Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 mars 2017 7 05 /03 /mars /2017 00:01
L’identité est un projet politique

Les prochaines élections se feront en partie sur la notion d’identité nationale, de défense de l’identité nationale. Thème, depuis des années, de l’extrême droite et de la droite, sur lequel la gauche n’apporte pas de contribution satisfaisante.

 

Le débat sur l’identité nationale.
La première contribution est simple. Il suffit que l’extrême droite dise l’Angleterre est une île, pour entraîner une réponse fulgurante, l’Angleterre n’est pas une île ! Cette fausse réponse n’a pas plus d’effet sur la montée de l’extrême droite et de ses idées que sur les moyens de communication entre le continent et les Îles britanniques.

 

Répondre à une question en la niant. Malheureusement, la droite martèle sa réponse et, comme aucune réponse claire ne vient de la gauche, la seule entendue, de droite, devient l’évidente vérité.

 

En suivant cette voie, certains croient résoudre le problème en affirmant : l’identité nationale, ça n’existe pas. Parce que l’identité n’existe pas. Parce que la nation n’existe pas. Ce ne sont que des constructions historiques. Déconstruire, disent-ils, et l’identité et la nation. Sans rien proposer de positif. Par de longs articles et de gros livres qui n’atteignent en rien le cœur qu’ils visent : le sentiment national reste intact dans la grande masse des gens. Peut-être même quelquefois, négligé, brocardé, ce sentiment national en est-il exacerbé.

 

De façon triviale, il suffit de voir l’augmentation du nombre de licenciés dans tel sport, hier pratiquement inconnu, à la suite des succès de l’équipe nationale ou l’audience des reportages télévisées lors des grands matches d’une équipe nationale… Bien entendu, cela n’a rien à voir avec le sentiment national, avec l’identité nationale, c’est seulement l’amour du sport… Il suffit de ne pas mettre de réunion politique ces jours là…

 

Emmanuel Macron, et-gauche-et-droite, a prononcé, le 10 janvier à Berlin, un discours entièrement en anglais, par facilité et pour que nous nous comprenions sur la relation franco-allemande et le futur de l’Union européenne. Il a affirmé, la culture française n’existe pas, le 5 février à Lyon, l’art français, je ne l’ai jamais vu, le 21 février à Londres. Emmanuel Macron est candidat à la présidence de la République française ? L’a-t-il vue ? Existe-t-elle ? A-t-elle besoin d’un président ? Ce n’est, après tout, qu’une construction historique !

L’identité est un projet politique

Identité nationale et immigration
Ce débat sur l'identité nationale se double de celui sur l'immigration. Sur l’immigration et l'identité nationale, l'immigration comme danger pour l'identité nationale (1).

 

La réponse de la gauche à cette mise en question de l’identité nationale par l’immigration suit la rhétorique bien connue : la vieille casserole trouée que tu ne m'as jamais prêtée, je te l'ai rendue neuve. L’identité nationale n’existe pas et voyez comment l’immigration, qui ne touche en rien à l’identité nationale, a participé et participe à son enrichissement, à son rayonnement depuis Marie Curie jusqu’à Zinedine Zidane, l’équipe black-blanc-beur et le couscous.

 

Il est évident que l'immigration a une relation avec l'identité nationale. De même que Europe ou la mondialisation. Et que l'identité nationale a été, est et sera modifiée par l'immigration, par l'Europe et la mondialisation. En bien et en mal. Cela dépend beaucoup de comment ces questions sont traitées à l'intérieur. L'identité nationale d'aujourd'hui n'est pas celle d'hier. Ou plutôt, c'est celle d'hier modifiée par de multiples contacts avec le monde dont l’immigration, l’Europe, la mondialisation...
Car l'identité nationale n'est pas définie
scientifiquement. Ni pour l’éternité. Elle évolue en fonction des faits historiques. De leur interprétation. De l’image de la France qui est renvoyée de l’extérieur.

 

L’identité nationale inclut, parfois de manière conflictuelle, les multiples appartenances individuelles et collectives qui, finalement, la constituent : identités régionales, professionnelles, religieuses, linguistiques, sociales, ethno-raciales… Elle peut être niée, refusée par des individus ou des communautés tout en y participant, volontairement ou non (2).

 

L'histoire française, comme l'histoire de tout pays, il n’y a pas de pays élu, est aussi riche de choses admirables que de choses épouvantables. C'est un bloc dans lequel il est nécessaire de faire le tri. Mais dont les cotés positifs ou négatifs imprègnent tout le monde, différemment. Il n'est pas possible d'effacer totalement l'Histoire mais on peut la relire en fonction de ce que l’on en sait à un moment donné, des questions qui se posent, de l’avenir qu’on envisage…
L'identité nationale n’est pas donnée, n’est pas achevée. Elle n’est pas totalement homogène. Elle contient des contradictions. Et à partir de ces contradictions, elle est toujours en construction. C’est la volonté de construire un avenir en s’appuyant sur les faits historiques qui sont porteurs de tel avenir. C'est un projet politique.

L’identité est un projet politique

L’anti-France
Évidemment, chacun peut avoir des idées différentes de l’identité nationale, des valeurs qui la fondent : officiellement, les valeurs qui fondent l’identité nationale sont Liberté, Égalité, Fraternité. Ce sont des valeurs inclusives. Valables pour tous. Inscrites dans la Constitution, sur les frontispices.
Cela ne veut pas dire
qu’elles sont correctement appliquées mais que chacun peut s’en réclamer. Cela ne veut pas dire qu’elles sont pleinement reconnues par tous. Elles sont combattues par certains.

 

Léon Daudet, en 1918 : Il faut qu'on le dise : l'affaire du traître Dreyfus a eu comme premier résultat une première invasion, la formation chez nous d'une anti-France.
Charles Maurras parle des quatre États confédérés, protestants, juifs, francs-maçons et métèques.
Le régime de Vichy s’identifie à Travail, Famille, Patrie et le communiste, le juif, le franc-maçon et l’étranger sont les forces de l'Anti-France. Aujourd’hui encore, les intégristes catholiques interprètent ainsi l’avènement de la France moderne comme le triomphe du complot mené par l’Anti-France constituée par les « juifs, protestants, métèques et franc-maçons » contre la chrétienté (3).
Pendant la guerre d’Algérie, ceux qui luttaient contre cette guerre et contre le colonialisme français étaient aussi qualifiés d’anti-France. Voici que maintenant, pour un candidat à la présidence de la République, la colonisation française est un crime contre l’humanité ! (4)

 

La droite reproche aux bien-pensants d’enfermer les Français, en permanence, dans la culpabilisation et la repentance. Elle exige que l’on regarde, que l’on enseigne l’Histoire de France comme un roman national, l’excellence incarnée : My country, right or wrong ! Bon ou mauvais, mon pays !
Contre certaines vérités dérangeantes. Comme des familles vivent sur un secret malheureux qui les marque perpétuellement. La France officielle n’a pas toujours été du bon coté. N’a pas toujours appliqué les principes qu’elle proclame. Et quand son gouvernement a fait un choix pour le moins discutable, il y a toujours eu, heureusement, des Français, plus ou moins connus, plus ou moins nombreux, pour ne pas le suivre et choisir l’anti-France.

 

Le plus célèbre hérétique, dans l’histoire moderne, est le général De Gaulle, avec bien d’autres, en France, à Londres ou ailleurs, minoritaires, condamnés par le gouvernement officiel de la France, qui ont refusé de suivre le maréchal Pétain, dans l’armistice et la collaboration. Tous les deux, Pétain et De Gaulle, ont été au pouvoir avec l’aide d’armées étrangères, le premier avec l’aide de l’armée allemande nazie et des collaborateurs, le second avec celle des armées alliées et des Résistants.
Tout le monde aujourd’hui se glorifie, officiellement, de l’appel du 18 juin, de la Résistance, de la République restaurée… Tout est bien qui finit bien !

 

La colonisation, elle, n’a pas bien fini ! Elle n’est pas encore finie dans touts les têtes.
Si dans un premier temps, le jeune Jean Jaurès pensait comme Jules Ferry que les peuples supérieurs ont le droit et même le devoir de civiliser les peuples inférieurs. Peut-être pensait-il que la colonisation allait leur apporter, de façon un peu forcée, dévoyée, l’universalisme français, Liberté, Égalité, Fraternité... Il ne tarda pas à comprendre : La politique coloniale [...] est la conséquence la plus déplorable du régime capitaliste, [...] qui est obligé de se créer au loin, par la conquête et la violence, des débouchés nouveaux. Et, paroles prémonitoires ? Mais si les violences du Maroc et de Tripolitaine achèvent d’exaspérer, en Turquie et dans le monde, la fibre blessée des musulmans, si l’islam un jour répond par un fanatisme farouche et une vaste révolte à l’universelle agression, qui pourra s’étonner ? Qui aura le droit de s’indigner ? »(5).
Est-ce ce Jean Jaurès que Nicolas Sarkozy voulait récupérer ?

De même, Georges Clemenceau répond à Jules Ferry : Non, il n’y a pas de droits de nations dites supérieures contre les nations dites inférieures ; il y a la lutte pour la vie, qui est une nécessité fatale, qu’à mesure que nous nous élevons dans la civilisation, nous devons contenir dans les limites de la justice et du droit ; mais n’essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation ; ne parlons pas de droit, de devoir ! La conquête que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires, pour s’approprier l’homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit : c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie (6).

C’est le même général De Gaulle qui a refusé d’approuver la signature de l’armistice quand la France était militairement vaincue, qui signe la fin de la guerre d’Algérie alors qu’elle ne l’était pas. Mettant fin à l’empire colonial qui avait survécu, en partie grâce à lui, à la seconde guerre mondiale !

Le général De Gaulle a su transformer le récit national, recréer l’unité nationale, revivifier l’identité nationale, en faisant de la guerre de 1940-45 une victoire française grâce à la résistance intérieure et extérieure, en oubliant, en intégrant ceux qui avaient été du mauvais coté. Ce qu’il a su faire après la Seconde guerre mondiale qui avait pourtant profondément divisé les Français, il ne l’a pas réussie avec la décolonisation, après l’indépendance de l’Algérie.

L’identité est un projet politique

Esclavage et traite des Noirs
La droite veut gommer l’esclavage et la traite des Noirs. Il est impossible d’oublier que l’État a souvent, pas toujours, soutenu l’esclavage ou la traite dont certains ont tiré de gros profits. Il faut dire clairement qui a favorisé, entretenu, tiré bénéfice de l’esclavage et de la traite. Et qui n’y est pour rien et qui l’a combattue.

Louis X dans un édit de 1315, le sol de France affranchit l’esclave qui le touche. Louis XIII autorise la traite en 1642 et surtout le grand Louis XIV l’organise, fonde la Compagnie du Sénégal pour fournir des esclaves à Saint-Domingue. Il promulgue en 1685 le fameux Code noir qui range l’esclave au rang de meuble qui peut être vendu ou transmis par héritage. L’autorisation de la traite permet de faire librement le commerce des nègres. Le profitable commerce triangulaire : plus de 3300 expéditions négrières à partir des ports français.

Tout le monde, en France, n’est pas responsable de la traite et de l’esclavage. On connaît le vœu de Champagney, un de ces villages qui, dans son cahier de doléances de 1789, demande l’abolition de l’esclavage. D’autres cahiers contiennent des revendications équivalentes. En 1788, est fondée la Société des amis des Noirs, pour l’égalité, l’abolition de la traite et de l’esclavage, présidée par Jacques Pierre Brissot et Étienne Clavière puis par Condorcet et Jérôme Pétion de Villeneuve.
L’esclavage est aboli en 1794… La France
est le premier pays à abolir l’esclavage dans ses colonies… rétabli en 1802 par Napoléon Bonaparte… et heureusement aboli à nouveau en 1848. Cette abolition est alors inscrite dans la Constitution (7).

Si la notion de crime contre l’humanité n’est entrée dans le droit positif qu’en 1945, lors du procès de Nuremberg pour juger le nazisme, Patrick Weil rappelle... en 1848, le décret qui abolit l'esclavage le déclare déjà « crime de lèse-humanité » et prévoit la déchéance de nationalité pour tout Français qui se livrerait à la traite ou achèterait un esclave. Il ne faisait que reprendre le dispositif voté en 1794. La République française a donc été la première à inscrire le concept de crime contre l'humanité dans son droit appliqué à l’esclavage. Toute cette histoire, liée à nos colonies, fait partie intégrante de l'histoire de France. Il faut l'enseigner, ce qui permet de faire une histoire commune qui parle à tous les Français (8).
Le pape François a repris, récemment, le terme de lèse-humanité dans un message du 8 décembre 2014. Aujourd’hui, suite à une évolution positive de la conscience de l’humanité, l’esclavage, crime de lèse- humanité, a été formellement aboli dans le monde. Le droit de chaque personne à ne pas être tenue en état d’esclavage ou de servitude a été reconnu dans le droit international comme norme contraignante (9)..

Cette brève histoire de l’abolition de l’esclavage et de la traite, qui ne rappelle pas les multiples révoltes des intéressés dans les territoires français, avec notamment, Le Noir des Lumières, Toussaint Louverture (10), montre bien qu’il n’est pas possible d’en faire porter la responsabilité à tout le monde et qu’elle mériterait d’être enseignée dans les écoles. Tous les Français, encore moins les contemporaine, ne sont pas responsables de l’esclavage et de la traite mais tous méritent de savoir. Il y a eu l’esclavage et la traite, et des opposants, cela fait partie de l’Histoire de France.

On peut rappeler et raconter cette histoire sans haine et sans fausse culpabilisation. Comme l’a fait la commune de Champagney en érigeant un mémorial de l'esclavage, la Maison de la Négritude et des Droits de l’Homme en 1971 ou la ville Nantes avec le Mémorial de l’abolition de l’esclavage d’Europe ouvert en 2012. Alors que Nantes est le port le plus important de la traite négrière, du commerce triangulaire, responsable du transport de 450 000 Noirs, soit 42 % de la traite française du XVIII°siècle… qui ne finira qu’en 1831 malgré les interdictions. Nantes lui doit théâtre, bourse, places, hôtels particuliers, folies.
Il est possible d’échapper au roman national[de Nicolas Sarkozy] pas forcément la vérité historique dans son détail ( vous avez dit détail ? 430 000 Noirs déportés par les navires français ?) et le remplacer par un récit historique. Il n’est pas question de faire croire, accusation de Dimitri Casali, que les Français ont tous été d'horribles esclavagistes au XVIIIe siècle, d'infâmes colonisateurs au XIXe siècle et uniquement des collabos au XXe siècle... (11). Ni de dire que l’histoire de France est une large avenue pavée de roses. Seulement rétablir les faits dans leur complexité.

Il a fallu attendre 1995, 50 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour que Jacques Chirac, président de la République, reconnaisse la responsabilité de l’État français dans la déportation et l’anéantissement de près de 76 000 juifs de France. Les mots de Jacques Chirac, la reconnaissance de la responsabilité de l’État français ne sont pas une atteinte à l’identité de la France, bien au contraire : Il est, dans la vie d’une nation, des moments qui blessent la mémoire et l’idée que l’on se fait de son pays... Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français. Ce qui est une atteinte à l’identité de la France, ce sont les faits. La négation des faits. La non-reconnaissance des faits. Tout de qui donne à penser qu’il existe toujours une solidarité de la France, du gouvernement de la France avec ceux qui ont commis de telles actions.
D’autres Français ont commis le crime de solidarité avec les juifs pourchassés pendant l'occupation, car c’était un crime, dangereux pour ceux qui se sont alors engagés. Aujourd’hui, ils sont reconnus comme des justes parmi les nations.
Sans pousser la comparaison trop loin, les risques ne sont pas les mêmes, aujourd’hui, la solidarité avec les sans papiers est un délit. Comment seront perçus demain ces actes de solidarité ?

L’identité est un projet politique

Alors qui défend l’identité nationale ? Qui est l’anti-France ?
Les dreyfusards ou les anti-dreyfusards ? Les résistants ou les collaborateurs ? Les anticolonialistes ou les colonialistes ? Tout dépend, évidemment, de l’idée qu’on se fait de la France, de l’identité nationale, du projet politique que l’on a pour la France. L’identité nationale dans chaque période, douloureuse ou non, dépend de choix politiques. Elle guide, elle est construite, à chaque instant, par des choix politiques. Elle est la charpente d’une certaine continuité.

A travers ces quelques exemples, on voit qu’il est possible de tenir un autre langage que le déni de vérité ou la culpabilisation de tout le monde. De reconnaître les faits dans leur complexité, leur contexte. Et, peut-être, permettre à chacun de mieux se situer dans cette Histoire de France.

Les risques de l’identité nationale
L’identité nationale n’est pas faite seulement de valeurs proclamées, imparfaitement assumées, même si elle sont officielles. C’est aussi la langue, la culture, la grandeur passée, contestée aujourd’hui, grandeur en partie liée à des guerres, à des conquêtes coloniales, aux anciens empires. Le poids de l’histoire politique que tout le monde ne lit pas de la même façon. Lectures contradictoires, obscurément mêlées.
Et de l’image renvoyée par les regards extérieurs . La France, c’est alors la Tour Eiffel, Zinedine Zidane… De Gaulle, les philosophes du XVIII° siècle, les Lumières et la Révolution,
le pays qui a inventé les Droits de l’Homme et du Citoyen, non le pays des droits de l’Homme car il ne les respecte pas toujours, ni dedans, ni dehors...

Un risque important pour tout pays est de proclamer son identité nationale comme supérieure à toutes les autres et d’entraîner vers le nationalisme et l’affrontement avec les autres nations.
Ce risque est
important pour la France. Parce que l’identité nationale s’appuie, pour les uns sur la nostalgie d’une grandeur passée, pour les autres sur des valeurs à prétention universelle. Qui ont pu être dévoyées pour justifier des aventures extérieures, mélangeant vrai nationalisme et faux universalisme : exporter militairement les Droits de l’Homme ou civiliser les races inférieures.
Dans tous les cas, il ne s’agissait pas de faire le bonheur des peuples, contre leur volonté, mais de s’assurer d’avantages économiques, de débouchés et de sources de matières premières. Comme le disaient à leur époque et Jean Jaurès et Georges Clemenceau.

Ce qui est un danger pour l’identité nationale, plus que l’immigration elle-même, c’est la manière dont elle est traitée, c’est la contradiction lancinante entre les textes sacrés et les paroles, les actes de ceux qui gouvernent ! La manière dont est conduit le débat sur l’immigration, les réfugiés, les sans papiers, la nationalité. Faute d’un avenir solidaire pour tous, proposer à ceux qui souffrent un exutoire illusoire contre ceux qui sont encore plus démunis. Remplacer les clivages sociaux, par des clivages raciaux. La lutte des classes par la lutte des races.

Les populations défavorisées ont toujours été concentrées dans des banlieues, des quartiers stigmatisés : hier, banlieues ouvrières, contestation sociale, politique incarnée par le PCF, de ce fait appelées banlieues rouges ; aujourd’hui qualifiées par l’origine des habitants et non par leur statut social et stigmatisés comme banlieues ou quartiers immigrés.

On aimerait entendre des voix politiques plus fortes pour unir ceux qui souffrent plutôt que les diviser. Quelles que soient leurs origines. S’inspirer du passé pour préparer l’avenir et réunir autour des principes fondamentaux les enfants de ceux qui, hier, ont pu être sur des positions différentes mais qui, aujourd’hui, doivent se retrouver dans la lutte pour l’égalité, la solidarité.

En 1983, à la suite d’une flambée de crimes racistes, des jeunes de la banlieue de Lyon ont lancé la Marche contre le racisme et pour l’égalité, revendication politico-sociale transformée par la presse en Marche des beurs ! Marche ethnique. Communautaire ?
Reçus à l’Élysée par le président Mitterrand, les marcheurs obtiennent la carte unique, valable 10 ans, renouvelable automatiquement, pour les résidents étrangers alors qu’ils étaient conduits par Toumi Djaïdja, français, fils de harki, qui n’avait pas besoin de cette carte. Ils s’étaient réunis, quel que soit le parcours de leurs parents, dans une revendication de dignité, d’égalité plus que de contestation.
Ce titre de résident a été démantelé progressivement dans les années suivantes, par les gouvernements successifs.

L’identité est un projet politique

Comment faire adopter et croire à des principes affichés quand ils sont bafoués, tous les jours, ouvertement ? Les jeunes chanteront peut être La Marseillaise mais que pensent-ils quand ils sont victimes de plaisanteries douteuses, du plafond de verre, des contrôles au faciès. Quand les auteurs de bavures s’en tirent toujours avec un non lieu ? On ne peut pas mettre tous les policiers dans le même sac : tous ne sont pas des baveurs. On ne peut pas mettre tous les députés dans le même sac : tous ne font pas profiter leur famille d’emplois fictifs ! Pourquoi tous les jeunes sont-ils mis si facilement sur le même plan ?

 

Une lecture dépassionnée de l’Histoire est nécessaire pour former le citoyen moderne qui ne peut être étroitement nationaliste mais qui, fort d’une ouverture compréhensive du passé national, sera mieux armé pour comprendre sa place en Europe et au Monde.

 

Malgré les déclarations stigmatisantes, répétées depuis des dizaines d’années, contre l’immigration non seulement par la droite et l’extrême droite mais aussi par de nombreux politiciens de gauche, il faut remarquer la résistance, la tolérance du peuple français. Il faut remarquer les sondages sur les personnalités les plus populaires, les plus aimées des Français, les résultats favorables au droit de vote des résidents étrangers.


L’absence d’agressions irréparables qui auraient pu passer comme des actes de vengeance, d’une partie de la population sur une autre à la suite des attentats (12).
La population résiste à ceux qui voudraient réserver la solidarité nationale aux seuls Français. A ceux qui voudraient l’entraîner dans une bataille des civilisations.
Exclure certains de la solidarité nationale, c’est pousser à la recherche de solidarités subsidiaires, c’est pousser à des regroupements communautaires. Qui ont toujours existé de façon temporaire mais qui disparaissent dés que la solidarité institutionnelle répond aux besoins.
C
e pays est plus riche que jamais mais la politique d’austérité creuse de plus en plus les inégalités et encourage la concurrence entre les plus défavorisés. Il faut faire l’unité contre l’austérité, contre les inégalités.

 

Il faudrait aller plus loin, trouver les mot pour parler à la raison mais aussi au cœur. On voit bien que, malgré le climat anti-immigrés, anti-réfugiés, sans aucun appui d’aucun parti national, de nombreux actes de solidarité s’organisent ici et là pour aider ou accueillir.

 

Un simple coup d’œil sur la presse permet de voir que les élus ne sont pas à la hauteur du peuple ! Ils se préoccupent plus de la montée de l’extrême droite dans les sondages que de la situation qui fait que des citoyens en arrivent à voter pour elle. Ils voient que d’autres enfreignent la loi par solidarité mais ils sont incapables de prendre les mesures, de prononcer les mots qu’il faudrait pour réintégrer tous ceux qui se sentent exclus.

L’identité est un projet politique

1 - Le Musée de l'histoire de l'immigration a été ouvert en 2007, il n’a été inauguré qu’en 2014… enthousiasme.

2 – Quand je suis parti en coopération en Algérie, en 1964, je disais je ne suis pas français, je suis socialiste (pas à la manière SFIO). J’ai rapidement changé d’idée et j’ai alors dit, je suis socialiste français.

3 – https://fr.wiktionary.org/wiki/anti-France

4 - L’Allemagne a édifié un centre de documentation sur le nazisme, inauguré, en présence de la ministre fédérale de la Culture, de vétérans américains et de survivants de l'Holocauste, sur le site de l'ancien QG du parti nazi à Munich, le 30 avril 2015, jour anniversaire de la libération de la capitale bavaroise par les troupes américaines et du suicide de Hitler, dans son bunker berlinois (Le Figaro 30/04/2015). Y-aura-t-il un jour, en France, un centre de documentation sur le colonialisme français ?

5 - http://www.jaures.eu/syntheses/jaures-et-le-colonialisme/

6 – http://www.lecanardrépublicain.net/spip.php?article31

7 - http://dp.mariottini.free.fr/esclavage/france-negriere/france-negriere.htm

8 - Alter éco septembre 2015

9 - http://www.hommenouveau.fr/1141/rome/l-esclavage-un-crime-de-lese-humanite.htm

10 - https://www.herodote.net/Toussaint_Louverture_1743_1803_-synthese-403.php

11 – Le Figaro Vox, 20/09/16

12 - Rachid Benzine Politis 13/10/16

L’identité est un projet politique
Partager cet article
Repost0
22 novembre 2014 6 22 /11 /novembre /2014 12:11

 

L'Europe (la France) et la guerre


La réussite la plus éclatante de la construction européenne, généralement reconnue, c'est d'avoir évité aux différents pays européens les malheurs de la guerre.
Il faut dire que, entre 1870 et 1945, l'Allemagne et la France se sont affrontées à 3 reprises dont deux ont abouti à un conflit mondial et ont entraîné des millions de morts... La dernière a laissé la plupart des pays européens exsangues...



A la suite de ces catastrophes et, notamment, après la Seconde guerre mondiale, l'idée de construire une Europe unie et donc pacifiée s'est développée de façon à enchaîner volontairement les deux « géants » néfastes du passé. Avec l'aide, décisive, des deux vrais puissances géantes du moment, l'URSS menaçante et les États-Unis intéressés.

Aux soixante et dix ans d'affrontement ont succédé soixante et dix ans de paix et de stabilité démocratique pour l'Allemagne, la France et quelques autres. Sans pouvoir affirmer que cela est dû, seulement, à la construction de l'Europe. Mais paix et démocratie n'ont pas intéressé de la même façon toute l'Europe. La construction de « l'Europe » n' a touché au départ que 6 des 10 pays membres du Conseil de l'Europe et aujourd'hui 28 pays sont dans l'Union européenne sur les 47 du Conseil de l'Europe.



Depuis 70 ans, Allemagne et France ont pacifié leurs relations, peut-on dire, pour autant, que les pays européens ont rompu avec la guerre ?

Cette relative réussite de l'Europe de la paix et de la démocratie ne doit pas faire passer sous silence ses vicissitudes internes avec l'oubli des dictatures au Portugal (1926-1974) et en Espagne (1939-1975), la guerre civile en Grèce (1946-1949) puis la dictature des généraux (1967-1974).

Tandis qu'en Europe de l'Est, la « pax sovietica » était marquée par une démocratie très relative et différents épisodes sanglants avant d'aboutir à la chute du mur en 1989 : coup de Prague (1948), insurrection de Berlin (1953), soulèvement de Poznań (1956),insurrection de Budapest (1956), mur de Berlin (1961-1989), printemps de Prague (1968).

Avec l'effondrement de l'Union soviétique, l'Europe, unie et démocratique, s'est agrandie, non sans mal, notamment avec le démembrement douloureux de l'ex-Yougoslavie (guerres de Croatie, Bosnie-Herzegovine, Kosovo). Qui n'a pas déclenché cependant un nouvel affrontement armé entre la France et l'Allemagne...

Sans oublier les guerres de l'Union soviétique avec l'Afghanistan (1980-1989), de la Russie avec laTchétchénie (1994-1996 et 1999-2009) et tous les autres conflits de l'ex-Union soviétique : Abkhazie, Arménie, Azerbaïdjan, Ciscaucasie, Géorgie, Moldavie, guerres de l'Ossétie,Tadjikistan, Ukraine...



En Europe de l'Ouest, si la défaite nazie a déconsidéré, pour un bon moment, toute tentative d'aventure extérieure de l'Allemagne, il n'en est pas de même pour tout le monde.

Plusieurs États européens se sont engagés dans des conflits avec ou sans le soutien de l'ONU ou dans des alliances comme celle de l'Otan : guerre de Corée (1950-53), guerre du Golfe (1991), Afghanistan (2001...), guerre d'Irak (2003-2011), intervention en Libye (2011), guerre contre l’État islamique (2014...).


Une place à part doit être réservée à l'aventure de Suez (1956) menée par la France, le Royaume-Uni et Israël et bloquée par les États-Unis et l'URSS montrant à ces pays les limitesde leur liberté politique.

 


Plusieurs États européens, Belgique, Espagne, France, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, étaient des puissances coloniales. La décolonisation a toujours été le fruit d'un affrontement souvent armé, depuis des incidents plus au moins importants, qu'il est difficile de tous dénombrer, jusqu'à de véritables guerres. Notamment pour le Portugal et la France.


Pour le Portugal, les conflits ont été longs et graves : guerres coloniales en Angola (1961), en Guinée Bissau et Cap Vert (1963) au Mozambique (1964). Elles se termineront, de façon remarquable, par un soulèvement de l'armée contre le régime dictatorial, la Révolution des œillets, en avril 1974, qui conduira pour le Portugal à un régime démocratique, à l'adhésion à l'Europe et pour les colonies portugaises à l'indépendance (1975).


La décolonisation la plus difficile, la plus meurtrière, sera la décolonisation française avec la guerre d'Indochine de 1946-1954 (500 000 morts), l'insurrection de Madagascar en 1947 (des dizaines de milliers de morts), la guerre d'Algérie de 1954-1962 (800 000 à 1 500 000 morts).


Mais les interventions françaises  ne s'achèvent pas avec les indépendances des années 60 en Afrique. Une vingtaine d'accords de défense et de coopération ont été signés entre la France et les anciennes colonies africaines devenues indépendantes : ces accords devraient plutôt porter le nom d'accords de soutien au régime en place et aux intérêts français. D'où une multitude d'interventions des forces françaises en Afrique dans ce cadre. Et d'autres, dans un cadre plus large avec l'approbation des Nations-Unies en collaboration avec d'autres pays.


Au total, il est difficile de trouver, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, les années où les armées européennes et surtout françaises ne bataillaient pas quelque part dans le monde. Et aujourd'hui, d'après Newsweek (cité par Courrier international 13-19/11/14), « des forces françaises sont déployées dans au moins 10 pays africains... A ce jour, les Français ont mené plus de 40 interventions militaires officielles en Afrique pour protéger des dirigeants à leur goût ou en écarter d'autres qui ne l'étaient pas...
Les 4 interventions militaires menées au cours des deux premières années de son mandat
[Hollande] ont été moins opaques : Paris a consulté ses alliés africains, les Nations Unies et l'UE et les a invités à participer aux opérations. »


Environ 10 000 militaires français sont répartis, en 2013, dans une dizaine d'opérations extérieures (OPEX), dont les plus importantes se situent au Mali, en Centrafrique, au Liban, en Afghanistan, en Côte d'Ivoire et dans les Balkans (Wikipedia).

 


Finalement, la construction d'une unité européenne a contribué à une pacification interne mais les pays européens sont partie prenante dans de multiples guerres dites « locales » ou « périphériques », parce qu'elles se passent chez les autres et qu'ellen'ont pas dégénéré en conflit mondial...


Dans ces « pays européens » qui vont guerroyer au loin, la France est en « bonne place », ce qui permet au président de la République de dire : « La France, une nation qui compte dans le monde, sur la scène internationale, une nation qui prend ses responsabilités pour assurer la sécurité, la sécurité de l’Europe mais aussi la sécurité dans le monde, et pour agir partout où nous sommes appelés pour la paix » (Discours lors de la commémoration du 70ème anniversaire du débarquement en Provence au Mont-Faron 15/08/14).


Bien entendu, les derniers conflits dans lesquels la France s'est engagée n'ont rien de comparable pour leurs dégâts immédiats avec les deux guerres mondiales. Ou même avec les guerres d'Indochine ou d'Algérie.
Ici, la France n'a pas les mêmes buts. D'autant qu'elle sait qu'elle n'en a pas les moyens. Ces interventions, ces guerres, sont conduites, d'après le président de la République, au nom de la sécurité, « de la sécurité de l'Europe » qui n'en partage pas les frais humains et financiers et s'en tient à distance. Mais aussi au nom de la « sécurité du monde » dont le président de la République et donc la France, s'autoproclame responsable !
Certes ce n'est pas quand la maison brûle qu'il faut penser à contracter une assurance. Mais cinquante années d'interventions n'ont pas été la bonne méthode pour assurer la stabilité, le développement et les bonnes relations avec les pays africains.



Peut-on espérer aujourd'hui de meilleurs résultats ? C'est peu probable. Combien de temps faudra-t-il pour s'en apercevoir ?

Partager cet article
Repost0
21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 10:31

 

Lors de la campagne électorale pour l'élection présidentielle, notamment lors des rassemblements autour du candidat Jean-Luc Mélenchon, des drapeaux tricolores sont apparus à coté des drapeaux rouges beaucoup plus nombreux et des drapeaux de différentes organisations ainsi d'ailleurs que des drapeaux "étrangers".


 

Les drapeaux étrangers étaient brandis par des immigrés ou des jeunes issus de l'immigration et très mal vus de la droite : on peut y voir le signe que ceux qui les brandissaient voulaient assumer, à la fois, leur origine et participer au combat politique en France. Ce dont tout le monde devrait se réjouir. C'était d'ailleurs le cas, en 2002, en soutien à Jacques Chirac, place de la République, et la droite ne s'en est pas beaucoup inquiétée...


 

En sens inverse, certains militants de gauche ou d'extrême gauche qui n'étaient pas gênés par ces drapeaux étrangers n'ont pas beaucoup aimé la présence de drapeaux tricolores... D'où un petit tour, instructif, sur la toile...


 

Le drapeau tricolore

Cela commence par la bataille des cocardes : en 1789, le blanc est le symbole du roi, drapeau et cocarde ; la cocarde noire est celle de l'aristocratie antirévolutionnaire ; la verte celle du début de la révolution ; finalement, ce sera la cocarde tricolore qui sera acceptée par Louis XVI à son retour à Paris et qui deviendra le symbole de la Révolution.


La Fayette prenant la tête de la nouvelle garde nationale, déclarera : « Voilà une cocarde qui fera le tour du monde ! ». Quand il est décidé de créer un drapeau national, ce sont les trois couleurs qui sont adoptées.


 

L'ordre, la disposition et la nuance des couleurs subiront quelques variations, de même que la dimension de chacune des bandes mais finalement, le bleu-blanc-rouge sera adopté définitivement signifiant bien que le roi, le pouvoir, après la disparition du roi, sont entre les mains du peuple (de Paris).


Drapeau révolutionnaire pour

Fête de la Fédération

Exécution de Louis XVI

Fête de l'Être Suprême



Cette adoption "définitive" connaîtra une éclipse. Le roi revenant en 1814, la cocarde blanche se répand et un arrêté du gouvernement provisoire décide que le blanc sera la couleur de la cocarde, du pavillon pour les navires de guerre et de commerce et du drapeau... jusqu'au retour de Napoléon Ier en 1815. Sous Louis XVIII, c'est le blanc qui redevient légal jusqu'en 1830. Après la Révolution de juillet, le drapeau tricolore est rétabli et Louis-Philippe devient roi des Français.


 

Le Second Empire et les Républiques ont conservé " l'emblème national " tricolore, avec ses bandes verticales et d'égales dimensions. La Marine nationale conserve cependant ses bandes inégales.


 

Le drapeau tricolore a joué un rôle fondamental dans la naissance de la IIIème République. En effet, si son acceptation n'a pas empêché Louis XVI de perdre la tête et Louis-Philippe le trône, c'est le refus des trois couleurs par le comte de Chambord, en 1873, qui lui interdira l'accès au trône de France qui lui était promis par une majorité royaliste. Et qui permettra l'instauration, fragile, de la IIIème République.

 

Cocarde

          

Drapeau                                                                                                                  Pavillon

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

Le drapeau rouge

Le drapeau rouge apparaît dès 1792 mais surtout en 1848 sur les barricades. Le drapeau tricolore étant le drapeau de Louis-Philippe qui venait d'être renversé par les barricades, l'adoption du drapeau de Louis-Philippe comme drapeau de la République pose problème. Le drapeau rouge, symbole du peuple, de ses révoltes, de la révolution sociale... est proposé.

 


C'est lors de cette bataille des drapeaux que Lamartine prononcera son fameux discours pour défendre le drapeau tricolore dans un pays qui " ne connaît qu'un seul peuple composé de l'universalité des citoyens "." Citoyens, vous pouvez faire violence au gouvernement, vous pouvez lui commander de changer le drapeau de la nation et le nom de la France. Si vous êtes assez mal inspirés pour imposer une république de partis et un pavillon de terreur... Quant à moi... Je repousserai jusqu'à la mort ce drapeau de sang et vous devriez le répudier plus que moi : car le drapeau rouge, que vous-mêmes rapportez, n'a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans le sang du peuple en 1791 et 1793, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie." Lamartine 25/02/1848.

Les trois couleurs sont adoptées et il est ajouté que les membres du gouvernement porteraient la rosette rouge qui serait aussi placée à la hampe du drapeau. Cela ne durera pas très longtemps.


 

Mais ce conflit entre république tricolore ," bourgeoise ",et république rouge, " sociale ", entre le parti du pouvoir et le parti des luttes sociales ne disparaîtra pas. Le drapeau rouge réapparaîtra lors de la Commune de Paris. Il deviendra le symbole des luttes sociales, le symbole des partis de gauche, socialiste, communiste.

Même si le drapeau tricolore fait sa réapparition à gauche dans des moments d'unité nationale comme à la Libération ou à certaines périodes avec la volonté de ne pas laisser la nation à la droite ou à l'extrême droite.

 



 

 


 

Le drapeau rouge a une symbolique forte où le sang joue un rôle aussi bien pour ceux qui voient en lui une menace de guerre civile, le drapeau des " buveurs de sang ", que pour ceux qui le défendent comme le drapeau qui rappelle le sang versé dans les luttes sociales ou politiques pour une société plus juste, plus fraternelle...

 


Le drapeau rouge 1877

Refrain

- Le voilà !, Le voilà ! Regardez !
- Il flotte et fièrement il bouge,
- Ses longs plis au combat préparés,
- Osez, osez le défier !
- Notre superbe drapeau rouge !
- Rouge du sang de l’ouvrier ! (bis)


Ecrit à Berne en 1877 pour la commémoration de la Commune par Paul Brousse, ancien communard, alors en exil (« Hymne au Drapeau Rouge »), remanié par Annette Le Roy puis pas Lucien Roland (vers 1910)

http://centenaire.parti-socialiste.fr/article.php3%3Fid_article=312.html

 

Le rouge n'est pas seulement la couleur du drapeau, il est devenu le la couleur symbole de la gauche. Désormais, les " rouges ", c'est la gauche... Et à gauche, tout est rouge : le bonnet phrygien, la cravate, les tentures, les affiches, les banderoles, les brassards, le foulard des jeunes...

 

 

Après la Commune, ce drapeau rouge devient l'emblème des revendications sociales, des luttes pour la justice, des partis de gauche mais aussi de l'internationalisme, des révolutionnaires... Bien au delà, de l'hexagone. Le drapeau rouge devient le symbole de l'internationalisme ouvrier...

 


Il apparaît en Russie dans les luttes en 1876 à Saint Petersbourg et de plus en plus dans les luttes au début du XXème siècle, particulièrement en 1905 et sur le cuirassé Potemkine... Il devient en 1923 le drapeau de l'URSS avec la faucille et le marteau et sera, avec les étoiles, celui de la Chine communiste.

 


Les drapeaux dévoyés ?

Après 1848, le drapeau tricolore va être le symbole de la liberté pour de nombreux peuples, les bandes verticales colorées, vont être adoptées par de nombreux pays.

En France, peu à peu, les drapeaux choisissent leur camp : le drapeau tricolore, drapeau de la nation, drapeau qui symbolise la prise du pouvoir par le peuple, devient de plus en plus le symbole de l'Etat, repris par tous les nationalistes.

 


Ce que c'est qu'un Drapeau,

Chanson patriotique, 1909

Paroles de E. FAVART (1879 ou 1883- 1941. Musique de DIODET-LAMAREILLE

Refrain


" Flotte petit Drapeau
Flotte, flotte bien haut
Image de la France
Symbole d'espérance
Tu réunis dans ta simplicité
La famille et le sol, la Liberté."


http://seynoise.free.fr/chansons/chants_patriotiques.html#1



En un certain sens, le drapeau tricolore va " échapper " à la nation pour devenir le drapeau des nationalistes, de colonialistes, de l'Etat dans toutes ses (més)aventures :

 

 

Pavillon particulier du maréchal Pétain, chef de l'Etat français (Vichy)



http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:VichyFlag.svg

 

 

Drapeau de la France libre, devenu ensuite le pavillon particulier du président Charles de Gaulle.

Pavillon de Valéry Giscard d'Estaing, président de la République

Pavillon de François Mitterrand, président de la République

 

 

http://svowebmaster.free.fr/drapeaux_France_presidents.htm


Parallèlement, le drapeau rouge, adopté par les Etats soviétique et chinois, va être longtemps le symbole de la révolution mondiale en marche. Mais ce drapeau a aussi couvert de nombreuses actions bien peu émancipatrices pour les peuples...



Drapeau de l'URSS

Drapeau de la R.P. de Chine

Le drapeau de l'URSS. Le rouge symbolise le sang des défenseurs de la révolution populaire , la faucille et le marteau l'union des ouvriers et des paysans, l'étoile l'Armée rouge.

Le drapeau de la RP de Chine. Le rouge représente la révolution, les cinq étoiles et leur relation l'unité du peuple chinois sous la direction du PCC.



Malgré cette " nationalisation " du drapeau rouge par l'URSS et la RP de Chine, malgré l'évolution de ces pays (l'URSS a disparu et seule la Chine conserve le drapeau rouge), le drapeau rouge demeure le symbole international des luttes sociales et des partis qui luttent pour la justice sociale.



Dans les manifestations de gauche, en France, c'est la couleur rouge qui domine largement. Certains veulent " reprendre " le drapeau tricolore et lier les revendications d'aujourd'hui à celles, inabouties, de la Révolution. Tandis que d'autres y voient essentiellement le symbole du nationalisme, des aventures coloniales...

 

Au delà de leur origine nationale et de leur dérive propre, le drapeau tricolore garde une connotation nationale, de rassemblement national ou de lutte pour le pouvoir national. Ce qui permet son utilisation par tous les camps.
Le  drapeau rouge est lié aux luttes sociales, c'est le drapeau des classes exploitées et de la lutte des classes au niveau national ou international.







NB : Le drapeau actuel de la Russie a été conçu par Pierre le grand en 1699, sur le modèle néerlandais, avec 3 bandes horizontales blanc-bleu-ouge, où le blanc représente le tsar, le bleu le ciel et le rouge le peuple. Choisi comme drapeau national en 1883, il est redevenu le drapeau de la Russie après la chute de l'Union soviétique.

Partager cet article
Repost0
10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 10:19
 

Les frontières existent et existeront encore longtemps si, jamais, elles sont appelées à disparaître un jour. Pour le moment, elles sont plutôt en expansion, avec la création de nouveaux États et ce n'est pas fini : 51 États membres de l'ONU en 1945, aujourd'hui 193. Cela veut dire que la réflexion doit porter sur la signification de la frontière

 

.

Tout objet a une limite, plus exactement des limites. Qui dépendent des moyens d’appréhension de cet objet. Une statuette en bois a une limite dans l'espace, apparente au regard, confirmée par le toucher. Mais le bois dont elle est faite a une odeur qui dépasse ces premières limites perçues. Et la statuette que j'ai vue, que je ne vois plus, est dans mon esprit. Où est sa limite ?
La statuette n'a de sens que parce qu'elle est limitée. Ce sont ses limites qui la font statuette aux yeux de l'observateur. Ses limites et leur perception créent son identité.

 


Au delà de de l'objet, inanimé, la limite est pour les êtres vivants une condition de survie comme la membrane de la cellule, paroi qui donne l'individualité mais aussi assure la protection et l'échange avec le monde extérieur. Si cette barrière disparaît ou devient étanche, la cellule meurt.


Pour l'animal, c'est la barrière qui institue l'individu, pas seulement pour l'observateur externe, et assure sa survie. Pour l'être humain, on pense, bien sûr, à la peau mais ce n'est pas la seule barrière-lieu d'échange. Bien d'autres barrières existent qui facilitent certains échanges et empêchent les autres : barrière digestive, barrière respiratoire... même l’œil ou l'oreille, qui ne sont pas perçus comme cela, sont pourtant des barrières hautement sélectives. Chacune, toujours indispensable à la vie, enrichit et protège de l'extérieur.
La barrière assure la constance et l'équilibre du milieu intérieur, protège du danger extérieur, elle n'est pas étanche à tout, elle filtre et assure le renouvellement, l'enrichissement. Qu'elle devienne étanche ou qu'elle disparaisse, l'organisme meurt. La barrière-filtre est la condition indispensable à la survie et à l'intégration de l'être vivant à son environnement.

 


Les sociétés humaines sont aussi des êtres vivants qui, pour survivre, ont besoin d'une limite, avec les mêmes fonctions, la protection et l'échange.

Les limites, ici les frontières, sont une création historique souvent arbitraire, à partir d'un projet politique peut-être discutable mais qui, avec le temps, crée une entité. Leur tracé, leurs fonctions peuvent changer suivant les circonstances historiques, suivant le devenir du projet politique : élargissement, renouvellement, abandon...


Ces frontières sont quelquefois qualités de barrières, frontières « naturelles », elles le sont rarement. Elles sont proclamées telles le plus souvent en fonction du projet politique.


Les Pyrénées, le Rhin, par exemple, sont proclamées frontières « naturelles ». Mais par et pour qui ? Les Pyrénées sont-elles une barrière ou constituent-elles un ensemble géographique et humain ? Basques et Catalans sont de part et d'autre de cette frontière « naturelle ».
Le Rhin est-il une barrière ou une voie de communication ?
La Méditerranée, la nouvelle barrière, était hier « Mare nostrum » et le bassin d'une civilisation dont les frontières étaient plus loin à l'intérieur des terres.
Les frontières « naturelles » sont-elles, doivent-elles être fonction de la géographie, de la langue, de l'ethnie ?


Il existe aussi des limites géographiques internes aux Etats qui ne sont pas des frontières mais qui ont les mêmes fonctions, à un degré moindre, le plus souvent : régions, provinces, départements, communes... et leurs subdivisions. Chacune de ces « entités » a ses limites et à l'intérieur de ces limites son organisation. Et ses relations avec les autres.

 


Dans un même État, dans une même région, dans une même commune, des groupes sociaux peuvent se constituer : groupes sociaux de droit (associations, syndicats, communautés) ou de fait (classes, jeunes, bandes...) formés autour d'un projet. Ces groupes se constituent en fonction de différents critères dont certains peuvent être des limites géographiques ou non (groupe local, régional, national, international...).
Les limites ici ne sont pas des frontières mais répondent toujours aux deux fonctions fondamentales : la protection par un certain filtrage, un certain isolement, un certain repli ; l'échange, le contact pour permettre la survie, le développement. Communautés ouvertes, communautés fermées...

 


Mettre des limites, c'est organiser le monde. La barrière est une notion idéologique, un projet politique. C'est le projet politique qui instaure la frontière, qui permet la mise en place, de façon démocratique ou non, de règles qui vont gérer les relations à l'intérieur du groupe. Ainsi que les relations qui seront établies avec le monde extérieur par accommodation réciproque. Souvent en fonction du rapport de force à l'intérieur (entre les groupes) et à l'extérieur.

Et les dangers de la barrière sont les mêmes quel que soit le groupe : la dissolution, l'enferment, isolement, confrontation.


Au niveau des États, la frontière est la barrière-filtre évidente où l'autorisation d'entrée (ou de sortie) n'est pas générale : on parle de libre circulation des capitaux, des marchandises ou des hommes. Toutes « libertés » très fragmentaires. Et inégales suivant les intérêts, le projet politique du pouvoir. Et sa puissance.


La frontière ne fonctionne pas avec le seul État mitoyen. Les échanges sont organisés, plus ou moins limités, avec des pays qui peuvent être aux antipodes. La frontière n'est plus alors la simple ligne qui sépare deux États. Elle n'est plus qu'une ligne virtuelle dont l'efficacité peut-être très limitée. Certes, on peut bloquer, « à la frontière », les marchandises, plus difficilement les hommes, quant aux capitaux... et aux idées....


Il n'a jamais été facile de bloquer les « mauvaises » idées aux frontières. Aujourd'hui, c'est encore plus difficile. La diffusion des biens culturels par dessus les frontières est un enjeu aussi important que celle des biens matériels qu'elle peut d'ailleurs faciliter, précéder. L'effort de certains États pour favoriser la diffusion de leur langue, de leur culture et la volonté des autres d'échapper à cette influence montrent bien que les uns et les autres en ont compris l'enjeu.


Aujourd'hui, la radio, la télévision, internet semblent se jouer des frontières (malgré les barrières linguistiques... obstacles et moyens d'échange... ) et surtout des États qui veulent les contrôler. Mais au delà des États, ce sont les sociétés elles-mêmes, qui déterminent ce quelles acceptent ou refusent, sans avoir toujours un projet conscient et cohérent. Ce sont les sociétés qui sécrètent les anticorps qui vont neutraliser et rejeter ce qu'elles estiment inadmissible, au sens premier, et qui vont adopter, adapter ou digérer ce qui vient de l'extérieur.

 


 

Si les portes doivent être ouvertes ou fermées, les frontières sont toujours ouvertes et fermées. C'est ce jeu d'ouverture-fermeture différenciée qui permet non seulement la vie mais la croissance et la création, quelquefois douloureuse, conflictuelle, dans des sociétés qui se perpétuent en se renouvelant.

 

Refusé par Barricade le 10/01/12 Pubié le 11/01/12 par Agoravox

 

 

Partager cet article
Repost0
10 juin 2011 5 10 /06 /juin /2011 07:13

  (publié dans à Agoravox le 09/06/11)

 

L'affaire DSK a fait oublier un moment le cours de l'histoire... qui continue malgré tout. Et offre un boulevard inquiétant à Marine Le Pen.

 

Les sondages plaçant Marine Le Pen en deuxième ou troisième position pour la prochaine présidentielle, étaient alarmistes, ils sont aujourd'hui un peu oubliés.

 

En 2002, Jean-Marie Le Pen éliminait Lionel Jospin. Averti par ce précédent du risque qu'il courrait, Nicolas Sarkozy a adopté son programme et siphonné ses voix. Le Pen a ainsi été éliminé en 2007.

Dans les sondages en vue de 2012, Marine Le Pen « ne fait que » retrouver le niveau de son père en 2002. Ce qui ne traduit pas une progression mais montre que la continuité familiale et politique est assurée. Et Sarkozy menacé par une extrême droite qu'il croyait avoir neutralisée.

 

L'étape suivante pour Marine Le Pen est de faire progresser le FN. Les circonstances s'y prêtent : affaires sexo-financières (Bettencourt, Woerth, DSK, Tron...), promesses non tenues (« travailler plus pour gagner plus », « le président du pouvoir d'achat »...), tergiversations du PS pour savoir s'il faut défendre les pauvres ou les classes moyennes..., sentiment d'abandon des couches populaires…

 

Face à cela, Marine Le Pen apparaît comme une forte personnalité, avec une légitimité familiale, à la tête d'un parti qui n'a jamais été au pouvoir, dont les analyses sur l'immigration, la sécurité, le sentiment national(iste), sont légitimées par la droite et reprises quelquefois au delà. Mais, à chaque fois, avec un temps de retard qui fait apparaître le FN comme le parti qui dévoile la vérité.

 

Par ailleurs, si Marine est l'héritière de Jean-Marie, le discours a changé. Et il ne suffira pas pour la discréditer de répéter, bêtement, que le FN est toujours le FN, avec Marine comme avec Jean-Marie. Déjà, face à Jean-Marie Le Pen, la riposte a été inappropriée. L'indignation devant ses propos n'a pas porté ses fruits. Elle a plutôt contribué à expliciter et populariser ce que Jean-Marie Le Pen ne faisait que suggérer.

 

Aujourd'hui, il faut entendre ce qu'il y a de nouveau dans son discours. Ne pas le nier. Ne pas se contenter de dire que cela ne change rien à la nature profonde du FN. Même si c'est possible. Mais on est passé d'un discours de nostalgique de Pétain, de l'Algérie française à une parole nouvelle qui parle de l'avenir qui préoccupe tout le monde. Et qui s'adresse aux Français d'aujourd'hui. La difficulté pour Marine Le Pen est, en voulant séduire de nouvelles couches sociales, en voulant être présentable, de ne pas perdre une partie de l'héritage paternel qui avait réussi à conserver ensemble des extrêmes droites très diverses.

 

Nicolas Sarkozy ne s'est pas trompé sur cette nouvelle orientation. Il recommande à sa « droite populaire» de laisser Guéant s'occuper de l'immigration, ce qu'il fait quotidiennement au prix de certaines approximations mais à la satisfaction de sa clientèle. Il demande à cette droite de le renforcer sur son point faible. Les couches défavorisées qu'il avait su séduire et qu'il a perdues, au moins partiellement.

"Lâchez un peu les questions d'immigration et d'insécurité. Claude Guéant s'en charge très bien. Recentrez-vous sur le social"... (ce) qui est loin d'avoir heurté les premiers intéressés, qui rappellent à l'envi qu'ils sont de droite, "mais aussi populaires" (lepoint.fr 0I/06/11).

 

En effet, Marine Le Pen oriente son discours vers les Français défavorisés. Quand le père défendait l'ultralibéralisme et la baisse des impôts, la retraite par capitalisation, la fille veut un État fort, défend la fonction publique (salaires, emplois, fonctions), la retraite à 60 ans... (cf. L'économie politique n°50). C'est à Marine Le Pen qu'il va falloir répondre, pas à son père.

 

Comme dans toute l'Europe, droite et extrême droite vont faire de la surenchère sur les thèmes classiques du rejet de l'immigration et du repliement national. La laïcité qui était hier une valeur de gauche pour l'émancipation de tous contre l'emprise catholique, est reprise par la droite et l'extrême droite pour en faire une arme de stigmatisation des musulmans. Les revendications sociales qui faisaient l'unité de tous les travailleurs contre ceux qui les exploitaient, deviennent un facteur de division des travailleurs et un moyen de séduction des travailleurs français contre les travailleurs immigrés, couche la plus défavorisée de la population.

 

Face à ce discours qui conduit à opposer les peuples les uns aux autres et, à l'intérieur, les travailleurs entre eux, la gauche saura-t-elle avancer des propositions fortes, cohérentes, crédibles, rassembleuses, pour redevenir ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être ? Et ainsi, nous éviter le pire ?

 

A défaut, s'ouvrira, pour Marine Le Pen, une large avenue qui risque de déboucher sur un sombre avenir.

 



Partager cet article
Repost0
15 octobre 2010 5 15 /10 /octobre /2010 23:20

VOIR NOTE 1a AJOUT DU 22/05/13.

 

Peut-on parler de races humaines ? (1) (1a)

 

D’abord, définir les mots : « Deux animaux appartiennent à la même espèce s’ils peuvent se croiser entre eux et qu’il en résulte une progéniture elle-même féconde ». On peut raisonnablement affirmer que l’humanité est donc constituée d’une seule espèce encore que tous les « croisements » n’ont pas dû être « expérimentés »… Dans le règne animal, dans le règne végétal, il existe des subdivisions qui sont admises par tous. Rien de tel pour l’espèce humaine. Se pose la question des races.


Les scientifiques reconnaissent une seule origine à l’homme, située dans l’Est africain et une seule espèce. Majoritairement, ils ne reconnaissent pas l’existence de races : « les différences entre individus sont telles qu’elles ne permettent absolument pas un classement par « race » (3). Ils utilisent le mot « population », les catégories « raciales » étant considérées comme une construction sociale sans base scientifique réelle. Aux États-Unis cependant, certains n’hésitent pas à employer le mot « race » (4).

 

Pour moi, les choses étaient simples, simplistes peut-être. L’homme est un animal. S’il y a des races chez les chiens, chez les animaux, il y a des races chez l’homme. Ou alors, l’homme a été fait à l’image de Dieu et il n’y a plus rien à dire. J’ai toujours pensé qu’il y avait des races et que l’existence de races n’entrainait pas obligatoirement une hiérarchie entre elles. C’est ce que semble dire Jean Pouillon (5) : « L’erreur est de croire que pour nier le privilège, il faut considérer comme négligeable la différence à laquelle on l’attache indument et affirmer une essence humaine toujours égale à elle-même ».

Cette discussion a déjà eu lieu concernant hommes-femmes. Pour combattre l’inégalité, certain(e)s ont nié la différence…

 

Bertrand Jordan pense que la race « évidente », en fonction de signes physiques, est une construction culturelle qui prétend avoir un fondement biologique et justifie la domination d’une partie de la population sur une autre. C’est inacceptable, surtout, semble-t-il, parce que cela a servi à justifier les pires atrocités. Ce n’est cependant pas un argument scientifique même si c’est sous tendu par une déterminante expérience historique : la Shoah.

 

Mais s’il n’y a pas de race « évidente », existe-t-il des races « non évidentes » ? En lisant Jordan, on retrouve, disons, des populations différentes qu’il refuse de qualifier de races.

 

Un peu d’histoire

D’après Jordan, le mot « race », à propos des humains, apparaît pour la première fois chez un médecin montpelliérain François Bernier (1620-1688). La publication d’un article paru sans nom d’auteur, dans le « Journal des sçavants » du 24 avril 1684, constitue la première tentative théorique de diviser l’humanité en « races », notamment en fonction de la couleur de peau que Buffon attribuait seulement aux conditions climatiques. Chaque race a ses qualités et, bien sûr, les Européens ont les meilleures (6).

 

Le pamphlétaire Gaston Mery (1866-1909), collaborateur de La Libre parole, le journal d’Édouard Drumont, est le premier à avoir utilisé le mot « racisme » dans un roman, Jean Revolte 1892 (7).

 

Carl Linnæus, Carl von Linné, (1707-1778) est le père de la classification scientifique moderne de tous les êtres vivants. Cette classification fut critiquée par les philosophes, notamment parce que Linné était fixiste. Pour lui, les espèces vivantes ont été créées par Dieu. Il applique le concept de "race" à l'homme et divise Homo sapiens en cinq catégories : Africanus, Americanus, Asiaticus, Europeanus et Monstrosus. Accroc au fixisme, les fils de Noé étaient donc différents ?

Ces catégories basées au départ sur des critères géographiques, le sont par la suite sur la couleur de peau. Chaque "race" possède certains caractères constants. En 1758, il introduit une hiérarchisation avec l’homme blanc en haut de l’échelle et l’homme noir en bas (8).

 

Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882) publie, un siècle plus tard, en 1853-1855, « Essai sur l’inégalité des races humaines » (9) où il étudie l’origine de l’humanité et des races puis démontre leur inégalité en force, en beauté et surtout en intelligence : « J'ai déjà constaté que, de tous les groupes humains, ceux qui appartiennent aux nations européennes et à leur descendance sont les plus beaux », les plus beaux parmi les plus beaux, les plus intelligents parmi les plus intelligents… étant les germaniques. Le développement moderne en est le témoignage.

Pour Gobineau, tous les hommes sont mortels et en ont conscience. Mais il note, 50 ans avant Paul Valéry, que toutes les civilisations le sont aussi : «  C'est nous modernes, nous les premiers, qui savons que toute agglomération d'hommes et le mode de culture intellectuelle qui en résulte doivent périr. Les époques précédentes ne le croyaient pas ».

Se pose la question du pourquoi. Si les civilisations en ont pris conscience difficilement, elles en attribuent la cause à un accident, surtout à la condamnation par Dieu. Pour Gobineau, certes Dieu est à l’origine mais « La condition mortelle des civilisations et des sociétés résulte d'une cause générale et commune » : c’est la perte des vertus originelles de cette civilisation, de ce peuple, de cette race par le métissage.
L’homme dégénéré « mourra définitivement, et sa civilisation avec lui, le jour où l'élément ethnique primordial se trouvera tellement subdivisé et noyé dans des apports de races étrangères, que la virtualité de cet élément n'exercera plus désormais d'action suffisante ».

 

En 1874, dans sa classification, Ernst Haeckel (1834-1919) met le Noir au sein des anthropoïdes avec le chimpanzé, l’orang-outang et le gorille.

 

La publication de « L’origine des espèces », en 1859, par Charles Darwin, la théorie de la sélection naturelle inspirent le darwinisme social et une demande d'intervention de l'État pour améliorer l'espèce humaine. En 1869, Francis Galton (1822-1911), cousin de Darwin, dans une étude consacrée au génie des grands hommes britanniques, « Hereditary Genius », conclut à son caractère héréditaire (10).

Il en déduit la nécessité de l’eugénisme car la qualité génétique des sociétés occidentales est menacée par l’importante fécondité des classes inférieures, il faut donc améliorer le patrimoine héréditaire des nations, en décourageant la reproduction des pauvres. En 1883, il publie « Inquiries into human faculty and its development »  et propose l’eugénisme qu’il considère comme la « science de l’amélioration des lignées » qu’il entend appliquer aux êtres humains. Des sociaux démocrates suédois reprendront ces idées et mettront en place en 1922 la stérilisation des handicapés et des marginaux. Ils ont été suivis par des pays, à forte réputation démocratique, Norvège, Danemark, Finlande et États-Unis qui ont eu recours à la stérilisation de personnes dont le patrimoine génétique était considéré comme inférieur. Et en 1933 par Hitler. C’est surtout ce nom que l’on a retenu (11).

 

La persécution des juifs n’est pas une histoire récente mais c’est en 1879, qu’apparaît le mot « antisémite » et que Wilhelm Marr (1819-1904) fonde la ligue antisémite (12).

 

L’idée de races humaines différentes et hiérarchisées n’a pas eu comme seule conséquence, la « solution finale » des nazis. Ailleurs, l’inégalité des races a servi à justifier l’esclavage et, même après son abolition, la colonisation et la mission civilisatrice des nations européennes….
Pour Jean-Luc Bonniol (13), l’histoire des États-Unis a conduit à la construction d’une société racialement structurée qui a transformé un fait historique (les esclaves étaient noirs) en une idéologie (les Noirs sont des esclaves). Ceci a joué pendant la période esclavagiste et après. En 1920, la « one drop rule » fait de toute personne ayant une goutte de « sang noir » une personne noire. Au-delà du clivage noir-blanc qui est enregistré dès les premiers recensements, apparaissent, en 1970, les catégories : Amérindien, Japonais, Chinois, Philippin, Hawaïen, Coréen ou autres.

 

En France, le Club de l’Horloge reprend la notion de race, réalité biologique avec inégalité et hiérarchie naturelles. La race est « une population naturelle dotée de caractères héréditaires, donc de gènes, communs » (1).

 

Claude Lévi-Strauss (1908-2009) conteste la hiérarchie et l’ethnocentrisme ; « La civilisation occidentale… s’est révélée comme le foyer d’une révolution industrielle dont, par son ampleur, son universalité et l’importance de ses conséquences, la révolution néolithique seule avait offert un tel équivalent.
La révolution néolithique doit inspirer quelque modestie quant à la prééminence d’une race, d’une région ou d’un pays. La révolution industrielle est née en Europe occidentale, puis États-Unis et Japon, demain sans doute elle surgira ailleurs ; d’un demi-siècle à l’autre, elle brille d’un feu plus ou moins vif dans tel ou tel de ses centres. Que deviennent à l’échelle des millénaires, les questions de priorité dont nous tirons tant vanité ?

A mille ou deux mille ans près, la révolution néolithique s’est déclenchée simultanément dans le bassin égéen, l’Égypte, le Proche-Orient, la vallée de l’Indus et la Chine. La simultanéité d’apparition des mêmes bouleversements technologiques, suivis de prés par des bouleversements sociaux, sur des territoires aussi vastes et dans des régions aussi écartées montre bien qu’elle n’a pas dépendu du génie d’une race ou d’une culture mais de conditions si générales qu’elles se situent en dehors de la conscience des hommes » (5).

 

La science contre les races

 

La tentative, quasi permanente, de construire et de hiérarchiser des races humaines, est combattue par la majorité des scientifiques au nom de la génétique moderne.

Au-delà de la notion de races, certains sont conduits à mettre en cause l’idée même de classification et de hiérarchie non seulement à l’intérieur de l’espèce humaine mais entre espèces vivantes. Les « antispécistes » contestent cette « essentialisation » des espèces.
« Nous sommes des humains ; les chimpanzés sont des chimpanzés. Nous ne sommes pas de la même espèce, nous ne nous reproduisons pas avec eux. Nos parents que nous respectons étaient eux aussi des humains, et les leurs de même. De proche en proche, nos ancêtres sont tous des humains, jusqu'à ce qu'on remonte, par exemple, quelque 300 000 générations en arrière, il y a environ six millions d'années. À ce moment, on trouve quelqu'un qui a la particularité d'être non seulement notre vénérabilissime ancêtre, mais aussi celui des chimpanzés. Les chimpanzés eux aussi peuvent le réclamer comme leur » (14).

 

Pour certains, fort optimistes ; la démonstration scientifique que les « races » n’existent pas devrait mettre un point final au racisme. Les « races » ne sont qu’une construction culturelle mais rien ne prouve que cette démonstration suffira à décourager les racistes dans leur besoin de construire un racisme, fut-il seulement culturel. La diversité des cultures humaines dont certains font l’éloge pour combattre le racisme, a été reprise par d’autres qui essentialisent et hiérarchisent ces différences culturelles.

 

La science apporte des arguments importants qui satisfont généralement les antiracistes. Ainsi, il y aurait une différence plus grande dans leur matériel génétique entre deux voisins de palier qu’entre un Blanc et un Noir pris au hasard. Et de toute façon, au point de vue de l’ADN : « nous sommes tous identiques à 99,9%, (aujourd’hui estimée à 99,5 ou 99,6%) donc les races n’existent pas, donc le racisme n’a pas lieu d’être » (1). Par ailleurs, Jordan fait remarquer que 0,1% de différence cela fait tout de même un écart de 3 millions de bases !

Partant de cette faible différence quantitative dans le matériel génétique, on peut affirmer aussi, comme le font certain(e)s, que les sexes n’existent pas !

La question est de savoir où se situe la barrière, à partir de quel seuil, la différence génétique devient significative ! Avec le même raisonnement, sachant que l’espèce humaine a, par exemple, 98% de gènes en commun avec le chimpanzé, peut-on dire que, vue cette faible différence, homme et chimpanzé ne sont pas essentiellement différents ? On retrouve là, d’une certaine façon, la logique des « antispécistes ». Et, de proche en proche, on arrivera à affirmer qu’il n’y a pas de différence spécifique entre l’homme et la jonquille qui ont 35% de leur ADN commun (15).

Sans aller jusque là, chimpanzé et bonobo sont si proches de l’homme que certains proposent de les rattacher au genre Homo et non au genre Pan (singes).

 

Ce qui permet d’affirmer l’existence d’espèces différentes, ce n’est pas le pourcentage de matériel génétique commun ou différent mais le choix de fonder la spécificité des espèces sur l’interfécondité.

Si le fondement de l’existence d’espèces différentes a des difficultés en s’appuyant sur la composition de l’héritage génétique, cette difficulté est encore plus grande pour affirmer ou nier l’existence de races humaines différentes.

Pour la majorité des biologistes, il n’y a pas de races humaines, car la diversité génétique au sein d’un groupe humain est généralement plus grande que la divergence moyenne entre populations différentes. Mais n’y a-t-il pas là un biais méthodologique à vouloir comparer la différence entre individus à la différence entre populations ?

Cette faible différence entre populations humaines est due, notamment, à l’apparition récente (200 000 ans) de l’espèce humaine. Alors que le dernier ancêtre commun aux hommes et aux singes date de 6 à 7 millions d’années.

 

Où je retrouve mes chiens. D’après Bertrand Jordan, il existe 350 races de chiens. Pourtant le chien n’a été domestiqué par l’homme que depuis 15 000 ans. Mais si les différences, à l’intérieur de l’espèce canine, sont du même ordre qu’à l’intérieur de l’espèce humaine (1 pour 1000), elles sont surtout, chez le chien, entre les races qui sont très homogènes. Deux ou 3 marqueurs suffisent pour déterminer l’appartenance raciale d’un chien avec une fiabilité de 99%.

Cela tient au fait que le chien devient adulte en 2 années, ce qui donne donc 50 générations en un siècle. Contre 3 ou 4 pour l’homme. Ceci tient aussi à la sélection menée par l’homme.
Pour Bertrand Jordan, chez l’homme, la diversité est plus importante au niveau de la « carrosserie » qu’au niveau du « moteur ». Il ne dit jamais que c’est la même chose chez l’animal, ni que le type de carrosserie semble liée au type de moteur. Il reconnaît cependant que rien n’autorise à dire que les gènes varient d’un groupe d’homme à un autre seulement pour des différences superficielles.

Pour lui, les processus de différenciation auraient pu faire apparaître des races humaines et, beaucoup plus tard, des espèces différentes. Mais le temps écoulé est trop court.

 

S’il nie l’existence de « races évidentes », Bertrand Jordan n’en reconnait pas moins l’existence de phénomènes troublants, notamment chez les sportifs où des facteurs génétiques pourraient expliquer la prédominance des athlètes originaires de l’Afrique de l’Est dans les courses d’endurance, du 1000 m au marathon, et des Africains de l’Ouest dans les distances de 100 à 400 mètres. Il pense qu’un jour ou l’autre des facteurs génétiques explicatifs de ces performances seront mis en évidence.

 

Et d’ajouter que le rôle de la culture, de l’éducation chez l’homme est très important ou prépondérant, sans qu’on puisse démêler le plus souvent ce qui revient à la culture et ce qui revient à l’ADN. D’autre part, les écarts entre la moyenne des populations sont environ dix fois plus faibles qu’entre les personnes à l’intérieur de chacune d’entre elles… Mais même si on arrive à trouver que quelques centaines de gènes prépondérants au sein d’une population la distinguent des autres, une telle différence s’appliquerait au groupe et non à chaque individu.

Pour simplifier, cela veut dire que les hommes sont, en moyenne, plus grands que les femmes mais que cette vérité statistique n’est pas valable pour chaque individu. Si on fait la répartition des hommes par taille (taille sur l’axe des abscisses, pourcentage des hommes ayant cette taille en ordonnées), on obtient une courbe « en cloche ». En faisant de même avec les femmes ont obtient aussi une courbe en cloche mais différente. Ces courbes sont dites unimodales (une seule bosse). Si on fait la même opération avec une population mixte, on n’obtiendra pas une courbe en cloche mais une courbe bimodale (avec deux bosses). Montrant que cette population n’est pas homogène du point de vue de la taille. Elle est composée en fait de deux populations différentes.

Mais, connaissant la taille d’une personne, on ne peut dire si c’est un homme ou une femme. Il n’empêche que les hommes sont, en moyenne, plus grands que les femmes.

Ce type de comparaisons est rarement présenté par les antiracistes qui comparent les différences génétiques entre un Blanc et un Noir à celles existant entre deux voisins de palier. Il ne s’agit pas de comparer deux individus mais deux groupes d’individus.

 

Actuellement, la génétique peut aller plus loin. Pour quelques dizaines de dollars, il est possible, essentiellement aux États-Unis mais aussi au Royaume-Uni, d’obtenir une étude individuelle qui précise l’origine et permet de savoir si on a des ancêtres principalement Européens, Africains, Asiatiques. Bertrand Jordan reconnaît qu’on peut ainsi répartir les personnes en 5 ou 6 grandes catégories bien que la diversité au sein de chacun de ces groupes soit nettement plus élevée que celle qui les sépare. Tout ceci, pour Bertrand Jordan, met en évidence que les ascendances sont mixtes et que « ces races » ne sont pas des entités étanches et séparées. Aux États-Unis, il n’y a pas de races évidentes, il n’y a pas de race pure. Nous sommes tous des « métis » (de quoi ?).

 

Ces études faites surtout aux États-Unis, population métissée par excellence, donneraient-elles des résultats identiques ailleurs ? Deux études ont été signalées par Courrier international : une sur les Basques (16), une autre sur les Lemba (17).
Dans le premier article, il apparaît que « Les Basques ne sont pas ce qu’ils croient être… le génome des Basques ne diffère pas de celui des autres populations espagnoles. Les recherches sur 144 marqueurs génétiques présents chez des Français, des Espagnols, des Nord-Africains, des Basques espagnols et des Basques français n’ont pas montré de différences notables. Les Basques espagnols ressemblent plus aux Espagnols des autres régions qu’aux Basques français ».

 

L’article sur les Lemba pose des questions plus complexes. Les lemba descendent, dans leur mythologie, d'une tribu juive réfugiée au Yémen vers 2500 avant J.-C., puis chassée vers l'Afrique il y a un millier d'années (18). Au nombre d'environ 70 000, on les trouve en Afrique du sud, au Zimbabwe, Malawi, Mozambique. Majoritairement chrétiens, parlant des dialectes bantous, ils ont des pratiques religieuses similaires à certaines pratiques du judaïsme. Les Lemba présentent une proportion importante d'hommes dont certaines caractéristiques génétiques suggèrent en effet une liaison avec les populations juives traditionnelles. Un sous-clan, le Clan Buba, est considéré par les Lemba comme leur caste de prêtres. Parmi les Buba, 52% des hommes possèdent des caractères génétiques dans les mêmes proportions trouvées chez les Juifs « Cohen » (prêtres). Les Lemba ont également un important pourcentage de gènes souvent trouvés chez les Sémites non-Arabes (19). Rien n’est dit dans l’article sur une comparaison éventuelle du génome des Lemba avec celui d’autres bantous.

 

Tout le monde semble d’accord pour dire qu’il n’y a pas de « race » juive, que le judaïsme est une religion, une culture, et voila qu’on rattache les Lemba au monde juif par des lambeaux de culture et par une parenté génétique qui viendrait authentifier la tradition orale ! Ici, le « groupe d’ascendance » rattacherait des Africains noirs aux populations du Proche-Orient !

Depuis 1992, de nombreuses « études génétiques sur les juifs » ont été publiées. Il suffit de taper « genetic studies on jews » dans Google pour trouver de multiples références en langue anglaise. De façon étonnante, Bertrand Jordan, dans son livre publié en 2008, n’en parle nullement. Et il est difficile pour un profane, ni angliciste, ni généticien, de trancher dans la discussion.

 

Pour conclure :

 

La discussion sur l’existence de races humaines est biaisée par l’usage qui en a été fait du mot « race »dans l’histoire et surtout dans l’histoire récente.

Alors disons que les races n’existent pas, il n’y a que des populations, « des groupes géographiques » (20)…, que nous sommes tous des métis (bien sûr pas de races mais de populations). Comme si de telles affirmations pouvaient régler la question du racisme si ce n’est chez les gens convaincus. Ce n’est pas en niant, l’évidence des « races non évidentes », qu’on fera disparaître le racisme et qu’on arrivera à convaincre les racistes. Et on renforce la méfiance de la masse des gens.

 

Tout d’abord, comme le dit Albert Jacquard (21) : « Classer signifie tenir compte des différences, et non hiérarchiser », « Or la hiérarchie, en toute logique, ne peut concerner qu’une caractéristique à la fois : elle nécessite l’unidimensionnalité ».

 

Par ailleurs, l’homme ne peut se réduire à ses gènes et c’est, peut-être ce qui fait la grande différence avec l’animal comme le dit Axel Kahn (21): « Autour du désir sexuel, alors que mon chien et mon étalon se contentent de ce simple désir et de ce à quoi il conduit, les hommes ont bâti 80% de l'art, de la poésie, de la peinture… Il s'agit d'une réappropriation, de l'humanisation d'un instinct hérité de nos lointains ancêtres animaux ».

 

 L’homme est un animal social, culturel : « Le caractère unique de chaque personne se construit comme une synthèse singulière de son héritage génétique, des conditions de son développement et de son expérience personnelle dans l'environnement culturel et social qui lui est propre » (22).

Et Axel Kahn de préciser : « Si je n'étais pas doté de gènes humains, je n'aurais pas une cognition humaine. Mais si je n'avais pas été élevé dans une culture humaine, je n'aurais pas la capacité d'utiliser le cerveau qui pourtant eut été génétiquement le même » (21). Autrement dit le potentiel génétique de l’être humain est tel que c’est l’environnement dans lequel il naît, grandit qui lui permet de développer, de façon plus ou moins importantes, certaines de ses potentialités génétiques. Il n’y a pas d’être humain sans socialisation.

Ce n’est pas l’existence ou non de races qui fait problème. C’est l’énorme gâchis que constitue la non valorisation du potentiel génétique de chacun. C’est le « Mozart assassiné » dans chaque enfant qui ne peut s’épanouir.

Très sagement, Axel Kahn affirme : « Fonder l'antiracisme sur l'inexistence des races biologiquement distinctes revient à reconnaître que si jamais elles existaient, le racisme serait légitime.

La question du racisme n'est pas un problème scientifique. L'égale dignité de tous les êtres humains, quelle que soit leur diversité, leur ethnie, est une conviction profonde de nature philosophique…. Il n'existe pas de définition scientifique de la dignité » (AK 21)

 

Le racisme n’a pas besoin de races. A-t-il besoin de hiérarchie ? La discrimination par la couleur de la peau lui suffit, ou par la religion, ou par tout autre chose. N’est-il que la version « racisée » de l’exclusion de l’autre. L’esclavage des vaincus a longtemps existé en dehors de la notion de race. Être autre, quel que soit le critère choisi, être vaincu étaient des raisons suffisantes. La victoire témoigne de la supériorité. Permet de théoriser la supériorité. Et tant mieux si elle peut être rattachée à un caractère, de préférence évident, la religion, la couleur de la peau, des coutumes « bizarres »… Ce caractère sera dévalorisé même si c’est un signe de supériorité. Nos « corsaires » sont bons les vôtres sont des « pirates »…

 

La persécution des juifs est bien antérieure à la notion de race, la religion, le mythe religieux servant de justificatif. Les juifs dominent le monde ou sont des vermines. De toute façon, accusés de crimes. Ils sont autres. Ils justifient l’antisémitisme qu’ils soient considérés comme supérieurs ou inférieurs !

 

« L’égale dignité de tous les êtres humains… n’est pas de l’ordre de la biologie mais représente un choix politique fondamental indispensable à la survie de nos sociétés » (1). La meilleure façon de lutter contre le racisme, c’est de permettre à chacun de s’épanouir pleinement. Ce qui éviterait de chercher dans le mépris des autres une raison d’être.

Ce qui peut rendre optimiste, c’est justement que la science montre que rien n’est joué à la naissance du seul fait des caractéristiques génétiques car il n’y a pas d’être humain sans humanisation. Et cela est du ressort de la société. Du politique.

 

* * * * * *

 

1 – Pour cette note, le livre de Bertrand Jordan « L’HUMANITE AU PURIEL La génétique des races » Science ouverte Seuil Février 2008 que j’ai présenté au « Cercle des chamailleurs » (2) a été très largement utilisé.

1a - Ajout le 22/05/13.

La Déclaration de l'Unesco portait les marques de la toute récente théorie synthétique de l'évolution, dont les principes ramenaient la "race" à un résultat éphémère de la circulation des gènes entre les populations, seules entités réellement observables. La conjonction du contexte politique et d'un remaniement théorique de la biologie conduisit, à partir des années 1950, à l'abandon progressif de la notion de race, surtout en sciences sociales. Les humanités multiples des théories raciologiques se muèrent en l'Homme universel de l'Unesco.

Pourtant, la génétique n'a pas tenu les promesses dont on l'avait initialement investie, en espérant que la recherche allait sans tarder démontrer l'inexistence des races humaines, invalidant du même coup toute possibilité de rabattre les différences de culture sur les différences de nature, selon le subterfuge séculaire qui avait maintes fois servi à justifier inégalités, discriminations et oppressions. N'étaient pas moindres les attentes suscitées ensuite par l'exploration du génome humain: elle devait porter le coup de grâce au concept de race et aux préjugés que ce concept implique. En juin 2000, lors des célébrations qui marquèrent la publication de la première esquisse de la carte du génome humain, on répéta que "la notion de race n'a aucun fondement génétique ni scientifique" (Marantz Henig, 2004).

Aujourd'hui, les résultats de la recherche sur le génome humain semblent moins univoques. Il est certes réconfortant de savoir qu'aucun doute ne subsiste sur l'unité génétique de l'espèce humaine, dont la variété moyenne s'avère clairement moindre que dans la plupart des espèces animales. Pourtant, après une première période consacrée à la description des similitudes génétiques, les travaux actuels s'orientent de plus en plus vers l'exploration de la diversité de notre espèce.

Plusieurs études publiées ces dernières années tendent à démontrer que des données génétiques permettent bel et bien de faire la distinction entre les individus originaires d'Europe, d'Afrique et d'Extrême-Orient, c'est-à-dire entre les populations traditionnellement réparties par la pensée ordinaire entre les trois grandes "races": blanche, noire et jaune (par exemple: Bamshad et al., 2003 ; Rosenberg et al., 2002; Shriver et al., 2004 ; Watkins et al., 2003 ; voir un résumé de ces travaux dans Jordan, 2008). Qui plus est, la classification établie sur la base des seules données génétiques paraît correspondre relativement bien à la représentation que les personnes testées se font de leur origine géographique et de leur appartenance "ethno-raciale".

Il faut toutefois souligner que ces distinctions génétiques n'ont qu'une valeur statistique: ainsi, par exemple, il se peut que le génotype d'un individu "afro-américain" ne possède pas plus de 20% de gènes provenant d'Afrique: cela veut dire que les classifications "raciales", bien qu'elles reflètent une certaine réalité biologique, ne rendent pas convenablement compte de toute la diversité génétique de l'espèce humaine (Bamshad & Olson, 2003).

Ces travaux dérangent et inquiètent. Ils dérangent car on s'attendait à ce que la génétique rende définitivement illégitime toute classification biologique des humains. C'est le contraire qui semble advenir sous nos yeux. Au lieu de prouver que l'ordre sensible du phénotype, privilégié par la pensée ordinaire, s'écarte de l'ordre intelligible du génotype étudié par la science, les travaux récents suggèrent que certaines classifications "raciales" -pour autant qu'elles soient fondées non sur la seule morphologie, mais plutôt sur l'origine géographique- peuvent refléter approximativement une partie de la diversité humaine établie par la génétique moderne.

Ces travaux inquiètent aussi, car nul n'ignore que l'étude des différences entre les hommes peut fournir des arguments à ceux qui veulent diviser l'humanité, porter les distinctions à l'absolu, les juger scandaleuses et insupportables. Les généticiens ne manquent pas de souligner que les groupements formés à partir de leurs modèles diffèrent des anciennes catégories raciales, puisque les écarts entre les classes génétiques sont statistiques, relatifs, mouvants, soumis aux vicissitudes d'une histoire faite non seulement de séparations, mais aussi de migrations et de croisements. Il n'en demeure pas moins que le risque existe que les résultats de ces travaux nourrissent à nouveau le fantasme de divergences insurmontables inscrites dans le corps des humains.

L'homme de la rue persistait à s'étonner que les races, dont certains généticiens proclamaient qu'elles n'existent pas, soient si aisément reconnaissables dans la rue, à cause de leurs caractères visibles, phénotypiques, dont la couleur de la peau est la plus frappante. À présent, la pensée ordinaire peut se nourrir non seulement de ses superficielles observations empiriques, mais aussi des avancées récentes de la génétique. La situation varie d'un pays à l'autre, et c'est bien aux États-Unis que le processus est le plus engagé, dont on discerne cependant les prémices partout en Europe: après avoir été pendant longtemps subie comme un stigmate, l'appartenance "raciale" est aujourd'hui revendiquée comme principe d'identité individuelle et collective. Ceux que l'on classait auparavant dans la catégorie "minorités ethniques" sont désormais de plus en plus nombreux à s'affirmer fièrement comme Afro-Américains, Asio-Américains, Amérindiens, etc.
[...]
Après l'expérience du nazisme, dont l'intérêt exacerbé pour les différences biologiques déboucha sur l'abomination de la Shoah (Schaft, 2002), on était enclin à considérer que toute théorie de la différence biologique devait nécessairement conduire au racisme. On en est moins sûr de nos jours, en observant que les minorités auparavant opprimées cherchent à adosser leur combat contre les inégalités à une théorie de la différence biologique. Hier, désireux d'expier le péché de racisme, l'homme blanc fit appel à la science pour rendre insignifiantes les différences biologiques entre les humains ; aujourd'hui, réclamant le droit à l'égalité, l'homme de couleur emploie la science pour donner aux différences biologiques une signification nouvelle.

Cette résurgence de l'intérêt de la recherche pour la diversité de l'espèce humaine, en dépit du danger bien réel d'un détournement idéologique de ses résultats, encore très provisoires, peut devenir un antidote contre les spéculations naïves sur la race, qui ne manqueront pas de foisonner dans la culture populaire tant que les chercheurs seront incapables d'expliquer pourquoi les hommes, appartenant tous à la même espèce biologique, n'ont pas pour autant tous la même apparence.

2 - http://cercledeschamailleurs.over-blog.com/articles-blog.html

3 – « Tous pareils, tous différents » Albert Jacquard, Paris Nathan 1991

4 - http://en.wikipedia.org/wiki/Race_%28classification_of_human_beings%29

5 - « Race et histoire » de Lévi-Strauss  suivi de « L’œuvre de Levy-Strauss » par Jean Pouillon Folioessais Denoël

6 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Bernier_%28philosophe%29

7 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_M%C3%A9ry

8 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_von_Linn%C3%A9

9 - http://classiques.uqac.ca/classiques/gobineau/essai_inegalite_races/essai_inegalite_races.html

10 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A9nisme#Les_origines_de_l.E2.80.99eug.C3.A9nisme_galtonien

11 - http://biggg.wordpress.com/2007/04/16/de-l%E2%80%99eugenisme-de-galton-a-l%E2%80%99extermination-massive-d%E2%80%99hitler/

12 - http://www.herodote.net/histoire/synthese.php?ID=24

13 - Le retour de la race Contre les « statistiques ethniques »  Carsed Ed. de L’Aube 2009

14 - http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article81

15 - http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosbiodiv/index.php?pid=decouv_chapA&zoom_id=zoom_a1_5

16 - Courrier international 04-10/03/10

17 - Courrier international 11-17/03/10

18 - http://www.booksmag.fr/opinions/b/les-lembas-les-juifs-noirs-d-afrique-du-sud.html

19 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Lemba_%28ethnie%29

20 – http://fr.wikipedia.org/wiki/Race_humaine

21 – L’avenir n’est pas écrit. Albert jacquard et Axel Kahn  Bayard Pocket 11719 -2001

22 - L'homme de vérité. Jean-Pierre Changeux Odile Jacob 2002

Partager cet article
Repost0
25 juillet 2010 7 25 /07 /juillet /2010 10:52

Quelques jours à Londres, en pleine chaleur, est un séjour rafraîchissant par rapport à la même période à Paris. L'air y est plus doux. Et les prévisions quotidiennes de pluie pour le lendemain ne se sont jamais concrétisées. Les parcs londoniens ne sont plus verts mais jaunes, sous l'effet de la sécheresse et de la fréquentation populaire.

 

Au delà de cet aspect climatique, ce qui frappe, c'est la vitalité des Londoniens. De sa jeunesse, toujours aussi folle. Et Camden mérite toujours le détour que nous avons prolongé par une promenade jusqu'à la "petite Venise".

 

Effet de la crise ?, les de grues sont nettement moins nombreuses que lors de nos visites antérieures. Mais l'animation est toujours aussi importante dans les parcs, les rues même si la circulation automobile y est limitée, et dans les grands magasins (Harrods !!) ou les bords de la Tamise qui n'ont pas été "pompidolisés " à l'automobile.

 

A noter que le tourisme rapporte plus au Royaume que l'automobile, d'après le "London evening standard", journal de qualité de l'après-midi, devenu gratuit, bien différent de "Metro", gratuit du matin, dont la préoccupation centrale est "people".

La lecture du "standard", que je comprends, et quelques incursions à la télévision, que je ne comprends pas, m'ont permis de suivre l'actualité, essentiellement britannique : le tour de France ne bénéficiait que d'un bref article quotidien qui permettait de savoir qui avait gagné l'étape et qui était "maillot jaune" avec un sujet sur les coureurs britanniques connus ayant participé au Tour.

 

Du coté du gouvernement, il était question de la "big society" que lançait Cameron : volonté affichée de donner plus de pouvoir à la population, soupçon de désengagement de l'Etat, d'autant que le financement pourrait en être l'argent qui repose dans les comptes dormants des banques. Mais aussi de désengagement dans l'enseignement, dans la culture, l'entrée des musées est gratuite sauf dans les exposition temporaires (Nous avons passé plus de 3 heures dans le très intéressant Museum of London).

Le métro de Londres est le plus ancien au monde, il est toujours très vieux, les dysfonctionnements éventuels de la ligne sont affichés à la station... Malgré les années Thatcher, son personnel est nombreux (et d'ailleurs très serviable)... et un article signalait que les policiers bénéficiaient de 17 semaines de congés et que certains ne travaillant que la moitié de l'année...

Le voyage aux Etats-Unis du Premier ministre était salué comme un succès personnel sur fonds de querelle entre les Etats-Unis et le Royaume à propos de l'accident BP dans le golfe du Mexique mais aussi du rôle de BP dans la libération prématurée du responsable libyen de l'attentat "Lockerbie", libération nettement condamnée par Cameron.

 

Coté opposition, règlements de comptes entre personnalités de l'ancien gouvernement travailliste, par mémoires et entretiens avec les journaux, avec en toile de fond la désignation du futur chef de l'opposition sur un discours plus "gauche" pour reconquérir la base populaire...

Une enquête en cours, portant sur 19 000 jeunes nés en 2000-2001, montre les dégâts de la pauvreté sur les enfants (retard du langage, troubles du comportement, maladies, obésité) alors que les inégalités étaient en 2007 plus importantes que sous Margaret Thatcher !

 

La rue est toujours aussi vivante et variée, de la mini jupe au voile intégral, peu fréquent mais qui se retrouve partout, des grands magasins aux parcs ou sur les bords de la Tamise. Le seul endroit où nous n'en avons pas vu est, probablement, Camden.

Le voile intégral est, ici aussi, discuté. Si le Premier ministre a déclaré qu'il n'était pas question de légiférer sur la tenue vestimentaire de qui que ce soit, la population, d'après un sondage est nettement favorable à son interdiction dans l'espace public. Une émission de télévision avait organisé débat où Tarek Ramadan, le seul dont je comprenais l'anglais, avait fort à faire devant les journalistes femmes, celle qui dirigeait l'émission et une autre qui parlait de New York, et un dépuré. Le débat était illustré par un bref sujet où une femme voilée défendait sa tenue et refusait de serrer la main du journaliste qui l'interrogeait.

Ce débat se retrouvait dans le courrier des lecteurs où les lettres étaient nettement pour l'interdiction du voile avec, notamment, un Français vivant au Royaume-Uni et fier de la loi française...

 

La "garden party" de la Reine nous a permis de voir, autour de Buckingham, "ces dames à chapeaux" d'un autre temps... L'Evening Statdard signalait que l'ambassade de France n'avait pas supprimé la réception du 14 juillet, comme à Paris, mais qu'elle avait été sponsorisée...

 

Mais il ne faut pas limiter Londres à ces cotés anecdotiques. Londres est toujours une capitale économique et financière mondiale. Une seule donnée montre cette importance, la "City" sur 1 "mile square" compte 10 000 habitants la nuit et.... 300 000 le jour... qui jouent un rôle important dans l'économie britannique.

Partager cet article
Repost0
10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 13:43
Pour la première fois, Anne est allée sur le blog. Son seul commentaire : "C'est un peu nombriliste. J'ai trouvé ce que tu dis souvent". Elle a tout à fait raison. D'autant que personne ne lit mon blog. Que je le signale mais ne pousse pas à le lire. Alors pourquoi faire un blog ? Sa remarque va m'entraîner, m'enfoncer dans le nombrilisme.

C'est paradoxal, j'ai été une fois dernier en classe, c'était en cinquième et c'était en français. Mais depuis toujours, j'ai voulu écrire. Je prends plaisir à écrire. Mais n'ayant ni mémoire, ni imagination, étant incapable de donner de la chair à un récit, il est au dessus de mes capacités de raconter une histoire. J'ai donc finalement écrit trois livres. Ce qui m'a donné beaucoup de travail et autant de plaisir. Mais trois livres sur le même sujet. Trois livres d'argumentation. Pas des tranches de vie, même imaginaire.

J'adore discuter parce que dans la "dispute", il faut mettre de la rigueur dans l'argumentaire. Et écrire, c'est discuter avec soi-même. S'obliger à contrôler sa propre cohérence.

Avec l'âge et malgré le manque de mémoire, reprendre des anecdotes, c'est voir si elles sont en cohérences. Probablement aussi, les mettre en cohérence. Ecrire ses mémoires au jour le jour, c'est noter pour l'avenir, peut-être peser dans l'instant une décision, un événement... Raconter des souvenirs, c'est reprendre des événements, certainement anecdotiques mais qui n'ont pas encore complètement disparu. C'est probablement vouloir leur trouver un sens. Les placer en perspective. Je pense qu'ils avaient déjà ce sens au moment où je les ai vécus.

Mais tout cela reste au niveau du nombril. De façon étonnante, dans tous mes articles, dans mes trois livres, dans tous les textes que j'ai pu écrire, j'ai toujours fait l'effort, j'ai relu pour cela, de ne jamais dire "je" , "nous", "on". J'ai toujours essayé d'avoir un discours impersonnel. Je voulais quelque chose de sec, objectif, démonstratif. Sur le blog, je mets des textes dans le même esprit mais aussi des souvenirs personnalisés. Cette libération du "je" est-elle le phénomène "blog" ou due à l'âge ?

Cette libération de "mon" écriture est-elle quelque chose de personnel ? L'informatique  a-t-elle favorisé l'écriture ? Y a-t-il plus aujourd'hui qu'hier de personnes qui écrivent leurs mémoires ou leurs états d'âme ou qui racontent des histoires qui ne seront jamais lues ? Je n'en sais rien. Mais l'informatique permet la correction dans la durée, aujourd'hui, demain ou dans un mois. Les corrections successives. Un texte n'est jamais définitif. Pour le modifier, il n'est pas nécessaire de raturer, de déchirer une feuille. On efface. On ne réécrit pas. On écrit à nouveau..

Le blogs ont-ils favorisé la publication de ces écrits. Probablement. Sans beaucoup de lecteurs bien sûr. Comme pour ce blog. Le blog permet l'impudeur. Non l'exhibitionnisme. Il permet de passer outre à la pudeur, il permet de publier des textes qui n'ont aucune valeur littéraire, éventuellement dans l'anonymat. . Des textes qui ont peu de valeur pour autrui. Et c'est peut-être là le sommet du nombrilisme. Etre publié pour personne. Avec l'espoir caché d'intéresser quelqu'un !


Partager cet article
Repost0
17 janvier 2009 6 17 /01 /janvier /2009 13:44
Je ne sais pas quand le mot judéo-chrétien est arrivé en politique. Je pensais que c'était la redécouverte de la shoah qui avait fait accoler les deux mots et se solidariser les deux mondes. La droite utilise le mot "judéo" qu'elle n'a jamais beaucoup aimé pour faire face à "l'invasion islamique" tout en croyant payer sa dette à des siècles d'antisémitisme chrétien ou non.

Mais judéo-chrétien aurait été employé en 68 (d'après FG) par les jeunes, chrétiens de la JEC et juifs des différentes écoles contestataires pour dénoncer le monde moralisant et patriarcal dans lequel ils vivaient... ils se révoltaient contre l'étouffoir judéo-chrétien.

De toute façon, aujourd'hui, c'est ce monde judéo-chrétien qu'il faut défendre. Et certains pour se démarquer de cette attaque de l'islam, défendent notre monde judéo-chrétien-islamique ! Car notre société serait judéo-chrétienne-islamique. Où sont donc passés nos ancêtres les Gaulois, de la Troisième république, et, plus sérieusement, les mondes grec, romain et le Lumières ? L'Orient (c'était l'Egypte), la Grèce et Rome de nos livres d'histoire sont devenus le judaïsme et le christianisme contre ou avec l'islam. C'est dire que dans tous les cas, la laïcité en a pris un coup.

Un drôle de coup. Car au milieu de tout cela, la laïcité a changé, partiellement, de camp. Hier c'était simple, la gauche était laïque y compris la gauche catholique. La droite était contre la laïcité, y compris une partie ce la droite incroyante, et plus sûrement pour l'école privée dite libre.

Aujourd'hui, tout a changé. Notamment, depuis "l'affaire du voile". Soulevée d'ailleurs par un enseignant de droite. La droite est devenue laîque et, aussi, féministe ou au moins revendique le respect de l'égalité hommes-femmes. Non par conviction mais pour faire face, au nom des valeurs fondamentales de la France, à l'arrivée de l'islam.

Et bien sûr, surtout pas dans la pratique. Passons sur la contraception, l'avortement où les voyages ont précédé, de loin, la législation. Mais l'égalité hommes-femmes au niveau des élus, où en est-elle ? La loi sur la parité a été votée à l'unanimité. Elle est contournée, à l'unanimité par les politiques. Combien de femmes à l'Assemblée nationale, au Sénat ? Combien de femmes Présidentes d'un Conseil général, régional ? Combien de femmes maires ?

Quant à une partie de la gauche, pleine de repentance pour pour sa trahison pendant la guerre d'Algérie, pleine de commisération pour ces pauvres petits immigrés qu'elle comprend tellement bien, elle défend le voile à l'école au nom de la liberté des jeunes filles, y compris de celles qui sont voilées avant le primaire !!!

Et les féministes, par essence de gauche, libératrices, elles se divisent : entre celles qui considèrent le voile comme discriminatoire envers les femme et celles qui l'acceptent par volonté de respecter le choix de ces jeunes femmes. Mais ne disent rien des toutes jeunes enfants voilées. Ou des voiles qui dépassent largement le foulard et recouvrent tout le visage.  Et il est facile de trouver des jeunes femmes portant le foulard et de leur donner la parole pour bien montrer que c'est leur choix. Mais comment donner la parole à celles qui sont obligées de le porter ? Qui leur donnera la parole ? Qui donnera la parole aux enfants de 5 ou 6 ans qui portent le voile "volontairement" ?

Et la gauche dans tout cela est perdue. Divisée entre "laïques purs et durs" et "laïques ouverts ?"

La droite s'est emparée de la "liberté" pour en faire la liberté d'entreprendre, la liberté de circulation des marchandises, des capitaux mais non des personnes.
Elle s'est emparée de l'égalité pour faire de l'égalité hommes femmes non en vue de leur émancipation mais comme machine contre les musulmans et donc contre une partie des couches populaires.
De la même façon, elle s'est emparée de la laïcité et sa force d'émancipation est devenue arme d'exclusion.

Il y a un long travail de reconstruction à faire !
Partager cet article
Repost0
7 novembre 2008 5 07 /11 /novembre /2008 17:33
Cette querelle est pour moi difficile. Je ne suis démocrate que parce que les républicains ne sont pas républicains. Mais quand les démocrates poussent trop  dans la valorisation des particularismes, nationaux ou religieux, je suis heurté dans mes sentiments républicains.

Le principe de base est l'égalité de tous en droits. En droits. En sachant bien que l'égalité n'existe ni dans la nature, ni dans la société mais que la seule façon de lutter contre  ces inégalités dangereuses, c'est la proclamation de l'égalité de droits.  Cette recherche permanente de l'égalité des droits doit être une préoccupation fondamentale, constante, sans oublier le respect de la liberté. Et c'est là toute la difficulté. La liberté, sans l'égalité c'est le despotisme, l'exploitation ; l'égalité sans la liberté, c'est le goulag.

La recherche de l'égalité, ne veut pas dire la similitude. C'est l'égalité des droits. Il n'est pas question de nier les différences que je préfère nommer la diversité parce qu'on est différent de... d'une norme, d'un référent, d'un étalon or. La diversité, au contraire, ne suppose pas de norme. C'est l'égalité du multiple. La personnalité de chacun doit être reconnue. Il faut lui permettre de s'épanouir dans le respect du bien commun.

Aujourd'hui la diversité est reprise un peu partout. Pour parler de diversité ethnique. Pour éviter les contraintes et les sanctions que suppose la lutte contre les discriminations. Et les remplacer par des chartes de la diversité. Pour valoriser aussi cette diversité ethnique quelquefois de façon ambiguë. Au risque d'enfermer. Mais aussi en oubliant les autres formes de diversité, non ethniques. Et faire disparaître la diversité sociale, notamment de classe. Et de sexe. La lutte des races remplace la lutte des classes. On approche du choc des civilisations.

La où le républicanisme, au nom de l'universel, oubliait les différences culturelles ou raciales au profit d'un universalisme mal compris qui conduisait à une norme, homme-blanc-quinquagénaire-énarque, on tend à substituer la diversité raciale qui conduit à nier l'existence d'une autre diversité tout aussi importante mais moins immédiatement visible et passée de mode, la diversité sociale. Un enfant d'ouvrier aujourd'hui n'a pas plus de chance qu'hier de pénétrer dans les couches sociales dominantes. Il n'y a pas plus d'ouvriers à l'Assemblée nationale ou au Sénat que de Noirs ou de "basanés" mais cela ne saute pas aux yeux.

L'absence visible est celle des couleurs de peau et celle des femmes. Le reste., il n'en est plus question. La République devait résoudre le problème, pour d'autres il fallait attendre l'avènement du socialisme. Il faut se souvenir de l'époque où les colonisés, et les femmes, devaient attendre que la Révolution soit faite pour que ll'égalité des femme et des hommes, des "de couleur" et des blancs, des colonisés et des autres se réalise enfin. La République est avancée en âge... et la Révolution s'est éloignée. Combien de temps faudra-ti attendre pour que ce réalise la grande utopie de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme de 1789.

Mais le grand danger de la racialisation des rapports sociaux est l'affrontement. Certaines femmes, un moment, ont été tentées par un "développemnt séparé", par une séparation radicale des sexes. Et si, un moment, cette séparation a pu être utile ou peut l'être encore dans certaines circonstances, ce ne peut être que dans le but d'une unité de qualité supérieure, dans l'égalité. Il en et de même des regroupemnts par nationalité ou par origine nationale, par particulariés ethniques ou religieuses. Ce "communautarisme doux" peut être utile mais devient dangereux en cas d'enfermement. Sans fairte de lien, d'alliance avec une partie de la majorité, pour se reforcer et pour l'affaiblir.

C'est la faute politique, en dehors de toute considération sur la violence, faite par les Black Panthers, doublée de l'erreur de proclamer la lutte armée quand on est très minoritaire dans un pays aussi brutal que les Etats-Unis. Ils l'ont payée très cher.

Barak Obama est le contre-pied exemplaire. Il sera intéressant, en dehors des comparaisons simplistes  qui circulent en France, de voir les conclusions qu'en tireront ceux qu'attirent les "indigènes de la République" qui sont tnentés par le rejet global et des valeurs et des pratiques de la République.



Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Paul ORIOL
  • : Réflexions sur l'actualité politique et souvenirs anecdotiques.
  • Contact

Texte Libre

Recherche