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8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 11:30

(Des versions de cet article, rédigé début novembre, ont été publiées dans Barricade n°2 de décembre 2012 et dans Agoravox)

 

 

 

La « primaire citoyenne » de 2011, organisée par le Parti socialiste, soulève de nombreuses questions et interroge la notion de citoyenneté. Elle peut-être l'annonce d'un élargissement  de la participation aux élections à de nouveaux citoyens.



En 2007, lors de la primaire organisée pour désigner le candidat ou la candidate à l'élection présidentielle de 2007, le Parti socialiste (PS) avait réservé le droit de participer à ses adhérents tout en ouvrant une adhésion « à prix modéré » qui avait permis un élargissement de « son corps électoral ».
Pour la « primaire citoyenne » de 2011, le PS a décidé d'élargir la participation à tous les citoyens français qui se reconnaissaient dans « les valeurs de gauche » et contribuaient par une somme minime, 1 euro, aux frais engagés dans cette opération. De plus, tous les membres du PS ou du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) ayant plus de 16 ans pouvaient participer dans les mêmes conditions qu'ils aient ou non la nationalité française.



La droite a soulevé toutes les raisons possibles pour discréditer cette opération. Mais la primaire citoyenne étant une opération privée du PS, c'était au PS d'en fixer les modalités dans le respect d'un certain nombre de règles, notamment celles fixées par la Cnil concernant les fichiers électoraux.



Les objections successives avancées par la droite traduisent probablement une certaine nervosité à l'approche de 2012. Deux peuvent donner lieu à une réflexion sur l'extension de la citoyenneté : attribution du droit de vote aux jeunes de 16-18 ans et aux résidents étrangers.

Faire voter les jeunes de 16-18 ans est-il scandaleux ?


L'âge de la majorité électorale baisse progressivement depuis 1815 où il était de 30 ans, passant à 25 ans en 1830, 21 ans en 1848 et 18 ans en 1974. Giscard d'Estaing, en choisissant d'abaisser l'âge de la majorité à 18 ans, a voulu tenir compte de l'évolution de la société. Mais déjà, certains comme le professeur Jean-Jacques Dupeyroux pensaient qu'il était possible de descendre à 16 ans.

 

 

Actuellement, 18 ans est l’âge auquel la très grande majorité des démocraties ont fixé la majorité électorale. Certains veulent qu'il soit abaissé à 16 ans. L'Autriche l'a déjà fait en  2007 et a attribué le droit de vote à toutes les élections aux jeunes à partir de l'âge de 16 ans, faisant d'eux les plus jeunes citoyens de l’Union européenne (UE). En Allemagne, certains Länder, Basse-Saxe et Schleswig-Holstein, appliquent cette règle pour les élections communales depuis 1996 et 1997.

 

 

Cette tendance à baisser l'âge de la majorité électorale est cohérente avec l'extension des droits de ces jeunes : droit pour les jeunes filles de recourir à l’IVG sans autorisation des parents, droit d'ouvrir un compte avec l'autorisation des parents, libération de l'obligation scolaire avec possibilité de travailler, droit d'obtenir la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers, droit d'émancipation, droit de vote au niveau syndical...

 

 

Par ailleurs, si on considère que jeunes seront les plus soumis aux politiques qui vont être mises en place à la suite des élections, il paraît justifié de les faire participer aussi précocement que possible aux décisions.
Cette idée n'est pas nouvelle et a été avancée, en France, par différentes personnalités politiques comme Noël Mamère, Jack Lang, Jean-Luc Roméro ou Roselyne Bachelot. Et même F. Giovannucci en 1999, alors secrétaire national adjoint du RPR chargé de la jeunesse (Libération des 4-5 décembre 1999). Lionel Jospin, coupant la poire en deux, s’est prononcé début 2002 en faveur du droit de vote à dix-sept ans.

 

 

Dans l'optique d'une préparation de l'avenir et dans le cadre d'une élection du candidat socialiste, il ne paraît donc pas incongru que le PS ait décidé d'ouvrir le scrutin aux jeunes ayant la carte du PS ou du MJS, à défaut de listes électorales.

Même s’ils étaient étrangers ?

Si le PS n’avait pas autorisé ses militants étrangers à voter, cela aurait entaché sa crédibilité quant à la promesse de donner le droit de vote aux étrangers pour les élections municipales. Promesse qui date maintenant de plus de 30 ans et dont on peut espérer aujourd'hui qu'elle devienne réalité en cas de victoire de la gauche aux législatives de 2012, après le passage à gauche du Sénat.


 

Faire participer, à la primaire citoyenne, jeunes et étrangers membres du PS ou du MJS est une décision cohérente. En effet, si le candidat du PS avait été désigné par les seuls adhérents, ces jeunes et ces étrangers, membres du PS ou du MJS, auraient participé à la désignation de leur champion sans que personne ne s'en aperçoive et s'en émeuve. En ouvrant le pouvoir de décision à tous les citoyens, il ne pouvait établir une discrimination entre adhérents en fonction de leur nationalité et exclure ceux qui n'avaient pas la nationalité française.



Faire participer jeunes et étrangers membres du PS et du MJS était bien le minimum que pouvait faire le PS. Lors des primaires italiennes qui ont désigné Romano Prodi comme candidat de toute la gauche à la présidence du Conseil, tous les étrangers ont pu participer dans les mêmes conditions que les nationaux. C'est une façon concrète de faire avancer la citoyenneté de résidence.



Sans aller jusque là, le PS, parti proeuropéen et favorable au droit de vote des résidents étrangers, aurait pu, cependant, utiliser les listes électorales complémentaires des citoyens européens étrangers résidant en France. Et les faire participer à cette primaire.



Dans la suite logique des décisions des congrès, de la proposition de loi votée à l'Assemblée nationale en avril 2000, cependant jamais mise à l'ordre du jour du Sénat, François Rebsamen, président du groupe socialiste au Sénat, a annoncé le dépôt de 4 propositions de loi dont une sur le droite de vote.



La primaire citoyenne a été un événement politique, très décrié par la droite qui l'adoptera probablement lors de prochaines élections. Elle a été saluée comme une pratique moderne de la démocratie ce qui mériterait une discussion. N'ont été abordées ici que deux procédures qui ont été critiquées mais qui peuvent être l'annonce d'un élargissement de la participation à de nouveaux citoyens.

 


Carte et quelques données extraites de la note n°13 de l'ACER



Numériser0001

Depuis la signature du traité de Maastricht, seuls les ressortissants de l'Union européenne vivant en France ont le droit de voter aux élections municipales et européennes, ce qui a créé une discrimination entre étrangers en fonction de leur nationalité. Mais de nombreux pays de l'UE (3) ont donné le droit de vote à des ressortissants non communautaires :


14 États ont accordé au minimum le droit de vote communal à tous les résidents étrangers :


Belgique : Droit de vote communal, sans éligibilité, et possibilité de participer aux référendums consultatifs locaux après cinq ans de résidence (2004)
 

 

Bulgarie : Droit de vote communal (2005)
 

 

Danemark : Droit de vote et d'éligibilité aux élections locales (commune et comté) après trois ans de résidence (1981)
 

 

Estonie : Droit de vote communal, sans éligibilité, après cinq ans de résidence (1993)
 

 

Finlande : Droit de vote et d'éligibilité aux élections communales après deux ans de résidence (1996)
 

 

Grèce : Droit de vote communal après 10 ans (2010)
 

 

Hongrie : Droit de vote local, commune, district, région (1994)
 

 

Irlande : Droit de vote (1963) et d'éligibilité (1947) au niveau local pour tous les étrangers et droit de vote aux élections législatives pour les Britanniques (1985)
 

 

Lituanie : Droit de vote et d'éligibilité aux élections locales après cinq ans de résidence (2002)
 

 

Luxembourg : Droit de vote communal après cinq ans de résidence (2003)
 

 

Pays-Bas : Droit de vote et d'éligibilité aux élections communales et participation aux référendums locaux consultatifs après cinq ans de résidence (1985)
 

 

Slovaquie : Droit de vote et d'éligibilité aux élections communales (2002)
 

 

Slovénie : Droit de vote communal après cinq ans de résidence (2002) et éligibilité au Sénat
 

 

Suède : Droit de vote et d'éligibilité aux élections locales (commune et comté) après trois ans de résidence (1975).

 

4 États ont accordé le droit de vote à certains nationaux des pays tiers :


Espagne : Droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales après trois ans de résidence sous réserve de réciprocité :  Bolivie, Cap-Vert, Chili, Colombie, Équateur, Islande, Norvège, Paraguay, Pérou et Nouvelle-Zélande. La durée de résidence est de 5 ans, à l’exception des Norvégiens ,3 ans.
Des traités sont en cours de négociaion avec l’Argentine, le Burkina Faso, la Corée du Sud, Trinité et Tobago, l’Uruguay et le Venezuela
 

 

Portugal : Droit de vote aux conseils de paroisse et aux élections communales sous réserve de réciprocité, après deux ans de résidence pour les nationaux des États de langue portugaise, après trois ans pour les autres. Quatre ou cinq ans pour le droit d'éligibilité : Brésil, Cap Vert, Argentine, Chili, Israël, Norvège, Pérou, Uruguay et Venezuela
 

 

République tchèque : Droit de vote et d'éligibilité sous réserve de réciprocité (2000) mais en 2006 aucun accord n'a été signé.


La France appartient au troisième groupe, les États qui n'ont accordé aucun droit aux nationaux d'États tiers : Allemagne,, Autriche, Chypre, France, Italie, Lettonie, Malte, Pologne, Roumanie.

 

Comme, en France, le Conseil constitutionnel a statué que pour donner le droit de vote aux élections européennes, il n'était pas nécessaire de modifier la Constitution, une loi simple pourrait ouvrir le droit de vote aux élections européennes en France à tous les étrangers. Le PS quand il était aux affaires, n'a pas utilisé cette possibilité qui n'avait pas besoin de l'accord du Sénat.

 

Le Royaume-Uni, cas particulier, accorde le droit de vote et d'éligibilité à toutes les élections pour les nationaux des 52 États membres du Commonwealth (CW) et d'Irlande (1983) dans les mêmes conditions que les nationaux britanniques.
Inutile de souligner la différence de statut des ressortissants du CW au Royaume-Uni avec celui des ressortissants des pays autrefois sous administration française. Ces citoyens du CW qui peuvent en pas avoir la nationalité britannique votent donc aux élections européennes. Sans modifications des traités.

 

1 – Pour aller plus loin sur le droit de vote à 16 ans :

http://www.laprospective.fr/dyn/francais/cercle.../imp2010damon.pdf
http://www.droitsdesjeunes.gouv.fr/cgi-bin/rechercheNEW.cgi?code=16+ans&image2.x=0&image2.y=0


2 – Pour tout savoir sur le droit de vote des résidents étragers, voir sur intenet :

 

Lettre de la citoyenneté

 

et


ANDRÈS Hervé : Le droit de vote des étrangers. Etat des lieux et fondements théoriques
Thèse pour le Doctorat de sciences juridiques et politiques
Spécialité de philosophie politique
Université Paris 7 Denis Diderot
Formation Doctorales en Sciences Sociales (UFR 047)
École Doctorale 382 - EESC - Économie, Espaces, Sociétés, Civilisations :
Pensée critique, politique et pratiques sociales
Année universitaire 2006-2007


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