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10 juin 2011 5 10 /06 /juin /2011 07:13

  (publié dans à Agoravox le 09/06/11)

 

L'affaire DSK a fait oublier un moment le cours de l'histoire... qui continue malgré tout. Et offre un boulevard inquiétant à Marine Le Pen.

 

Les sondages plaçant Marine Le Pen en deuxième ou troisième position pour la prochaine présidentielle, étaient alarmistes, ils sont aujourd'hui un peu oubliés.

 

En 2002, Jean-Marie Le Pen éliminait Lionel Jospin. Averti par ce précédent du risque qu'il courrait, Nicolas Sarkozy a adopté son programme et siphonné ses voix. Le Pen a ainsi été éliminé en 2007.

Dans les sondages en vue de 2012, Marine Le Pen « ne fait que » retrouver le niveau de son père en 2002. Ce qui ne traduit pas une progression mais montre que la continuité familiale et politique est assurée. Et Sarkozy menacé par une extrême droite qu'il croyait avoir neutralisée.

 

L'étape suivante pour Marine Le Pen est de faire progresser le FN. Les circonstances s'y prêtent : affaires sexo-financières (Bettencourt, Woerth, DSK, Tron...), promesses non tenues (« travailler plus pour gagner plus », « le président du pouvoir d'achat »...), tergiversations du PS pour savoir s'il faut défendre les pauvres ou les classes moyennes..., sentiment d'abandon des couches populaires…

 

Face à cela, Marine Le Pen apparaît comme une forte personnalité, avec une légitimité familiale, à la tête d'un parti qui n'a jamais été au pouvoir, dont les analyses sur l'immigration, la sécurité, le sentiment national(iste), sont légitimées par la droite et reprises quelquefois au delà. Mais, à chaque fois, avec un temps de retard qui fait apparaître le FN comme le parti qui dévoile la vérité.

 

Par ailleurs, si Marine est l'héritière de Jean-Marie, le discours a changé. Et il ne suffira pas pour la discréditer de répéter, bêtement, que le FN est toujours le FN, avec Marine comme avec Jean-Marie. Déjà, face à Jean-Marie Le Pen, la riposte a été inappropriée. L'indignation devant ses propos n'a pas porté ses fruits. Elle a plutôt contribué à expliciter et populariser ce que Jean-Marie Le Pen ne faisait que suggérer.

 

Aujourd'hui, il faut entendre ce qu'il y a de nouveau dans son discours. Ne pas le nier. Ne pas se contenter de dire que cela ne change rien à la nature profonde du FN. Même si c'est possible. Mais on est passé d'un discours de nostalgique de Pétain, de l'Algérie française à une parole nouvelle qui parle de l'avenir qui préoccupe tout le monde. Et qui s'adresse aux Français d'aujourd'hui. La difficulté pour Marine Le Pen est, en voulant séduire de nouvelles couches sociales, en voulant être présentable, de ne pas perdre une partie de l'héritage paternel qui avait réussi à conserver ensemble des extrêmes droites très diverses.

 

Nicolas Sarkozy ne s'est pas trompé sur cette nouvelle orientation. Il recommande à sa « droite populaire» de laisser Guéant s'occuper de l'immigration, ce qu'il fait quotidiennement au prix de certaines approximations mais à la satisfaction de sa clientèle. Il demande à cette droite de le renforcer sur son point faible. Les couches défavorisées qu'il avait su séduire et qu'il a perdues, au moins partiellement.

"Lâchez un peu les questions d'immigration et d'insécurité. Claude Guéant s'en charge très bien. Recentrez-vous sur le social"... (ce) qui est loin d'avoir heurté les premiers intéressés, qui rappellent à l'envi qu'ils sont de droite, "mais aussi populaires" (lepoint.fr 0I/06/11).

 

En effet, Marine Le Pen oriente son discours vers les Français défavorisés. Quand le père défendait l'ultralibéralisme et la baisse des impôts, la retraite par capitalisation, la fille veut un État fort, défend la fonction publique (salaires, emplois, fonctions), la retraite à 60 ans... (cf. L'économie politique n°50). C'est à Marine Le Pen qu'il va falloir répondre, pas à son père.

 

Comme dans toute l'Europe, droite et extrême droite vont faire de la surenchère sur les thèmes classiques du rejet de l'immigration et du repliement national. La laïcité qui était hier une valeur de gauche pour l'émancipation de tous contre l'emprise catholique, est reprise par la droite et l'extrême droite pour en faire une arme de stigmatisation des musulmans. Les revendications sociales qui faisaient l'unité de tous les travailleurs contre ceux qui les exploitaient, deviennent un facteur de division des travailleurs et un moyen de séduction des travailleurs français contre les travailleurs immigrés, couche la plus défavorisée de la population.

 

Face à ce discours qui conduit à opposer les peuples les uns aux autres et, à l'intérieur, les travailleurs entre eux, la gauche saura-t-elle avancer des propositions fortes, cohérentes, crédibles, rassembleuses, pour redevenir ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être ? Et ainsi, nous éviter le pire ?

 

A défaut, s'ouvrira, pour Marine Le Pen, une large avenue qui risque de déboucher sur un sombre avenir.

 



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