Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 avril 2022 1 04 /04 /avril /2022 16:25
Abattre les statues, revoir le récit national...

Abattre les statues, revoir le récit national...

Depuis quelque temps, des contestataires s’en prennent aux statues de personnalités qui ne mériteraient pas un hommage public… Classiquement, ce sont des régimes nouvellement installées qui veulent faire table rase du passé. L’événement récent le plus célèbre est la destruction des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan par les Talibans en 2001.

En France, en 1792, la Révolution ne veut pas laisser plus longtemps sous les yeux du peuple français les monuments élevés à l’orgueil, au préjugé et à la tyrannie... et en 1793 engage la destruction de tous les emblèmes de la royauté… monument et inscription ou emblème en bronze pour les transformer en bouches à feu…

Le gouvernement de Vichy de 1941 à 1944 récupère, pour l’industrie de l’armement allemande, les métaux des statues de certains figures républicaines peu appréciées de la Révolution nationale. En préservant les figures des saints, rois, reines et les monuments aux morts… Environ 1 700 statues furent détruites sur ordre de Vichy, plus de cent pour la capitale.

Les nouveaux iconoclastes s’attaquent à des statues de personnages officiellement honorés mais dont le comportement historique ne coïncide pas toujours avec les valeurs proclamées de la République.

Ce rappel historique bouscule parfois le récit que nous avons biberonné à l’école qui faisait de la France, de nous, les champions des droits de l’homme et de l’émancipation des peuples. Même si la guerre d’Algérie a ouvert un peu les yeux de ceux d’entre nous qui l’ont vécue. Mais que beaucoup veulent toujours ignorer.

Cette relecture du passé qui pointe à l’occasion du soixantième anniversaire de la paix avec l’Algérie, ne concerne pas que la guerre d’Algérie et devrait permettre la réintégration dans l’histoire d’une partie significative des Français qui se sentent un peu à l’écart.

C’est possible si on admet qu’il n’y a pas de peuple élu, que le peuple n’a pas une pensée unique, qu’il est traversé d’intérêts divers, qu’il y a des moments différents, des histoires diverses, des aptitudes à comprendre qui changent, des oublis intéressés, des résistances qui n’ont pas été entendues… Que l’histoire doit faire le tri, établir la part des choses.

Souvenir d’un bref échange avec un membre du Conseil de rédaction de Migration Société :
- C’est quoi pour toi 1848 ?

- La proclamation du suffrage universel.
- Pour moi, c’est la suppression de l’esclavage.

Il était d’origine sénégalaise et bien sûr de culture française et sénégalaise...

Tout est là. Nous savions l’un et l’autre. Nous avions un récit historique commun mais perçu différemment : l’instauration du suffrage universel et la seconde abolition de l’esclavage ont eu lieu, toutes deux, en 1848. Et ce n’est pas un hasard. Comme ce n’est pas un hasard si la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen et la première abolition de l’esclavage en France ont eu lieu au moment de la Révolution...

Dans mon esprit, abolition de l’esclavage par Victor Schœlcher. Et les jeunes d’aujourd’hui déboulonnent la statue de Schœlcher pour dire que la suppression de l’esclavage n’est pas due à un humaniste blanc de 44 ans mais aux révoltes des personnes réduites en esclavage. Ce que mon récit historique incomplet ignorait, avait oublié ou mis au second plan.

Déboulonner Schœlcher me choque. Oublier ou minorer les révoltes est tout aussi choquant. L’abolition est le fruit des révoltes de ceux qui en étaient victimes et de la lutte des antiesclavagistes. Peut-être aussi de divergences politico-économiques à d’autres niveaux.
L’esclavage a touché des millions de personnes pendant des dizaine d’années, leur souffrance ne peut être discrètement oubliée par l’histoire officielle et, encore moins, par leurs descendants. Qui en demandent la reconnaissance pour faire pleinement nation. Sans oublier les bénéfices que d’autres en ont tiré et sur lesquels repose une partie, non dite, de la prospérité française.

Le travail fait à Nantes est de ce point de vue une exception en France : le rappel du lien entre la prospérité de Nantes et son rôle éminent dans le commerce triangulaire dont témoigne encore l’île Feydeau, quartier aménagé au XVIIIème siècle pour les hôtels des armateurs...

Mais si Nantes se souvient de l’origine d’une partie de sa richesse, qui se souvient du financement du Palais de l’Élysée occupé par Louis-Napoléon Bonaparte, premier président de la République élu au suffrage universel en 1848, et devenu officiellement la résidence des présidents de la République française par la loi du 22 janvier 1879…

 Pourtant ce palais a été construit avec l’argent que l’homme le plus riche de France au début du XVIIIème, Antoine Crozat, dont sa Compagnie de Guinée avait « pour mission d’acheminer du port de Nantes, le plus grand nombre possible d’esclaves noirs vers Saint-Domingue et de remplacer sur l’île, le tabac par le sucre ». Ce qui lui permet de marier sa fille de 12 ans à Louis-Henri de la Tour d’Auvergne, le comte d’Évreux. Qui utilisera la dot pour faire construire le Palais. Ce palais passe de main en main, devient la propriété de la Marquise de Pompadour, des graffitis ont orné ses murs (maison de la putain du roi) et de biens d’autres ce qui fait dire au Général de Gaulle que l'Élysée devient « palais de la main gauche, palais à femmes » avant sa républicaine promotion.

Le combat pour l’abolition de l’esclavage commence avec la rébellion des esclaves de Saint Domingue en 1791 suivi par le gouvernement révolutionnaire qui y proclame l'abolition en août 1793. Avant d’être étendue par la Convention aux autres colonies par le décret du 4 février 1794. L’abolition de l’esclavage fait partie du grand vent de la Révolution de 1789 pour libérer l’homme de toutes les contrainte… Mais, il est rétabli en 1802 par Napoléon et ce n’est pas le seul pas en arrière...

Il faut attendre 1848 pour que l’abolition soit rétablie et le suffrage universel instauré. Avec indemnisation des colons pour la perte de leurs biens comme au Royaume-Uni en 1838. Les esclaves sont un bien ! Tandis que le gouvernement refuse d’indemniser les esclaves libérés pour les années de privation de leurs droits humains. Ce que certains reprochent à Schœlcher.

En Martinique et en Guadeloupe, la tension sociale est telle que les gouverneurs des deux îles proclament l'abolition avant l’arrivée des commissaires avec les décrets...
L’abolition de l’esclavage est bien le fait de la lutte des uns et des autres. Et cela n’enlève rien au mérite de Victor Schœlcher.

Ce n’est là qu’une vue moderne et franco-centrique de l’abolition de l’esclavage. De multiples étapes de l’abolition avec de nombreuses rechutes dans le temps et dans l’espace. Depuis le VIIème siècle avec la reine Bathilde, captive des corsaires, revendue, devenue reine de France qui interdit l'esclavage, jusqu’au Niger en 1999 avec une poussée importante en Europe au XVIIIème siècle… Amériques, États-Unis, Brésil 1888, traite orientale, traite arabe, traite intra-africaine...

Avec la statue de Colbert au Palais Bourbon, les choses sont différentes. Elle rend hommage à Jean-Baptiste Colbert, grand commis de l’État du monarque absolu, Louis XIV, inspirateur d’une politique économique à laquelle son nom est attaché, le colbertisme. Mais Colbert est aussi responsable de la mise en forme du « Code noir » fondé sur les pratiques des tribunaux et des notables coloniaux… Peut-être innovateur en politique économique, simple copiste des mœurs coloniales de son époque qu’il entérine.

Sa présence dans les palais de la République n’est pas totalement indispensable et mériterait, pour le moins, une mise au point.

Un pas important a été franchi avec la loi Taubira reconnaissant l’esclavage comme un crime contre l’Humanité et dans les actions qui ont conduit à faire du 10 mai, la Journée Nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage et du 23 mai, la Journée Nationale en hommage aux victimes de l’esclavage. Un nouveau pas pourrait être la création d'un mémorial national de l’esclavage au jardin des Tuileries à Paris portant l’inscription des 200 000 noms d’esclaves affranchis comme le demandent depuis plus de vingt ans des citoyens français, descendants d’esclaves, dont la marche fondatrice du 23 mai 1998 avait réuni plus de 40 000 personnes à Paris...

Les nouveaux iconoclastes ne veulent pas toujours effacer mais rétablir la vérité, la complexité de l’histoire en s’attaquant à des noms de rue, à des monuments tellement banalisés qu’ils ont perdu toute signification pour beaucoup. Mais qui ne sont pas, en l’état, à leur place.

 

 

 

 

 

 

 

 

Abattre les statues, revoir le récit national...
Abattre les statues, revoir le récit national...
Partager cet article
Repost0
22 juin 2020 1 22 /06 /juin /2020 08:16
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »

Le 21 juin 2020, le mouvement culturel CHOUKAJ a organisé un déboulé intitulé « LIMYE POU LE ZANSYEN » à Paris de la place Jean Ferrat jusqu'à La Villette.afin de rendre hommage aux ancêtres ayant brisé leurs chaînes en Guadeloupe (et par extension aux Antilles Françaises) en Mai 1848.

Quelques images.

Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Rassemblement avant le départ Place Jean Ferrat.
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »Déboulé des  Gouadeloupéens « LIMYE POU LE ZANSYEN* »
Défilé sur le Boulevard de Belleville
J'avais annoncé l'arrêt de ce blog.
Avec l'apparition d'une publicité non désirée, cet arrêt devient effectif et définitif.
Partager cet article
Repost0
5 mars 2017 7 05 /03 /mars /2017 00:01
L’identité est un projet politique

Les prochaines élections se feront en partie sur la notion d’identité nationale, de défense de l’identité nationale. Thème, depuis des années, de l’extrême droite et de la droite, sur lequel la gauche n’apporte pas de contribution satisfaisante.

 

Le débat sur l’identité nationale.
La première contribution est simple. Il suffit que l’extrême droite dise l’Angleterre est une île, pour entraîner une réponse fulgurante, l’Angleterre n’est pas une île ! Cette fausse réponse n’a pas plus d’effet sur la montée de l’extrême droite et de ses idées que sur les moyens de communication entre le continent et les Îles britanniques.

 

Répondre à une question en la niant. Malheureusement, la droite martèle sa réponse et, comme aucune réponse claire ne vient de la gauche, la seule entendue, de droite, devient l’évidente vérité.

 

En suivant cette voie, certains croient résoudre le problème en affirmant : l’identité nationale, ça n’existe pas. Parce que l’identité n’existe pas. Parce que la nation n’existe pas. Ce ne sont que des constructions historiques. Déconstruire, disent-ils, et l’identité et la nation. Sans rien proposer de positif. Par de longs articles et de gros livres qui n’atteignent en rien le cœur qu’ils visent : le sentiment national reste intact dans la grande masse des gens. Peut-être même quelquefois, négligé, brocardé, ce sentiment national en est-il exacerbé.

 

De façon triviale, il suffit de voir l’augmentation du nombre de licenciés dans tel sport, hier pratiquement inconnu, à la suite des succès de l’équipe nationale ou l’audience des reportages télévisées lors des grands matches d’une équipe nationale… Bien entendu, cela n’a rien à voir avec le sentiment national, avec l’identité nationale, c’est seulement l’amour du sport… Il suffit de ne pas mettre de réunion politique ces jours là…

 

Emmanuel Macron, et-gauche-et-droite, a prononcé, le 10 janvier à Berlin, un discours entièrement en anglais, par facilité et pour que nous nous comprenions sur la relation franco-allemande et le futur de l’Union européenne. Il a affirmé, la culture française n’existe pas, le 5 février à Lyon, l’art français, je ne l’ai jamais vu, le 21 février à Londres. Emmanuel Macron est candidat à la présidence de la République française ? L’a-t-il vue ? Existe-t-elle ? A-t-elle besoin d’un président ? Ce n’est, après tout, qu’une construction historique !

L’identité est un projet politique

Identité nationale et immigration
Ce débat sur l'identité nationale se double de celui sur l'immigration. Sur l’immigration et l'identité nationale, l'immigration comme danger pour l'identité nationale (1).

 

La réponse de la gauche à cette mise en question de l’identité nationale par l’immigration suit la rhétorique bien connue : la vieille casserole trouée que tu ne m'as jamais prêtée, je te l'ai rendue neuve. L’identité nationale n’existe pas et voyez comment l’immigration, qui ne touche en rien à l’identité nationale, a participé et participe à son enrichissement, à son rayonnement depuis Marie Curie jusqu’à Zinedine Zidane, l’équipe black-blanc-beur et le couscous.

 

Il est évident que l'immigration a une relation avec l'identité nationale. De même que Europe ou la mondialisation. Et que l'identité nationale a été, est et sera modifiée par l'immigration, par l'Europe et la mondialisation. En bien et en mal. Cela dépend beaucoup de comment ces questions sont traitées à l'intérieur. L'identité nationale d'aujourd'hui n'est pas celle d'hier. Ou plutôt, c'est celle d'hier modifiée par de multiples contacts avec le monde dont l’immigration, l’Europe, la mondialisation...
Car l'identité nationale n'est pas définie
scientifiquement. Ni pour l’éternité. Elle évolue en fonction des faits historiques. De leur interprétation. De l’image de la France qui est renvoyée de l’extérieur.

 

L’identité nationale inclut, parfois de manière conflictuelle, les multiples appartenances individuelles et collectives qui, finalement, la constituent : identités régionales, professionnelles, religieuses, linguistiques, sociales, ethno-raciales… Elle peut être niée, refusée par des individus ou des communautés tout en y participant, volontairement ou non (2).

 

L'histoire française, comme l'histoire de tout pays, il n’y a pas de pays élu, est aussi riche de choses admirables que de choses épouvantables. C'est un bloc dans lequel il est nécessaire de faire le tri. Mais dont les cotés positifs ou négatifs imprègnent tout le monde, différemment. Il n'est pas possible d'effacer totalement l'Histoire mais on peut la relire en fonction de ce que l’on en sait à un moment donné, des questions qui se posent, de l’avenir qu’on envisage…
L'identité nationale n’est pas donnée, n’est pas achevée. Elle n’est pas totalement homogène. Elle contient des contradictions. Et à partir de ces contradictions, elle est toujours en construction. C’est la volonté de construire un avenir en s’appuyant sur les faits historiques qui sont porteurs de tel avenir. C'est un projet politique.

L’identité est un projet politique

L’anti-France
Évidemment, chacun peut avoir des idées différentes de l’identité nationale, des valeurs qui la fondent : officiellement, les valeurs qui fondent l’identité nationale sont Liberté, Égalité, Fraternité. Ce sont des valeurs inclusives. Valables pour tous. Inscrites dans la Constitution, sur les frontispices.
Cela ne veut pas dire
qu’elles sont correctement appliquées mais que chacun peut s’en réclamer. Cela ne veut pas dire qu’elles sont pleinement reconnues par tous. Elles sont combattues par certains.

 

Léon Daudet, en 1918 : Il faut qu'on le dise : l'affaire du traître Dreyfus a eu comme premier résultat une première invasion, la formation chez nous d'une anti-France.
Charles Maurras parle des quatre États confédérés, protestants, juifs, francs-maçons et métèques.
Le régime de Vichy s’identifie à Travail, Famille, Patrie et le communiste, le juif, le franc-maçon et l’étranger sont les forces de l'Anti-France. Aujourd’hui encore, les intégristes catholiques interprètent ainsi l’avènement de la France moderne comme le triomphe du complot mené par l’Anti-France constituée par les « juifs, protestants, métèques et franc-maçons » contre la chrétienté (3).
Pendant la guerre d’Algérie, ceux qui luttaient contre cette guerre et contre le colonialisme français étaient aussi qualifiés d’anti-France. Voici que maintenant, pour un candidat à la présidence de la République, la colonisation française est un crime contre l’humanité ! (4)

 

La droite reproche aux bien-pensants d’enfermer les Français, en permanence, dans la culpabilisation et la repentance. Elle exige que l’on regarde, que l’on enseigne l’Histoire de France comme un roman national, l’excellence incarnée : My country, right or wrong ! Bon ou mauvais, mon pays !
Contre certaines vérités dérangeantes. Comme des familles vivent sur un secret malheureux qui les marque perpétuellement. La France officielle n’a pas toujours été du bon coté. N’a pas toujours appliqué les principes qu’elle proclame. Et quand son gouvernement a fait un choix pour le moins discutable, il y a toujours eu, heureusement, des Français, plus ou moins connus, plus ou moins nombreux, pour ne pas le suivre et choisir l’anti-France.

 

Le plus célèbre hérétique, dans l’histoire moderne, est le général De Gaulle, avec bien d’autres, en France, à Londres ou ailleurs, minoritaires, condamnés par le gouvernement officiel de la France, qui ont refusé de suivre le maréchal Pétain, dans l’armistice et la collaboration. Tous les deux, Pétain et De Gaulle, ont été au pouvoir avec l’aide d’armées étrangères, le premier avec l’aide de l’armée allemande nazie et des collaborateurs, le second avec celle des armées alliées et des Résistants.
Tout le monde aujourd’hui se glorifie, officiellement, de l’appel du 18 juin, de la Résistance, de la République restaurée… Tout est bien qui finit bien !

 

La colonisation, elle, n’a pas bien fini ! Elle n’est pas encore finie dans touts les têtes.
Si dans un premier temps, le jeune Jean Jaurès pensait comme Jules Ferry que les peuples supérieurs ont le droit et même le devoir de civiliser les peuples inférieurs. Peut-être pensait-il que la colonisation allait leur apporter, de façon un peu forcée, dévoyée, l’universalisme français, Liberté, Égalité, Fraternité... Il ne tarda pas à comprendre : La politique coloniale [...] est la conséquence la plus déplorable du régime capitaliste, [...] qui est obligé de se créer au loin, par la conquête et la violence, des débouchés nouveaux. Et, paroles prémonitoires ? Mais si les violences du Maroc et de Tripolitaine achèvent d’exaspérer, en Turquie et dans le monde, la fibre blessée des musulmans, si l’islam un jour répond par un fanatisme farouche et une vaste révolte à l’universelle agression, qui pourra s’étonner ? Qui aura le droit de s’indigner ? »(5).
Est-ce ce Jean Jaurès que Nicolas Sarkozy voulait récupérer ?

De même, Georges Clemenceau répond à Jules Ferry : Non, il n’y a pas de droits de nations dites supérieures contre les nations dites inférieures ; il y a la lutte pour la vie, qui est une nécessité fatale, qu’à mesure que nous nous élevons dans la civilisation, nous devons contenir dans les limites de la justice et du droit ; mais n’essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation ; ne parlons pas de droit, de devoir ! La conquête que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires, pour s’approprier l’homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit : c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie (6).

C’est le même général De Gaulle qui a refusé d’approuver la signature de l’armistice quand la France était militairement vaincue, qui signe la fin de la guerre d’Algérie alors qu’elle ne l’était pas. Mettant fin à l’empire colonial qui avait survécu, en partie grâce à lui, à la seconde guerre mondiale !

Le général De Gaulle a su transformer le récit national, recréer l’unité nationale, revivifier l’identité nationale, en faisant de la guerre de 1940-45 une victoire française grâce à la résistance intérieure et extérieure, en oubliant, en intégrant ceux qui avaient été du mauvais coté. Ce qu’il a su faire après la Seconde guerre mondiale qui avait pourtant profondément divisé les Français, il ne l’a pas réussie avec la décolonisation, après l’indépendance de l’Algérie.

L’identité est un projet politique

Esclavage et traite des Noirs
La droite veut gommer l’esclavage et la traite des Noirs. Il est impossible d’oublier que l’État a souvent, pas toujours, soutenu l’esclavage ou la traite dont certains ont tiré de gros profits. Il faut dire clairement qui a favorisé, entretenu, tiré bénéfice de l’esclavage et de la traite. Et qui n’y est pour rien et qui l’a combattue.

Louis X dans un édit de 1315, le sol de France affranchit l’esclave qui le touche. Louis XIII autorise la traite en 1642 et surtout le grand Louis XIV l’organise, fonde la Compagnie du Sénégal pour fournir des esclaves à Saint-Domingue. Il promulgue en 1685 le fameux Code noir qui range l’esclave au rang de meuble qui peut être vendu ou transmis par héritage. L’autorisation de la traite permet de faire librement le commerce des nègres. Le profitable commerce triangulaire : plus de 3300 expéditions négrières à partir des ports français.

Tout le monde, en France, n’est pas responsable de la traite et de l’esclavage. On connaît le vœu de Champagney, un de ces villages qui, dans son cahier de doléances de 1789, demande l’abolition de l’esclavage. D’autres cahiers contiennent des revendications équivalentes. En 1788, est fondée la Société des amis des Noirs, pour l’égalité, l’abolition de la traite et de l’esclavage, présidée par Jacques Pierre Brissot et Étienne Clavière puis par Condorcet et Jérôme Pétion de Villeneuve.
L’esclavage est aboli en 1794… La France
est le premier pays à abolir l’esclavage dans ses colonies… rétabli en 1802 par Napoléon Bonaparte… et heureusement aboli à nouveau en 1848. Cette abolition est alors inscrite dans la Constitution (7).

Si la notion de crime contre l’humanité n’est entrée dans le droit positif qu’en 1945, lors du procès de Nuremberg pour juger le nazisme, Patrick Weil rappelle... en 1848, le décret qui abolit l'esclavage le déclare déjà « crime de lèse-humanité » et prévoit la déchéance de nationalité pour tout Français qui se livrerait à la traite ou achèterait un esclave. Il ne faisait que reprendre le dispositif voté en 1794. La République française a donc été la première à inscrire le concept de crime contre l'humanité dans son droit appliqué à l’esclavage. Toute cette histoire, liée à nos colonies, fait partie intégrante de l'histoire de France. Il faut l'enseigner, ce qui permet de faire une histoire commune qui parle à tous les Français (8).
Le pape François a repris, récemment, le terme de lèse-humanité dans un message du 8 décembre 2014. Aujourd’hui, suite à une évolution positive de la conscience de l’humanité, l’esclavage, crime de lèse- humanité, a été formellement aboli dans le monde. Le droit de chaque personne à ne pas être tenue en état d’esclavage ou de servitude a été reconnu dans le droit international comme norme contraignante (9)..

Cette brève histoire de l’abolition de l’esclavage et de la traite, qui ne rappelle pas les multiples révoltes des intéressés dans les territoires français, avec notamment, Le Noir des Lumières, Toussaint Louverture (10), montre bien qu’il n’est pas possible d’en faire porter la responsabilité à tout le monde et qu’elle mériterait d’être enseignée dans les écoles. Tous les Français, encore moins les contemporaine, ne sont pas responsables de l’esclavage et de la traite mais tous méritent de savoir. Il y a eu l’esclavage et la traite, et des opposants, cela fait partie de l’Histoire de France.

On peut rappeler et raconter cette histoire sans haine et sans fausse culpabilisation. Comme l’a fait la commune de Champagney en érigeant un mémorial de l'esclavage, la Maison de la Négritude et des Droits de l’Homme en 1971 ou la ville Nantes avec le Mémorial de l’abolition de l’esclavage d’Europe ouvert en 2012. Alors que Nantes est le port le plus important de la traite négrière, du commerce triangulaire, responsable du transport de 450 000 Noirs, soit 42 % de la traite française du XVIII°siècle… qui ne finira qu’en 1831 malgré les interdictions. Nantes lui doit théâtre, bourse, places, hôtels particuliers, folies.
Il est possible d’échapper au roman national[de Nicolas Sarkozy] pas forcément la vérité historique dans son détail ( vous avez dit détail ? 430 000 Noirs déportés par les navires français ?) et le remplacer par un récit historique. Il n’est pas question de faire croire, accusation de Dimitri Casali, que les Français ont tous été d'horribles esclavagistes au XVIIIe siècle, d'infâmes colonisateurs au XIXe siècle et uniquement des collabos au XXe siècle... (11). Ni de dire que l’histoire de France est une large avenue pavée de roses. Seulement rétablir les faits dans leur complexité.

Il a fallu attendre 1995, 50 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour que Jacques Chirac, président de la République, reconnaisse la responsabilité de l’État français dans la déportation et l’anéantissement de près de 76 000 juifs de France. Les mots de Jacques Chirac, la reconnaissance de la responsabilité de l’État français ne sont pas une atteinte à l’identité de la France, bien au contraire : Il est, dans la vie d’une nation, des moments qui blessent la mémoire et l’idée que l’on se fait de son pays... Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français. Ce qui est une atteinte à l’identité de la France, ce sont les faits. La négation des faits. La non-reconnaissance des faits. Tout de qui donne à penser qu’il existe toujours une solidarité de la France, du gouvernement de la France avec ceux qui ont commis de telles actions.
D’autres Français ont commis le crime de solidarité avec les juifs pourchassés pendant l'occupation, car c’était un crime, dangereux pour ceux qui se sont alors engagés. Aujourd’hui, ils sont reconnus comme des justes parmi les nations.
Sans pousser la comparaison trop loin, les risques ne sont pas les mêmes, aujourd’hui, la solidarité avec les sans papiers est un délit. Comment seront perçus demain ces actes de solidarité ?

L’identité est un projet politique

Alors qui défend l’identité nationale ? Qui est l’anti-France ?
Les dreyfusards ou les anti-dreyfusards ? Les résistants ou les collaborateurs ? Les anticolonialistes ou les colonialistes ? Tout dépend, évidemment, de l’idée qu’on se fait de la France, de l’identité nationale, du projet politique que l’on a pour la France. L’identité nationale dans chaque période, douloureuse ou non, dépend de choix politiques. Elle guide, elle est construite, à chaque instant, par des choix politiques. Elle est la charpente d’une certaine continuité.

A travers ces quelques exemples, on voit qu’il est possible de tenir un autre langage que le déni de vérité ou la culpabilisation de tout le monde. De reconnaître les faits dans leur complexité, leur contexte. Et, peut-être, permettre à chacun de mieux se situer dans cette Histoire de France.

Les risques de l’identité nationale
L’identité nationale n’est pas faite seulement de valeurs proclamées, imparfaitement assumées, même si elle sont officielles. C’est aussi la langue, la culture, la grandeur passée, contestée aujourd’hui, grandeur en partie liée à des guerres, à des conquêtes coloniales, aux anciens empires. Le poids de l’histoire politique que tout le monde ne lit pas de la même façon. Lectures contradictoires, obscurément mêlées.
Et de l’image renvoyée par les regards extérieurs . La France, c’est alors la Tour Eiffel, Zinedine Zidane… De Gaulle, les philosophes du XVIII° siècle, les Lumières et la Révolution,
le pays qui a inventé les Droits de l’Homme et du Citoyen, non le pays des droits de l’Homme car il ne les respecte pas toujours, ni dedans, ni dehors...

Un risque important pour tout pays est de proclamer son identité nationale comme supérieure à toutes les autres et d’entraîner vers le nationalisme et l’affrontement avec les autres nations.
Ce risque est
important pour la France. Parce que l’identité nationale s’appuie, pour les uns sur la nostalgie d’une grandeur passée, pour les autres sur des valeurs à prétention universelle. Qui ont pu être dévoyées pour justifier des aventures extérieures, mélangeant vrai nationalisme et faux universalisme : exporter militairement les Droits de l’Homme ou civiliser les races inférieures.
Dans tous les cas, il ne s’agissait pas de faire le bonheur des peuples, contre leur volonté, mais de s’assurer d’avantages économiques, de débouchés et de sources de matières premières. Comme le disaient à leur époque et Jean Jaurès et Georges Clemenceau.

Ce qui est un danger pour l’identité nationale, plus que l’immigration elle-même, c’est la manière dont elle est traitée, c’est la contradiction lancinante entre les textes sacrés et les paroles, les actes de ceux qui gouvernent ! La manière dont est conduit le débat sur l’immigration, les réfugiés, les sans papiers, la nationalité. Faute d’un avenir solidaire pour tous, proposer à ceux qui souffrent un exutoire illusoire contre ceux qui sont encore plus démunis. Remplacer les clivages sociaux, par des clivages raciaux. La lutte des classes par la lutte des races.

Les populations défavorisées ont toujours été concentrées dans des banlieues, des quartiers stigmatisés : hier, banlieues ouvrières, contestation sociale, politique incarnée par le PCF, de ce fait appelées banlieues rouges ; aujourd’hui qualifiées par l’origine des habitants et non par leur statut social et stigmatisés comme banlieues ou quartiers immigrés.

On aimerait entendre des voix politiques plus fortes pour unir ceux qui souffrent plutôt que les diviser. Quelles que soient leurs origines. S’inspirer du passé pour préparer l’avenir et réunir autour des principes fondamentaux les enfants de ceux qui, hier, ont pu être sur des positions différentes mais qui, aujourd’hui, doivent se retrouver dans la lutte pour l’égalité, la solidarité.

En 1983, à la suite d’une flambée de crimes racistes, des jeunes de la banlieue de Lyon ont lancé la Marche contre le racisme et pour l’égalité, revendication politico-sociale transformée par la presse en Marche des beurs ! Marche ethnique. Communautaire ?
Reçus à l’Élysée par le président Mitterrand, les marcheurs obtiennent la carte unique, valable 10 ans, renouvelable automatiquement, pour les résidents étrangers alors qu’ils étaient conduits par Toumi Djaïdja, français, fils de harki, qui n’avait pas besoin de cette carte. Ils s’étaient réunis, quel que soit le parcours de leurs parents, dans une revendication de dignité, d’égalité plus que de contestation.
Ce titre de résident a été démantelé progressivement dans les années suivantes, par les gouvernements successifs.

L’identité est un projet politique

Comment faire adopter et croire à des principes affichés quand ils sont bafoués, tous les jours, ouvertement ? Les jeunes chanteront peut être La Marseillaise mais que pensent-ils quand ils sont victimes de plaisanteries douteuses, du plafond de verre, des contrôles au faciès. Quand les auteurs de bavures s’en tirent toujours avec un non lieu ? On ne peut pas mettre tous les policiers dans le même sac : tous ne sont pas des baveurs. On ne peut pas mettre tous les députés dans le même sac : tous ne font pas profiter leur famille d’emplois fictifs ! Pourquoi tous les jeunes sont-ils mis si facilement sur le même plan ?

 

Une lecture dépassionnée de l’Histoire est nécessaire pour former le citoyen moderne qui ne peut être étroitement nationaliste mais qui, fort d’une ouverture compréhensive du passé national, sera mieux armé pour comprendre sa place en Europe et au Monde.

 

Malgré les déclarations stigmatisantes, répétées depuis des dizaines d’années, contre l’immigration non seulement par la droite et l’extrême droite mais aussi par de nombreux politiciens de gauche, il faut remarquer la résistance, la tolérance du peuple français. Il faut remarquer les sondages sur les personnalités les plus populaires, les plus aimées des Français, les résultats favorables au droit de vote des résidents étrangers.


L’absence d’agressions irréparables qui auraient pu passer comme des actes de vengeance, d’une partie de la population sur une autre à la suite des attentats (12).
La population résiste à ceux qui voudraient réserver la solidarité nationale aux seuls Français. A ceux qui voudraient l’entraîner dans une bataille des civilisations.
Exclure certains de la solidarité nationale, c’est pousser à la recherche de solidarités subsidiaires, c’est pousser à des regroupements communautaires. Qui ont toujours existé de façon temporaire mais qui disparaissent dés que la solidarité institutionnelle répond aux besoins.
C
e pays est plus riche que jamais mais la politique d’austérité creuse de plus en plus les inégalités et encourage la concurrence entre les plus défavorisés. Il faut faire l’unité contre l’austérité, contre les inégalités.

 

Il faudrait aller plus loin, trouver les mot pour parler à la raison mais aussi au cœur. On voit bien que, malgré le climat anti-immigrés, anti-réfugiés, sans aucun appui d’aucun parti national, de nombreux actes de solidarité s’organisent ici et là pour aider ou accueillir.

 

Un simple coup d’œil sur la presse permet de voir que les élus ne sont pas à la hauteur du peuple ! Ils se préoccupent plus de la montée de l’extrême droite dans les sondages que de la situation qui fait que des citoyens en arrivent à voter pour elle. Ils voient que d’autres enfreignent la loi par solidarité mais ils sont incapables de prendre les mesures, de prononcer les mots qu’il faudrait pour réintégrer tous ceux qui se sentent exclus.

L’identité est un projet politique

1 - Le Musée de l'histoire de l'immigration a été ouvert en 2007, il n’a été inauguré qu’en 2014… enthousiasme.

2 – Quand je suis parti en coopération en Algérie, en 1964, je disais je ne suis pas français, je suis socialiste (pas à la manière SFIO). J’ai rapidement changé d’idée et j’ai alors dit, je suis socialiste français.

3 – https://fr.wiktionary.org/wiki/anti-France

4 - L’Allemagne a édifié un centre de documentation sur le nazisme, inauguré, en présence de la ministre fédérale de la Culture, de vétérans américains et de survivants de l'Holocauste, sur le site de l'ancien QG du parti nazi à Munich, le 30 avril 2015, jour anniversaire de la libération de la capitale bavaroise par les troupes américaines et du suicide de Hitler, dans son bunker berlinois (Le Figaro 30/04/2015). Y-aura-t-il un jour, en France, un centre de documentation sur le colonialisme français ?

5 - http://www.jaures.eu/syntheses/jaures-et-le-colonialisme/

6 – http://www.lecanardrépublicain.net/spip.php?article31

7 - http://dp.mariottini.free.fr/esclavage/france-negriere/france-negriere.htm

8 - Alter éco septembre 2015

9 - http://www.hommenouveau.fr/1141/rome/l-esclavage-un-crime-de-lese-humanite.htm

10 - https://www.herodote.net/Toussaint_Louverture_1743_1803_-synthese-403.php

11 – Le Figaro Vox, 20/09/16

12 - Rachid Benzine Politis 13/10/16

L’identité est un projet politique
Partager cet article
Repost0
14 novembre 2014 5 14 /11 /novembre /2014 23:32

 

BandeS à part

 

Chacun sa vie (1), Chante ton bac d'abord (2), Bande de filles (3), trois films récents dans les salles parisiennes qui s’intéressent à des jeunes dans leur milieu, leur famille notamment. A travers une histoire particulière, des situations très différentes de la jeunesse française.

(Un autre fim sorti ces jours-ci, Géronimo (4), parle des jeunes)

 

Une Bande de filles, noires, de la banlieue de Paris, pleines de vie, aguerries qui pratiquent le football américain. Mais au retour dans le quartier, les choses sont un peu différentes sous la présence dominante des jeunes mâles.
L'héroïne du film, en situation d'échec scolaire, refuse l'orientation qu
i lui est proposée.

Dans une famille, sans père, avec une mère à peine aperçue, elle est totalement soumise au frère aîné, autoritaire, brutal, machiste, et doit s'occuper des deux cadets de la fratrie.

Elle va être la quatrième d'un groupe de filles dont elle devient l'élément principal. A la suite d'un combat, violent, contre la représentante d'un autre groupe.
Décidée à appliquer le conseil de celle qui l'a recrutée,
faire ce dont elle a envie, elle fait le pas d'aller chez sont petit ami. Ce qui va lui valoir un traitement violent de la part de son frère qui ne peut supporter d'avoir une sœur qui « couche ».

Pour quitter la maison, elle accepte la protection d'un caïd de banlieue qui l'utilise comme « revendeuse » de drogue, en attendant un « mieux ». Qu'elle refuse.

Coincée entre ce « protecteur », un frère machiste et un amoureux qui lui offre de devenir une bonne épouse docile et attentive. Elle se cabre et repart, décidée, seule, vers un avenir flou.

Le film se déroule exclusivement, dans le quartier, avec quelques sorties à la Défense, entre jeunes, seule la mère est aperçue à deux brèves reprises, garçons et filles, noirs, en dehors des contacts nécessaires avec les clients blancs à qui elle fournit la drogue et la diversité des petits caïds.

 

Le milieu de « Chante ton bac d'abord » est totalement ailleurs. A Boulogne, une jeune raconte la vie de son groupe, blanc exclusivement, à majorité féminin. C'est l'année du bac que tous, ou presque, vont réussir : un seul échec, deux mentions. Leur famille, unie ou non, est très attentive à leur réussite scolaire. C'est le récit d'une année décisive, avec conflit, plutôt joyeux et chanté, entre des parents inquiets devant la situation économique et qui cherchent à orienter leurs enfants vers des débouchés professionnels et des jeunes qui aspirent à se réaliser dans leur réussite scolaire et professionnelle. Ici ou ailleurs, l’Australie, l'Angleterre.
Une certaine nostalgie, amicale, familiale. Un pas optimiste vers l'avenir. Une coupure. Une aventure.

 

La question centrale de « Chacun sa vie » n'est pas un groupe de jeunes. Mais celle d'un travailleur algérien qui, arrivé à la retraite, ne pense qu'à réaliser son rêve de retour au pays. Cette décision personnelle est douloureuse pour toute la famille, ses enfants, un garçon et deux filles, qui sont nés ici et ne peuvent envisager leur avenir qu'ici. Qui ont l'age de faire entendre leur voix. Et l'épouse qui, jusque là, a accepté de se soumettre, va prendre le parti de ses enfants. La tentative de retour au pays du père, seul, ne sera que désillusions.
Ce film se déroule en Île de France dans une famille algérienne qui n'est pas complètement fermée sur elle-même. Si le meilleur ami du père est un Algérien qui l'a accueilli lors de son arrivée à Paris, ce n'est pas le cas de ses collègues de travail dont le plus proche le chambre amicalement sur ses choix, sur ses difficultés. La mère discute avec son amie de leurs problèmes de couple, bien proches malgré les différences culturelles.
Quant aux enfants, malgré l'amour qu'ils ont pour leur père, ils revendiquent leur droit
à la décision collective. Et au choix personnel. Le garçon, toujours à charge de son père, vit de petits trafics mais ne voit son avenir qu'ici ; la fille aînée qui a été mariée par le père avec son cousin, maintenant divorcée, part à trente ans rejoindre une amie pour travailler à Marseille sans le dire au père ; la cadette, la fierté de ses parents, voit son avenir dans une carrière de musicienne.

Rien n'est rose, rien n'est noir. Tout est encore possible. Mais chacun, chacune voit sa vie qui ne correspond pas aux rêves brisés du père.

 

Trois films, trois mondes, éloignés, géographiquement, socialement, culturellement. Trois mondes séparés.
Dans des situations plus ou moins difficiles, quelquefois impossibles. Des jeunes refusent la voie toute tracée par la nécessité ou conseillée par la sagesse familiale ou le rêve dépassé d'un père. Relativement favorisés ou plus ou moins handicapés par le contexte social ou familial.
Chacun est en recherche. Avec la volonté, à chaque fois, de choisir sa vie.

 

( Avec Geronimo, c'est encore un monde de jeunes mais bien différent des 3 précédents. Le jour de son mariage, la jeune mariée, turque, dans sa belle robe blanche, s'enfuit à toutes jambes pour retrouver son amoureux, un gitan, et tous deux partent sur un vélomoteur.

Dans la banlieue d'une ville du sud de la France, C'est le drame de Roméo et Juliette, de West side story, entre les deux familles, deux clans se défient dans la danse, s'affrontent avec des armes, tandis que Geronimo, la belle éducatrice catalane, blonde aux yeux bleus, qui connaît ce monde depuis toujours, s'occupe des petits et essaie déviter le drame d'honneur.

Rêve de vie  amoureuse, libre de deux jeunes malgré la tyranie de la tradition qu'un frère voudrait leur imposer sous les yeux des plus vieux prêts à oublier.

NB : l'accent des protagonistes n'est en rien celui du sud de la France).

 

 

1- Chacun sa vie, 2013 – 1h30, Algérie-France, couleur, de Ali Ghanem

2 – Chante ton bac d'abord, 2013 – 1h22, France, couleur, de David André

3 – Bande de filles, 2014 – 1h52, France, couleur, de Céline Schiamma

4 - Geronimo, 2014, - 1h44, France, couleur, de Tony Gatlif

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 23:35

 

La couleur des Parisiens


Dans le train qui nous amène au Festival de cinéma de Venise, nous partageons le compartiment avec un couple argentin, d'origine italienne. Nous échangeons quelques mots dans un sabir quadrilingue... Ils font le tour des grandes villes d'Europe. Ils vont à Venise puis iront à Rome, Florence... Ils viennent de Londres une belle ville, bien propre et de Paris, ville sale, ce que je concède, où il y a beaucoup d'étrangers...

Naïvement, je leur dis que Paris est une des villes les plus visitées du monde et que, bien sûr, il y a toujours beaucoup d'étrangers... mais, dans leur esprit, il ne s'agit pas des touristes mais des « «étrangers de France »... Plus précisément des étranges étrangers de France... Noirs, Maghrébins et autres Orientaux, identifiés à l’œil.
Je me contente de leur signaler que la moitié de ces « 
étrangers » sont français mais cela ne semble ni les convaincre, ni les intéresser. Faut dire que notre expertise linguistique, aux uns et aux autres, ne nous permet guère d'avancer dans la subtilité...

 

Rentrés dans leur foyer, nos amis argentins ont peut-être vu à la télévision la manifestation « Paris marche pour le climat ».

 

Une manifestation avec beaucoup de jeunes, de femmes, aux vêtements, aux cheveux, aux banderoles colorés. Ils n'ont pas pu voir les deux femmes, peut-être y en avait-il d'autres, munies d'un sac poubelle, qui ramassaient les papiers, négligemment abandonnés sur la chaussée par les « marcheurs pour le climat ».

Surtout, ils n'ont pas dû reconnaître les Parisiens vus lors de leur court séjour à Paris. Si la manifestation était colorée, elle était très homogène au point de vue ethnique, probablement la population parisienne de leur rêve. Pas du nôtre.

 

Quand les manifestations portent sur l'immigration, sur le Proche-Orient, sur le Maghreb, sur la Palestine, la dominante est « colorée ». Quand il s'agit de questions économiques, sociales, sociétales, on peut noter une certaine mixité, à travers syndicats, associations ou partis. Avec souvent la présence de sans papiers.
Ce n'était pas le cas dans la « Marche sur le climat ». On peut le comprendre. A première vue, leurs problèmes sont bien différents et plus urgents. Encore que le nombre de réfugiés climatiques est en augmentation constante*.


Mais nos amis argentins n'auront probablement pas remarqué que la diversité politique était tout aussi limitée, à trois formations arborant leurs couleurs respectives : Europe-Écologie la plus importante en nombre, c'est bien le moins, le Parti de gauche et Nouvelle donne. Les autres brillaient par leur absence, les organisations de droite bien sûr mais aussi de gauche, du PS (Ségolène Royal et Laurent Fabius défilaient à New York) aux Anarchistes en passant par LO, le NPA ou le PC. Tous probablement noyés, de façon anonyme dans la masse des marcheurs, peut-être, étaient-il à Gonesse-Alternatiba... ou ailleurs


En tout cas, ils n'étaient pas à la « Marche pour le climat ». Les choses avancent très lentement. Trop lentement. Le « penser global » n'entraîne pas obligatoirement  le « agir local ».
Mais la « Marche » n'était qu'un premier pas. La France accueillera et présidera la Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques qui aura lieu au Bourget du 30 novembre au 11 décembre 2015 (COP21). D'autres marches, d'autres manifestations sont prévisibles d'ici là. Pour rappeler à tous les gouvernements et particulièrement au gouvernement français que le dérèglement climatique concerne toutes les classes sociales et tous les pays...

 

Il est fort probable que, lors des prochaines manifestations, la participation sera beaucoup plus importante, plus diversifiée et ne se limitera pas aux seuls Parisiens.



*Selon un rapport de l'organisation humanitaire britannique Christian Aid, il y aurait déjà 163 millions de personnes ayant dû quitter leur foyer suite aux conflits, catastrophes naturelles et grands projets de développement : mines, barrages, périurbanisation, cultures d'agrocarburants... (Wikipedia).

Partager cet article
Repost0
18 novembre 2012 7 18 /11 /novembre /2012 20:47

 

 

Quelqu'un a dit : « seuls les curés et les homosexuels veulent aujourd'hui se marier ». Avec une différence de taille. Les homosexuels ne s'opposent pas au mariage des curés. Mais, sinon les curés, au moins l'église catholique institutionnelle est violemment opposée au mariage des homosexuels. Les autres cultes aussi, même si l'église catholique est en pointe.

 

 

L’Église est parfaitement légitime pour déconseiller ou même interdire le mariage à ses ouailles de même sexe. Comme elle interdit le mariage aux prêtres qui font d’ailleurs vœu de célibat et non de chasteté... Si deux catholiques, du même sexe, veulent se marier contre sa volonté, elle peut les sanctionner. Libre à elle de ne pas leur accorder le « sacrement du mariage », de les excommunier...

 

 

Elle peut donner son avis comme elle le fait, d'ailleurs, sur tous les sujets de son choix. Mais de quel droit veut-elle faire la loi et interdire le mariage à deux personnes qui ne reconnaissent pas son autorité  ? Qu'a-t-elle à voir dans un mariage laïque ? Ouvrir le mariage aux personnes de même sexe n'oblige personne à se marier. Et, en ce sens, « mariage pour tous » est une mauvaise formule. « Droit au mariage pour tous » serait plus juste.

 

 

Aujourd'hui, le mariage des homosexuels, comme hier, le divorce, la contraception, l'avortement, l’Église catholique s'occupe beaucoup trop de ce qui ne la regarde pas après avoir été aveugle, tolérante, devant ce qui la regardait directement comme la pédophilie parmi ses troupes...

Bien sûr, la règle est valable pour toutes les religions qui veulent non seulement propager mais imposer leurs règles à tout le monde, y compris à ceux qui ne reconnaissent en rien leur autorité. C'est au corps législatif de faire les lois.

 

 

L’Église ne s'oppose pas au nom de ses dogmes ce qui risquerait de laisser indifférents les Français mais avec un argument maintes fois avancé dans le passé : cette réforme va faire exploser la famille, fondement de la société. Ni le divorce, ni la contraception, ni l’avortement, ni le pacs n'ont fait disparaître la famille. Elle n'a pas disparu non plus dans les pays qui ont adopté le mariage homosexuel. Tout au plus l'adoption du mariage homosexuel fera évoluer les modalités de construction de la famille dans la société. Dans ce sens, on peut même qualifier le mariage homosexuel de conservateur, de nouveau pilier de la famille !

 

 

« Seuls les curés et les homosexuels veulent aujourd'hui se marier », voire...

On pouvait le penser devant la diminution des mariages avant l'instauration du Pacs. Maintenant, cette affirmation serait à nuancer (tableau 1). Certes, le nombre de mariages a diminué, régulièrement, entre 2000 et 2010 tandis que celui de pacs augmentait tout aussi régulièrement.

Alors que le pacs a été mis en place, en 1999, essentiellement, pour permettre aux homosexuels d'institutionnaliser leur union, ils ne constituent que 7% des pacsés : 93% sont le fait d'hétérosexuels.

En 2010, le nombre de pacsés, en une année, a été multiplié par 9,23 par rapport à 2000. Mais la progression a été beaucoup plus importante pour les pacsés de sexe différent (multiplication par 11,65) que pour les personnes de même sexe (1,69).

Au total, mariages et pacs, le nombre « d'unions légalisées » est passé de 322 093 à 448 069 soit une augmentation de 28%. Désaffection pour le mariage classique mais non pour une certaine institutionnalisation de la liaison.


Tableau 1 : Évolution des mariages et des pacs

 

 

Mariages

Pacs

Unions sexes opposés

Même sexe

Sexes opposés

Ensemble

2000

305 234

5 412

16 859

22 271

322 093

2001

295 720

3 323

16 306

19 629

312 026

2002

286 169

3 622

21 683

25 305

307 852

2003

282 756

4 294

27 276

31 570

310 032

2004

278 439

5 023

35 057

40 080

313 496

2005

283 036

4 865

55 597

60 462

338 633

2006

273 914

5 071

72 276

77 347

346 190

2007

273 669

6 221

95 778

101 999

369 447

2008

265 404

8 201

137 801

146 002

403 205

2009

251 478

8 434

166 089

174 523

417 567

2010

251 654

9 143

196 415

205 558

448 069

http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF02327

 

Cependant, on ne peut additionner ainsi mariages et pacs. Car un certain nombre de pacs hétérosexuels ont été transformés en mariages. En effet, en 2007, 47% des dissolutions de pacs avaient pour cause un mariage entre les pacsés, 41% en 2008 et 34% en 2009. Ce qui ramène les unions officielles à 357 596 unions en 2007, 393 614 en 2008 et 413 340 en 2009. La progression du nombre de liaisons officialisées est moindre mais demeure (1). Resterait à chiffrer le nombre de couples ni pacsés ni mariés.


 

Les mariages catholiques (Tableau 2). Bien entendu, il s'agit des mariage enregistrés à l'état civil.

 

Tableau 2 - Les mariages catholiques

Mariages catholiques

Deux conjoints catholiques

Un seul conjoint catholique

Ensemble

2000

108229

14351

122580

2001

103501

14586

118087

2002

97959

12450

110409

2003

90734

11290

102024

2004

82940

12094

95034

2005

83047

14385

97 0432

2006

75226

13788

89014

2007

70967

12542

83509

2008

75865

12699

88564

2009

66244

11420

77664

Diminution entre 2000 et 2009 en %

38,8

20,4

36,6

Source : Annuaire statistique de l'Église jusqu'en 2003, puis Conférence des évêques de France. http://www.eglise.catholique.fr/ressources-annuaires/guide-de-l-eglise/statistiques-de-l-eglise/statistiques-de-l-eglise-catholique-en-france-guide-2011.html

 

 

Quant aux mariages religieux catholiques, ils diminuent tout aussi régulièrement : de 36,6% entre 2000 et 2009, plus quand les deux conjoints sont catholiques (38,8%) que lorsqu'un seul conjoint l'est (20,4%). Pendant la même période (2000-2009), le nombre de mariages enregistrés à l'état civil n'a diminué que de 17,6%.

Finalement, les mariages catholiques qui constituaient 40,2% des mariages en 2000, n'en constituent plus que 30,9% et si on tient compte des pacs hétérosexuels, cette proportion est passée de 38,1 à 18,6%. L'union de personnes de sexe différent se fait largement en dehors de l'église catholique.

A la lecture de ces chiffres, il semble difficile de dire que l'institution du mariage repose directement ou indirectement sur les mariages catholiques ! Ceci relativise le rôle de l’Église catholique dans la constitution des familles qui lui échappe de plus en plus, avec ou sans mariage.

Pour mesurer l'influence des églises, il faudrait connaître le nombre de mariages dans les autres confessions.

 

 

Le nombre de divorces augmente 

Il est passé de 114 005 en 2000 à 130 810 en 2010 après un pic de 162 020 en 2005. Ce qui est confirmé par l'indicateur de divortialité (nombre de divorces dans une promotion fictive de mariages dont les taux de divorces seraient à chaque durée de mariage égaux à ceux observés l'année considérée. Il peut différer de la proportion finale de couples divorcés dans une promotion de mariage) calculé par l'Ined qui passe de 38,2% en 2000, à 52,3% en 2005 pour redescendre à 46,2% en 2010 (tableau 3)

Tableau 3 : Nombre de divorces et indicateur conjoncturel de divortialité.

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

114005

112631

115860

125175

131335

162020

135910

131320

129319

127578

130810

38,2

37,9

39,2

42,5

44,8

52,3

46,9

45,5

45,1

44,7

46,2

http://www.ined.fr/fr/france/mariages_divorces_pacs/divorces/

 

Le nombre de dissolutions de pacs aussi.

D'après l'Ined, le nombre de dissolutions de pacs augmente légèrement, 22 783 en 2007, 23 448 en 2008, 26 573 en 2009 (1).Il serait passé à 35 000 en 2010 et 41 000 en 2011 (2). Mais le taux de «dissolution» serait stable depuis sa création, autour de 13%. Près de 15% des pacsés rompent d'ailleurs le contrat pour… se marier : le pacs mariage à l'essai (3) ?



Naissances hors mariage

Le nombre total de naissances évolue peu ce que confirme le taux de natalité pour 1000 habitants et, comme le nombre de mariages diminue, la majorité des naissances ont lieu hors mariage ! (Tableau 4). Ce pourcentage a encore augmenté dans les années récentes : : 53,7 % en 2009 et 54,8 % en 2010..

 

Tableau 4 :Nombre de naissances-Taux de natalité pour 1000h-% des nés hors mariage

 

Nombre de naissances

Taux de natalité pour 1000 h

% des naissances hors mariage

1994

740774

12,5

37,2

1995

759058

12,8

38,6

1996

764028

12,8

39,9

1997

757384

12,7

41

1998

767906

12,8

41,7

1999

775796

12,9

42,7

2000

807405

13,3

43,6

2001

803234

13,1

44,7

2002

792745

12,9

45,2

2003

793044

12,8

46,2

2004

799361

12,8

47,4

2005

806822

12,8

48,4

2006

829352

13,1

50,5

2007

818705

12,8

51,7

2008

828404

12,9

52,5

http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATnon02231

 

Enfin, les parents isolés ne cessent de devenir plus nombreux : 1 490 200 soit 6,8% des ménages en 1990, 1 840 000 soit 7,6% en 1999 et 2 263 100 soit 8,2% en 2009 (4).

 

Le mariage homosexuel dans le monde

La simple consultation de wikipedia permet de constater que le mariage homosexuel a été introduit dans la législation de 13 pays, catholiques ou protestants, sans effondrement ni de la famille, ni de la société, ni de l’État...

 

Les Français, d'après les sondages, semblent avoir pris conscience de cette évolution des mœurs : suivant le dernier sondage, 65% soutiennent l'ouverture du mariage aux homosexuels et 52% pensent qu'ils devraient avoir le droit d’adopter en tant que couple des enfants et 56% sont favorables à ce que les couples de femmes homosexuelles puissent avoir recours à l'insémination artificielle (5).

Pour les représentants des églises et quelques autres, la société est menacée de zoophilie, de polyandrie, d'inceste, de polygamie...


Qui pourra leur dire que la société évolue, que la terre continue et continuera à tourner quoi qu'ils en pensent ?

 

1 - http://www.ined.fr/fichier/t_publication/1524/publi_pdf1_evolution_demographique.pdf

2 - http://www.patrimoinorama.com/index.php?option=com_content&task=view&id=6473&Itemid=29

3 - http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/05/28/01016-20100528ARTFIG00693-pour-les-notaires-le-pacs-est-une-bombe-a-retardement.php

4 - Alternatives économiques, Hors-série, 4ème trimestre 2012

5 - Ifop- le Monde 08/11/12.

Partager cet article
Repost0
13 avril 2012 5 13 /04 /avril /2012 16:13

 

« Exhibitions, l'invention du sauvage » est une intéressante exposition présentée au musée du quai de Branly. Elle montre « comment ces spectacles, à la fois outil de propagande, objet scientifique et source de divertissement, ont formé le regard de l’Occident et profondément influencé la manière dont est appréhendé l’Autre depuis près de cinq siècles.
L’exposition explore les frontières parfois ténues entre exotiques et monstres, science et voyeurisme, exhibition et spectacle, et questionne le visiteur sur ses propres préjugés dans le monde d’aujourd’hui. »


 

Malgré l'attention apportée à ne pas mélanger les genres et à éviter le simplisme militant qui guette ce type de travail, surtout dans la période actuelle où les dérapages contrôlés mais intéressés et dangereux sont fréquents, y compris en haut lieu, l'exposition n'échappe pas et ne peut probablement pas échapper à sa situation dans le temps et dans l'espace. C'est une exposition qui se situe en France au XXIè siècle.


 

Dater la découverte de l'autre dans le regard occidental, du 15ème siècle, est évidemment discutable. Parce que l'autre a, probablement, toujours existé peut-être même avant le regard, dans l'imagination.


 

Dans les églises, à partir du 13ème siècle, apparaissent les gargouilles, utilitaires certes mais avec des sculptures qui font une large place à l'imagination, leur donnant un aspect terrifiant pour remplir une seconde fonction : éloigner les mauvais esprits et protéger la maison de Dieu.


 

Mais l'imaginaire terrifiant est n'est une création ni du Moyen Age, ni de l'Occident. Dans l'antiquité, les centaures ont pu illustrer l'affrontement entre civilisés et autres (sauvages ?), les chimères fantastiques et les dragons crachant le feu et dévorant les humains sont retrouvés dans des mythologies très diverses.


 

A coté de cet imaginaire, la nature donne vie à des créatures que l'on va appeler « monstre » : « celui dont l'aspect nous est inhabituel par la forme de son corps, sa couleur, ses mouvements, sa voix, et même les fonctions, parties ou qualités de sa nature. » (Saint Augustin). L'étymologie du mot témoigne de son utilisation. Le « monstre » est présenté au regard des curieux parce qu'il est « inhabituel » et bien que naturel, il paraît comme une anomalie de la puissante nature.


 

L'Occident a inventé ou découvert l'autre, comme chaque civilisation, chaque peuple, chaque village invente ou découvre son « autre ». Il est bien connu que les peuples parlant d'eux-mêmes, se nomment souvent en des termes qui veulent dire « humains, personnes » (Inuits), « peuple du ciel » (Zoulou), « homme libre » ou « rebelle » (Imazighen), « noble et libre » (Imajeren/Touareg), « vrais hommes issus de cette terre » (Anishinaabe)... Ils sont, souvent, beaucoup moins flatteurs pour désigner leurs voisins : « mangeurs d'homme » (Mohawaks pour les Alonguins), « serpents à sonnettes » (Iroquois pour les Alonguins), perçus comme concurrents, dangereux ou ennemis...

 


Une période importante dans l'histoire de l'Autre en Europe, est la « découverte » des Amériques, de l'or et des Amerindiens dont certains sont ramenés à la cour comme pièce à conviction. Ces peuples, inférieurs bien sûr, vont être réduits en esclavage malgré Charles Quint qui interdit cette pratique en 1526, malgré la bulle du pape Paul III en 1537, malgré Bartolomé de Las Casas. Premières condamnations de l'Occident chrétien, déjà peu efficaces dans le contexte colonial de l'Espagne.

 


Le continent noir va être une réserve d'esclaves, pas seulement pour l'Occident. Mais le recours au continent noir par la traite pour l'esclavage occidental va fournir une main d'oeuvre peu chère, soumise et abondante. Cette situation connaîtra de « beaux jours » jusqu'au XIXème siècle. Malgré de multiples révoltes notamment la Révolution haïtienne menée par d'anciens esclaves (Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessaline) qui aboutit à la création de la première république noire, deuxième État indépendant des Amériques.
Si l'esclavage est aboli en France une première fois en 1792, Napoléon en 1802 permet son rétablissement sous la pression des colons des Antilles et l'abolition définitive n'aura lieu qu'en 1848... avec quelques entorses. Et le développement colonial.

 


Mais l'Autre (par excellence en Occident ?), n'est-ce pas aussi le juif, avec un antijudaïsme qui remonte au moins au IIIème siècle avant notre ère et qui a été accentué par la condamnation du peuple déicide et mangeur d'enfants chrétiens...

 

 

On pourrait dire aussi que « l'autre » se décline d'abord et partout (?) au féminin dans un monde pas seulement occidental où la femme se voit le plus souvent reconnaître une place seconde.

Mais le véritable sujet de l'exposition, ce n'est pas la découverte de l'autre, ce n'est pas l'esclavage, ce n'est même pas la présentation d'êtres humains particuliers, inquiétants ou spectaculaires, soumis au regard curieux ou voyeur, intéressé ou méprisant, inquiet ou concupiscent, à la cour, dans les salons ou même à la foire du Trône, c'est le rôle de l'exhibition et la mise en scène à une échelle plus importantes de ces étranges étrangers dans la représentation de certains peuples façonnant leur infériorité et facilitant l'expansion coloniale.
Dans ce nouveau regard, dans cette nouvelle appréhension, la science et la politique vont jouer un rôle très différent mais très important.


Désormais, la science peut tout étudier « objectivement ». D'autant que Darwin a désacralisé l'homme. L'homme n'a pas été créé par Dieu, il est le fruit d'une longue histoire. La science étudie, décrit, classe tous les êtres vivants, flore et faune. Rien n'interdit de classer les hommes comme on classe les plantes ou les animaux. Leur unicité « sacrée » n'avait pas empêché la hiérarchisation. La science justifie le classement et va essayer de prouver la hiérarchie. Les hommes sont évidemment différents. Dans la tête de tout un chacun et donc dans celle des savants qui sont de leur époque et cette différence va impliquer une hiérarchie. A partir de mesures diverses, d'observations, anatomiques, culturelles..., ils vont s'efforce de démontrer cette hiérarchie.


La question est toujours la même : diversité et/ou égalité ? Du constat, les hommes sont différents, on passe au postulat, les hommes sont inégaux. Postulat de départ, qui va entraîner la recherche de preuves scientifiques de cette inégalité  : on va alors hiérarchiser en fonction de telle particularité physique ou comportementale... A l'inverse, la déclaration des droits de l'homme postule l'égalité des hommes « en droits et en dignité », entraîne pour beaucoup un refus de l'évidente diversité. Notamment par peur d'une tentation hiérarchisante dont on a connu les effets au XXème siècle... (Peut-on parler de races humaines ?)


Les conclusions des savants du XIXème siècle, « savants de leur temps », vont être très utiles aux politiques. Ils ont entretenu l'idée de supériorité. Qui était « légitimée » par une supériorité indéniable, celle des armes, des moyens techniques qui vont permettre l'extension et l'exploitation coloniales et aussi l'ouverture de nouveaux champs à la rivalité au delà des océans, sur l'ensemble de la planète, entre impérialismes européens.

 


Les discours sur l'inégalité considérée comme essentielle, définitive, permet l'exploitation et même l'esclavage, sans problème, des êtres inférieurs, hommes ou bêtes. L'inégalité temporaire, remédiable, justifie un colonialisme moral, émancipateur, « civilisateur ». Les exhibitions ethniques vont populariser ces deux types d'exploitation, la colonisation et toutes les aventures « exotiques ». La mise en esclavage des vaincus n'est pas un phénomène nouveau, il est ici justifié par une supériorité qui n'est pas seulement celle des armes. Qui est démocratisée par les exhibitions.


L'exposition est très riches en documents de cette époque qui a vu à la fois une professionnalisation de la mise en scène de ces exhibitions, de tournées allant de ville en ville, professionnalisation même des « acteurs de la sauvagerie », exhibés, jouant un rôle, souvent rémunérés. Ils venaient de tous les continents « aborigènes, les femmes à plateaux, les amazones, les charmeuses de serpents, les funambules japonais ou les danseuses du ventre orientales, mais aussi le Clown Chocolat dessiné par Toulouse-Lautrec ou encore le personnage mythique de Buffalo Bill qui présente son show autour de l’archétype de l’Amérindien exhibé, qui marquera à jamais l’imaginaire du Far West ».
C’est un « sauvage » fabriqué, inventé, pour le spectacle que découvre, sans le savoir, le public.


Parmi les documents présentés, la « Vénus hottentote »réapparue, sur les écrans, en 2010 dans lefilm d'Abdellatif Kechiche, la « Vénus noire ».Venue du Cap, Saartjie Baartman a été exposée d'abord en cage, à Londres, puis est venue à Paris où elle mourra.


Après le public des foires, c'est devant les yeux de scientifiques et de peintres qu'elle est exposée nue, transformée en objet d'étude. Peu de temps plus tard, le rapport qui en résulte compare son visage à celui d'un orang-outang et ses fesses à celles des femelles des singes mandrills. Devant le moulage de son corps qui est resté au musée de l'Homme jusqu'en 1974, l'anatomiste Cuvier dira
« Je n'ai jamais vu de tête humaine plus semblable à celle des singes ». Mais les choses ne sont pas simples et Cuvier aurait parlé d'une dame sauvagesse de qualité, parlant trois langues et bonne musicienne.


Ce n'est qu'en 2002 que ses restes ont été remis à sa communauté d'origine, la communauté Khoikhoï (hommes des hommes).



Elle avait tout pour être l'Autre car comme le dit Abdellatif Kechiche :
«Les hommes ont beaucoup opprimé les femmes dans l’Histoire. Noire et différente, Sarah synthétise en elle tous les motifs d’oppression».

 


« L'invention » de l'autre ne veut pas dire qu'il n'existait pas auparavant comme l'Amérique existait avant sa « découverte » par les Européens. Il existait mais il ne devient « autre » que par le regard des... autres. L'exposition montre bien que l'autre inventé à cette époque, et qui nous marque encore aujourd'hui, n'a pris cette forme et cette ampleur que parce qu'elle répondait aux besoins de la société à un certain moment.


Il reste à avancer vers une société qui reconnaisse et la diversité et l'égale dignité de toutes les personnes.

 


L'exposition se termine par une question posée au visiteur sur le regard qu'il porte sur les divers « autres » de notre société.



Exhibitions, l'invention du sauvage, musée du Quai Branly 29/11/2011 – 03/06/12. Meilleure exposition 2011 aux Globes de cristal art et culture

Partager cet article
Repost0
17 septembre 2011 6 17 /09 /septembre /2011 11:09

Publié aussi par Agoravox

1FreiburgRathaus75

  Hôtel de ville de Freiburg

 

Fribourg en Brisgau (Freiburg im Breisgau, Allemagne), devant l'Université (1), au coin de la rue, un panneau indicateur : Gurs 1027 km (photo).

2GURS

Nous avons entendu parler de Gurs, un camp dans les Pyrénées atlantiques... Mais s'agissait-il de « notre Gurs » ou d'un autre Gurs et pourquoi ce panneau ?

 

3FreiburgStèle

 

Une plaque commémorative (photo) nous a rapidement permis de comprendre. Le 21 octobre 1940, les juifs de Fribourg, de Bade-Wurtenberg, Palatinat, Sarre ont été arrêtés et envoyés dès le 22 au camp de Gurs en France.

4Pavés77

 

A Freiburg, cette rafle des juifs locaux n'est pas effacée. En se promenant dans cette belle ville, aujourd'hui connue surtout pour ses initiatives écologiques, aux rues pavées dans le centre historique, on remarque certains de ces pavés : dorés, gravés (photo). Chacun perpétue le souvenir d'un de ces juifs, raflés, envoyés à Gurs d'abord, à Auschwitz ensuite.

Par les hasards de nos pérégrinations estivales et amicales, nous étions chez des amis à Rivesaltes (Pyrénées orientales) 15 jours plus tard. Voyant des panneaux indiquant un futur Mémorial pour l'ancien camp de Rivesaltes, nous avons fait un petit détour.
5RivesaltesBaraques

 

 

Pour nous, Rivesaltes, Argelès... étaient des camps qui avaient « accueilli » les Républicains espagnols lors de la « Retirada », la retraite devant les troupes de Franco.

 

 

 

 

6RivesaltesBaraques8 (4)

A Rivesaltes, il reste encore des baraquements qui attestent de l'ampleur du camp (photos). En réalité, c e camp, le « camp Joffre », a d'abord été un camp militaire, 1938, rapidement doublé d'un camp destiné à recevoir des réfugiés espagnols de 1939. Promis à une longue carrière pour regrouper là différentes populations « indésirables ». Des stèles sont là pour rappeler ces populations.

9RiveRetirada (14)

 

En premier, bien sûr, les Républicains espagnols (ci-dessus). Puis les juifs  regroupés là sous le gouvernement de Vichy, en « zone libre » et dont, à notre grand étonnement, certains venaient de Bade-Wurtenberg (photo ci-dessous)  même si, dans leur grande majorité, ils ont été ensuite été dirigés sur Gurs (2), avant leur destination commune et finale pour beaucoup . A la même époque, ils n'étaient pas les seuls, une plaque (photo) rappelle que les Tziganes ont partagé leur sort.

 

teleJuifsLisible.JPG

10StèleGurs11RiveTzigane

 

La France reconnaissante y a ensuite « logé » les harkis auxquelles un monument est consacré et quelques bâtiments ont servi de centre de rétention pour les immigrés en voie d'expulsion que la Cimade a voulu rappeler (photo).

12RiveHarki13RiveRétentionCimade-1

Cette succession de communautés enfermées dans ce camp attestent probablement de la « continuité du service public » : répression servile (les juifs regroupés dans un camp dans la zone dite « libre ») ou directement active et responsable pour enfermer ceux qui avaient cru que la France pouvait être accueillante à ceux qui craignaient pour leur liberté.

4RiveAffichesiteMusée2198 (4)

Le Conseil général des Pyrénées orientale veut ériger un mémorial mais aurait des difficultés pour obtenir la participation financière de l'État. Il est compréhensible que l'État rechigne à financer un mémorial, si peu héroïque.


1 - Du 9 au 14 août, nous avons participé à Freiburg à l'Université du réseau européen d'Attac.

2 - Le camp de Gurs est le plus grand camp du sud de la France, construit en 1939 pour les réfugiés espagnols et les volontaires des Brigades internationales, sera utilisé ensuite comme centre d'internement pour les indésirables du régime de Vichy et deviendra l'une des bases de la déportation des juifs en France.
Les réfugiés espagnols et les Espagnols sans papiers seront en grande partie transférés à Rivesaltes tandis que Gurs regroupera des juifs notamment ceux de Rivesaltes en attente de leur déportation.

 



Partager cet article
Repost0
18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 07:56

Je viens de retrouver cet article que j'ai écrit en 1989, lors de la première "affaire du voile". Il a été publié dans "Les Pavés de la Commune, n°73, du 19 janvier 1990, "Journal Alternative Rouge et Verte" du 20 ème arrondissement de Paris.
Les dessins qui illustrent l'article n'ont pas été choisis par moi mais par le directeur de la publication.

C'est une photocopie (avec ses erreurs d'orthogrphe) qui est reproduite ici.

P.O.

 

 

  Numériser0001

  Numériser0002

Numériser0003

Numériser0004

 

Numériser0005

 

 

 

Numériser0006

Partager cet article
Repost0
16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 20:44

 

Trois hommes de foi se penchent sur les versets qui, dans leurs textes sacrés, peuvent conduire à des affrontements interreligieux graves.

 

Yves Simoens, jésuite, n'interroge que l'Évangile de Jean sur les juifs, David Meyer, rabbin, et Soheib Bencheikh, imam, se penchent sur l'ensemble des textes en commençant par expliquer leur nature.

 

David Meyer rappelle que seule la Torah est un texte « révélé » par Dieu à Moïse et donc « supposé » (DM) parfait puisque d'origine divine et inspirée. Le Talmud, particulièrement riche en « versets douloureux » n'est qu'une « compilation de dictons rabbiniques » visant à « créer un code de lois juives » et à « encadrer le peuple juif dans la pratique quotidienne de sa religion ».

Soheib Bencheikh sépare, de la même façon, le Coran, « l'unique source divine et infaillible » du fiqh, jurisprudence islamique, « ni sacré, ni immuable », et les hadith recueil de paroles, de faits et gestes attribués à Mohamed.

 

Tous deux vont relire Talmud, fiqh ou hadiths en essayant de les interpréter, de les relativiser, en fonction du lieu, du moment et des personnes qui sont à leur origine. Cette critique « historique » est aussi la démarche de YS lisant l'Évangile de Jean.

 

Le Christ est en Judée et n'est pas « reconnu » par les Juifs de Judée qui le recherchent pour le tuer. Cela ne met nullement en cause tous les juifs de tous les temps mais seulement les juifs de Judée au moment où Jésus parcourt cette terre.

Parmi les douze disciples qu'il a choisis, l'un le trahit, l'autre le renie ! Ils n'en demeurent pas moins ses disciples. Ce que condamne le Christ, ce sont les péchés, non les pécheurs. Et de même que Jésus ne condamne pas Judas qu'il a choisi et qui le trahit, de même il ne condamne pas les juifs. « Il devrait être clair pour le regard chrétien que le juif demeure élu de Dieu et plus aimé que quiconque parce qu'il est le plus menacé ».

 

Pour arriver à cette relativisation par l'histoire des rapports de l'Église avec les juifs, YS reconnaît qu'il a quand même fallu des siècles et le livre de Jules Isaac sur « l'enseignement du mépris » venant après la Shoah. Jean XXIII supprime la prière pour les juifs déicides, le vendredi saint !

 

Il est relativement compréhensible que le Talmud, le fiqh, les hadiths énoncés par les hommes puisse être rediscutés aujourd'hui et qu'ils puissent comme le dit David Meyer écrire de nouvelles choses dans les marges de la Torah. Il est plus difficile et beaucoup moins compréhensible pour les croyants de voir discuter un texte « révélé  donné par Dieu à Moïse » (Torah) ou réputé «unique source divine et  infaillible » (Coran).

 

Pour David Meyer comme pour Soheib Bencheikh, il ne faut pas toujours prendre le texte à la lettre, sous peine de courir le risque d'entrer dans la barbarie. Si la parole de Dieu est sacrée, Dieu seul connaît l'interprétation vraie des textes. Et chacun doit interpréter le texte sans que cette interprétation puisse se dire la « vraie » et sans qu'elle devienne obligatoire pour tous.

 

S'attaquant aux versets les plus douloureux, par nature, de la Torah (le sacrifice d'Isaac, la destruction de Sodome et Gomorrhe), David Meyer y voit un dialogue nécessaire entre Dieu et sa créature qui ne peut être enfermée dans la seule soumission. Dieu et l'Homme sont partenaires. La justice s'impose à tous, même à Dieu. Quand Abraham discute l'ordre de détruire Sodome et Gomorrhe, il est dans son rôle de partenaire mais ne va malheureusement pas au bout du marchandage : S'il y a 50 justes ? S'il y a 10 justes ? et il ne pousse pas jusqu'à, et s'il n'y en a qu'un ? Plus grave, il ne discute pas du tout l'ordre de sacrifier son fils. Lors de cette demande, Dieu ne s'attend pas à une obéissance aveugle mais à une objection qui ne vient pas. Malgré cela, Isaac n'est pas sacrifié. La vie est sacrée.

Pour David Meyer, le livre de Josué, particulièrement douloureux, a été maintenu dans la Bible, non « pour justifier toutes les conquêtes mais au contraire pour faire naître un sentiment intuitif de rejet devant l'horreur. Le livre ne doit pas être une source de légitimation mais de réflexion ».

A travers l'histoire et malgré les versets douloureux, les rabbins se sont ingéniés à contourner les textes pour que le génocide qui était en apparence permis ne soit jamais mis en pratique.

 

Pour David Meyer, la Torah n'est pas un livre qui assène la vérité, indiscutable, mais un livre qui doit susciter la réflexion. Au risque de la transgression. Dans l’esprit du Talmud ; « Il y a des cas où transgresser la lettre de la loi, c’est précisément respecter son esprit ».

 Soheib Bencheikh reprend de nombreux reproches faits à l'islam pour montrer qu'ils n'ont, le plus souvent, pas une origine coranique et les rattache à des circonstances
historiques. Mais il n'hésite pas à affirmer que, si le Coran est divin et infaillible, il n'en reste pas moins tributaire de son temps et a subi des variations au moment de la révélation. Il s'étonne même : « Il est curieux que Dieu, pendant 23 ans, ait favorisé cette évolution dans la législation pour ensuite la voir stagner pendant 14 siècles. » Personne, dit-il, « n'a jamais rencontré une Bible ou un Coran qui s'exprime par lui-même ». Par contre, il est facile de rencontrer des hommes qui interpêtent les textes,
souvent de façon très différentes. Ce qui conduit le rabbin comme l'imam à dire qu'il faut
rechercher dans les textes l'enseignement divin, qu'il faut le dégager de son « réceptacle
purement humain ». Qu'il faut surtout se libérer des lectures littérales qui font des versets
douloureux des versets dangereux. Ce qui conduit à une théologie de la transgression, non de la parole de Dieu, mais de ses
interprétations traditionnelles, institutionnelles ou non. Il faut, dit Soheib Bencheikh, et
ce n'est certainement pas à ses yeux valable seulement pour le Coran et l'islam, « délivrer
le patrimoine coranique des mains de l'obscurantisme et de l'intrigue notamment politique ». Pour lui, l'avenir de la planète en dépend, « sachant que le quart de l'humanité est de
confession musulmane ». De plus, « avec la sécularisation du monde occidental et la
laïcisation de l'art de gouverner, l'islam et son droit classique se trouvent largement
dépassés... La sécularisation de la société dans l'Europe chrétienne n'a pas attendu le
concile de Vatican II. L'islam n'est pas différent à cet égard : ou il marche avec son
siècle ou il reste en marge de la société moderne » A la question « qu'est-ce qui oblige à une lecture différente », les 3 auteurs ont des
réponses proches : YS : « D'abord ma conscience morale d'homme, de chrétien,de religieux jésuite, de
prêtre catholique... » DM : « Ce texte , on peut le lire de telle ou telle façon, il y en a une qui me semble
acceptable, il y en a une qui me semble tout à fait inacceptable... Nous avons là une
opposition entre une lecture éthique de ce verset et une lecture littérale. C'est l'éthique
qui l'emporte. Ce n'est pas l'éthique du XXIè siècle mais c'est celle du bon sens.... »
SB : « On ne lit pas le Coran pour l'aduler mais pour chercher des solutions pour soi. Revenir à la conscience individuelle... Libération du Coran de toutes ses interprétations
dépassées par le temps mais aussi la libération de l'idée de Dieu du Coran lui-même ». Comme le dit Alexande Adler dans la préface, les « Livres saints ne sont plus...
un aboutissement des relations entre l'homme et le divin mais seulement un point de
départ ». Qui laisse beaucoup de place au doute pour ne pas dire au scepticisme quand
on voit le jeu des interprétations qui, ici, disent qu'il faut se détacher de l'histoire pour
« trouver dans le texte son message intemporel et universel » et là qu'il faut au contraire
« relire le verset dans son contexte car ce n'est qu'à cette condition qu'il a un sens ». A la question fondamentale d'Alexandre Adler, « pouvons-nous encore nous dire
monothéistes ? », il semble difficile de répondre « oui ». Après les horreurs perpétrées à
travers l'histoire au nom des textes sacrés ou sous leur influence directe ou indirecte. L'exégèse des textes sacrés semble faite pour aider ceux qui ont la foi et que ces textes
désorientent plus qu'ils ne les aident à vivre. Pour cela, il faut aller chercher leur sens
dans la « conscience morale d'homme » (YS), dans l'éthique du « bon sens » (DM),
dans la « conscience individuelle » (SB). N'est-ce pas là un hommage à l'humanisme et à la raison trop souvent mis à mal par
l'interprétation de versets qui sont douloureux pour certains mais dangereux pour tous ?

* Les Versets douloureux. Bible, Évangile et Coran entr conflit et dialogue.
David Meyer, Yves Simoens, Soheib Bencheikh.
Lessius 2007

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Paul ORIOL
  • : Réflexions sur l'actualité politique et souvenirs anecdotiques.
  • Contact

Texte Libre

Recherche