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30 juillet 2009 4 30 /07 /juillet /2009 10:50

"Vingt ans après", la question du "voile islamique" est à nouveau dans l'actualité. Sauf qu'il ne s'agit plus de ce qui n'était que le foulard islamique que certains voulaient comparer au foulard de nos grandes mères. Il s'agit, cette fois, de différentes variantes du voile intégral.
Vingt ans plus tard, le même argument revient. C'est un phénomène marginal. La police est même capable de nous dire que cela ne concerne que 367 femmes dont 25% de "converties". Et il est inutile de légiférer pour un nombre aussi restreint de personnes comme il était inutile de légiférer pour quelques foulards à l'école. Bien entendu, il sera ensuite impossible de légiférer quand cela touchera des dizaines de milliers de personnes parce que cette extension rendra l'application d'une loi éventuelle impossible.

Il semble que la loi sur le foulard à l'école a limité son extension. Resterait à apprécier à quel prix. Peu d'informations paraissent dans la presse sur ces deux questions.

Un important reproche fait à la loi sur le foulard à l'école était de conduire à l'exclusion des jeunes filles qui refusaient de le retirer. Mais ceux qui trouvaient cette sanction trop lourde pour une telle raison, se dérobaient pour fixer une limite qui entrainerait l'exclusion : refus de faire de l'éducation physique ? de la musique ? de suivre les cours de sciences naturelles ou d'éducation sexuelle ? de commenter des textes de Voltaire ? Point de réponses. Ceux qui refusaient les jeunes filles à foulard, étaient les mauvais. Les autres avaient bonne conscience mais refusaient de dire où ils situaient la barrière. Le port du foulard est ostentatoire. Le refus du programme est discret. Et ces questions ont été et restent voilées par le foulard.

Bien que soutenant que le port du foulard était une décision personnelle, volontaire, des jeunes filles, certains n'hésitaient pas à parler, en même temps, de double peine : le foulard et l'exclusion !

L'argument du port volontaire est, à nouveau, avancé aujourd'hui pour le voile intégral. Il ne fait pas de doute que c'est volontairement qu'un certain nombre de jeunes filles ou jeunes femmes portent le foulard ou le voile intégral quelle qu'en soit la raison. Et cet argument sert beaucoup car seules peuvent s'exprimer publiquement celles qui le portent volontairement. Croit-on qu'une jeune fille ou jeune femme qui serait contrainte par ses parents, par ses frères, par son époux ou par le climat de son quartier, à porter le foulard ou le voile viendra le dire à la télévision ?

Une amie italienne a fait un bouquin en interrogeant une vingtaine de jeunes filles porteuses du foulard. Elle a recruté ces jeunes filles dans l'entourage des deux sœurs par lesquelles la question a été mise sur la place publique en 1989. Avec un tel recrutement, elle ne pouvait avoir qu'une seule musique qui a parfaitement renforcé sa conviction. Mais il suffit de se promener en banlieue pour voir des enfants de 6 ou 7 ans se promener avec le foulard. Il ne fait pas de doute que ces petites filles le font volontairement. Que leurs parents n'y sont pour rien... et qu'il faudrait donc respecter leur volonté quand elles arriveront à l'école.

L'argument du respect des cultures d'origine peut être invoqué. Mais toutes les particularités culturelles ne sont pas également respectables. D'autre part, les familles musulmanes de France viennent, essentiellement, du Maghreb ou différents voiles existent et si le foulard a pu y arriver, il n'était pas traditionnel. Et le foulard, au Maghreb, peut apparaître comme une évolution favorable si c'est un compromis entre les voiles existants et l'absence de voile. C'est évidemment un recul, si cela conduit à l'obligation du foulard pour celles qui allaient jusque là tête nue, les autres conservant les différentes formes de voile traditionnel.

Le voile intégral, tel qu'il est apparu en France, ne vient pas de la culture maghrébine. Il vient du Proche et du Moyen Orient, peut-être par un détour au Royaume-Uni et probablement aucune mère de celles qui le portent aujourd'hui ne l'a porté. Encore moins, quand il s'agit de converties !

En réalité, le voile, quelle que soit sa forme, est un marqueur d'identité affirmée. Si le degré de pratique religieuse des musulmans de France semble peu éloigné de celui des autres religions, si le pourcentage d'intégriste n'est guère plus élevé, la situation n'est pas la même d'une religion à l'autre. Pour des raisons de politique internationale et de politique interne. Au niveau international, du fait de la question palestinienne mais pas seulement, le monde musulman est souvent en opposition avec l'Occident. Certains, en France, sont allés se ressourcer au Pakistan ou ailleurs. Ils en ont rapporté le voile pour leurs femmes (épouse,  sœur...).
Du fait de la situation sociale en France (racisme, chômage, assignation à résidence dans certains quartiers), certains peuvent penser, justement, qu'ils ne sont pas considérés comme des citoyens comme les autres. Et comme ce qui a servi de liant à d'autres époques, église, syndicat, parti, s'est considérablement affaibli, la tentation est forte de se retrouver ensemble dans des mouvements, des manifestations, des apparences qui permettent d'être, de s'affirmer même si ce n'est pas toujours ce qu'on est vraiment.

L'islam cherche à se faire une place dans la société et c'est parfaitement logique. Même si ses revendications ne sont ni toujours musulmanes, ni toujours acceptables. C'est à la société, tout entière, de trouver le compromis. En démocratie, il est légitime d'avancer des revendications, y compris des revendications qui peuvent paraître inacceptables. Il est tout aussi légitime que la société, tout entière, dise, à un certain moment, où se situe le point d'équilibre. Ce ne peut être que le fruit d'un compromis.

Le rôle de la société, de l'école avant tout, est de favoriser l'émancipation des enfants, des jeunes, de leur permettre, au maximum, de réaliser leurs potentialités, de les arracher au maximum de conditionnements pour qu'ils puissent choisir leur propre voie. C'est en ce sens que joue la loi sur le foulard à l'école. Même si, pour un certain nombre de jeunes filles, l'exclusion est très grave. Mais en leur assurant et l'obligation scolaire et l'existence d'un milieu protégé, celles qui ne veulent pas du foulard se trouvent soutenues, légitimées par une autorité extérieure et supérieure à la famille, à l'entourage... Devenue adulte, chacune pourra alors choisir le type de vêtement qu'elle veut porter.
Mais il ne faut pas oublier que l'école seule, la seule loi sur le foulard ne changent pas les conditions générales de la société. Qu'il faudrait faire beaucoup plus pour que le foulard ne soit pas le moyen le plus commode d'affirmer une différence qui n'est quelquefois recherchée que faute de mieux. De ce point de vue, il serait intéressant de relire le rapport Stasi pour relever toutes les suggestions qui ont été oubliées.

Quand on parle de laïcité, il faudrait aussi permettre que chacun puise pratiquer sa religion correctement. Si s'opposer au foulard des jeunes peut être considéré comme une forme de laïcité, empêcher la construction de mosquées est une atteinte à la laïcité.

Bien entendu, l'école doit aussi former les jeunes à se défendre contre d'autres contraintes... Que cette formation à la citoyenneté soit insuffisante sur certains points ne justifie pas quelle le devienne sur d'autres.

Si la chose peut paraître simple pour les jeunes, elle devient beaucoup plus complexe pour les adultes. Et la première question sera celle de la limite entre les deux.

Qu'il s'agisse du foulard ou du voile intégral, la loi doit-elle dire aux citoyens et, ici, aux citoyennes comment ils ou elles doivent se vêtir. Encore que, là aussi, la société pose des limites qui correspondent plus ou moins à l'état moyen de l’opinion publique même si telle ou telle chose peut choquer les uns ou les autres. A une époque où la nudité s'affiche dans la publicité, dans les magazines, au cinéma, à la télévision, sans parler d'internet, la mode suit... mais il est interdit, même par forte chaleur, de se promener nu(e) dans la rue. Au moment où l'affirmation des jeunes va plutôt dans l'autre sens avec la caution de la télévision, du cinéma... Affirmation qui ne passe pas inaperçue et qui est quelquefois mal perçue.

La question vestimentaire est posée pour les femmes. Exceptionnellement pour les hommes et c'est alors par "ricochet".

Il paraît que la question vestimentaire s'est déjà posée au moment de la bataille autour de la laïcité. Certains voulaient interdire aux prêtres catholiques de se promener en soutane. Au nom de la liberté religieuse, au nom de la liberté, le tribunal a tranché : les prêtres catholiques pouvaient se promener en soutane. Pourtant il s'agit là d'un signe religieux ostentatoire indiscutable. Les religieuses catholiques faisaient de même. Mais, dans une société de plus en plus sécularisée, même si elle n'est pas plus laïque, prêtres et religieuses ont choisi de se fondre dans la masse. A l'exception de quelques uns qui continuent à porter soutane. C'est l'évolution propre à une société dont l'église catholique fait partie et qui change dans le même sens que cette société. Sa place n'est pas contestée. La laïcité, compromis imparfait, est majoritairement acceptée, y compris des catholiques dont certains pensent qu'elle a enrichi la religion en la débarrassant justement de la contrainte sociale.

C'est à partir de cette base que le voile n'est interdit qu'à l'école. Mais le phénomène est nouveau. Le foulard apparaît quand les soutanes disparaissent. Le foulard comme affirmation de différence quand les soutanes disparaissent par volonté de se fondre dans la société. La soutane encore aperçue quelquefois est la queue de la comète quand le foulard passe pour l'avant garde. C'est au moment où cette visibilité de l'église catholique dans la rue a pratiquement disparue qu'une autre religion revendique sa visibilité. 

Le foulard interdit à l'école, restent deux questions plus épineuses :
- L'apparence dans certaines fonctions. Les fonctionnaires peuvent-elles porter le foulard islamique ? Une personne affichant sa religion peut-elle représenter l’État laïque ?

La question se pose au niveau de l'école pour les enseignantes. Elle s'est posée aussi, de façon plus discutable, pour les mères accompagnant des enfants des écoles en déplacement.

Qu'en est-il pour les personnalités politiques ? Des prêtres ont été députés, Chanoine Kir, abbé Gau. Portaient-ils soutane ? La question vient d'être soulevée en Belgique pour une élue au foulard. En principe, un élu représente l'ensemble du peuple et non une fraction du peuple même s'il a été élu au nom de tel ou tel parti. En France, probablement par suite du grand combat de la laïcité, il n'y a pas de parti religieux, il n'y a pas de parti démocrate-chrétien comme en Allemagne par exemple. Même si certains partis se rattachent à cette école de pensée. Même si certains ne cachent pas leur religion.

Là encore, il y aurait beaucoup à dire sur le "compromis" laïque et il n'est pas exclu que demain, l'équilibre actuel ne soit pas remis en question. Notamment à la suite de déclarations ou de décisions du président de la République.

Des religieuses étaient infirmières : une jeune femme en foulard a eu, il y a quelques années, des problèmes lors de ses études d'infirmière à Bordeaux. Que se passera--il si une femme médecin officie dans les hôpitaux, quelle sera la réponse quand une personne voudra être soignée par cette médecin avec foulard ou quand une autre refusera d'être soignée par elle.
La question a été soulevée un moment par des patientes qui refusaient d'être soignées par des médecins hommes. Pourquoi des patients ne refuseraient-ils pas d'être soignés par des médecins femmes ?

- La question du voile intégral va bien sûr plus loin. Il témoigne d'une volonté de séparation. Au contraire du foulard qui affirme une identité, peut être un défi, mais aussi une demande de reconnaissance, d'intégration. L'une affiche sa volonté de différence, la revendique mais s'offre au regard des autres en demandant sa place. L'autre se cache, s'exclut.
Il est remarquable que ce voile intégral et les noms qu'on lui donne ne viennent pas du Maghreb. C'est une "tradition" importée directement du Proche ou du Moyen Orient et qui se rattache à des options politiques. Mais il n'est pas exclu que demain des jeunes femmes reprennent des traditions maghrébines que leur mère venant en France avaient abandonnées.

Il paraît difficile de légiférer sur le mode de vêtement des adultes. Il est cependant indispensable de répondre à des questions pratiques de la vie quotidienne.

Quid de l'accès à la nationalité française par naturalisation ? Comment toucher un recommandé ? Présenter un permis de conduire à un contrôle ? Comment établir une carte d'identité (on vient d'exiger d'un ami une photo d'identité, sans lunettes alors que, dit-il,  "je suis né avec des lunettes !") ? Comment prouver son identité dans les actes de la vie quotidienne ?

Pour toutes ces questions des règles existent qu'il faudra appliquer. Sans nécessairement une nouvelle loi. Chacun ensuite, connaissant les avantages et les inconvénients de la législation est libre de choisir son comportement et ses conséquences.

La carte d'identité est une invention récente en France (1921,1943), elle n'existe pas dans certains pays (Royaume-Uni, États-Unis)... Il apparaît cependant peu vraisemblable qu'on fasse machine arrière. Au contraire, la carte d'identité est en voie d'instauration aux Royaume-Uni.

Quant à la laïcité, elle n'avait jamais été aussi défendue depuis la  Seconde guerre mondiale. Si elle a été inscrite dans la Constitution de 1946, de multiples lois n'ont pas manqué de lui donner quelques coups de canifs depuis (7 lois ont été votées : 1951 Marie, 1951 Baranger, 1959 Debré, 1971 Pompidou, 1977 Guermeur, 1984 Rocard, 1992 Lang-Cloupet). Devant la question du voile, la Gauche s'est divisée, de même que les féministes. Et la droite s'est découverte soudainement des vertus laïques qu'elle ignorait jusque là. Peut-être pour masquer des sentimens moins avouables.






 

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commentaires

C
<br /> very nice post!!!!<br /> <br /> <br />
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