceux qui, favorables au droit de vote, en position de le faire avancer, ne l’ont pas fait. Pourquoi ? Comment faire pour aider leurs successeurs à passer cet obstacle ?

 

Le travail en direction de l’opinion publique a porté ses fruits et a peut-être atteint ses limites. Il est maintenant nécessaire d’interpeller, autrement, les politiques et notamment les politiques de droite.

 

Il faut continuer à déconnecter nationalité et citoyenneté : le traité de Maastricht a ouvert une brèche. Il faut s’adresser à ceux qui ont le pouvoir de décision. Promouvoir la démocratie et peut-être pas seulement en ce qui concerne le droit de vote des résidents étrangers.

 

Pour consulter le CR de la réunion : Site PO

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