La bataille pour ou contre le droit au « mariage pour tous » fait rage. Un premier article, montrait les changements importants de comportement dans la population française.
Cette question peut aussi être appréciée en regardant l’évolution des pratiques au sommet du monde politique dont, depuis longtemps, « la vie privée est une affaire publique ».
Il y a quelques dizaines d'années, quand on supputait les chances pour un homme politique de devenir président de la République, les non mariés étaient pratiquement exclus des pronostics. Quant à imaginer une femme présidente... C'était sous la IV° République, les présidents inauguraient les chrysanthèmes et n'étaient pas élus au suffrage universel mais par le Congrès.
Les choses ont bien changé. La société est devenue beaucoup plus tolérante aux mœurs des présidents et des candidats et le rôle des femmes de présidents, non codifié par la Constitution, varient suivant les couples présidentiels.
Elle est loin l'époque où, Madame Yvonne de Gaulle, épouse effacée du général-président, veillait à ce que l'on tienne à l'écart de l’Élysée les personnes divorcées ou coupables d'adultère.
Le couple présidentiel Pompidou a continué dans la dignité gaullienne. Mais Madame Claude Pompidou s'est faite ambassadrice de la Haute-couture française, ce qui lui a valu des critiques et quelques surnoms (Madame de Pompidour, Marie-Antoinette, Reine Claude). Par ailleurs, elle a créé et présidé pendant plus de 30 ans la Fondation Claude Pompidou, d'aide aux personnes âgées, aux malades hospitalisés et aux enfants handicapés.
« Tante Yvonne » n'a pu interdire l’Élysée à Giscard d'Estaingqui l'avait contrainte à le quitter et qui avait un comportement moins orthodoxe que ses prédécesseurs, si on en croit les rumeurs : la plus célèbre est celle du « laitier ».
Madame Anne-Aymone Giscard d'Estaing a eu une activité de bienfaisance en organisant, chaque année, une prestigieuse soirée au château de Versailles, au profit de la Fondation pour l'enfance, qu'elle a créée. Elle a été la première à assurer un certain rôle politique en accompagnant ou remplaçant le président. Elle a même servi d'interprète lors d'un discours présidentiel devant le couple royal espagnol et présenté ses vœux aux Français, à la télévision.
Avec le couple François et Danielle Mitterrand, les choses prennent une nouvelle dimension. Au delà des multiples histoires et rumeurs qui accompagnent sa longue vie politique, il est bien connu que François Mitterrand aimait les femmes, comme on dit. Mais en plus, avant d'être président et pendant son double septennat, il a mené une double vie et a eu une fille « adultérine », longtemps cachées et révélées publiquement a la fin du second septennat !
Dans ce couple, Madame Danielle Mitterrand n'est pas seulement l'épouse de... Son engagement politique, au sens fort du terme, commence dans la Résistance alors qu'elle n'avait que 17 ans. C'est d'ailleurs dans cette activité qu'elle fait la connaissance du futur président. Activité politique qu'elle a continué sa vie durant, avant, pendant et après le passage de son mari à l’Élysée.
Elle n'a pas, comme celles qui l'ont précédée, créé une fondation de bienfaisance mais, très ancrée à gauche, la Fondation France-Libertés Danielle Mitterrand, en 1986, qu'elle a présidée jusqu'à sa mort et qui s'intéressait à de multiples questions politiques. Pas toujours en accord avec la politique de la présidence dont elle a su se servir, son activité a fait grincer pas mal de dents aussi bien au niveau de la politique intérieure que de la politique extérieure : soutien de Fidel Castro, des zapatistes mexicains, du peuple tibétain, des sahraouis, des kurdes, des indiens d'Amérique latine, lutte contre l'apartheid...
Par ailleurs, si l'un a navigué entre deux foyers et de multiples ports secondaires, l'autre a vécu avec son amant au domicile conjugal.
Finalement, un couple moderne ? Ou bourgeois traditionnel ? L'enterrement de François Mitterrand, où est apparue une forme de famille recomposée, ne peut cependant être classé dans cette catégorie.
Avec Jacques Chirac, retour vers un comportement plus traditionnel : de multiples aventures quelquefois dangereuses quand Jacques Chirac envisage un divorce pour épouser une journaliste du Figaro. Ce sont les pressions de Marie-France Garaud et de Pierre Juillet – conseillers gaullistes, tendance Tante Yvonne ? - qui l'ont convaincu que les Français ne voudraient jamais élire un divorcé à la présidence de la République. Peut-être une juste appréciation de l'état de l'opinion publique en 1976 mais Jacques Chirac n'a été candidat et élu qu'en 1994.
Entre-temps, bien des hommes politiques de premier plan ont divorcé sans problème mais sans avoir réussi à se présenter à l’élection présidentielle comme Michel Rocard ou Alain Juppé. Malédiction de Tante Yvonne ?
Madame Bernadette Chirac, qui ne cache pas ses sentiments concernant les aventures galantes de son mari, a quelquefois cru devoir mettre le pied dans la fourmilière peut-être pour d'autres raisons que la simple bataille pour l'influence politique.
Quand son mari devient maire de Paris, elle commence à s'occuper d'œuvres de bienfaisance et autres associations. Mais c'est par l'opération pièces jaunes au profit des enfants hospitalisés qu'elle est plus connue.
Au point de vue politique, elle a un mandat local, conseillère générale de la Corrèze et adjointe au maire de Sarran. Elle est surtout connue par ses avis quelquefois en contradiction avec ceux des conseillers politiques de son mari (opposée à l'appel de Cochin en 1978 et à la dissolution en de l'Assemblée nationale en 1997) et par son rôle dans la campagne de 2002 pour la réélection de Jacques Chirac. Et après, nomination de Jean-Pierre Raffarin comme Premier ministre, soutien à Nicolas Sarkozy...
Finalement, à travers ces couple présidentiels, on peut ne voir que des relations très classiques de la société bourgeoise française avec cependant un rôle progressivement plus important des épouses en politique.
Le grand bouleversement est apporté par les candidats à l'élection présidentielle de 2007. Au second tour s'affrontent deux candidats connaissant des malheurs conjugaux sans que la chance puisse sourire aux deux...
Pour la première fois, une femme – une femme ! – mère de quatre enfants, vivant en concubinage - une concubine ! – et en voie de séparation ! Et un « seconde génération », père de trois enfants de deux mariages, divorcé et remarié avec une femme qui se flatte de n'avoir pas une goutte des sang français dans les veines. A la suite du divorce tumultueux de sa deuxième épouse, il contracte un nouveau mariage avec une Italienne, ancien modèle, chanteuse et polyandre et a un enfant en cours de mandat (1). Ce qui n'empêche pas un activisme parallèle à son activisme politique.
Divorcé avant son élection, re-divorce, remariage avec une femme de nationalité étrangère et naissance d'un enfant en cours de mandat : cinq premières pour un seul mandat présidentiel de cinq ans ! Belle performance !
En tant qu'épouse du président de la République, la carrière de Madame Cécilia Sarkozy a été brève. Elle a dit son peu d'intérêt pour cette situation et a, dés août 2007, snobé une rencontre avec le président Bush grâce à une angine fort opportune. Quoi qu'il en soit, elle a eu un certain rôle en recommandant des conseillers à son mari... Son action la plus connue est sa participation à la phase finale de libération du médecin et des infirmières bulgares retenues en Libye.
Madame Carla Bruni-Sarkozy qui lui a succédé par son mariage, en février 2008, a eu plus de temps pour prendre sa place. Elle continue sa carrière de chanteuse et, en juillet 2008, sort son troisième album, Comme si de rien n'était, le premier en tant qu'épouse dont les gains sont reversés à la Fondation de France.
Elle assiste son époux ou le représente dans un certain nombre de rencontres et devient ambassadrice pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Elle crée la Fondation Carla-Bruni Sarkozy pour l'accès à la culture et à la connaissance pour tous... participe ou soutient également diverses actions ponctuelles...
Dans une carrière classique d'épouse de président, elle est la première à continuer s à exercer sa profession.
François Hollande et Ségolène Royal ont eu quatre enfants en union libre, leur séparation a été rendue officielle au second tour des élections législatives de 2008. François Hollande officialise en 2010 sa relation avec la journaliste Valérie Trierweiler, sa compagne depuis le milieu des années 2000. Avec l'élection de François Hollande, elle devient la compagne du 24° président de la République. Les médias américains l'ont baptisée la « first girlfriend » à l'occasion du premier voyage présidentiel en mai 2012 aux États-Unis. Titre trois fois mérité si on tient compte de son statut civil, de sa place et de l'Histoire.
Ses débuts sur la scène publique sont entachés par l'affaire du tweet envoyé au candidat aux élections législatives qui affronte son ancienne rivale et qui témoigne d'une confusion entre vie publique et vie privée.
Mais l’essentiel n'est pas là : Madame Valérie Trierweiler est une journaliste politique qui ne veut pas se cantonner aux seules fonctions de représentation et souhaite garder son activité professionnelle pour que ses enfants ne vivent pas sur le budget de l’État. Ce qui est très moderne dans la volonté de ne pas être la compagne de... , de conserver une activité et des revenus indépendants mais difficilement compatible quand il s'agit de journalisme politique. La question serait bien différente si elle exerçait une profession prêtant moins à l'accusation de conflit d'intérêt (chanteuse par exemple ?), que certaines femmes de ministre n'ont cependant pas évité.
Après une période de tâtonnement, Madame Valérie Trierweiler a renoncé au journalisme politique et déclare vouloir opter pour le modèle Danielle Mitterrand. Ayant renoncé à des documentaires humanitaires télévisés, elle songe à lancer une fondation pour la cause des enfants des rues...
Pour le moment, elle visite la crèche de l’Élysée, joue le rôle d'ambassadrice de la fondation Danielle Mitterrand... et a accepté de remettre au président une lettre signée d'opposants à Notre-Dame-des-Landes...
A travers les secrets d’alcôve et de polichinelle des successifs présidents de la V° République, apparaît une importante évolution de la société française concernant notamment la famille. Mais cette évolution n'a pas atteint son terme.
Quand on parle de montée de l'homophobie, il faut prendre conscience des acquis. L'homosexualité est aujourd'hui banalisée, demain le mariage homosexuel sera légalisé.
Pour revenir aux considération de politique institutionnelle et donc aux élections et aux comportements électoraux, Bertrand Delanoë a dévoilé son homosexualité lors d'une interview télévisée en novembre 1998, bien avant les élections municipales de 2001 qui lui permettront d'être élu maire de Paris et réélu en mars 2008.
Cette évolution n'est pas propre à la France. Aujourd'hui, 8 pays européens (dont 6 membres de l'Union européenne) reconnaissent le mariage homosexuel : les Pays-Bas (depuis 2001), la Belgique (2003), l'Espagne (2005), la Suède (2009, avec une disposition obligeant l’Église à trouver un pasteur pour célébrer les mariages religieux), la Norvège (2009), le Portugal (2010), l'Islande (2010) et le Danemark (2012). Dans ces États, les couples gays et lesbiens qui se marient ont les mêmes droits que les couples hétérosexuels. En ce qui concerne l'adoption, neuf pays européens l'admettent, sous une forme ou une autre (adoption de l'enfant du conjoint, adoption internationale), pour les couples homosexuels : l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Islande, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.
Dans la très catholique Italiequi ne reconnaît pas l'union civile entre homosexuels, lors de la primaire que vient d'organiser la gauche pour désigner son candidat à la présidence du conseil en cas de victoire aux prochaines élections législatives, Nichi Vendola, homosexuel, catholique était candidat et son compagnon Ed Testa a mis sur internet une intervention (en italien) pour le soutenir.
Le mouvement perpétuel existe, il serait temps que la droite en prenne conscience. Elle a manqué le Pacs. Elle manque le mariage homosexuel. Non par ignorance, non par conviction mais pour, droite décomplexée, s'aligner sur la fraction la plus réactionnaire de la société française.
1 – Son origine et celle de ses épouses ne l'empêcheront pas de mener la politique la plus défavorables aux immigrés de la V° République.