Publié aussi par Agoravox
Hôtel de ville de Freiburg
Fribourg en Brisgau (Freiburg im Breisgau, Allemagne), devant l'Université (1), au coin de la rue, un panneau indicateur : Gurs 1027 km (photo).
Nous avons entendu parler de Gurs, un camp dans les Pyrénées atlantiques... Mais s'agissait-il de « notre Gurs » ou d'un autre Gurs et pourquoi ce panneau ?
Une plaque commémorative (photo) nous a rapidement permis de comprendre. Le 21 octobre 1940, les juifs de Fribourg, de Bade-Wurtenberg, Palatinat, Sarre ont été arrêtés et envoyés dès le 22 au camp de Gurs en France.
A Freiburg, cette rafle des juifs locaux n'est pas effacée. En se promenant dans cette belle ville, aujourd'hui connue surtout pour ses initiatives écologiques, aux rues pavées dans le centre historique, on remarque certains de ces pavés : dorés, gravés (photo). Chacun perpétue le souvenir d'un de ces juifs, raflés, envoyés à Gurs d'abord, à Auschwitz ensuite.
Par les hasards de nos pérégrinations estivales et amicales, nous étions chez des amis à Rivesaltes (Pyrénées orientales) 15 jours plus tard. Voyant des panneaux indiquant un futur Mémorial pour l'ancien camp de Rivesaltes, nous avons fait un petit détour.
Pour nous, Rivesaltes, Argelès... étaient des camps qui avaient « accueilli » les Républicains espagnols lors de la « Retirada », la retraite devant les troupes de Franco.
A Rivesaltes, il reste encore des baraquements qui attestent de l'ampleur du camp (photos). En réalité, c e camp, le « camp Joffre », a d'abord été un camp militaire, 1938, rapidement doublé d'un camp destiné à recevoir des réfugiés espagnols de 1939. Promis à une longue carrière pour regrouper là différentes populations « indésirables ». Des stèles sont là pour rappeler ces populations.
En premier, bien sûr, les Républicains espagnols (ci-dessus). Puis les juifs regroupés là sous le gouvernement de Vichy, en « zone libre » et dont, à notre grand étonnement, certains venaient de Bade-Wurtenberg (photo ci-dessous) même si, dans leur grande majorité, ils ont été ensuite été dirigés sur Gurs (2), avant leur destination commune et finale pour beaucoup . A la même époque, ils n'étaient pas les seuls, une plaque (photo) rappelle que les Tziganes ont partagé leur sort.
La France reconnaissante y a ensuite « logé » les harkis auxquelles un monument est consacré et quelques bâtiments ont servi de centre de rétention pour les immigrés en voie d'expulsion que la Cimade a voulu rappeler (photo).
Cette succession de communautés enfermées dans ce camp attestent probablement de la « continuité du service public » : répression servile (les juifs regroupés dans un camp dans la zone dite « libre ») ou directement active et responsable pour enfermer ceux qui avaient cru que la France pouvait être accueillante à ceux qui craignaient pour leur liberté.
Le Conseil général des Pyrénées orientale veut ériger un mémorial mais aurait des difficultés pour obtenir la participation financière de l'État. Il est compréhensible que l'État rechigne à financer un mémorial, si peu héroïque.
1 - Du 9 au 14 août, nous avons participé à Freiburg à l'Université du réseau européen d'Attac.
2 - Le camp de Gurs est le plus grand camp du sud de la France, construit en 1939 pour les réfugiés espagnols et les volontaires des Brigades internationales, sera utilisé ensuite comme centre d'internement pour les indésirables du régime de Vichy et deviendra l'une des bases de la déportation des juifs en France.
Les réfugiés espagnols et les Espagnols sans papiers seront en grande partie transférés à Rivesaltes tandis que Gurs regroupera des juifs notamment ceux de Rivesaltes en attente de leur déportation.