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4 avril 2022 1 04 /04 /avril /2022 16:25
Abattre les statues, revoir le récit national...

Abattre les statues, revoir le récit national...

Depuis quelque temps, des contestataires s’en prennent aux statues de personnalités qui ne mériteraient pas un hommage public… Classiquement, ce sont des régimes nouvellement installées qui veulent faire table rase du passé. L’événement récent le plus célèbre est la destruction des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan par les Talibans en 2001.

En France, en 1792, la Révolution ne veut pas laisser plus longtemps sous les yeux du peuple français les monuments élevés à l’orgueil, au préjugé et à la tyrannie... et en 1793 engage la destruction de tous les emblèmes de la royauté… monument et inscription ou emblème en bronze pour les transformer en bouches à feu…

Le gouvernement de Vichy de 1941 à 1944 récupère, pour l’industrie de l’armement allemande, les métaux des statues de certains figures républicaines peu appréciées de la Révolution nationale. En préservant les figures des saints, rois, reines et les monuments aux morts… Environ 1 700 statues furent détruites sur ordre de Vichy, plus de cent pour la capitale.

Les nouveaux iconoclastes s’attaquent à des statues de personnages officiellement honorés mais dont le comportement historique ne coïncide pas toujours avec les valeurs proclamées de la République.

Ce rappel historique bouscule parfois le récit que nous avons biberonné à l’école qui faisait de la France, de nous, les champions des droits de l’homme et de l’émancipation des peuples. Même si la guerre d’Algérie a ouvert un peu les yeux de ceux d’entre nous qui l’ont vécue. Mais que beaucoup veulent toujours ignorer.

Cette relecture du passé qui pointe à l’occasion du soixantième anniversaire de la paix avec l’Algérie, ne concerne pas que la guerre d’Algérie et devrait permettre la réintégration dans l’histoire d’une partie significative des Français qui se sentent un peu à l’écart.

C’est possible si on admet qu’il n’y a pas de peuple élu, que le peuple n’a pas une pensée unique, qu’il est traversé d’intérêts divers, qu’il y a des moments différents, des histoires diverses, des aptitudes à comprendre qui changent, des oublis intéressés, des résistances qui n’ont pas été entendues… Que l’histoire doit faire le tri, établir la part des choses.

Souvenir d’un bref échange avec un membre du Conseil de rédaction de Migration Société :
- C’est quoi pour toi 1848 ?

- La proclamation du suffrage universel.
- Pour moi, c’est la suppression de l’esclavage.

Il était d’origine sénégalaise et bien sûr de culture française et sénégalaise...

Tout est là. Nous savions l’un et l’autre. Nous avions un récit historique commun mais perçu différemment : l’instauration du suffrage universel et la seconde abolition de l’esclavage ont eu lieu, toutes deux, en 1848. Et ce n’est pas un hasard. Comme ce n’est pas un hasard si la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen et la première abolition de l’esclavage en France ont eu lieu au moment de la Révolution...

Dans mon esprit, abolition de l’esclavage par Victor Schœlcher. Et les jeunes d’aujourd’hui déboulonnent la statue de Schœlcher pour dire que la suppression de l’esclavage n’est pas due à un humaniste blanc de 44 ans mais aux révoltes des personnes réduites en esclavage. Ce que mon récit historique incomplet ignorait, avait oublié ou mis au second plan.

Déboulonner Schœlcher me choque. Oublier ou minorer les révoltes est tout aussi choquant. L’abolition est le fruit des révoltes de ceux qui en étaient victimes et de la lutte des antiesclavagistes. Peut-être aussi de divergences politico-économiques à d’autres niveaux.
L’esclavage a touché des millions de personnes pendant des dizaine d’années, leur souffrance ne peut être discrètement oubliée par l’histoire officielle et, encore moins, par leurs descendants. Qui en demandent la reconnaissance pour faire pleinement nation. Sans oublier les bénéfices que d’autres en ont tiré et sur lesquels repose une partie, non dite, de la prospérité française.

Le travail fait à Nantes est de ce point de vue une exception en France : le rappel du lien entre la prospérité de Nantes et son rôle éminent dans le commerce triangulaire dont témoigne encore l’île Feydeau, quartier aménagé au XVIIIème siècle pour les hôtels des armateurs...

Mais si Nantes se souvient de l’origine d’une partie de sa richesse, qui se souvient du financement du Palais de l’Élysée occupé par Louis-Napoléon Bonaparte, premier président de la République élu au suffrage universel en 1848, et devenu officiellement la résidence des présidents de la République française par la loi du 22 janvier 1879…

 Pourtant ce palais a été construit avec l’argent que l’homme le plus riche de France au début du XVIIIème, Antoine Crozat, dont sa Compagnie de Guinée avait « pour mission d’acheminer du port de Nantes, le plus grand nombre possible d’esclaves noirs vers Saint-Domingue et de remplacer sur l’île, le tabac par le sucre ». Ce qui lui permet de marier sa fille de 12 ans à Louis-Henri de la Tour d’Auvergne, le comte d’Évreux. Qui utilisera la dot pour faire construire le Palais. Ce palais passe de main en main, devient la propriété de la Marquise de Pompadour, des graffitis ont orné ses murs (maison de la putain du roi) et de biens d’autres ce qui fait dire au Général de Gaulle que l'Élysée devient « palais de la main gauche, palais à femmes » avant sa républicaine promotion.

Le combat pour l’abolition de l’esclavage commence avec la rébellion des esclaves de Saint Domingue en 1791 suivi par le gouvernement révolutionnaire qui y proclame l'abolition en août 1793. Avant d’être étendue par la Convention aux autres colonies par le décret du 4 février 1794. L’abolition de l’esclavage fait partie du grand vent de la Révolution de 1789 pour libérer l’homme de toutes les contrainte… Mais, il est rétabli en 1802 par Napoléon et ce n’est pas le seul pas en arrière...

Il faut attendre 1848 pour que l’abolition soit rétablie et le suffrage universel instauré. Avec indemnisation des colons pour la perte de leurs biens comme au Royaume-Uni en 1838. Les esclaves sont un bien ! Tandis que le gouvernement refuse d’indemniser les esclaves libérés pour les années de privation de leurs droits humains. Ce que certains reprochent à Schœlcher.

En Martinique et en Guadeloupe, la tension sociale est telle que les gouverneurs des deux îles proclament l'abolition avant l’arrivée des commissaires avec les décrets...
L’abolition de l’esclavage est bien le fait de la lutte des uns et des autres. Et cela n’enlève rien au mérite de Victor Schœlcher.

Ce n’est là qu’une vue moderne et franco-centrique de l’abolition de l’esclavage. De multiples étapes de l’abolition avec de nombreuses rechutes dans le temps et dans l’espace. Depuis le VIIème siècle avec la reine Bathilde, captive des corsaires, revendue, devenue reine de France qui interdit l'esclavage, jusqu’au Niger en 1999 avec une poussée importante en Europe au XVIIIème siècle… Amériques, États-Unis, Brésil 1888, traite orientale, traite arabe, traite intra-africaine...

Avec la statue de Colbert au Palais Bourbon, les choses sont différentes. Elle rend hommage à Jean-Baptiste Colbert, grand commis de l’État du monarque absolu, Louis XIV, inspirateur d’une politique économique à laquelle son nom est attaché, le colbertisme. Mais Colbert est aussi responsable de la mise en forme du « Code noir » fondé sur les pratiques des tribunaux et des notables coloniaux… Peut-être innovateur en politique économique, simple copiste des mœurs coloniales de son époque qu’il entérine.

Sa présence dans les palais de la République n’est pas totalement indispensable et mériterait, pour le moins, une mise au point.

Un pas important a été franchi avec la loi Taubira reconnaissant l’esclavage comme un crime contre l’Humanité et dans les actions qui ont conduit à faire du 10 mai, la Journée Nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage et du 23 mai, la Journée Nationale en hommage aux victimes de l’esclavage. Un nouveau pas pourrait être la création d'un mémorial national de l’esclavage au jardin des Tuileries à Paris portant l’inscription des 200 000 noms d’esclaves affranchis comme le demandent depuis plus de vingt ans des citoyens français, descendants d’esclaves, dont la marche fondatrice du 23 mai 1998 avait réuni plus de 40 000 personnes à Paris...

Les nouveaux iconoclastes ne veulent pas toujours effacer mais rétablir la vérité, la complexité de l’histoire en s’attaquant à des noms de rue, à des monuments tellement banalisés qu’ils ont perdu toute signification pour beaucoup. Mais qui ne sont pas, en l’état, à leur place.

 

 

 

 

 

 

 

 

Abattre les statues, revoir le récit national...
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28 décembre 2019 6 28 /12 /décembre /2019 19:15
Le voile… trente ans… et après

Quand, en 1989, trois jeunes filles d’Aubervilliers se sont présentées au lycée avec un voile qu’elles ont refusé d’ôter, le voile est entré en politique en France (1). Le voile quel qu’il soit, du foulard au burqini. Quel que soit le lieu, de l’école à l’université, de la rue au travail. Quel que soit l’âge, des jeunes aux adultes et aux enfants. Quelles que soient les orientations politiques, de l’extrême droite à l’extrême gauche.
Quelle que soit la saison mais en période préélectorale, la question peut être utile pour masquer l’enjeu de l’élection et faire oublier l’essentiel.
La question n’a pas été totalement
réglée par l’adoption de deux lois en 2004 (2a) et 2010 (2b). Elle se pose dans bien d’autres pays, européens où la population musulmane est plus ou moins récente ou pays à population traditionnellement musulmane. Elle a même été posée au niveau d’instances internationales (Annexe 1).

Que peut-on en dire ?

Il n’est pas question de discuter de ce que dit ou ne dit pas le Coran, pas plus que les hadiths. D’éminents musulmans le font depuis des siècles et ne se sont pas mis d’accord. On ne peut que prendre acte de ce désaccord.

Et de ce qui en découle, au moins partiellement : toutes les femmes musulmanes n’ont pas la même pratique vestimentaire dans le monde, pas même à l’intérieur d’un pays sauf peut-être dans des pays musulmans totalitaires.
Certaines portent des voiles, de toutes sortes, couvrant tout le corps des pieds à la tête, cachant le visage et même les yeux ou la seule chevelure (3). D’autres n’en portent pas du tout et leur façon de se vêtir est tout aussi variée.
Cette diversité vestimentaire dépend de la volonté de chacune, de ses possibilités, de son environnement social et politique : mode, coutume, milieu social, type de pouvoir politique, législation nationale… (4).

Les exemples des pays européens et des pays à population, partiellement ou totalement, musulmane (Annexe 1), permettent de constater que législation et pratique dépendent de la situation politique et de la volonté des gouvernements, le plus souvent composés exclusivement ou majoritairement d’hommes.
Elle varie aussi suivant les époques : Turquie de Kemal Ataturk et de Recep Tayyip Erdoğan, Tunisie de Bourguiba, de Ben Ali et Tunisie actuelle, Iran du Shah et de Khomeini...
Avec,
quelquefois, une continuité comme, entre autres, en Arabie saoudite la monarchie absolue est alliée depuis longtemps au wahhabisme, très conservateur.

Avec cette importante variété de pratiques, le voile, il faudrait dire les voiles, apparaît au moins autant comme un signe politique qu’un signe religieux. Politico-religieux ? Individuel ou collectif ?

En France

Comme dans tous les pays européens, la société est fortement sécularisée. Avec en plus, la laïcité qui fait partie de son histoire.

La société française d’aujourd’hui est, d’une façon importante, le résultat d’un conflit séculaire entre les institutions politiques successives, royauté, empire, république et l’institution religieuse dominante,l’église catholique.

Un compromis entre républicains été imposé  à l’Église catholique, dominatrice, avec l’adoption de la laïcité par la loi de 1905 de séparation des Églises (pour tenir compte des autres cultes de l’époque, protestants, israélite) et de l’État, mettant fin à un siècle de Concordat signé en 1801 avec le Saint-Siège, concordats étendus ensuite aux cultes réformés (1802) et israélite (1808). L‘Alsace-Moselle, en 1905, sous l’autorité de l’Allemagne, a conservé le statut concordataire en 1919, malgré le rattachement à la France, après la fin de la Première Guerre Mondiale.
Il faudrait ajouter les situations particulières de la Guyane pour le culte catholique, Mayotte pour l’islam...

L’Église catholique s’est fortement opposée à cette loi, y compris bien après son adoption.

Elle n’a pas tout résolu. Elle ne pouvait tenir compte de demandes islamiques, par exemple, qui n’existaient pas à l’époque. Elle n’a même pas résolu tous les problèmes avec l’Église catholique. Elle a été complétée, adaptée, battue en brèche par des textes multiples sous les différentes républiques, suivant les circonstances et les rapports de force. Notamment, à propos du financement des écoles privées, très majoritairement catholiques... Plusieurs textes depuis 1945 ont contrevenu au principe fonds publics pour l’école publique, fonds privés pour l’école privée. Dernier exemple, la loi Blanquer, rendant obligatoire l’instruction des enfants dès l’âge de 3 ans, instruction déjà assurée à 97-98 %, oblige les communes à subventionner les écoles catholiques recevant ces jeunes enfants (5).
Les lois de 2004 et 2010 ont été adoptées pour répondre à des questions qui ne se posaient pas jusque là. Elles ont partagé l’opinion publique avec cependant moins de violence qu’en 1905 où on a pu parler de guerre des deux France.

Le compromis de 1905 semble faire consensus aujourd’hui, même de gens qui n’en connaissent pas les termes ou qui s’y opposeraient si elle était en discussion. D’ailleurs certains en demandent la révision. Refusée par beaucoup par crainte de rallumer l’incendie.

Le voile… trente ans… et après

Au point de vue vestimentaire, religieux et religieuses catholiques peuvent porter l’habit de leur choix. Les habits des prêtres, comme la soutane, et surtout les coiffes des religieuses ne passaient pas inaperçus. Et la loi n’a rien trouvé à redire. Au contraire, les tribunaux se sont opposés, au nom de la laïcité, à ceux qui voulaient les interdire dans la rue. Si, aujourd’hui, les religieux ou les religieuses portent, le plus souvent, des habits civils ou discrets, cela tient à leur évolution parallèle à celle de la société. Et, probablement, à la volonté de religieux de se noyer dans la masse.
C’
est le fruit d’une sécularisation générale de la société qui touche la plupart des pays occidentaux.
De même, la laïcité ou la loi n’ont rien à voir avec la disparition du fichu de nos grands-mères ou même avec
la possibilité pour les femmes d’entrer dans les églises sans couvrir leur chevelure.
Les vêtements traditionnels des hommes musulmans comme le fichu des femmes musulmanes n’a pas posé plus de problème. L’abandon des voiles traditionnels du pays dont certains cachaient le visage, et l’adoption du fichu ou foulard islamique traduisaient une adaptation à la société dans laquelle ces femmes vivaient. Suivant l’indication de l’ancien évêque d’Hyppone : « Si tu es à Rome, vis comme les Romains ; si tu es ailleurs, vis comme on y vit. »

La question a été soulevée par la volonté de quelques jeunes filles non de venir voilées à l’école, ce qui ne semble pas avoir posé de problème, mais de refuser de le retirer en entrant dans l’école : l’école enjeu et symbole de la bataille historique pour un État laïque face à l’emprise de l’Église catholique.

L'épisode suivant a été la volonté de porter le voile intégral dans la rue qui en était absent et qui l’est encore souvent, quelquefois même interdit comme en Algérie, dans le pays d’origine des femmes immigrées et de leurs filles. Voile intégral, essentiellement porté par les femmes dans des pays bien peu démocratiques et rarement en pointe pour l’égalité femme-homme. Et ici, plus souvent semble-t-il, par des converties.

Est venu ensuite le burqini… qui ne devrait poser aucun problème, la plage étant ouverte à chacune dans la tenue de son choix, à l’exclusion de la nudité totale réservée aux lieux spécialement aménagés à cet effet. S'il ne masque pas le visage, il ne peut être interdit : par l’ordonnance du 26 août 2016, le Conseil d’État a invalidé une arrêté communal l’interdisant sur les plages.
L
a question est différente en piscine. Le burqini ne peut être interdit comme vêtement. Il peut l’être comme maillot de bain pour des raisons d’hygiène en vertu de règlements intérieurs qui interdisent toutes les tenues amples comme boardshort, bermuda...
Pour interdire les voiles dans la rue, notamment ceux qui cachent le visage, d
’autres raisons ont été invoquées dans divers pays.

La question du voile de mères accompagnant des enfants dans le cadre de sorties scolaires est plus complexe : la laïcité a été invoquée dans la mesure où ces mères contribuent à l’encadrement. Le personnel encadrant les enfants est tenu à la neutralité vestimentaire, cette neutralité peut être exigée pour toute personne qui remplit cette fonction. Un argument juridique a pu être invoqué : la personne accompagnante, bénévole, est couverte pour les enfants qu’elle accompagne et pour elle-même, par l’administration en cas d’accident. Quasi agent de l’administration, elle doit respecter leur statut. Ce n'est pas le cas, si elle n'est pas couverte...
L
e Conseil d’État a tranché en 2013 : en tant que collaborateurs occasionnels, les accompagnants ne sont pas soumis à la neutralité religieuse imposée aux enseignants. Aura-t-on besoin un jour du Conseil d’État pour définir collaborateur occasionnel ?
Bien entendu, cela ne touche pas les nombreuses nounous, quelquefois sans papiers, qui gardent des enfants dans le cadre privé.

Le voile… trente ans… et après

Le voile dans la société

Le conflit sur le voile est au croisement de plusieurs évolutions de la société.

Une tendance à la libération des corps, une plus grande tolérance ou utilisation de la nudité des femmes. Discutable et contestée par des féministes mais qui s’étale dans la rue, la publicité, à la télévision, au cinéma, et qui existe depuis… dans la peinture ou la sculpture...

Une évolution lente, difficile mais continue, vers l’égalité et le voile peut être ressenti comme un signe de l’infériorité acceptée des femmes. Le mouvement féministe s’est partagé sur la question.

L’effacement progressif de la visibilité religieuse des catholiques dans la rue et la recherche d’une plus grande visibilité de l'islam Conflit entre sécularisation de la société et contre-sécularisation d’un islam qui n’a pas vécu, comme le protestantisme ou le judaïsme, cette évolution et qui n’a pas connu les conflits et l‘apaisement relatif de la société par la laïcité.

D'un islam qui n'est plus celui d'immigrés en France dits de la première ou de la seconde génération. Mais en nombre significatif l'islam des immigrés de France. Dont beaucoup sont français. Issus du passé colonial. Dans une France où le refus d’une décolonisation pacifique a conduit à la guerre d’Algérie qui plus d'un demi-siècle après le cessez-le-feu, n’est pas terminée (6). Où l'amnistie a réglé la question juridique mais non la décolonisation des esprits comme la campagne vérité et réconciliation en Afrique du sud et dans d’autres pays ont pu le faire au moins partiellement...
Beaucoup n’ont pas accepté l’indépendance. Ils voient dans toute personne apparemment d’origine maghrébine, un Algérien, un musulman, un envahisseur, un terroriste potentiel… Malheureusement, ils ne sont pas les seuls...

Ces musulmans de France  veulent vivre dans  leur pays. Les politiques les ont peu entendus, les ont utilisés ou ignorés, bref, le pays ne répond pas à leurs aspirations concernant légalité, théorique et surtout pratique.
Ils sont maintenus dans des conditions dénoncées depuis trop longtemps, le confinement dans des quartiers, stigmatisés, sans intégration dans la représentation politique officielle. Continuant à être en butte au racisme de la vie quotidienne mais aussi, plus gravement, dans la recherche d’un emploi, d’un logement, soumis aux contrôles au faciès, victimes d’exactions policières toujours impunies.
Quoi d'étonnant pour les personnes exclues dans le retour aux origines, dans un retour au religieux et pour les musulmans, vers l’islam politique et un imaginaire venant du Proche-Orient, de la Palestine.… Ou vers ceux qui rappellent qu’ils sont eux, leurs parents, leurs grands parents, assignés à résidence urbaine et identitaire, les victimes continuées d’un système dont les racines plongent dans le passé colonial, un racisme qui persiste et une société qui ne veut ou ne peut changer.  Et un imaginaire qui plus que de la société multiculturelle britannique vient de l’influence culturelle, médiatique des États-Unis...

Le voile… trente ans… et aprèsLe voile… trente ans… et après

La liberté des femmes voilées

Le voile peut être interprété de multiples façons. Mais il est tout, sauf traditionnel.
Le fichu de nos grands-mères a disparu et celles qui le p
ortent aujourd’hui ne veulent pas remettre à la mode cette tradition. Ce n’est pas une persistance du voile des parents ou des grands parents au pays d’origine.

Il est mis surtout par des femmes jeunes pour affirmer une altérité politique et/ou religieuse, une liberté qu’elles estiment empêchée mais qui leur est reconnue par la société, dans la limite des lois : pas de voile dans l’école, pas de voile cachant le visage dans l’espace public. Une altérité-défi revendiquée en réponse à une altérité-exclusion qu’elles ressentent comme un enfermement.
Pour certaines, c'est une affirmation de liberté personnelle alors qu’il est perçu par beaucoup comme un signe religieux et/ou d’asservissement. Celles qui le portent volontairement, refusent que d’autres veuillent les libérer, parler en leur nom. Mais au nom de qui parlent-elles ? Non de celles qui le portent par contrainte. Immédiate, familiale ou indirecte par pression de l’entourage... Celles-ci ne peuvent aller à la télévision pour le dire. Celles qui parlent ne peuvent parler en leur nom.

C’est un paradoxe incomplètement relevé. Elles prennent la parole en tant que (femmes voilées) pour ne pas être traitées seulement en tant que (femmes voilées)… mais ne peuvent pas parler au nom de toutes les femmes voilées.

Et qu’en est-il de la liberté des fillettes à partir de 4, 5 ou 6 ans ? Quand seront-elles libres de choisir ? Au prix de quelles ruptures ?

Après le voile à l’école, légalement réglé par la loi de 2004, apparaît la question du voile intégral. Ici encore, il est difficile de prendre la parole de quelques unes comme représentative de toutes les autres… Leur parole cache la mutité de celles qui ne peuvent se dévoiler au sens propre et figuré.

Les porteuses du foulard islamique peuvent invoquer au delà de l’obligation religieuse, une affirmation culturelle ou politique ou symbolique de revendication de liberté suivant les interlocuteurs. Est-ce le cas pour le burqini ?
Pour les libérateurs, ces femmes l’utilisent pour se libérer du patriarcat et profiter de la plage !!!

La loi garantit la liberté de porter ou non le voile, de faire ou non le ramadan. Dans les faits, ce n’est pas toujours le cas. Des femmes, jeunes ou moins jeunes, peuvent être importunées en ville à cause de leur voile. D’autres le sont si elles sortent sans voile dans certains quartiers. Comme les personnes, hommes ou femmes, paraissant musulmanes, peuvent être importunées parce qu’elles mangent en public pendant le ramadan.
Inversion de la chasse au faciès ?
Non institutionnelle… La loi est pour la liberté. Restent les faits…

L’utilisation de la laïcité

La laïcité peut-être utilisée pour ou contre le port du voile, pour ou contre l’interdiction, à front renversé, même indûment dans les deux cas. La droite anti-laïque de toujours, toute la droite n’est pas anti-laïque de toujours, s’est emparée de la laïcité plus ou moins abandonnée depuis des années par nombre de laïques, trop assurés dans leurs certitudes...
Ces
nouveaux champions essaient d’y cacher leur racisme anti-arabe, même si de nombreuses victimes ne sont pas arabes, leur haine de l’islam derrière la lutte contre l’islamisme même quand ils s’attaquent à des simples croyantes ou des femmes qui pensent, par cette pratique, revendiquer une place qui leur est refusée.

A l’inverse, une certaine gauche, au lieu de s’en tenir au respect de la laïcité et de la loi, les invoquent ou s’attaquent à elles pour soutenir certains comportements avec l’espoir de séduire des populations, par ailleurs, victimes d’un mépris de classe : hier, il ne fallait pas désespérer Billancourt, aujourd’hui il ne faut pas désespérer les classes racisées en défendant un comportement religieux et politique qui n’est un phénomène de classe, ni en France, ni dans le monde. Qui est promu et soutenu par des forces d'ici ou du proche-Orient, qui ne sont peu favorables à une révolution populaire, prolétarienne.

Faire l’amalgame entre le voile, l’islamophobie, le racisme est une faute politique grave. C’est tenir le même discours que l’extrême droite, aussi schématique. Traiter d’islamophobe et de raciste toute personne qui est contre telle ou telle forme de voile, dans telle ou telle circonstance, de raciste toute personne qui critique l’islam, à tort ou à raison, c’est faire le jeu de l’extrême droite.
Que doivent faire les
personnes originaires du Maghreb qui sont contre l’islam ? Sont-elles racistes ? Et les musulmans et les musulmanes qui sont contre le voile ? C’est encore la majorité des femmes d’origine maghrébines qui ne portent pas le voile, ne veulent pas le porter ou sont contre ? Sont-elles islamophobes ? Sont-elles racistes ? Faut-il les rejeter ? Doivent-elles être solidaires de personnes dont elles combattent les idées, le comportement ?

C’est enfermer tout le monde dans une seule case, non choisie ! Des femmes sans voile disent : nous ne rejetons pas la religion en tant que telle mais ses coutumes archaïques, contraignantes, nous voulons promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. Ont-elles le droit de s’affirmer ?

En miroir, pour l’extrême-droite, toute personne qui est pour le voile quel qu’il soit, quelles que soient les circonstances, toute personne qui est musulmane ou même supposée musulmane est islamiste. C’est assigner ces personnes à des opinions qu’elles condamnent dans leur très grande majorité.

Dans les deux cas, ce n’est pas une façon d’avancer. C’est aider à la formation de blocs antagonistes, d’empêcher le dialogue, le vivre ensemble. Mais pour certains, n’est-ce pas le but ?

Dans un cas comme dans l’autre, il ne s’agit pas de laïcité même si certains, des deux côtés, s’en réclament. Mais, consciemment ou non, de choc des civilisations.

Pour des élus de gauche et certains de droite, qui ne sont ni islamo-gauchistes, ni racistes, le soutien à ces pratiques vestimentaires est une façon supposée d’assurer la paix sociale. Éventuellement, de recueillir quelques voix mais peut-être perdent-ils celles de personnes qui, bien que de même origine culturelle, refusent cette pratique.
Il fut un temps, c’est peut-être encore le cas, où, espérant obtenir la paix sociale, des entreprises ont toléré ou favorisé les salles de prière sur le lieu de travail, ce qui n’existait pas dans les pays d’origine. Mais il n’existait pas non plus de forts syndicats considérés comme dangereux… Où d’autres qui se révoltaient contre les conditions de travail, étaient accusés d’être stipendiés par les chiites…
Dans tous les cas, l’idée d’intégration sociale,
de lutte sociale pour ne pas dire de lutte des classes était abandonnée...

Les islamistes utilisent le voile, sous toutes ses formes, pour montrer leur force, étendre leur influence. Notamment avec les frères musulmans, avec l’arrivée de Khomeini au pouvoir en Iran, avec l’aide monétaire du Qatar et de l’Arabie saoudite. Mais tous les voiles n’ont pas la même signification et toutes les femmes porteuses de voile ne sont pas des islamistes même cachées. Et il n’y a pas que des nuances de couleur entre celles qui portent le foulard ou le voile.
La paix sociale est toujours un compromis. Il ne peut être obtenu sans la participation du plus grand nombre.

La majorité peut imposer une loi. Plus difficilement changer les comportements. Elle ne peut convaincre. Elle peut être utile à un certain moment. Un ministre de l’Intérieur qui n’était pas un tendre - y en a-t-il de tendres ? - a dit que la police était obligée d’intervenir quand, quelque part, un ministre n’avait pas fait son travail. La loi peut interdire, empêcher, réprimer certains actes. Elle change plus difficilement les mentalités si la situation qui a provoqué ces actes ne change pas.

Le voile… trente ans… et après

Et après, au-delà du voile…

Dans l’affirmation qu’il n’y a pas de racisme anti-blanc. Une partie de la gauche fait la même erreur. Elle a raison quand elle parle du racisme systémique, racisme institutionnel, contrôle au faciès, logement, embauche... Qui est un racisme blanc. Très important. Il s’ajoute au et fortifie un racisme populaire, renforcé par le racisme colonial. Il faut combattre toutes ces formes de racisme.
Mais dire à ceux qui vivent dans certains quartiers qu'il n'y a pas de racisme anti-blanc, c’est nier leur vécu, les rejeter au lieu de les écouter. Ils ressentent ce racisme quotidien… nié par ceux qui prétendent lutter contre le racisme. Ils se sentent doublement agressés. Cela ne peut que les rendre racistes ou les renforcer dans leurs convictions s’ils le sont déjà. C’est les inviter à rejoindre les seuls qui reconnaissent leur situation et en font l’objet principal de discours.
Ici aussi, il faut écouter ceux qui soufrent et ne pas condamner a priori.

La place de l’islam dans la société se pose à travers diverses questions, parfois conflictuelles qui doivent être réglées par un dialogue, même vigoureux. Sans nier ni chercher à envenimer les choses mais plutôt à trouver un compromis.

Certaines questions sont déjà inscrites dans le calendrier.

Comme l’apparition de listes musulmanes probablement plus nombreuses et plus médiatisées pour les prochaines élections municipales, les manifestations sur la place publique, la construction de mosquées, les menus des cantines...

En France, contrairement à la situation dans des pays voisins, il n’y a pas de parti politique religieux d’envergure comme parti le démocrate-chrétien même si des partis ou des personnes se réclament de ce courant de pensée. La laïcité et les lois de la République n’interdisent pas l’existence de partis religieux, catholique ou démocrate-chrétien ou... musulman. Ou de listes, partiellement, totalement ou majoritairement, de candidats musulmans. Ces listes traduisent, à la fois, une forme d’intégration : participer aux élections. Et une forme de marginalisation ressentie : non représentation satisfaisante, sur les listes en compétition, d’un courant de pensée.
Ces listes éventuelles aux municipales auront des élus, en fonction de la loi électorale et du nombre de voix qu’elles obtiendront

Des protestations s’élèveront probablement contre ces listes qui seront qualifiées, comme dans le passé, de communautaires. Qualifie-t-on les partis chrétiens-démocrates de communautaires ? Une éventuelle polémique s’élèvera sur leur droit d’exister. Sur leur signification politique.
Cela assurera
à ceux qui les auront lancées un supplément de notoriété qui leur donnera satisfaction. Ce rejet sans proposition ne fera que renforcer le ressentiment et le sentiment de nécessité..

Ces listes posent la question de savoir quelle demande, quelles insatisfactions elles expriment, comment et dans quelle mesure ils est possible et nécessaire d’y répondre. Éventuellement trouver des points d’accord avec ces demandes.

Parmi d’autres, le nombre insuffisant de lieux de prière et la nécessaire construction de mosquées, leur financement, la hauteur des minarets plus ou moins résolue par des règlements d’urbanisme, les appels à la prière avec le précédent des cloches des églises (décret d’application du 16 mars 1906 de la loi de 1905)…

Le vendredi, il arrive que, faute de place dans la mosquée il y ait des prières de rue, des fidèles dans l’espace public. Pour qu’il en soit autrement, il serait préférable que les mosquées soient suffisantes en nombre et en places pur accueillir de façon correcte les croyants.

Manifester dans l’espace public est un droit. Que le motif soit festif, sportif, commercial, caritatif ou culturel. Il n’y a aucune particularité pour les manifestations religieuses. Nul besoin de demander une autorisation. Toute manifestation doit être déclarée auprès du maire ou du préfet, avec l'objet,  le lieu, l’itinéraire. Afin que la police puisse s’organiser : circulation, débordements, risques d’affrontements...
Une manifestation peut être interdite pour risque de trouble de l’ordre public. Des conditions particulières peuvent moduler les conditions de sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux comme des processions.

La récente manifestation contre le racisme et l’islamophobie (7) a donné lieu à commentaires. Elle n’était pas religieuse mais politique. Pendant le parcours des organisateurs ont jugé bon de faire crier allah akbar, phrase de base de la prière de tous les musulmans. Rarement entendue sur la place publique par les non-musulmans qui connaissent plutôt le allah akbar que des auteurs d’attentats sur la voie publique au moment de leur action. Il ne fait pas de doute c’est une appel banal pour les croyants musulmans, non pour la masse des autres croyants ou non croyants.
C
ela n’est pas, à proprement parler, un appel à la solidarité avec les victimes du racisme et de l’islamophobie. Inconscience ou provocation ? En tout cas, cela pousse vers le renforcement des oppositions, des situations d’affrontement. Était-ce le but recherché ?

La question des crèches dans des lieux publics ne concerne pas l’islam mais montre bien l’ambiguïté, le compromis de la laïcité : la libre pensée s’est opposée à la présence d’une crèche dans une mairie, lieu public relevant directement de l’État, parce que portant atteinte au principe de neutralité.
La crèche est un symbole religieux mais aussi culturel dont certains pensent qu’il fait partie intégrante de l’identité de la nation, au même titre que d’autres traditions relevant d’un folklore comme le carnaval...
Les cours d’appel de Nantes et de Paris n’ont pas jugé de la même façon. Au conseil d’État, pour le rapporteur public, le principe de neutralité n’interdit pas d’installer des crèches sur le domaine public, sauf quand une intention religieuse préside à cette installation. Une crèche ne peut être autorisé dans une mairie que si elle est temporaire, ne s’accompagne pas de prosélytisme religieux, a un caractère culturel ou festif, lié à l’événement de Noël dans la tradition occidentale.
Il n’en reste pas moins que cela démontre que la laïcité française est une laïcité catholique ou chrétienne. Même si la fête Noël est de moins en moins perçue comme une fête religieuse et plus comme une fête de famille, des enfants et surtout du commerce !

Il  y a déjà eu la querelle sur les racines chrétiennes de la France que certains veulent exclusives et que d’autres veulent nier. Il est évident que la France a des racines culturelles chrétiennes et même catholiques. Il suffit de voir le nombre de communes qui s’appellent Saint...  le nombre d’églises monuments historiques, les œuvres d’art ou les jours fériés... sans que beaucoup s’en offusquent par suite justement de l’habitude et de la sécularisation. Le nier est une absurdité. Mais les racines culturelles de la France sont aussi et peut-être autant, anticatholiques, le combat pour la laïcité en est l’exemple, et l’histoire littéraire française.

Les jours fériés : Le Code du Travail établit que les jours fériés chômés, rétribués et non récupérables, ne peuvent excéder le nombre de quatorze, et, malgré la diminution des festivités liées au fait religieux et la sécularisation, les fêtes d’origine religieuse prédominent.

En France métropolitaine, d’abord le dimanche et ensuite, 11 jours fériés dont 6 fêtes religieuses (lundi de Pâques, Ascension, lundi de Pentecôte, 15 août, 1er novembre et Noël) et 5 non religieuses (Jour de l’an, 1er mai, 8 mai, 14 juillet, 11 novembre). Par ailleurs, il existe des particularités : pour Alsace-Moselle 2 jours (Vendredi saint, Saint Étienne), pour les Antilles, 2 novembre (jour des morts), mardi gras et mercredi des cendres et Abolition de l’esclavage, 22 mai en Martinique, 27 mai en Guadeloupe, 10 juin en Guyane, 9 octobre à St Barthélémy.
Lors d’une campagne présidentielle, Huguette Bouchardeau, candidate du PSU, a proposé de remplacer les 6 jours fériés chrétiens par un nombre équivalent de jours chômés et payés mis à la disposition de tout travailleur, libre à lui d'en disposer avec l’accord de l’employeur, pour célébrer les fêtes religieuses de son choix ou toute autre occasion. C’était une façon de faire un pas discret et raisonnable vers la neutralité religieuse des jours fériés. Il serait triste qu’il faille des affrontements pour adopter une telle réforme.

On peut ajouter les cantines scolaires : avec ou sans porc, halal… Cela rappellera à certains le poisson, peu appétissant, du vendredi...

Conclusion

La présence en France d’un nombre importants de musulmans est un situation relativement nouvelle à l’échelle de l’histoire du pays. Situation qui se retrouve dans d’autres pays européens et demande un effort d’adaptation des uns et des autres. Avec de possibles confits.

Ils seraient évités si les principes de liberté, d’égalité de fraternité étaient réellement appliqués. C’est illusoire. Pour qu'ils le soient concrètement, il faut toujours des revendications qui peuvent avoir des difficultés à se faire entendre.

Parce qu’elles mettent en question des avantages acquis dont les bénéficiaires ne sont pas toujours conscients. Parce certaines revendications peuvent être considérées comme inadmissibles.
Il faut cependant que tout
le monde puisse s’exprimer et tout mettre sur la table. Et les compromis discutés.
C'est à l'ensemble de la société d'en discuter et d'an fixer les règlesw.



 

 
Le voile… trente ans… et après

1 – Voir l’article publié en janvier 1990 et reproduit sur ce blog le 17/12/19.
2 a - Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Art. L. 141-5-1. - Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
2 b - Loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. Art. 1 - Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage

3Différents types de voiles.

Hidjab : ne couvre pas le corps, uniquement la tête, laissant le visage apparent.
Niqab : couvre le visage à l’exception des yeux. Principalement porté au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.
Tchador : traditionnellement porté en Iran et dans quelques pays d’Asie centrale. Le visage n’est pas couvert, mais la pièce de tissu couvre tout le corps. 
Burqa : Voile intégral porté en Afghanistan, couvre le corps et le visage.
4 – Une étude a été publiée en 2013 par le Pew Research Center sur 20 000 personnes de 7 pays à majorité musulmane (Tunisie, Égypte, Iraq, Liban, Pakistan, Arabie Saoudite, Turquie). Partout, une majorité estime le hidjab nécessaire. Il est le plus cité en Tunisie (57%), Égypte (52%), Turquie (46%) Iraq (44 %), au Pakistan (32%) suivi par le niqab (31%) et le hijab (24%).
Le Liban où les chrétiens constituent plus de 30 % de la population, est le seul pays où le pourcentage, hommes et femmes confondus, des anti-voiles est majoritaire. En Turquie, le hidjab arrive largement en tête des sondés, près de 32 % pour les cheveux découverts. La Tunisie est le troisième pays en majorité contre le voile. Dans les autres pays, le pourcentage ne dépasse pas 5 %.
Beaucoup de musulmans estiment que les femmes doivent avoir le choix : Tunisie, 56 %, Turquie, 52 %, Liban, 49 %, pays relativement libéraux mais aussi Arabie Saoudite 47 %. Bien loin devant l’Égypte, 14 %.
5 La loi Blanquer du 29/07/19 concerne peu d'enfants (25 000), car 97- 98 % des enfants de cette tranche d'âge sont déjà scolarisés. Mais effet collatéral, en fait principal, la loi permet un nouveau transfert d'argent public vers l'école privée. L’État attribue à chaque commune les ressources correspondant à l’augmentation des dépenses obligatoires qu’elle a consenties en application des dispositions des articles… dans la limite de la part d’augmentation résultant directement de l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire. Soit, 100 à 150 millions d’euros par an dont la moitié au moins pour la prise en charge par les communes des écoles maternelles privées.
6 - Comme en Algérie d’ailleurs : à l’occasion du hirak, les manifestants contre le pouvoir algérien ne manquent pas l’occasion de condamner l’immixtion étrangère, sous entendu française et le gouvernement parle de certains de ses opposants comme parti de la France.
7 - Elle était aussi contestable et provocatrice par l’utilisation d’enfants qui portaient une étoile (à 5 branches) pour les comparer aux enfants juifs dont nombre ont fini à Auschwitz.
Le voile… trente ans… et après

Annexe 1 : Le voile dans divers pays

Europe

- Allemagne : la législation sur le foulard pour les enseignantes varie suivant les Länder : interdit dans six Länder : Bade-Wurtenberg, Brême, Bavière, Basse-Saxe, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Sarre. Interdiction étendue à tous les agents publics : Berlin et Hesse.
2017 : les députés
ont voté une loi interdisant le voile intégral pour les agents publics qui doivent exercer leurs fonction à visage découvert mais non le voile intégral dans l’espace public.

- Autriche : en 2018, 24 % d’opposants à tout vêtement musulman. En 2019, le voile islamique a été interdit dans les écoles primaires et le voile intégral dans les lieux publics.

- Belgique : le Conseil de l'enseignement de la Région flamande a interdit, en 2009, le port du voile islamique dans les écoles publiques.
Au niveau national, l’interdiction de cacher, totalement ou de manière principale, le visage
a été adoptée par le parlement en 2011. En 2012, la cour constitutionnelle a rejeté les recours introduits contre cette loi.

- Bulgarie : lAssemblée nationale a voté, en 2016, l’interdiction, dans les lieux publics, des vêtements dissimulant partiellement ou complètement le visage.

- Danemark : la loi du 1er août 2018 interdit de dissimuler le visage en public.

- Espagne : à la rentrée 2007, le cas d'une fillette de 9 ans voilée à l'école a été très discuté.
Les sénateurs ont
invité, en 2010, le gouvernement socialiste à interdire le voile intégral dans les lieux publics. Ce qu’ont fait plusieurs villes.
La Cour suprême, en 2013, a rejeté ces ordonnances comme inconstitutionnelles.

- Finlande : aucune interdiction. Seulement 14 % des Finlandais sont opposés au port d’un vêtement couvrant le visage.

- Grèce : aucune interdiction.
En Thrace, depuis 1923, le règlement des affaires familiales des membres de la communauté musulmane relève uniquement de la compétence de trois muftis, juges religieux musulmans nommés par l’État. Les musulmanes de cette région privilégient les vêtements couvrants et le voile islamique.

- Italie : une loi de 1975 interdit de sortir le visage couvert. Mais les tribunaux rejettent les arrêtés municipaux se prévalant de cette loi pour interdire le voile intégral car le voile résulte plus d’une tradition que d’une volonté de dissimuler son identité.
Deux régions
gérées par la Ligue du nord, Lombardie et Vénétie, ont interdit voile intégral et burqa dans les hôpitaux et les bâtiments publics.
En 2018, 31 % de la population opposée à tout vêtement musulman.

- Kosovo : la loi interdisait le port de symboles religieux dans les établissements publics. Les musulmans ont bloqué les routes de la capitale, manifesté le vendredi et forcé l'État à lever l'interdiction. Le voile est à nouveau autorisé dans les écoles publiques.

- Norvège : le parlement norvégien a voté, le 5 juin 2018, l'interdiction du voile intégral dans les classes et amphithéâtres de tous les établissements scolaires et universitaires du pays.

- Pays-Bas : le voile intégral est interdit aux Pays-Bas depuis le 1er Août 2019 dans les écoles, les hôpitaux, les bâtiments publics, les transports en commun. Il reste autorisé dans la rue.

- Portugal : pas d’interdiction, 12 % des Portugais sont opposés au port de vêtement couvrant le visage et 52 % sont d’accord pour autoriser le port de n’importe quel vêtement religieux.

- Royaume-Uni : le pays est favorable à l’existence de différentes cultures et attaché à la liberté d’expression vestimentaire des convictions religieuses. Le port du voile intégral est admis partout.

Cependant, il y a débat notamment après les attentats de Londres de 2005. Depuis 2007, le directeur d’un établissement scolaire peut interdire le niqab. Qui peut aussi être interdit dans les hôpitaux publics. David Cameron, Premier ministre, s’était déclaré prêt à soutenir l’interdiction du voile intégral dans des lieux publics. Mais contre une interdiction générale. De même, Theresa May a jugé possible de demander le retrait du voile lors des contrôles aux frontières ou au cours de procès et pour les institutions privées d’avoir leur propre politique. Mais ce n’est pas la mission du gouvernement de dire aux femmes ce qu’elles peuvent porter ou ne pas porter. Nous voulons préserver cette solide tradition de liberté d’expression.

- République tchèque : en 2014, une étudiante somalienne en hijab a été contrainte de quitter une école d'infirmières de Prague. En 2017, le tribunal municipal de Prague a rejeté sa plainte, son avocat a indiqué vouloir s’adresser à la Cour suprême.

- Suède : depuis 2003, la burqa peut être interdite dans les classes pour des raisons de pédagogie ou de sécurité, depuis 2006, s’il nuit à la communication entre élève et enseignant, s’il est dangereux (laboratoire, sport) ou pour des raisons d’hygiène.
En 2007, la direction suédoise des affaires scolaires a autorisé le voile dans l'enceinte des écoles.
Chacun est libre de pratiquer la religion, affaire personnelle, à sa façon. Une femme portant le foulard islamique peut conduire un bus, être maîtresse de maternelle ou policière. Depuis 2018, le Parlement compte une députée voilée.

Suisse :

2011 : la Commission des institutions politiques du Conseil des États s’est prononcée contre l’interdiction de la burqa : porter le voile pour des raisons religieuses en Suisse ne pose pas de réel problème...
2013 : le Tribunal fédéral confirme la décision du Tribunal Administratif qui lève l'interdiction du voile décidée par les autorités de la commune de Bürglen.
Le 22 septembre 2013, le
canton du Tessin vote à 66 % pour l’interdiction de dissimuler le visage dans les lieux publics.
2
016 : le Conseil national (chambre basse) a approuvé l’interdiction du voile intégral, mesure rejetée par le Conseil des États (chambre haute).
Le voile intégral n’est interdit que dans le canton du Tessin.
2016 :
la Fédération de basketball Probasket confirme l'interdiction du port du voile dans les matches officiels conformément au règlement de la Fédération internationale FIBA qui interdit le port de symboles religieux.
2018 : l’initiative populaire suisse, Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage, a été rejetée par le Conseil fédéral, afin de laisser les cantons libres de décider ou non de l’introduction de règles dans l’espace public.
2019 : le Conseil des États a rejeté l’initiative anti-burka.


 

Pays de tradition musulmane : les voiles sont divers (3), les traditions (4), les législations sont différentes et variables dans le temps.

Afghanistan : en 1928, le port du voile était facultatif. En 2000, les talibans ont exigé le port du voile, y compris pour les femmes non-musulmanes.

Algérie : en 2017, un arrêté de la ministre de l'Éducation interdit niqab et voile intégral dans les établissements scolaires.

Égypte : en 1923, au Caire, la présidente de l'Union féministe et ses amies au retour du Congrès féministe mondial retirent leur voile.
1953 : dans un discours public au Caire, le colonel Nasser évoque son entretien avec le chef des Frères musulmans qui voulait imposer le port du voile. Pour lui, cela paraissait inconcevable.
2015 : la grande majorité des égyptiennes musulmanes portent le voile.

Iran : en 1928, le port du voile est facultatif. A dater de 1936, le Shah d’Iran l’interdit dans la rue et les universités. En 1979, l’ayatollah Khomeyni proclame que toutes les femmes travaillant dans l'administration doivent porter le hijab. Par la suite, des manifestations de femmes contre le voile alternent avec des manifestations d’autres femmes pour le respect de la tenue islamique. Les commerçants sont invités à ne pas accepter les femmes sans foulard islamique. En 1982, une campagne est lancée par les pasdaran pour faire respecter la règle.

Kenya : les autorités musulmanes s'opposent à une décision d’évêques (19 août 2011) interdisant le port du hijab dans les écoles catholiques. Si vous voulez envoyer votre enfant dans une école catholique, il faut en accepter les règles.

Maroc : en 1956, lors de l'indépendance, Mohammed V demande à sa fille d'ôter son voile en public en signe de libération de la femme. En 2017, la confection et la commercialisation de la burqa dans le pays sont interdites.

Syrie : en juillet 2010, le ministre de l’Éducation supérieure publie le décret interdisant aux étudiantes des universités de porter la burqa ou le niqab.

Tchad : en juin 2015, le Premier ministre annonce que la burqa ou tout autre système de port de turban où on ne voit que les yeux… est interdit dans les lieux publics par mesure de sécurité afin d'éviter la dissimulation d'explosifs.

Tunisie : en 1957, Habib Bourguiba interdit le port du hijab dans les écoles. En 1981, il est interdit dans l'administration publique et déconseillé fortement en public.
Depuis 2010 et après la révolution tunisienne, le voile, la burqa ne sont plus interdits dans les lieux publics.

Turquie : le 27 août 1925, Mustapha Kemal, président de la République : en certains endroits, j'ai vu des femmes qui mettent un bout de tissu, une serviette ou quelque chose de ce genre sur leur tête pour cacher leur visage et qui tournent le dos ou s'accroupissent sur le sol lorsqu'un homme passe auprès d'elles... C'est un spectacle qui couvre la nation de ridicule. Il faut y remédier sur-le-champ.
En 1934, le droit de vote est accordé aux femmes, le port du voile est prohibé dans les administrations et les écoles publiques et déconseillé fortement dans tous les lieux publics. Le voile est interdit dans les écoles, les universités et les administrations jusqu'en 2010.
Le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan a levé cette interdiction.

Institutions internationales

En 2004, la Cour européenne des Droits de l'Homme a reconnu à la Turquie le droit d’interdire le port du voile à l’université.

En 2008, elle a validé la loi française sur l’interdiction du voile dans les établissements scolaires et, en 2014, la loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public.

En 2017, elle a validé la loi belge et confirmé ainsi son jugement de 2014 concernant la France. Mais elle a condamné la Belgique pour l’exclusion d’une femme voilée d’une salle d’audience d’un tribunal car cela violait son droit à la liberté de religion.

En 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé que l'interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d'une règle interne d'une entreprise privée interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions.

En 2018, le Comité des Droits de l’Homme des Nations-Unies a estimé que la loi française de 2010 qui interdit de dissimuler le visage dans l’espace public, viole la liberté de religion définie par le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1976, signé par 172 États dont la France.
Ce comité veille au respect des engagements souscrits par les États signataires. Il reconnaît le droit d’exiger que le visage soit visible lors de contrôles d’identité mais l’interdiction généralisée du niqab était une mesure trop radicale et porte atteinte aux libertés individuelles... la loi est à l’origine d’une discrimination croisée basée sur le sexe et la religion et affecte de façon disproportionnée l’auteure en tant que femme musulmane.
Ce comité n’a pas de pouvoir contraignant, contrairement à la Commission européenne des Droits de l’Homme.


 


 


 

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16 décembre 2019 1 16 /12 /décembre /2019 21:54
LAÏCITÉ, LEVONS LE VOILE est le titre d'un article publié le 19 janvier 1990 dans Les Pavés de la Commune, n°73, bulletin de la 20ème section du PSU à Paris. Retrouvé  récemment.
Il m'a paru  intéressant  de le relire, de le mettre sur le blog et de le faire connaître seulement aux amis abonnés (et aux visiteurs éventuels). Sans faire la petite publicité habituelle sur twitter...
En attendant un prochain article sur la question en dehors d'une période aiguë.
LAICITE, LEVONS LE VOILE
LAICITE, LEVONS LE VOILE
LAICITE, LEVONS LE VOILE
LAICITE, LEVONS LE VOILE
LAICITE, LEVONS LE VOILE
LAICITE, LEVONS LE VOILE

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10 décembre 2018 1 10 /12 /décembre /2018 23:36
Classes, discriminations, unité

Il fut un temps où une certaine gauche voulait tout expliquer par la lutte des classes. Abandonnée aujourd’hui, pour la lutte contre les discriminations.

En ces temps là, la lutte des classes, moteur de l’histoire, avait lieu dans les pays développés. C'était la révolution dans les métropoles qui permettrait l'émancipation des pays colonisés. Mais peu à peu, sous l'influence de la première guerre d'Indochine, de la conférence de Bandoeng (1955), des guerres d’Algérie, du Vietnam, la lutte pour les indépendances nationales a trouvé sa place. Les plus malins affirmaient que cette lutte était une forme de la lutte des classes ou une étape pour permettre ensuite le développement de la lutte des classes. Le tout teinté de contradiction principale et contradiction secondaire…
Il en était de même pour bien d’autres fronts dits secondaires comme les luttes des femmes pour l’égalité, des régionalistes, des homosexuels

Avec l’évolution de l’économie mondiale et nationale, l’importance de la classe ouvrière a perdu, ici, sa centralité : désindustrialisation (Billancourt est désormais dans les pays de l’Est, en Chine, au Vietnam ou ailleurs), essor du tertiaire, externalisation de certains secteurs des entreprises...

Avec l’affaiblissement de la lutte des classes, la lutte contre les discriminations, venue des États-Unis dans le sillage du multiculturalisme britannique, a pris de plus en plus de place dans les conflits sociaux. Et les luttes des groupes sociaux discriminés, communautés, fiertés, mémoires… ont acquis une plus grande visibilité.
Certaines de ces groupes, sous forme constituée, sont apparus récemment, au moins sur la place publique, la plupart existent cependant depuis longtemps avec pour but, la reconnaissance, le maintien, la perpétuation d’identités particulières qui sont ou se sentent minorisées, discriminées et revendiquent l’égalité des droits.

La classe ouvrière ayant perdu sa centralité, la plus grande partie de la gauche a accueilli avec une bienveillance justifiée, la lutte contre les discriminations surtout quand elle était menée par des couches de la population particulièrement défavorisées, discriminées par leur origine, concentrées dans des zones urbaines : les ghettos ouvriers, qu’on appelait banlieue rouge, parce qu’elles s’exprimaient politiquement au niveau électoral, sont devenus des ghettos ethniques euphémisés en quartiers ou quartiers difficiles qui sont, à forte proportion, d’immigrés d’origine maghrébine ou subsaharienne. Souvent regroupés dans immigration post-coloniale.
Cette population qui, souvent, n’a pas le droit de vote ou ne vote pas, est toujours aussi pauvre ou plus pauvre qu’avant, rongée par le chômage qui dure depuis des générations. Et le développement d’une économie parallèle.

Dans un premier temps, ces travailleurs immigrés ou d’origine immigrée, se sont adaptés à la société en créant des associations par nationalité, associations de fait puis de droit, à partir d’octobre 1981, quand la liberté d’association sans restriction a été rétablie. Parallèlement, les gouvernements des pays d’origine ont constitué des amicales dont le but essentiel était le contrôle de leurs ressortissants.
Ces associations de résidents étrangers par communauté nationale sont parfaitement légitimes, comme la création et l’existence de toute association qui s’insère dans la législation commune. Elles tendent à faire vivre des particularités culturelles, à maintenir les relations avec les pays d’origine et l’espoir d’un retour, à obtenir l’égalité des droits en France.

Peu à peu, le retour au pays est devenu mythique, l’installation temporaire se pérennise, du fait d’une intégration relative, du regroupement familial, de la naissance d’enfants dont la France est devenu le pays d’origine… D’autre part, la démocratisation, le développement du pays d’origine est devenu de moins en moins prévisible.

A la suite du vieillissement des travailleurs immigrés, de la présence des familles, et surtout d’enfants et de leur insertion dans l’inégalité sociale, souvent dans les quartiers les plus défavorisés, les associations ne correspondent plus aux besoins de la population qu’elles voulaient représenter, organiser. Elles ont, pour la plupart, périclité (1, 2).
Finalement, cette installation, définitive, peut-être inavouée, avec femmes et enfants, conduit à la reconstitution du mode de vie, du cadre de vie, au retour à la pratique religieuse.
Les associations ont, peu à peu, cédé le pas, aux mosquées comme foyer culturel et identitaire qui peuvent s’organiser sur une base associative (loi de 1901) ou plus rarement cultuelle (loi de 1905). Leur existence est tout aussi légale et légitime.
Certaines de ces mosquées peuvent être organisées par nationalité et plus ou moins contrôlées par les pays d’origine. D’autres sont financées par de riches pays arabes (Arabie saoudite, Qatar…) qui diffusent leur idéologie.

Avec le temps, une partie de cette population prend de plus en plus conscience de la relativité de son intégration. A travers les discriminations, plus souvent de fait que de droit (deux poids, deux mesures... pas de justice, pas de paix), au niveau de l’école, du travail, du logement, de la police (contrôles au faciès, non lieu lors des procès pour bavure policière…). Mais aussi au niveau des regards, des réflexions quotidiennes : pour reprendre Sartre, c’est le regard qui assigne une personne à une identité, ici arabe, musulmane, quelles que soient sa situation, son histoire, sa religion...

Ces discriminations quotidiennes encouragent le repli. Repli sur une appartenance, réelle ou imaginée : la nationalité d’origine qui n’offre guère de perspective, ni ici, ni là-bas, s’efface au profit du quartier, du groupe de jeunes, de l’islam, souvent mal connu, de la solidarité avec le Proche Orient (Palestine, Irak, Syrie), identification plus ethnique que religieuse ou politique. Entraînant un rejet des valeurs de la société qui ne sont pas appliquées.

Faute d’une prise en charge au niveau du travail par les syndicats, chômage qui touche les générations l’une après l’autre, par les politiques avec l’affaiblissement du Parti communiste, par des structures religieuses accueillantes comme avaient pu l’être les églises pour les immigrations précédentes, à cause d’un racisme diffus qui gomme les particularités au profit de catégories globalisantes construites, arabes, musulmans, d’une relégation dans des quartiers plus ou moins ghettoïsés, ce sont les structures politico-religieuses qui prennent la place laissée vide.

Là où la notion de classe et de lutte des classes créait une unité des couches sociales défavorisées autour de la classe ouvrière, il n’y a pas de force, d’organisation capable d’intégrer les luttes contre les discriminations dans les luttes générales contre les inégalités économiques, sociales et politiques. Pour en faire ses sujets de mobilisations fortes au-delà des statuts, des déclarations de principe et même de quelques luttes dans certaines entreprises.

Il n’est qu’à voir, dans les manifestations à Paris, la couleur des participants pour savoir quel est leur objet. Cela entraîne un affaiblissement des revendications des uns et des autres. Seuls les sans papiers s’invitent dans presque toutes les manifestations !

Distribution de repas à des jeunes mineurs isolés

Distribution de repas à des jeunes mineurs isolés

Pourtant, on peut voir l’échec de ceux qui ont voulu attirer les Gilets jaunes dans des déclarations contre les immigrés ou les étrangers, les résultats des sondages favorables au droit de vote des résidents étrangers, les multiples initiatives locales, discrètes, dont les informations parlent peu, pour accueillir des demandeurs d’asile ou aider les jeunes mineurs isolés, malgré toute les déclarations des politiques depuis plus de 40 ans contre les immigrés.

Il est permis de constater que les citoyens français, même dans des circonstances difficiles, n’ont pas abandonné leur passion d’égalité. Et l’unité est toujours possible pour faire diminuer, disparaître les discriminations et faire progresser, ensemble, les couches populaires dans leur diversité..

Classes, discriminations, unité

1. Le Mouvement des travailleurs arabes (MTA), animé essentiellement par des Tunisiens, regroupait des travailleurs originaires du Maghreb ou du Machreb.

2. Parmi les associations par nationalité, la Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR) continue une activité réelle.

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15 mars 2018 4 15 /03 /mars /2018 20:44

Version anglaise

La Maison rouge (Fondation Antoine de Galbert), présente jusqu'au 20 mai 2018, deux expositions qui valent le détour, aussi bien pour les personnes qui vivent dans la région Île de France que pour celles qui ne sont que de passage à Paris.

La première, Black Dolls, est constituée de 200 poupées noires parmi les 1000 de 1840 à 1940 collectées par Deborah Nef. Dont quelques unes sont présentées ci-après.

Toujours à la Maison rouge, 150 œuvres de l'artiste rom, Ceija Stojka (1933-2013),  déportée pendant la Seconde guerre mondiale. Seconde partie de cet article.

Black Dolls

Ces poupées noires, ont été confectionnées entre 1840 et 1940, par des jeunes filles ou des femmes noires, le plus souvent pour des enfants blancs ou noirs.

Elles sont d'une très grande diversité, hommes, femmes, aux vêtements variés. Cette présentation de poupées est accompagnées des photos d'époque, de textes et d'un court métrage remarquables pour les replacer dans le contexte des relations entre Noirs et Blancs aux États-Unis.

Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
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Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions

Des photographies et un court métrage complètent l'exposition pour cerner leur utilisation...

Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions

Les dopsy-turvy dolls sont des poupées qui, quand on retourne leur jupe, font apparaître leur visage noir ou blanc.
Certaines, sans vêtements, visage, bras et tronc  blancs sont soudés par le tronc à une autre poupée tronc, bras et visage noirs.
Elles auraient été fabriquées par des  nounous noires pour leurs enfants et/ou pour les enfants blancs dont elles s'occupaient.


 

Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositions

Lors d'un voyage au Brésil, il y a une trentaine d'années, au marché, une vendeuse proposait ce type de poupées qu'on peut retourner, en disant : la pauvre et la riche .  L'une, au teint sombre, la poupée pauvre, avait une robe belle mais simple, en la retournant, apparaissait une autre poupée, au teint plus clair, la riche avec un robe bien plus belle.

Quelques années plus tard, des amis brésiliens ont rapporté une poupée du même type. La différence de teint entre la riche et la pauvre était bien moins évidente.

Hasard ? Évolution ?

 

Poupées noires et  artiste rom : deux expositionsPoupées noires et  artiste rom : deux expositions
Poupées noires et  artiste rom : deux expositionsPoupées noires et  artiste rom : deux expositions

PS : une image photographiée sur un mur de Nanterre ...

Poupées noires et  artiste rom : deux expositions

Cette exposition n'est pas seulement belle par les poupées présentées, Elle est intéressante aussi par sa présentation qui essaie de les replacer, par des textes et un court métrage dans le contexte des relations entre Noirs et Blancs aux États-Unis.

Ceija  Stojla (1933-2013)

 

Ceija Stojka, rom autrichienne, a été déportée à l'âge de dix ans dans les camps de Ravensbrück, Auschwitz-Birkenau, Bergen-Belsen, avec sa mère et ses frères et sœurs. Pendant la Seconde guerre mondiale, 90% des roms autrichiens ont disparu.

A l'âge de 55 ans, elle a commencé à revenir sur cette période pour donner son témoignage par des textes, dans de nombreux carnets, dont certains ont été publiés, et par des dessins et peintures, plus d'un millier, encres, gouaches, acryliques, dont 150 sont présentés dans l'exposition.

Ces tableaux ont été réalisés entre 1988 et 2012 au fil des souvenirs. Ils sont présentés par chapitres  : Quand on roulait..., La traque..; Les camps... Le retour à la vie...
Quelques images de cette magnifique exposition.

Poupées noires et  artiste rom : deux expositions
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28 avril 2017 5 28 /04 /avril /2017 11:11
Munich, cube blanc, années noires

http://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/emissions/les-documentaires-en-aquitaine/gurs-silence-assourdissant-film-ne-jamais-oublier-1240321.htmlMunich, cube blanc, années noires

Munich, capitale de la Bavière, connue pour ses musées, ses monuments, ses industries, ses manifestations festives et sa bière..., est la deuxième ville allemande par le nombre de touristes…
Munich occupe, aussi, une place exceptionnelle, et peu enviable, dans l'histoire du vingtième siècle ! C'est là que le national-socialisme est né et a pris son essor. C'est là que Daladier et Chamberlain se sont inclinés devant Hitler croyant sauver la paix... La suite est connue…

En juillet 2014, nous avons passé quelques jours à Munich (1) et première question, peu diplomatique, à des amis allemands : Où est le nazisme à Munich ? Réponse immédiate : Partout.
Pendant ce bref séjour, nous avons eu l'occasion de visiter plusieurs musées mais aussi un certain nombre de lieux de mémoire. Nous avons aussi appris qu'un Centre munichois de documentation sur l'histoire du national-socialisme était en construction.

Ce centre existe désormais sous forme d'une imposante bâtisse blanche, de 4 étages, construite sur l'emplacement de l'ancienne Braunes Haus (siège du parti nazi) sur la Königsplatz. C’est de ce centre de documentation qu’il sera d’abord question ici, suivi de quelques images plus classiques de Munich et des environs.

Le Centre est remarquable ! Avec une très riche documentation, bien présentée, en panneaux muraux, commentés sur audioguide, en diverses langues dont le français. Et de multiples vitrines pour ceux qui veulent en savoir plus. Avec textes, affiches, photos, films de l’époque…
Le seul parcours principal nous a pris 4 heures (2)... pendant lesquelles nous avons pu suivre l'évolution de la situation politique à Munich depuis la fin de la Première guerre mondiale jusqu'à nos jours (3).

Ce centre a été conçu comme un lieu pédagogique et mémoriel et veut répondre aux questions : Comment ? Pourquoi ? Pourquoi à Munich ? Sans éviter les questions douloureuses : Car nous sommes politiquement responsables et c'est la raison pour laquelle nous devons réfléchir aux crimes et à leurs auteurs... Et de préciser : le Centre se trouve ainsi au cœur du quartier du NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, Parti national-socialiste des travailleurs allemands) où environ 6000 personnes ont permis de faire fonctionner les diverses organisations du parti et leurs activités jusqu'à la fin de la guerre… Dans la ville de Munich, des graines de criminels ont pu croître.

Des groupes de jeunes accompagnés et de moins jeunes visitent le centre : travail de mémoire, travail de transmission.

Trente trois panneaux se succèdent du quatrième étage au rez-de-chaussée, de la Première guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui : 1 - 1914-1918, Guerre et révolution ; 2 - 1918-1919, Kurt Eisner et l’État libre de Bavière ; 3 - 1919, La période des conseils et la contre-révolution ; 6 - 1919-1923, Les débuts du mouvement hitlérien à Munich ; 11 - Munich, capitale du mouvement ; 14 -A contre-courant : refus, opposition, résistance ; 16 – 1933-1939, La vie quotidienne : détourner le regard, être spectateur, participer ; 25 – 1939-1945, Résistance,courage et civisme pendant la guerre ; 28 – 1945-1948, Dénazification et nouveau départ : 30 – Entre travail de mémoire, continuité et refoulement ; 31 – L’héritage nazi : survie et renaissance ; 32 – Contre l’oubli ; 33 – Retard et cheminement du souvenir.

Par ailleurs, l'attention est attirée sur les Zettel, mots anonymes qu'on peut trouver, ici ou là, et qui témoignent de la persistance d'un certain racisme.

Le 29 avril 1945, les Américains libèrent le camp de Dachau, situé à 17 km de Munich, premier camp de concentration mis en place par les nazis, ouvert du 20 mars 1933 au 29 avril 1945. Tout d'abord le lieu d'internement des opposants politiques, il a accueilli par la suite des juifs de Bavière, des prisonniers de guerre soviétiques et des femmes, des homosexuels et des Tziganes. Au total, plus de 200 000 personnes de plus de 30 pays sont passés par ce camp.
La ville de Munich était recouverte d’un réseau de plus de 400 camps et hébergements. Fin 1944, près de 120 000 travailleurs civils étrangers, prisonniers de guerre et détenus des camps de concentration étaient employés de force dans toute l’agglomération...

Libérés par les Américains le 30 avril 1945, les Munichois ont voulu, comme beaucoup d'autres, en Allemagne et ailleurs, oublier leurs responsabilités dans ce qui s'était passé dans leur ville, sous leurs yeux…
La dénazification est d’abord entreprise par les Américains et poursuivie par les Allemands. Mais dans les années 1947-48, l’énergie diminue notamment avec le début de la guerre froide et le retour d’anciens membres du NSDAP dans leurs anciens postes.
Dans les années qui suivent, des groupes néo-nazis sont apparus, ont pu avoir quelques élus dans les assemblées des États régionaux (Länder) mais n’ont pas réussi à percer vraiment.
A partir des années 1980-1990, des initiatives citoyennes, ateliers historiques, conseils de quartier ont intensifié la culture du souvenir. Elles aboutissent à ce qu’en 2001, le conseil municipal et, en 2002, le parlement de Bavière décident de construire le centre de documentation. Financé par le gouvernement fédéral, le Land de Bavière et le Conseil municipal de Munich. La première pierre a été posée en 2012 et le centre inauguré en 2016.

 

Munich, cube blanc, années noires
Munich, cube blanc, années noires

Pour les responsables de la construction du centre, il s’agit d’un lieu pédagogique et mémoriel dédié à l’histoire du national socialisme à Munich. Contre l’oubli, pour la démocratie. Avec la phrase de Primo Levi, affichée au dessus du Centre : C'est arrivé, cela peut donc arriver à nouveau.
A Munich ou ailleurs.

Il ne s’agit pas de repentance, il ne s’agit pas de punir. Repentance de qui ? Punir qui ? Mais de ne pas oublier, de prendre conscience que la démocratie est fragile, qu’elle peut avoir des faiblesses. Que la démocratie ne peut réussir que si elle est ancrée dans les institutions, soutenue par la société civile et vécue au quotidien. Qu’il faut que les choses soient dites ! Comme dans les familles, les faits douloureux ne peuvent être occultés sans risque pour l’avenir (4).

***

Dachau est devenu une étape pour les organisations de tourisme

Dachau est devenu une étape pour les organisations de tourisme

Aujourd'hui : Manifestation en faveur d'une voie routière autour de Munich  contre un tunnel.

Aujourd'hui : Manifestation en faveur d'une voie routière autour de Munich contre un tunnel.

Aujourd'hui : Manifestation de Pegida (une dizaine de personnes), un trentaine de contre-manifestants du SPD et une cinquantaine de policiers.

Aujourd'hui : Manifestation de Pegida (une dizaine de personnes), un trentaine de contre-manifestants du SPD et une cinquantaine de policiers.

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La France est-elle prête à regarder son histoire, ses parts de lumière et ses parts d’ombre ? Ce n’est pas certain. Il suffit de voir qu’il a fallu attendre le 16 juillet 1995, 53ème anniversaire de la rafle du Vel d'hiv, pour que le Président de la République, Jacques Chirac, reconnaisse la responsabilité de l’État français dans la déportation et l'extermination de juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Et d’entendre, ces jours-ci, cette responsabilité niée à nouveau.

A l’opposé de la démarche d’un Nelson Mandela, vérité et réconciliation, dialogue sans exclusion, concernant la longue nuit de l’apartheid en Afrique du sud, on préfère dissimuler les choses sous le tapis d’une amnistie qui permet de recycler des compétences comme Maurice Papon, de Bordeaux à Paris en passant par l’Algérie. Amnistie non assumée, qui ignore le devoir de mémoire et de justice.

Récemment, un candidat à la présidence de la République française, peut-être prochain président, a parlé du colonialisme, de la guerre d’Algérie comme crime contre l’humanité. S’il est élu, fera-t-il un acte de conscientisation qui pourrait permettre à la France, à tous les Français de condamner des actes condamnables. Et ensuite, avancer vers la réconciliation des Français, de tous les Français, quelle que soit leur origine et quel que soit le comportement passé de leurs parents ou grands parents.
Pourra-t-on ainsi signer un jour la fin de la guerre d’Algérie ?
Faute d’avoir examiné lucidement son histoire, les mauvais côtés de son histoire, l’opinion française est perpétuellement divisée par des souvenirs douloureux non partagés (4).


 

1 - Cinq jours à Munich (en 2014)

2 – Le Centre prête des sièges pliants qui permettent de faire la visite confortablement.

3 – Toutes les informations de cette note sont tirées de la brochure : NS- Dokumentationszentrum München. Centre munichois de documentation sur l’histoire du national-socialisme. Livret guide de l’exposition 84 pages.

4 - Une émission de France 3 Nouvelle Aquitaine a été diffusée le 24 avril 2017 sur le Camp de Gurs : Gurs, un silence assourdissant, film d'Antoine Laura et Pierre Laval , existe aussi en DVD.

Le Muca (Museum of Urban and Comtemporary Art), premier musée allemand des arts de la rue, était fermé

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Peintures de rue à Solin (banlieue de Münich)
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Peintures de rue à Solin (banlieue de Münich)

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Tableaux de Frantz Marc (1), August Macke (2), Alexej Jawlensky (3 et 4), Elfriede Schroter (5)
Tableaux de Frantz Marc (1), August Macke (2), Alexej Jawlensky (3 et 4), Elfriede Schroter (5)
Tableaux de Frantz Marc (1), August Macke (2), Alexej Jawlensky (3 et 4), Elfriede Schroter (5)
Tableaux de Frantz Marc (1), August Macke (2), Alexej Jawlensky (3 et 4), Elfriede Schroter (5)
Tableaux de Frantz Marc (1), August Macke (2), Alexej Jawlensky (3 et 4), Elfriede Schroter (5)

Tableaux de Frantz Marc (1), August Macke (2), Alexej Jawlensky (3 et 4), Elfriede Schroter (5)

La Villa Lehnbach (Städtlische Galerie in Lehnbachhaus) présente la célèbre collection du Cavalier bleu (Blaue Reiter), avec des tableaux de Kandinsky, Klee, Frantz Marc, August Macke, Alexej Jawslensky,  Elfriede Schroter.

Parc olympique

Parc olympique

Ammersee Andechs
Ammersee Andechs

Ammersee Andechs

Ammersee Diessen

Ammersee Diessen

La Fuggerei à Augsburg

La Fuggerei à Augsburg

La Fuggerei est la plus ancienne cité sociale du monde. Elle a été fondée en 1521 par Jacob Fugger pour les citoyens nécessiteux d'Augsburg. Elle loge encore 150 personne dans 67 maisons pour un loyer symbolique et l'obligation morale de prier 3 fois par jour pour le fondateur et sa famille.
Le locataire le plus célèbre est le maître maçon Franz Mozart, arrière-grand-père de Wolfgang Amadeus Mozart.

Augsburg : La salle dorée de l'Hôtel de ville ( Goldener Saal Rathaus)
Augsburg : La salle dorée de l'Hôtel de ville ( Goldener Saal Rathaus)
Augsburg : La salle dorée de l'Hôtel de ville ( Goldener Saal Rathaus)

Augsburg : La salle dorée de l'Hôtel de ville ( Goldener Saal Rathaus)

Augsburg ; Eglise Ste Anne. Les moines de ce couvent ont accueilli Martin Luther en 1518.
Augsburg ; Eglise Ste Anne. Les moines de ce couvent ont accueilli Martin Luther en 1518.

Augsburg ; Eglise Ste Anne. Les moines de ce couvent ont accueilli Martin Luther en 1518.

Neuschwanstein, les châteaux de Louis II de Bavière
Neuschwanstein, les châteaux de Louis II de Bavière

Neuschwanstein, les châteaux de Louis II de Bavière

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19 mars 2017 7 19 /03 /mars /2017 20:58

Suite aux violences policières, une manifestation Justice et Dignité était organisée de la place de la Nation à la place de la République à Paris, le dimanche 19 mars, à l'appel de nombreuses organisations.

La participation était plus importante que pour nombre de manifestations de ce type, avec beaucoup de jeunes, plus bigarrée qu'à l'ordinaire, même si les Asiatiques étaient absents.

J'ai quitté la manifestation avant la place de la République. Je n'ai pas assisté à la partie artistique qui se préparait et n'ai rien vu des incidents... que j'ai appris pas la radio.

Quelques images.

JUSTICE ET DIGNITE, manifestation
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Lors de la Marche pour l'égalité et contre le racisme, au PSU, nous avions fait une banderole du même type  mais encore plus dure qui était affiché à l'arrivée à Montparnasse. Une chose a changé : à l'époque, les jeunes tués étaient, essentiellement d'origine maghrébine aujourd'hui, ils sont plus souvent d'origine subsaharienne.
Cela m'a rappelé que Sally N'Dongo m'avait dit, dans cette période, nous ne voulons pas que ce qui arrive aujourd'hui aux enfants maghrébins arrive un jour à nos enfants...

JUSTICE ET DIGNITE, manifestation
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21 février 2017 2 21 /02 /février /2017 13:22

CHOCOLAT
ou 2 clowns pour le prix d’un

Ce film narre l’histoire, au tournant du 19° et 20° siècles, d’un duo de clowns, Footit et son comparse Chocolat (1), premier clown noir qui eut son heure de gloire, à Paris, avant de tomber complètement dans l’oubli.


 

CHOCOLAT ou 2 clowns pour le prix d’un

Deux clowns pour le prix d’un, c’est ainsi que le patron et maître Jacques du Cirque Delvaux présente la première apparition de Footit et Chocolat sur la piste. Pour le film Chocolat, on pourrait dire deux films pour le prix d’un. En effet, Chocolat présente la vie du fameux clown dans l’atmosphère raciste de l’époque mais aussi l’histoire de son ambition, stimulée par son statut et conclue par l’échec : devenir un homme comme les autres.

C’est sous le nom de Kananga, que le héros apparaît dans un petit cirque où il est présenté comme le roi du pays des mille collines, chaînon manquant (sous entendu entre l’homme et le singe), avec ses cris gutturaux, ses roulement d’yeux, un fémur au poing, un collier de dents humaines, effrayant femmes et enfants et… gagnant de quoi vivre et perdre au jeu.

Après cette entrée spectaculaire, bien connotée, apparaissent les multiples facettes du racisme que subit le héros et auquel d’une certaine façon il se prête. Au cirque, avec ses camarades de jeu – tu finiras à poil comme en Afrique, en Afrique ce n’est pas avec des dés qu’on joue mais avec les os des blancs – plus subtil quand Georges-Footit qui va l’embaucher, lui demande avec une certaine bienveillance, en parlant du singe qu’il est en train de caresser : c’est un garçon ou une fille ?... Tu me comprends ? Un léger temps mort, Kananga se retourne, brutalement, poussant un cri menaçant, effrayant Georges et répond doucement c’est une femelle, on ne dit pas fille chez les singes.
Dans cette scène, l’image en 3 plans illustre la phrase du directeur du cirque sur le chaînon manquant : Georges au premier plan, le singe au fond et Kananga entre les deux.
Racisme inconscient accepté quand, sur l’injonction de Delvaux, – Kananga c’est bon pour un roi nègre, pas pour un clown – Georges le baptise Chocolat et lui explique son rôle dans le duo : tu es le pitre, l’idiot...


 

CHOCOLAT ou 2 clowns pour le prix d’un

Après avoir, pour gagner sa vie, joué les cannibales, il devient le partenaire de Footit et reçoit, tous les soirs, sa ration de coups de pied au cul qui vont satisfaire la clientèle et conduire le duo à une importante promotion : se produire dans le Nouveau Cirque à Paris. Où la bonne société se presse et où ils connaissent la gloire et, pour Chocolat, le même racisme ambiant auquel il sait répondre. Au Musée Grévin où il a sa statue de cire, des journalistes : Il paraît que vous ne savez pas écrire. Il paraît aussi que je suis incapable de faire rire. Comment se nomme votre prochain numéro ? C’est Guillaume Tell, un lointain cousin suisse. Mais nettement moins beau que moi… Et, dans la presse, Footit et son nègre triomphent au Nouveau Cirque.

Ce succès sur la piste le fait rêver de passer à la scène pour interpréter Roméo et Juliette que Camille, la jeune et belle écuyère du cirque Delvaux, lui a fait découvrir et qu’il a lu plusieurs fois. Victor, un Haïtien, compagnon de cellule, emprisonné pour propos subversifs lui conseille plutôt de jouer Othello qui n’a jamais été joué par un Noir en France.

Cette idée souterraine va rejaillir quand le duo est sollicité pour une campagne publicitaire où, sur un affiche pour le chocolat Félix Potin, avec un contrat fort lucratif, il va apparaître caricaturé, simiesque, à coté de Footit : Chocolat Félix Potin : battu mais content…

Magnifique. On est tous d’accord, se félicitent Georges, le directeur du cirque, le directeur de Félix Potin, sans demander son avis à Chocolat qui s’insurge : Vous faites de moi, une attraction, un animal de foire. Pourquoi vous me dessinez comme ça. C’est moi ? C’est mon visage ?

Sa révolte va se concrétiser sur la piste quand Chocolat donne un coup imprévu à Footit qui en tombe à la renverse, physiquement et mentalement. Chocolat, sous les éclats de rire : Eh oui M Footit, vous ne rêvez pas. Et en aparté. Tu vois, ça marche aussi dans ce sens ! C’est fini, Georges.
Il quitte, triomphant, la piste. Tandis que Footit, effondré, salue tristement et se retire vers les coulisses où la caméra l’attend, en contre-plongée, le montre désemparé, écrasé par la masse du cirque et des spectateurs hilares, sur les épaules.


 

CHOCOLAT ou 2 clowns pour le prix d’un

Pour être Othello, il joue, avec le directeur du Théâtre Antoine, de la couleur de sa peau - Qui d’autre que moi peut jouer Othello avec autant de réalisme. Il est présenté comme un Othello, plus vrai que nature à l’acteur qui va jouer Iago : avec lui, le public ne sera pas chocolat et trompé sur la marchandise.

Il a connu et connaît aussi le racisme dur, celui qu’ont subi ses parents à Cuba, la mère dans les champs de canne à sucre, le père serviteur, humilié, faisant le caniche, sous ses yeux ; son arrestation par la police parisienne, comme sans papier, sur dénonciation de son ancienne patronne ; le traitement violent par les policiers en prison qui le passent au balais brosse sous un jet d’eau pour lui montrer qu’il ne sera toujours qu’un négro.
Le racisme dur, institutionnel, lors de l’Exposition coloniale qu’il visite avec Marie et ses enfants où, devant le zoo humain, on entend la voix d’un guide : Vous êtes en présence de sauvages les plus primitifs... mission civilisatrice tandis que des enfants blancs jettent des pièces que se disputent les enfants exposés. Un jeune Noir, en colère, sort d’une case et interpelle, dans un champ-contre champ qui devient de plus en plus vif, un Chocolat muet, interloqué, dans une langue qu’il ne comprend pas, à coté d’un panneau : Défense de donner à manger aux indigènes, ils sont nourris.

Le plus douloureux est l’échec final dans son rôle d’Othello, hué, par un public raciste : scandaleux, reviens au cirque.
Fuyant alors le théâtre, il est rattrapé par une bande de nervis qui massacrent sa main droite, la main qui vient d'étrangler Desdémone, la femme blanche, la main du joueur qui n'a pas payé ses dettes : c’est celui qui a voulu jouer Othello, il en porte encore l’habit et  le joueur pour ses dettes de jeu, qui est puni.
Kananga-Chocolat, Rafaël Padilla, son véritable nom qu’il espérait pouvoir porter un jour, a définitivement perdu sur tous les plans. Il finit balayeur dans un cirque misérable, atteint de tuberculose, avant d’être arrivé à la cinquantaine.

Il n’a pas connu que le racisme. Il se sent bien dans le petit cirque Delvaux où il a connu l’amour de Camille qu’il oubliera en profitant de sa richesse nouvelle, des femmes, de la vie facile de Paris. L’amour aussi de Marie qui le soutiendra jusqu’au dernier jour, elle même en butte au racisme de la voisinetraînée - d’une cliente au marché – c’est la femme du nègre. C’est elle, infirmière qui a fait jouer le duo des clowns dans un hôpital pour enfants et l’a présenté à un directeur de théâtre qui accepte sa proposition de jouer Othello : C’est gonflé. C’est sacrément gonflé. Le rôle n’a jamais été tenu par un acteur de couleur... ce sera un sacré coup de projecteur pour le théâtre… Mais je compte sur vous pour le remplir, ce théâtre.

S’il veut jouer ce rôle, c’est qu’il l’a très bien compris que toute la pièce, c’est l’échec d’Othello à devenir un homme comme les autres. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est à quel point il est Othello : un homme peu accessible à la jalousie. Et qui, une fois, excité par elle a été entraîné jusqu’aux derniers excès.

Car dans son entourage, s’il y avait le racisme auquel il savait répondre, il y avait aussi la jalousie des ambitions contre laquelle il était moins armé. Et qui a, aussi, nourri son ambition.
Jalousie de Camille qui le voit partir avec Footit : C’est quoi ton vrai nomEt lui, pourquoi il ne s’appelle pas Farine ou Pot de chambre ? Fais gaffe aussi, tu n’es pas sa chose à Footit…
Jalousie d’un clown concurrent du Nouveau Cirque qui dévaste la loge du duo.
Jalousie de Georges, qui lui reproche
d’en faire un peu trop, voiture, costumes, ses retards, de négliger son travail pour faire le joli cœur avec Camille puis pour Marie, mais qui cache probablement derrière ces remontrances un penchant homosexuel – on le voit dans un bistrot refuser une proposition, plus tard, lisant un journal avec un ongle verni. Dans un dialogue où Marie est dans l’axe de la caméra et il n’est vu que dans un miroir, il avoue : Moi aussi, je l’ai aimé, nourri, choyé. On m’a regardé comme si j’avais perdu la raison... Tout ça, pour quoi ? Pour qu’il me lâche en peine course. Pour vous plaire. Pour faire le beau au théâtre...
Jalousie chatouillée par Victor, le Haïtien subversif, pour la bonne cause : C’est toi l’artiste qui se fait botter le cul tous les soirs par un blanc ?... Il a peur de te perdre ton Footit. Sans son faire valoir, sa victime préférée, il redevient banal, à pleurer.
Jalousie qui s’exprime finalement dans la colère quand il dit à Georges : quand on touche la paie. C’est toi qui empoche le double. Le double du négro et tu n’es même pas sur l’affiche.

Chocolat qui avait une idée en tête. Il voulait changer. Changer quoi ? J’ai voulu changer de peau, stupide négro. J’étais pas mauvais. Tu étais mieux que ça. Tu étais un prince. J’ai pas trop su aller plus loin. Ensemble, on était les rois. On n’avait pas de limite.
Il restera Chocolat. Avec une ambiguïté souriante, Victor lui avait dit que Chocolat était son identité dans cette société et qu’il était chocolat, pris au piège.
Phrase qu’il assume,
au moment de mourir, devant Georges : il était Chocolat, le grand clown mais aussi chocolat, la victime. L’aventure est finie. Il ne sera jamais reconnu comme Rafaël Padilla.


 

CHOCOLAT ou 2 clowns pour le prix d’un

1 – Chocolat, réalisé par Roschdy ZEM, 2016, 110 mn. S'inspire librement du livre Chocolat, clown nègre : l'histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française de Gérard Noiriel, Bayard 2012. Interprètes principaux Omar SY (Rafaël Padilla dit Kananga puis Chocolat), Jammes Thierrée (Georges Footit), Clotilde Hesme (Marie).

NB : Une scène du film montre les frères Lumière en train d’enregistrer le duo des clowns. La séquence authentique, filmée par les Lumière est projetée en fin du film.
Actuellement sur les écrans, on peut voir,
Lumière ! l’aventure commence. Un film de Thierry Frémaux qui présente 108 films de 50 secondes sur les plus de 1 000 réalisés par les frères Lumière et leurs opérateurs envoyés à travers le monde.

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21 février 2017 2 21 /02 /février /2017 13:20

Ce film (1), librement inspirée d’une histoire vraie relatée par Gérard Noiriel, fait revivre le premier artiste noir qui a conquis une certaine célébrité, à Paris, au tournant des 19° et 20° siècles puis est tombé dans l'oubli.


 

CHOCOLAT,  une homme oublié

A travers son scénario, ses dialogues, le jeu des acteurs, le film de Roschdy ZEM donne à voir l’état de la France à cette époque, 1897-1917, des limites qu’elle oppose à un Noir qui a quelques ambitions pour sortir de la place, limitée, qui lui est accordée quelle que soit sa valeur personnelle.

C’est l’époque de l’empire français, sur lequel le soleil ne se couche jamais, qui étale, avec bonne conscience, sa suffisance civilisatrice lors de l’Exposition coloniale avec son zoo humain… Une époque où triomphe un racisme polymorphe qui s’exprime dans le film, sous toutes ses facettes, depuis le racisme inconscient, pourquoi le clown noir s’appelait-il Chocolat et son partenaire blanc Footit et non farine ou pot de chambre comme le suggère sa petite amie du moment ? Jusqu’au racisme le plus dur, les policiers qui le passent au balais brosse sous un jet d’eau pour lui montrer que, quoi qu’il fasse, il ne sera jamais qu’un négro. En passant par le racisme bon enfant dont, astucieux, il sait se sortir grâce à son intelligence et ses bons mots.

Trois Noirs sont aperçus dans le film, tous trois sont assignés, enfermés dans un lieu précis : l’un en prison, pour idées subversives, qui préfère regagner Haïti, après avoir tâté du Paris de Liberté, Égalité Fraternité ; l’autre, temporairement, dans une case du zoo humain avant d’être renvoyé quelque part en Afrique, qui interpelle Chocolat dans une langue qu’il ne comprend pas ; Chocolat, clown sur la piste du cirque, le plus favorisé, contesté par les deux autres, le plus intégré, dans un rôle dont il ne sortira que pour son malheur.

Preuve d’une renommée certaine, une séquence du film montre le duo, Footit-Chocolat, filmé par les frères Lumières. Ce film, une séquence de 50 secondes, longueur maximale autorisée à l’époque par la technique des frères Lumières, est projetée à la fin du film (2).

La gloire acquise, dans un rôle assigné, clown de cirque, lui donne l’idée de faire du théâtre. Et il se sert du préjugé racial pour revendiquer le rôle d’Othello : qui d’autre que moi peut jouer Othello avec autant de réalisme. Paradoxalement, il veut incarner un Noir au théâtre pour ouvrir une brèche, comme le lui a soufflé Victor, le Haïtien, pour changer de peau… pour devenir aussi blanc que les blancs, pour échapper à la malédiction d’être né fils d’esclave.
Oubliant que l’art de l’acteur n’est pas d’être mais de paraître, de créer, que dans la tradition théâtrale les acteurs pouvaient avoir des masques, que les hommes ont longtemps joué des rôles féminins ou inversement, à l’époque de Chocolat, avec Sarah Bernhardt jouant Hamlet… Mais surtout que, si l‘époque pouvait faire une gloire à un Noir qui jouait les faire-valoir, à qui on bottait les fesses tous les soirs, qui faisait des grimaces et roulait de gros yeux, elle n’était pas prête à voir un Noir, incarner un personnage, même noir, du répertoire, quel que soit son talent d’acteur.

Le film ne fait pas seulement le portrait dénonciateur d’une société, d’une époque. Il montre aussi que Rafaël – Kananga - Chocolat est un homme complexe qui a une histoire avant, pendant et après la gloire : Rafaël, fils d’esclave ayant vu son père humilié à Cuba, Kananga, cannibale de cirque, aimé d’une jeune écuyère qu’il oublie dès qu’il arrive à Paris et qui, devenu le grand Chocolat, découvre la vie facile, les femmes, l’alcool et même le laudanum, et le luxe, tout ce que l’argent gagné peut lui procurer. Mais aussi, qui aime les enfants et est aimé d’eux. Qui aime, est aimé par celle qui l’aide à réaliser son rêve et le soutien contre amis et famille. Qui finit par se révolter contre son maître, celui qui lui a tout appris, celui qui ne l’abandonnera pas, celui qui l’aime d’amour ce dont il ne s’apercevra jamais.

Dans le film, certaines scènes semblent se répéter avec un éclairage différent.
Les gendarmes viennent dans le petit cirque : Kananga, sans papier, se cache sous une roulotte et ne voit plus son ami Georges que de pieds à la taille comme l’enfant Rafaël avait vu les gardes et leur fouet dans le champ de canne. Fausse alerte.
Mais quand, la police, vient
contrôler ses papiers devant le Nouveau Cirque. Le maintenant célèbre Chocolat leur demande s’ils viennent pour un autographe dans une image en contre plongée qui montre bien qu’il est, désormais, sûr de lui-même. Un peu trop. Il se retrouve en prison.
C’est l’enfant qui, timidement, touche son visage pour vérifier si sa couleur de peau n’est pas un maquillage pendant que Chocolat signe un autographe d’une écriture incertaine… Geste qu’il reproduit au Grand Cirque auprès d’un clown concurrent pour signifier son authenticité.

Il finit par reconnaître qu’il a été chocolat, qu’il n’a pas réussi à changer de peau, à être ce qu’il ambitionnait d’être mais que son nom était finalement Chocolat, celui d’un grand clown.

CHOCOLAT,  une homme oublié

1 – Chocolat, de Roschdy ZEM, 2016, 110 mn. S'inspire librement du livre Chocolat, clown nègre : l'histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française de Gérard Noiriel, Bayard 2012. Interprètes principaux Omar SY (Rafaël Padilla dit Kananga puis Chocolat), Jammes Thierrée (Georges Footit), Clotilde Hesme (Marie).

2 – Lumière ! l’aventure commence, de Thierry Frémaux, 2017, 90 min. Ce film présente 108 films de 50 secondes sur plus de 1 000 tournés entre 1895 et 1905 par les frères Lumière et leurs opérateurs dans le monde.

NB : article proposé à Agoravox. On trouvera sur ce blog un article plus détaillé sur le même sujet.

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